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samedi 24 septembre 2022

Ralentir ou périr, l’économie de la décroissance


Ralentir ou périr, 

l’économie de la décroissance

 


 


Deux ans après notre première interview sur la décroissance, Timothée Parrique revient avec son premier livre  Ralentir ou périr. L’économie de la décroissance. Deux années pendant lesquelles l’idée a fait du chemin, non sans embûches.

« Ralentir ou périr », pourquoi ce titre ?

Si les rapports du GIEC avaient des titres, celui de 2022 aurait très bien pu s’appeler Ralentir ou périr. Les chiffres sont cauchemardesques et le consensus scientifique inébranlable. Ce que nous avons essayé de faire jusqu’à aujourd’hui n’a pas suffi ; il va falloir faire autre chose – et vite. J’espère que ce titre servira d’électrochoc pour réveiller un débat public qui n’a pas encore saisi l’ampleur du défi qui nous attend.

Si on entend beaucoup parler de décroissance, il est rare qu’elle soit définie correctement. Peut-être pourrions-nous commencer par cela : qu’est-ce que la décroissance ?

La décroissance, c’est beaucoup de choses à la fois : une stratégie de transition, une mosaïque de pratiques, un courant de pensée, une théorie critique, et un domaine d’étude. En tant que phénomène concret, c’est une « réduction de la production et de la consommation pour alléger l’empreinte écologique planifiée démocratiquement dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être ».

Crédit : Hans Lucas via AFP

On peut donc déjà faire la différence entre une économie en décroissance (un phénomène macroéconomique : l’abaissement des niveaux de production et de consommation) et une économie de la décroissance (les valeurs et principes – autonomie, sollicitude, suffisance, sobriété, anticapitalisme, convivialité, etc. – associés à la décroissance comme paradigme). Dans la littérature spécialisée, la décroissance, c’est ces deux choses à la fois : un mouvement concret visant à ralentir l’économie et une transformation institutionnelle ayant pour objectif d’accompagner ce mouvement.

Décroissance jusqu’où ? Pour tout le monde ?

La décroissance est un réajustement de la taille de l’économie en fonction de la capacité de charge des écosystèmes. On regarde à quel point on a dépassé les limites planétaires, et on réajuste à la baisse jusqu’à ce que le métabolisme biophysique de notre économie atteigne une taille qui soit soutenable. La « théorie du donut » de Kate Raworth donne une bonne représentation visuelle de ce retour à l’équilibre : il faut ramener tout ce qui dépasse en rouge dans la zone verte. On pourra sûrement atténuer une partie de ces pressions environnementales en développant de meilleures techniques de production, mais on n’arrivera pas à faire tenir l’économie dans sa taille actuelle (et encore moins une économie en croissance) dans la zone verte, « l’espace sûr et juste pour l’humanité ».

Ce régime biophysique ne s’applique pas partout pareil. Il faut le planifier dans un esprit de justice sociale et dans le souci du bien-être, c’est-à-dire en prenant en compte les inégalités. Les stratégies de décroissance ciblent essentiellement les pays déjà riches en situation de dépassement écologique. L’objectif de ce régime est de libérer des ressources pour les pays du Sud qui auront besoin de produire et de consommer davantage dans les décennies à venir. C’était d’ailleurs un argument qui a motivé l’émergence du concept au début des années 2000 : une « décroissance soutenable » des pays à haut revenu pour permettre la prospérité des pays du Sud, aujourd’hui mise à mal par le « mode de vie impérial » des pays du Nord. C’est la logique de la « contraction et convergence » : décroissance pour les plus privilégiés et croissance pour ceux qui en ont le plus besoin.

Même différenciation à l’échelle d’un pays : contraction pour les hauts revenus et leurs grosses empreintes écologiques, et convergence des ménages les plus modestes vers un mode de vie décent. C’est le défi : comment réduire le volume total de la production et de la consommation tout en s’assurant que ceux qui sont aujourd’hui les plus vulnérables aient une marge de manœuvre en termes d’énergie, de matière, de temps, et d’argent pour pouvoir mieux vivre. 

De la même manière, il va falloir concentrer les efforts d’éco-efficacité. Au lieu d’essayer d’inventer des avions à hydrogène qui ne bénéficieraient qu’aux plus riches, travaillons sur l’empreinte carbone des ménages modestes. Si le résultat final était un mix d’efficacité et de sobriété, le ratio des deux ne serait pas le même pour différentes classes de consommateurs. Les plus riches devront faire l’effort d’une sobriété pure et dure dès aujourd’hui ; les classes moyennes verront leurs empreintes se réduire par un mix de sobriété et d’efficacité ; alors que l’empreinte des plus vulnérables changera principalement du fait d’évolutions qualitatives et structurelles.

 

Ivanova and Wood, 2020.

The unequal distribution of household carbon footprints in Europe

 

Les économistes et politiques utilisent tour à tour d’autres termes que la décroissance, comme a-croissance, post-croissance… y a-t-il des différences fondamentales ?

Commençons par évacuer le concept « d’a-croissance » : presque personne ne l’utilise et il n’a aucune profondeur conceptuelle (c’était simplement un jeu de mot dans les ouvrages de Serge Latouche, qui aimait dire qu’on devrait parler d’a-croissance comme on parle d’athéisme, un refus de la religion de la croissance).

La « post-croissance » est un concept cousin de la décroissance, même s’il est beaucoup moins utilisé dans la littérature scientifique. La « post-croissance » est un terme utile car il permet d’éviter la connotation négative de « décroissance » tout en faisant le lien avec une riche tradition de critique du PIB – c’est l’approche défendue en France par Dominique Méda et Jean Gadrey, et à l’étranger par des chercheurs comme Tim Jackson et Kate Soper.

Rien ne sert d’opposer les deux : la décroissance et la post-croissance font partie du même paradigme (d’où le choix de nommer notre organisation de recherche L’Observatoire de la Post-Croissance et de la Décroissance). Dans l’ouvrage, je définis la « décroissance » comme une transition et la « post-croissance » comme une destination – une « économie stationnaire en harmonie avec la nature où les décisions sont prises ensemble et où les richesses sont équitablement partagées afin de pouvoir prospérer sans croissance ».

Il y a plusieurs points très forts dans ce livre, dont la partie sur le découplage, comparé à une « fake news ». Peux-tu brièvement expliquer ce que c’est, et pourquoi c’est une fake news ?

Le chapitre 2 « L’impossible découplage » sera sûrement mon dernier texte sur le sujet. Trois ans après Decoupling debunked, je n’ai lu aucune preuve satisfaisante qui permette de penser que nous allons pouvoir, dans le temps qui nous est imparti, suffisamment réduire nos pressions environnementales (nos émissions, mais aussi notre empreinte matière, notre usage de l’eau, nos impacts sur l’air, l’eau, les sols, et la biodiversité) tout en continuant à produire plus.

Ceux qui acclament un découplage minuscule dans une poignée de pays riches font semblant de ne pas comprendre. Un seul argument suffit à découdre le discours de la croissance verte dans sa totalité : la transition écologique demande plus qu’une simple décarbonation. Il suffit de feuilleter le dernier rapport du GIEC sur l’absence de découplage entre PIB et empreinte matière, et boom : game over. Et quand bien même il suffirait de décarboner, les taux de découplage observés sont loin de ce qui serait nécessaire pour tenir une trajectoire à 1.5°C.


La croissance verte est une pseudo-théorie bricolée à partie d’hypothèses de modèles maintenant obsolètes et d’observations empiriques plus que discutables (92 % des études sur le découplage ne prennent pas en compte les émissions importées). La paresse intellectuelle de ceux qui la défendent est inégalée, et dans le contexte de la crise actuelle, presque criminelle. Pour ceux qui veulent se faire une idée, regardez ce débat entre Jason Hickel (décroissance) et Sam Faukhaser, ce dernier ayant été choisi comme l’expert le plus compétent pour défendre la croissance verte.

Tu écris que la croissance n’éradique plus la pauvreté, ne réduit plus les inégalités, ne diminue plus le chômage, n’est pas nécessaire pour financer les budgets publics, et a perdu toute corrélation avec la qualité de vie. Cela va totalement à l’encontre que ce que nous entendons de la part de tous les gouvernements successifs en France depuis quelques décennies…

Je pense que la plupart des gens ne comprennent pas vraiment ce qu’est la croissance. Tout le monde la veut mais personne ne sait vraiment ce que c’est. J’ai 15 ans d’économie derrière moi et un doctorat passé à la décortiquer, et le phénomène me paraît encore bien mystérieux. Méfions-nous de ceux qui défendent que la croissance est nécessaire pour ceci ou pour cela ; très souvent, ce ne sont que des choix politiques déguisés en impératifs économiques.

Une astuce pour faire avancer le débat : essayons de reformuler sans utiliser les mots « croissance », « PIB », « richesses », ou « revenus ». Si l’on abandonne le prêt-à-penser de l’économie mainstream, on se rend vite compte que des déclarations du genre « la croissance réduit la pauvreté » ou « la croissance améliore la qualité de vie » ne font pas long feu. Mon hypothèse de travail, c’est qu’en étant plus concret et plus précis, on arrive assez facilement à des résultats surprenants : certains types de croissance aggravent la pauvreté et détruisent des emplois, on peut augmenter les dépenses publiques tout en diminuant le PIB, etc.

Finalement, les barrières à l’action ne seraient pas économiques, mais plutôt politiques, morales et culturelles ?

Il faut se débarrasser de certaines « mythologies économiques », à commencer par cette croyance absurde que le but d’une économie soit d’amasser des points de PIB. C’est pour ça que j’ai choisi la montagne inversée en couverture. Il nous faut aujourd’hui bel et bien déplacer des montagnes, mais il faut le faire dans la bonne direction ! Le chantier de transformation de l’économie est colossal, mais nous l’attrapons à l’envers. On pense l’écologie en fonction des règles de l’économie alors que ça devrait être le contraire : on devrait réimaginer l’économie à partir de l’écologie.

En économie, quand on veut, on peut. L’économie est un peu comme un jeu de Monopoly géant créé de toutes pièces par ses participants (du moins certains d’entre eux). Les discours impossibilistes comme quoi on ne pourrait pas sortir des énergies fossiles parce que cela détruirait des « emplois », créerait de la « dette publique », ou bien ralentirait la « croissance » ne placent pas les limites au bon endroit. Les véritables impossibilités sont physiques et biologiques ; mais tout ce qui concerne les sociétés humaines peut être négocié.  

Dans ton livre, tu parles de transformation de l’économie via des fermetures : fermeture de puits pétroliers, de certaines activités sur les marchés financiers, etc. Même si cela est explicitement écrit dans les rapports de l’AIE et du GIEC, les gouvernements et entreprises font la sourde oreille. Ce n’est pas non plus évoqué dans le dernier rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat. Alors, comment faire pour que cela arrive ?

Répétons-le inlassablement : réduire notre empreinte écologique nationale demandera la fermeture de tout un pan de l’économie. On ne peut pas concilier sobriété et croissance, ou du moins pas pour longtemps. Planifier une transition écologique en maximisant le PIB, c’est comme essayer de freiner en augmentant la vitesse.

Ce message ne va pas plaire à certaines entreprises.

Si j’avais voulu plaire aux entreprises, j’aurais écrit un livre sur la RSE. Il faut être clair : soit on sauve les marges de Total, soit on sauve la planète, mais il va falloir choisir. J’espère que mon livre va déranger – c’est le but. Quelle serait l’utilité d’écrire un livre qui mettrait tout le monde d’accord ? Les concepts de sobriété, d’économie positive, d’économie circulaire, d’économie du bien-être, d’économie du bien commun, sont trop faciles à coopter. La preuve : ils ont été parfaitement assimilés par le capitalisme. La force de la décroissance, c’est sa radicalité ; Total ne pourra jamais « investir dans la décroissance », sauf si l’entreprise décide d’utiliser ses profits accumulés pour payer une dette écologique aux pays du Sud, et se transforme ensuite en Société coopérative d’intérêt collectif pour décider démocratiquement de la meilleure façon d’effectuer sa « redirection écologique » (pour que ça fonctionne, il faudrait sûrement d’ailleurs diviser la multinationale en plusieurs entités plus petites, pouvant alors s’ancrer dans des territoires).

Il y a tout une partie sur l’utilité du travail, qui « n’est pas proportionnelle au salaire ». Peux-tu revenir sur ce point et nous expliquer ce que cela signifie ?

Qui oserait défendre, surtout après la pandémie, qu’un publicitaire ou un trader grassement rémunéré soit plus utile qu’une aide-soignante ou qu’un agriculteur ? L’agriculteur vous nourrit et l’aide-soignante vous soigne, mais que font tous ces managers qui hiérarchisent des entreprises qui pourraient très bien fonctionner sans eux ? Nous avons construit une économie des valeurs d’échange (l’argent) en déconnexion totale avec les valeurs d’usage (la capacité à satisfaire un besoin). Les salaires sont fixés en fonction de la lucrativité de l’activité (du pouvoir de vente), et non pas de l’utilité réelle d’une activité.

Si nous devions changer le système actuel, qui déciderait de l’utilité ? Est-ce qu’un coiffeur ou un comique devrait gagner plus qu’un trader ?

Commençons par démocratiser la fixation des salaires. Imaginons que toutes les entreprises deviennent des coopératives et que chaque employé fixe son propre salaire en délibération « sociocratique », et en respectant des limites légales de salaire minimum et de salaire maximum. Allons plus loin : imaginons que chaque entreprise décide démocratiquement de « quoi produire » et de « comment le produire », avec des coopératives de consommateurs et d’autres parties-prenantes qui participent à la discussion. On déciderait alors de comment utiliser nos budgets écologiques limités tout en privilégiant les biens et services qui sont le plus à même d’améliorer le bien-être.  

Le chapitre 8 sur les controverses et critiques de la décroissance est un vrai punching ball, avec une cinquantaine de personnes citées. Pourquoi le débat est-il si pauvre en France, y compris par des personnalités « de gauche » sur le sujet ?

La grande majorité de la littérature sur la décroissance est en anglais. Beaucoup de ceux qui critiquent la décroissance en France parlent encore des idées des penseurs du début des années 2000. Mais l’idée a beaucoup évolué. La preuve, le premier article scientifique en anglais sur la décroissance a été publié en 2007. Il y en a maintenant plus de 600, la moitié publiée depuis 2019.

Critiquer Serge Latouche sans connaître Jason Hickel, Giorgos Kallis, Iana Nesterova, Dan O’Neill, Tim Jackson, Tuuli Hirvilammi, et Max Koch, ce serait comme critiquer la série des James Bond en s’arrêtant à ceux de Pierce Brosnan.


 

Tu évoques une division entre écosocialistes et décroissants, qui n’a pas lieu d’être. Une « gauche à la gâchette facile qui préfère imaginer des désaccords plutôt que de rechercher des alliances objectives ». Le parallèle avec la gauche et les écologistes en France est plutôt frappant…

Je reste dans les analogies : ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de former une sorte d’Avengers de l’anticapitalisme. Les féministes, les communistes, les écologistes, les anti-mondialistes, les anarchistes, les anti-utilitaristes, les anti-consuméristes, les convivialistes ; tous ceux qui pensent qu’il faut radicalement transformer l’économie aujourd’hui devraient au moins s’allier pour ouvrir une brèche dans le There Is No Alternative du capitalisme. Quel gâchis de voir des écosocialistes s’écharper avec des décroissants sur des détails insignifiants (la preuve, les deux mouvances se sont enfin mis d’accord cette année).

 


Tu rappelles à juste titre que Fréderic Lordon pense que la décroissance n’est pas anticapitaliste. C’est pourtant écrit par tous les auteurs et autrices sur la décroissance depuis des décennies ?

J’ai passé au peigne fin l’intégralité de la littérature sur le sujet, et oui, c’est un fait : la décroissance est bel et bien anticapitaliste, et cela depuis le début. Le capitalisme est un mode d’organisation économique qui ne peut pas produire moins sans s’encriser. Si l’on veut sortir de la croissance, il faudra donc nécessairement sortir du capitalisme et donc réduire l’importance sociale des institutions qui le composent : le salariat, les marchandises et les marchés, la propriété privée des moyens de production, et l’entreprise à but lucratif. La décroissance n’est pas l’économie d’aujourd’hui en slow motion ou en miniature, c’est un chemin de transition vers une économie post-capitaliste où ces pratiques deviendront marginales, remplacées par d’autres institutions (la garantie de l’emploi, le salaire à vie, la gratuité, les réseaux de réciprocité, les communs, les coopératives, etc.).

Il est par ailleurs courant de lire dans la presse que Jean-Marc Jancovici souhaite la décroissance, alors qu’il n’est pas anticapitaliste.

Là encore, certains ont tendance à simplifier à l’excès une idée beaucoup plus complexe qu’il n’y parait. Tous les concepts, politiques, institutions, pratiques discutées dans le domaine d’étude de la décroissance ne consistent pas à produire moins. Il y a aussi des transformations plus subtiles liées aux institutions, la démarchandisation par exemple, la sécurité économique et la garantie sociale, les seuils maximums de richesse, les monnaies alternatives, et le changement d’indicateurs de gouvernance publique. La décroissance est un paradigme holistique dont l’ensemble est supérieur à la somme de ses parties. Il ne suffit pas de récupérer l’eau de pluie pour ses toilettes, d’arrêter de manger de la viande, et de faire du vélo pour mettre l’économie en décroissance. Il faut aussi (et surtout) repenser notre relation au travail, à la propriété, et à la monnaie, imaginer de nouveaux modèles d’entreprise et de financement public, et harmoniser le partage des richesses.  

Avec l’actualité bouillonnante depuis deux ans, il est difficile de faire entendre l’idée de ralentir, de viser autre chose que la croissance. Comment faire pour rendre la décroissance évidente, alors qu’une majorité des éditorialistes et des politiques passent leur temps à la rejeter ?

Les temps changent. Beaucoup de gens même très haut placés dans les entreprises, les associations, les médias, et les administrations me confient qu’ils se retrouvent complètement dans les idées que je décris mais qu’ils n’assument pas encore de parler de « décroissance ». Le combo pandémie-canicule-sécheresse-inflation change la donne et beaucoup commencent à sérieusement considérer l’inévitabilité d’un Plan B. Certains vont continuer de gesticuler haut et fort que la décroissance, c’est la récession/dictature/privation/etc. Comme toujours sans aucune référence à la littérature scientifique, sans chiffres, et toujours dans des tribunes longues comme trois tweets. Mais leur travail sera de plus en plus difficile. Ce n’est jamais facile de changer d’avis, mais mieux vaut tard que jamais.

Explique-nous la dernière phrase du livre : « J’arrête ici. Car c’est l’heure de la sieste ».

J’ai toujours envié les escargots de pouvoir s’arrêter quand ils veulent pour faire la sieste. Le droit à l’assoupissement, la « sieste émancipatrice », capture parfaitement la critique que fait la décroissance au capitalisme. La sieste, c’est un moment où tout s’arrête et où l’on fait l’expérience d’un en dehors de l’économique. Ou l’oublie trop souvent : mais l’économie est un moyen, pas une fin. Certains pays sacrifient la tradition de la sieste ou bien des jours fériés pour augmenter le PIB. C’est le monde à l’envers ; à quoi bon croître si ça ne permet pas de mieux profiter de cette vie qui existe en dehors des marchés et des heures de travail ? Au lieu de poursuivre bêtement des objectifs de croissance, essayons de faire croître la Sieste Intérieure Brut en concentrant nos gains de productivités pour réduire le temps de travail et pour améliorer la qualité de vie.

Une autre raison aussi : on a trop souvent tendance à approcher la transition écologique en considérant toutes les choses que l’on devrait faire en plus, alors que les solutions les plus simples consistent à simplement ralentir. « On arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste », disait le slogan du film L’An 01 (1973). Au lieu de s’agiter frénétiquement dans tous les sens sans prendre le temps d’identifier les racines du problème ; posons-nous pour un grand débat démocratique sur le futur de l’économie.

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Crédit vignette : Manon Cha

 

Source : https://bonpote.com/ralentir-ou-perir-leconomie-de-la-decroissance/

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