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mardi 22 juillet 2025

Face à la tuberculose, ils créent une VAD, pour « vaches à défendre » - Face à l’épidémie de dermatose bovine, l’abattage systématique déchire le monde paysan

 

Face à la tuberculose, 

ils créent une VAD

pour « vaches à défendre »

 

26 juin 2025

Le 5 juin 2025, à Eyzerac, en Dordogne. L'éleveur Serge Deschamps et ses soutiens contestent la demande d'abattage total de son troupeau de vaches limousines dans le cadre de la lutte contre la tuberculose bovine.

 Côté pile, il y a l’État, qui gère avec fermeté les suspicions de tuberculose bovine. Côté face, des éleveurs dégoûtés qu’on fasse abattre tout leur troupeau. En Dordogne, une « VAD », pour vaches à défendre, s’est même montée.

Eyzerac (Dordogne), correspondance

« Ce sont les drones au-dessus de la maison qui m’ont réveillé. On aurait cru à une opération antiterroriste. » Serge Deschamps est encore abasourdi par la journée du 5 juin. Ce jour-là, les services vétérinaires comptaient saisir ses derniers bovins. Nichée dans un vallon du Périgord vert, son exploitation étendue sur 22 hectares a été décrétée foyer de tuberculose bovine au printemps 2024. Depuis, l’administration requiert l’abattage total de son cheptel, mais l’éleveur refuse de laisser partir des bêtes qui ne seraient pas infectées. Un cas symbolique d’un affrontement entre deux mondes qui peinent à trouver un terrain d’entente.

La problématique de « la tub » a souvent été cantonnée à la sphère agricole. Pour la première fois, en Dordogne, des citoyens se sont emparés du sujet en se mobilisant autour du cas Deschamps. Lorsque les services vétérinaires et les gendarmes ont débarqué chez lui, ce matin du 5 juin, une quinzaine de résistants étaient présents : voilà quinze jours qu’ils tenaient, nuit et jour, un campement provisoire qu’ils ont appelé la VAD — pour « vaches à défendre ».

Les drones et le passage des hélicoptères a traumatisé ses bêtes, assure l’éleveur. © Alban Dejong / Reporterre

 « C’était une zad, mais pour les vaches », résume Véronique Cluzaud, maraîchère dans le coin et membre très active du collectif de soutien, composé de « défenseurs du monde vivant » de tous les âges.

« Les agriculteurs sont totalement dépossédés des décisions »

Ils et elles sont restés sur place pour épauler Serge Deschamps — la petite troupe est partie le jour de l’intervention des services vétérinaires. Munis de pancartes type « Ce n’est pas la tuberculose qui tue, c’est leur protocole », ils souhaitaient dénoncer ce qu’ils appellent « les drames des abattages totaux ». Même si les cas sont rares, la maladie est transmissible à l’humain et les services sanitaires cherchent à empêcher sa propagation en appliquant une gestion sévère des cas.

« C’est très dur émotionnellement d’aider une personne en détresse qui voit partir toute une vie d’élevage. Les agriculteurs sont totalement dépossédés des décisions », s’indigne Véronique Cluzaud.

La présence de la VAD a « compliqué l’opération » du 5 juin, selon un communiqué de la préfecture, qui n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations. Seulement 13 bêtes ont été embarquées par les agents, 14 sont restées chez l’éleveur.

Véronique Cluzaud montre des photos prises lors de l’intervention des services vétérinaires, épaulés par la gendarmerie. © Alban Dejong / Reporterre

Ce sont les dernières que possède Serge Deschamps et il espère bien leur éviter le même sort. En moins d’un an, au total, 33 de ses vaches ont été tuées dans le cadre des protocoles de lutte contre la tuberculose bovine. Parmi elles, seulement 3 étaient effectivement infectées par la bactérie. L’éleveur et ses soutiens dénoncent des « abattages pour rien ».

Pour savoir si les animaux sont infectés — sachant qu’ils ne présentent généralement pas de symptômes — il faut procéder à un test allergique : on inocule la bactérie puis on mesure l’épaississement de la peau pour voir s’il y a une réaction. Quand doutes il y a, il faut procéder à un abattage diagnostic. « Les animaux ne peuvent être considérés tuberculeux que post-mortem », explique l’agriculteur, qui trouve cela absurde : pour vérifier si les bovins sont bien malades, il faut les tuer.

La Dordogne l’un des territoires les plus touchés par la maladie

Une fois que les services de l’État ont décelé la bactérie chez deux bêtes, en mars 2024, ils ont déclaré le cheptel infecté et réclamé une première fois son abattage total. Serge Deschamps est tout de même parvenu à négocier un abattage partiel. Quelques mois plus tard, dix-huit de ses vaches, veaux et broutards ont été tués. Examinées post-mortem, seule l’une d’entre elles présentait des lésions. Estimant tout de même une « persistance de la tuberculose bovine dans ce cheptel », les services de l’État ont demandé de nouveau un abattage total — ce pourquoi ils se sont déplacés le 5 juin.

Avec la Côte-d’Or et les Pyrénées-Atlantiques, la Dordogne l’un des territoires les plus touchés par la maladie en France : lors de la dernière campagne de prophylaxie, douze foyers ont été détectés. Elle circule « depuis aussi longtemps que les vieux s’en souviennent », commente François Soulard, le porte-parole local de la Confédération paysanne.

La propriété de l’éleveur se trouve au cœur d’une zone boisée, semi-ouverte, en contact rapproché avec la faune sauvage. © Alban Dejong / Reporterre

Dans les années 1950, environ 25 % des élevages et plus de 10 % des bovins étaient effectivement infectés. Aujourd’hui, la France est considérée comme « indemne » car moins de 0,1 % de ses élevages bovins sont infectés. Dans le cas contraire, elle ne pourrait plus exporter dans l’Union européenne.

Des moyens de dépistage peu fiables

« Le sujet est tabou dans notre milieu », estime Véronique Cluzaud, qui souhaiterait davantage d’implication des syndicats professionnels agricoles dans ce dossier. S’ils sont réticents à prendre position, tous semblent au moins s’accorder sur le fait que les moyens de dépistage actuels manquent de fiabilité et mettent en grande difficulté les agriculteurs. Une erreur de diagnostic de tuberculose bovine a d’ailleurs conduit un agriculteur à subir un préjudice évalué à 236 000 euros, comme le racontait Reporterre il y a deux mois.

« On voudrait que les moyens soient mis dans de la recherche scientifique. Pourquoi certains départements l’ont et d’autres pas ? Est-ce que c’est un problème de génétique ? De mode d’élevage ? » s’interroge François Soulard, de la Confédération paysanne. La détresse des agriculteurs suscite, au sein du syndicat, toutes sortes d’hypothèses : l’État n’agirait-il pas ainsi pour des raisons économiques ?

Le tarif d’achat des carcasses après abattage en lien avec la tuberculose bovine et le montant de l’indemnisation versée aux éleveurs font particulièrement débat. À titre d’exemple, il a été proposé 56 971 euros à Serge Deschamps pour sa quarantaine de têtes avec des prix débutant à 1,50 euro le kilo. La somme globale comprend une compensation de l’État, qu’il n’est même pas certain de toucher puisqu’il s’est opposé au protocole d’abattage. Le quinquagénaire bénéficie d’une pension d’invalidité liée à une autre activité sur laquelle s’appuyer. « Pourquoi les autres se taisent ? Ils prennent ce qu’on leur donne et paient leur emprunt parce qu’ils n’ont pas le choix », se désole François Soulard, qui craint que ces protocoles « dissuadent des vocations ».

Véronique Cluzaud, maraîchère en Dordogne et membre très active du collectif de soutien. © Alban Dejong / Reporterre

Autre règle, valable pour tous : la somme de l’indemnisation baisse si un agriculteur ne s’engage pas à remonter un troupeau dans la foulée. Des conditions financières qui mettent les chefs d’exploitation « sous pression », comme le dénonce Amandine Béchade, éleveuse en Dordogne avec son frère Nicolas. Leur cheptel a été abattu le 19 juin, alors qu’ils réclamaient un nouveau diagnostic depuis six mois. D’après la grille de cotation, ils devraient toucher entre 3 et 5 euros par kilo, bien en dessous de ce qu’ils auraient perçu lors d’une vente classique. « Quand la tub vous tombe dessus, vous comprenez que vous êtes condamné autant que vos vaches. On a appris la nouvelle en larmes. Ce sera très dur de repartir, on va se laisser le temps », dit-elle à Reporterre.

Réduction des risques

Depuis 2010, l’abattage sélectif peut être accordé sur dérogation. Les Groupements de défense sanitaire (GDS), composés d’éleveuses et d’éleveurs, se sont battus pour obtenir cette avancée. « Certains préfèrent le total pour partir sur des bases saines rapidement. Pour être déqualifié foyer tuberculeux, il faut trois prophylaxies consécutives négatives. Pendant ce temps-là, les transactions commerciales sont bouleversées. À vouloir absolument sauver son cheptel, il ne faut pas non plus que cela devienne un suicide économique », insiste Jérémy Nadaud, vice-président du GDS de Dordogne, lui-même éleveur de limousines touché en 2018 et 2020.

Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), la maladie, très contagieuse, « se transmet d’abord et avant tout de bovin infecté à bovin sain ». Les sangliers, blaireaux et cervidés peuvent aussi la contracter et « contaminer à leur tour les élevages ». Puisque la bactérie peut survivre plusieurs mois dans l’environnement et « qu’on ne va pas éradiquer toute la faune sauvage, ni tous les bovins », comme le dit Jérémy Nadaud, les GDS préconisent de travailler sur la réduction des risques.

« Concrètement, on incite à ce qu’il n’y ait plus de pâtures en fil à fil pour éviter le contact bovin-bovin. Côté faune sauvage, on s’intéresse aux zones d’abreuvement où la persistance de la mycobactérie est plus importante », poursuit celui qui estime que « l’effort doit être collectif ». L’État a également essayé d’autres mesures telles que la vaccination des blaireaux.

Après une nouvelle négociation avec la préfecture, Serge Deschamps avait jusqu’au jeudi 26 juin pour refaire tester ses quatorze derniers bovins. Les services vétérinaires doivent passer d’ici peu. Le Périgourdin craint de perdre définitivement l’héritage laissé par ses parents agriculteurs. Avant-dernier de la fratrie, il avait 2 ans lorsque son père est mort écrasé sous un tracteur. Sa mère a élevé ses sept garçons et ses vaches seule. « Mes frères ont pris leur envol et moi, je suis resté ancré ici. La ferme, c’était mon parcours de vie, une évidence », dit le paysan qui chérit ses terres, autant que ses bêtes.

Source : https://reporterre.net/Face-a-la-tuberculose-ils-creent-une-VAD-pour-vaches-a-defendre?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=nl_quotidienne

 

🐄 
Ça s'est passé ce week-end  (12, 13 juillet)

Près de 300 personnes se sont réunies hier dans une exploitation bovine à Cessens, en Savoie, pour empêcher l'abattage d'un troupeau entier de vaches, après que deux cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) ont été détectés. Parmi eux, de nombreux éleveurs et éleveuses sont venus soutenir leur collègue Jean-Pierre Duchêne, qui refuse l'abattage de ses 121 vaches en bonne santé. La Confédération paysanne et la Coopération rurale ont apporté leur soutien à l'éleveur, arguant que cet abattage total est un non-sens, car l'épidémie est déjà hors de contrôle, « sauf à faire disparaitre tous les bovins des Savoie », écrit la Confédération paysanne dans un communiqué de presse. 
 
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Face à l’épidémie 

de dermatose bovine, 

l’abattage systématique 

déchire le monde paysan

  17 juillet 2025
 
Des vaches laitières de race montbéliarde. 24 foyers de dermatose nodulaire contagieuse ont été identifiés dans des troupeaux de bovins français.
 

C’est la première fois que la dermatose nodulaire contagieuse, une maladie grave qui touche les bovins, est diagnostiquée en France. L’abattage total des troupeaux divise les éleveurs.

Ils sont des dizaines, paysans et riverains, à se mobiliser tous les matins pour soutenir Pierre-Jean Duchêne, 28 ans, éleveur de 123 montbéliardes. Ce groupe coordonné par les antennes locales des syndicats agricoles Coordination rurale et la Confédération paysanne se réunit depuis le 8 juillet pour empêcher l’abattage de ce troupeau sur la commune d’Entrelacs, en Savoie. Le Gaec Duchêne fait en effet partie des 24 foyers de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) comptabilisés par les services vétérinaires [1]. Depuis mercredi 16 juillet, un élevage à Rumilly, en Haute-Savoie, bénéficie d’une mobilisation similaire.

C’est la première fois que cette maladie grave et contagieuse qui touche les bovins est diagnostiquée en France. Non transmissible à l’humain, elle est classée A au niveau européen : un seul cas justifie un « dépeuplement total », comprenez l’abattage de tout le troupeau. Une mesure qui divise le monde agricole : faut-il obligatoirement en passer par là pour enrayer l’épidémie ? Ne peut-on pas confiner les animaux le temps de la période d’incubation, pour ne tuer que ceux qui sont malades ?

Pour les soutiens de Pierre-Jean Duchêne, il est absurde d’euthanasier autant de vaches en bonne santé alors que seules deux vaches touchées — qui ont été euthanasiées — ont été détectées dans le troupeau d’Entrelacs. Les autres étaient confinées depuis le 30 juin. « Il y a des ventilateurs dans l’étable pour éviter les mouches [car la maladie se propage par le sang via des insectes piqueurs] et ils ont mis de l’insecticide, ils ont pris des précautions », témoigne Pierre Maison, paysan retraité de Haute-Savoie syndiqué à la Confédération paysanne.

Fort taux de mortalité

La maladie ayant une phase d’incubation pouvant aller jusqu’à trente jours, les défenseurs de ce troupeau estiment que si aucun autre bovin n’a déclaré de symptômes le 28 juillet, l’abattage des bovins ne sera plus justifié. « Le troupeau devrait alors être considéré comme sain et les services vétérinaires pourraient le valider », estime Philippe Calloud, porte-parole de la Confédération paysanne de Savoie.

Les effets de la dermatose nodulaire contagieuse sont dévastateurs. « Dans les Balkans [où une épidémie a duré quatre ans à la fin des années 2010 avant d’être stoppée par la vaccination], le taux de mortalité est monté jusqu’à 40 % », indique Stéphanie Philizot, vétérinaire et présidente de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires.

Dans le premier élevage touché en France, 50 à 90 % des animaux ont développé des symptômes, et la moitié d’entre eux ont été « extrêmement malades », rapporte la vétérinaire. La maladie commence par de très fortes fièvres, puis des nodules internes et externes se développent et deviennent purulents. « La DNC est terriblement douloureuse. Les animaux sont en grande souffrance. Ils ne peuvent plus manger ni boire », décrit Stéphanie Philizot.

C’est son caractère très contagieux et sa gravité qui ont justifié le classement de la DNC en maladie de catégorie A par l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) et par l’Union européenne. « Ce classement a été mûrement réfléchi lors de négociations internationales, en raison du taux de mortalité et parce que les animaux survivants deviennent des non-valeurs économiques, qui restent maigres, ne se reproduisent et ne produisent plus, explique Stéphanie Philizot. L’idée [de la gestion par dépeuplement] est de ne pas laisser l’épidémie s’étendre et s’incruster en supprimant les sources de virus. Ceci, pour éviter de se retrouver dans la situation de la Turquie qui a laissé courir la maladie avec des pertes permanentes et conséquentes, de l’ordre de 10 % du cheptel. »

Cent-quarante-trois bovins ont déjà été abattus en Savoie, selon un communiqué de la préfecture daté du jeudi 10 juillet.

Des éleveurs en difficulté

Mais « compte tenu de la durée d’incubation, quand on abat le premier foyer, la maladie est déjà partie plus loin ! », s’exclame Pierre Maison, peu convaincu. Pour preuve, la Confédération paysanne considère dans un communiqué qu’« avec un nouveau cas confirmé et une suspicion à Faverges [Haute-Savoie], à 54 km du premier foyer, l’épidémie est hors de contrôle. Si certains pensaient que l’euthanasie totale pouvait stopper l’épidémie, cela prouve que la progression est impossible à arrêter, sauf à faire disparaître tous les bovins des Savoies ».

« Si on abat mon troupeau, c’est le travail de sélection génétique depuis quatre générations qui part en fumée, plaide Pierre-Jean Duchêne. Il n’y aura plus de lait dans le tank, plus de rentrée d’argent. J’ai emprunté 600 000 euros sur quinze ans. Pour payer les traites et la salariée, c’est 10 000 euros par mois qui sortent, sans compter les charges fixes. » Une indemnisation est prévue, mais il n’est pas certain de son montant, et ne sait pas si elle prendra en compte les longs mois sans produire. « Ce serait pour racheter le troupeau, mais je ne trouverai jamais suffisamment de vaches, et il faudrait recommencer la sélection. »

« Un travail de 4 générations qui part en fumée »

Des conséquences dont la chambre d’agriculture Savoie Mont-Blanc dit avoir conscience. Notamment, « les éleveurs doivent retrouver des vaches de qualité dont les races correspondent aux cahiers des charges IGP raclette de Savoie et AOP reblochon : montbéliardes et abondances », explique Cédric Laboret, président de la chambre interdépartementale d’agriculture Savoie Mont-Blanc et éleveur de vaches laitières à La Motte-en-Bauges (Savoie).

Pour les accompagner dans leurs démarches et les soutenir en cas de difficultés financières, la chambre et la Mutualité sociale agricole (MSA) ont renforcé leur réseau Réagir [2]. « Dès qu’un cas est annoncé chez un éleveur, un agriculteur du réseau se rend chez lui pour le soutenir », indique le président de la chambre. Qui attend lui aussi avec impatience des précisions sur les modalités d’indemnisation. « À notre avis, la prise en charge des pertes d’exploitation devrait être de minimum un an, car les éleveurs concernés auront des pertes sur deux ans », explique-t-il.

Pourtant, Cédric Laboret défend l’abattage préventif. « Je comprends le désarroi de Pierre-Jean Duchêne. Je suis allé le voir et j’ai appelé la préfecture pour demander de nouvelles prises de sang sur cet élevage, précise-t-il. L’abattage ne sera jamais simple. Mais jusqu’à présent, que ce soit pour la fièvre aphteuse, la brucellose, la tuberculose, on a observé que les autres solutions — confinement, tests, abattage partiel — ne permettaient pas de sortir de la maladie. »

Même position chez Stéphanie Philizot. « Nous sommes très touchés par ces cas individuels. J’ai des appels de collègues en larmes après les abattages. C’est l’horreur pour tout le monde », raconte-t-elle. Pour autant, elle juge déraisonnable la proposition de plutôt confiner et de tester les animaux : « Le virus n’est pas détectable immédiatement : une prise de sang peut être négative, positive cinq jours plus tard. Il faudrait faire des prises de sang à toutes les vaches tous les jours, ce qui est matériellement impossible. »

Des règles pensées pour l’export ?

Mais pour la Confédération paysanne, cette règle de l’abattage total « n’est faite que pour que la France garde le statut indemne de la maladie et puisse continuer à exporter. Le commerce prime sur les aspects sanitaires », proteste Pierre Maison. La présence de la maladie pèse déjà sur les échanges. Autour de chaque foyer, une zone de restriction de 50 kilomètres interdit déjà tout mouvement d’animaux. « Cela correspond à 2 156 élevages et 225 000 bovins », précise Cédric Laboret. Le commerce des broutards — les veaux à l’herbe — est déjà affecté, avec des prix à la baisse, des exportations ralenties vers l’Italie et stoppées vers le Maroc.

La mise en place d’un plan de vaccination obligatoire dans les zones réglementées, dès la semaine prochaine, pourrait offrir une sortie de crise. Il met tout le monde d’accord. « La profession n’a pas du tout hésité compte tenu des enjeux sanitaires autour de cette maladie », rapporte Cédric Laboret. Pierre-Jean Duchêne espère que cela sauvera son élevage. « Dans une douzaine de jours, on sera au terme de la période d’incubation et la zone pourrait être vaccinée. » Alors si aucun nouveau cas n’a été déclaré dans son troupeau, qui sait, ses vaches pourraient peut-être éviter l’euthanasie.

 

Notes

[1Chiffres du 15 juillet.

[2Tout agriculteur peut contacter le réseau Réagir en cas de besoin de soutien par téléphone au 06 50 19 15 60 ou par mail à reagirdessavoie@smb.chambagri.fr

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🚨 Ça s'est passé ce week-end (19, 20 juillet)
 
Il résistait depuis dix jours à l'abattage de son troupeau. L'éleveur Pierre-Jean Duchêne, en Haute-Savoie, a été contraint ce week-end d'accepter l'abattage de ses 90 vaches après qu'un nouveau cas de dermatose nodulaire a été détecté samedi. Déçu et attristé, l'éleveur a annoncé lever le blocage de sa ferme et accepter l'euthanasie. Et ce, alors qu'une vaste campagne de vaccination contre cette maladie est lancée dans l'est de la France, dans un rayon de 50 km autour des foyers détectés.

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