Loi Duplomb :
pourquoi parle-t-on si peu
de l’extension des élevages intensifs ?
La pétition contre l’adoption du texte est en passe d’atteindre les deux millions de signatures. (En ligne de mire des citoyens, la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide très controversé. Mais pourquoi parle-t-on si peu du reste des mesures, en particulier de l’augmentation des seuils dans les élevages ? On vous répond.
Publié le« Pourquoi ne parle-t-on pas aussi dans l’actualité du problème de l’autorisation d’extension des élevages intensifs dans la loi Duplomb ? En Bretagne, notre littoral et toute sa biodiversité fragile meurent sous des tonnes d’algues vertes ! Cela nuit au tourisme, et coûte une fortune aux communes en ramassage… » réagit Marion, une lectrice de Douarnenez (Finistère). Ouest-France vous répond.
Si l’attention médiatique se focalise sur la réintroduction par décret de l’acétamipride dans l’agriculture, c’est que les néonicotinoïdes, auxquels il appartient, sont interdits en France depuis 2018. Un recul qui fait réagir : la substance est connue pour paralyser le système nerveux des insectes, notamment des pollinisateurs. S’ajoute une inquiétude renforcée des effets sur le développement du cerveau humain, et un lien potentiel avec certains cancers. Une position incarnée par Fleur Breteau, fondatrice du collectif Cancer Colère, qui a marqué l’Assemblée nationale par ses mots le 8 juillet (date de l’adoption du texte) : « Vous êtes les alliés du cancer et nous le ferons savoir ! »
« C’est une lutte qui a plus de vingt ans, appuie François Veillerette, lobbyiste pour la défense de l’environnement et porte-parole du collectif Générations Futures. Le relèvement des seuils d’élevage n’est pas moins important, il parle simplement à moins de monde. Les néonicotinoïdes, ça parle à la fois au producteur de betteraves du nord et à celui de noisettes dans le Sud. »
Les élevages en question
Comme le souligne notre lectrice, l’article 3 de la loi Duplomb a pu en paraître éclipsé. En plus de permettre la simplification des démarches de création et d’agrandissement d’élevages intensifs, il relève les seuils d’effectifs à partir desquels ceux-ci doivent faire l’objet de contrôles d’impact environnemental. Par exemple, celui des élevages de porcs à engraisser sera relevé de 2 000 à 3 000 animaux d’ici fin 2026. Une mesure qui concerne en grande proportion les terres bretonnes, qui réunissaient 56,1 % des élevages porcins en France, en 2023, selon l’Agreste.
Un volet du texte qui dérange ceux qui connaissent le rapport entre cette concentration extrême et la prolifération, parfois meurtrière, des algues vertes sur les côtes de la région. Seulement, « quand on parle de néonicotinoïdes ou de pesticides, on évoque un produit toxique, alors que pour l’augmentation des seuils d’élevage, l’articulation avec les algues vertes n’est pas encore automatique », décrypte Inès Léraud, journaliste à l’origine du média d’enquête breton indépendant Splann ! .
D’autant plus que les mesures prises par l’État semblent se contredire. «
L’État lance son troisième Plan de lutte contre les algues vertes, dans
la foulée il donne des extensions aux porcheries et voilà la loi
Duplomb : je ne comprends plus rien, là ! » s’indigne
Dominique Stéphan, conseiller municipal délégué à l’environnement de la
mairie de Kerlaz. Les élus locaux ont été prompts à voter pour l’adoption du texte. Paradoxe : la baie de Douarnenez connaît des échouages record d’algues vertes cette année, comme le souligne l’enquête de Pierre Fontanier.
Ce n’est pas la seule contradiction à laquelle on peut penser. « Beaucoup d’actualités vont dans le sens de la mise en évidence du lien entre la concentration animale et les pollutions qui en découlent », explique Inès Léraud en citant aussi le cas Jean-René Auffray. Décédé en 2016 sur un échouage d’algues vertes alors qu’il était allé courir, sa famille a gagné en juin 2025 le procès intenté contre l’État. Une victoire en demi-teinte puisque « la loi Duplomb va dans le sens inverse de ce jugement. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire