Les jardins potagers d’Aubervilliers
sont rasés pour le spa des JO
Conséquence néfaste d’une logique politique court-termiste basée sur la quête du prestige d’une compétition internationale, et de son flux de partenariats financiers, plutôt que d’une vision à long-terme préservant les communs et gardant en tête l’objectif d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
2 septembre 2021 - Laurie Debove
Énorme choc ce matin pour les occupants des jardins d’Aubervilliers, près de Paris. Aux aurores, ils ont été expulsés par la police, après plusieurs mois de lutte contre le bétonnage des jardins ouvriers des Vertus, l’un des rares poumons verts de la Ville. Si l’expulsion était imminente, voir les pelleteuses détruire une partie de ce havre de biodiversité est un crève-cœur pour les jardiniers résistants. Ils appellent à un rassemblement ce soir-même devant la Mairie d’Aubervilliers, bien décidés à tout faire pour sauver ce qui peut encore l’être.
Des légumes pas du bitume
Depuis le 24 mai, les jardins ouvriers des Vertus, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), étaient occupés par des jardiniers et des militants opposés à la construction d’un spa/solarium adossé à la future piscine d’entraînement des Jeux olympiques de 2024. Face à la pression de la société d’aménagement du Grand Paris, ils avaient lancé un appel à l’aide le 15 juillet.
En jeu : la préservation de 17 parcelles potagères (soit 4 000 m2) et pleines de vie, pour les sauver du futur centre aquatique du Fort d’Aubervilliers, l’un des 5 sites d’entraînement destinés aux compétiteurs des Jeux olympiques de 2024, et notamment de son espace de « fitness, spa et solarium minéral » qui va prendre la place des jardins.
Afin d’empêcher le désastre, les jardiniers avaient même missionnés un architecte pour qu’il propose un projet alternatif, plans à l’appui, afin de placer l’extension de la piscine directement sur le toit du parking.
Non seulement ils n’ont jamais eu de retours à cette proposition constructive, mais l’épée de Damoclès qui planait au-dessus de leur tête a fini par trancher : la police et les pelleteuses sont arrivées ce matin pour expulser les jardiniers et raser ces terres fertiles.
Lire aussi : JO Paris 2024 : les Jardins populaires d’Aubervilliers sont menacés d’expulsion
« Le fait que ces jardins sont un lieu à préserver tombe sous le
sens quand on y est. C’est à la fois un îlot de verdure rempli de
biodiversité et de vie, mais aussi un héritage culturel important qui
fait partie de l’Histoire de la Ville. Le raser pour un solarium, c’est
ignoble au possible. La zone va être entièrement rasée, ils vont poser
des barrières de chantier et bétonner ça en vitesse. » témoigne un occupant des Jardins auprès de La Relève et La Peste
Des occupants ont subi des contrôle d’identité et deux ont été placés en garde-à-vue, avant d’être relâchés. Malheureusement certains des oiseaux, hérissons, coléoptères et mille autres petits insectes de ce lieu de vie foisonnant n’auront pas le temps de s’enfuir face aux pelleteuses.
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L’hypocrisie politique
« À la veille du Congrès de l’UICN sur la biodiversité à Marseille… on saccage le vivant à tour de pelleteuses » déplore Extinction Rebellion France.
Le calendrier de l’expulsion est ainsi étonnamment choisi par les autorités et relève d’une certaine hypocrisie entre les beaux discours promus lors de congrès internationaux et les actes sur le territoire francophone. Un constat dénoncé par de nombreux habitants de la Ville et soutiens des Jardins.
« A Aubervilliers, on fait partie des plus menacés par le réchauffement climatique tellement c’est pauvre et bétonné. Donc à un moment, les discours ça ne va plus, ça ne suffit plus. Et là, le gouvernement ne fait qu’entériner son hypocrisie constante depuis le début de son quinquennat. Quand on voit ce qu’il s’est passé au Canada avec le village de Lytton qui a entièrement brûlé, qu’est-ce qu’on attend ? Ici, en France, j’ai déjà dû aller aux urgences deux fois pour déshydratation à cause de la chaleur : une fois pour ma fille dans un bus, et une autre fois pour moi en période de forte chaleur estivale alors que j’étais enceinte. Il y a un enjeu de santé publique majeur, je n’ai pas envie d’attendre de crever à cause du béton. Et je suis d’autant plus en colère car cette semaine je suis allée dans Paris, où malgré le béton il y a des arbres et des squares verdoyants… Paris à côté d’Aubervilliers, c’est vert ! Là, on est en train de créer une société à deux vitesses avec des gens qui s’enrichissent et détruisent de façon éhontée la biodiversité et les communs d’un côté, et de l’autre des pauvres qui ne font que trimer et ne disposent même plus d’espaces verts pour se ressourcer ! » dénonce une maman auprès de La Relève et La Peste
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De fait, les JO ne vont durer que 15 jours, temps d’utilisation de ce solarium, là où des piscines municipales pour apprendre aux enfants à nager ou des investissements dans les écoles et les infrastructures publiques auraient été bien plus utiles aux habitants.
Conséquence néfaste d’une logique politique court-termiste basée sur la quête du prestige d’une compétition internationale, et de son flux de partenariats financiers, plutôt que d’une vision à long-terme préservant les communs et gardant en tête l’objectif d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Objectif indispensable pour la pérennité des conditions de Vie sur Terre telles que nous les connaissons actuellement.
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Le déni de démocratie est ressenti d’autant plus fortement par les défenseurs des jardins qu’un recours contre le permis de construire avait été déposé par le collectif début août et est toujours en train d’être étudié. Les pelleteuses ont donc pris les devants, avant d’obtenir une réponse.
Pour autant, le collectif de Défense des Jardins d’Aubervilliers est bien décidé à ne rien lâcher et va déposer un référé de suspension des travaux. Il appelle à un rassemblement de soutien devant la Mairie ce soir à 18h. Car le combat est loin d’être fini : un projet de station de métro menace de bétonner d’autres parcelles. Malgré les pelleteuses actuelles, c’est donc tout un monde qu’il reste à sauver, aux Jardins d’Aubervilliers.
Plus d’infos ici : http://www.jardinsaubervilliers.fr/
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