Un virus
d’origine scientifreak ?
Vous allez rire, mais nous aussi, Pièces et main d’œuvre, nous avons un comité scientifique. Et comme Emmanuel Macron, Greta Thunberg et tout le monde, nous écoutons les scientifiques – ceux qui savent. Que dit notre comité scientifique ? Eh bien, finalement, il est probable (voire un peu plus que probable) que le virus SARS-Cov2 (dit Covid-19) ait bel et bien été manufacturé dans le laboratoire P4 de Wuhan et qu’il s’en soit échappé. Naturellement, quand notre comité scientifique nous a avisé de ses dernières trouvailles, nous lui avons posé des questions et tâché de vérifier ses soupçons. C’est ce que raconte cette enquête, pas à pas, de façon à ce que vous puissiez à votre tour vérifier nos vérifications et vous faire votre propre opinion. Allez, au boulot.
Début juin, notre comité scientifique - des experts francophones des coronavirus, dont l’esprit critique ne s’est pas dissout dans le gel hydroalcoolique-nous écrit. Une boîte américaine, Codex DNA, le démarche pour lui vendre des clones synthétiques du SARS-CoV2 (le nom scientifique du Covid-19), et des outils pour encoder soi-même un génome artificiel du virus, au prétexte de la recherche. Cliquez ici pour commander. « On vit une époque formidable », soupire notre comité, qui ne gagnera pas la course au vaccin.
Où l’on retrouve les malfaiteurs de la biologie synthétique
Les ingénieurs en biologie de synthèse ont flairéune nouvelle horreur à ajouter à leur catalogue. On se souvient que ces malfaiteurs de l’humanité ont recréé artificiellement les virus de la polio et de la grippe espagnole 1. Combien de clones synthétiques de Covid-19 circulent en ce moment ? Susceptibles de provoquer combien de nouvelles vagues de l’épidémie ?
Voici à n'en pas douter un secteur techno-industriel porteur. « Les fabricants d’ADN disent avoir été submergés de commandes 2. » Parmi les clients pressés de synthétiser le coronavirus, Ralph Baric, chercheur à l’université de médecine de Caroline du Nord. Ralph trafique les virus depuis plus de 30 ans, parfois en collaboration avec l’Institut de virologie de Wuhan. On le retrouvera.
C’est une équipe de l’université de Berne en Suisse qui se vante début mai d’avoir cloné le virus à partir de morceaux d’ADN synthétique fournis par «une entreprise privée». Le génome reconstitué a été intégré à des cellules humaines pour s’y répliquer.
« Cette dernière étape a été effectuée dans un laboratoire de haute sécurité de Mittelhausern dans le canton de Berne, le virus synthétique étant aussi infectieux que le virus naturel 3 », nous informe Le Temps (qui est à la Suisse ce que Le Monde est à la France).
Pas de quoi dissuader les scientifreaks suisses de publier leur recette. Des chercheurs chinois ont aussitôt vertueusement mis en garde contre les « risques élevés de biosécurité » de ces techniques duales (civiles et militaires, voire terroristes)... et contre les risques de fuite accidentelle hors des laboratoires 4. Humour chinois – ou bien savent-ils de quoi ils parlent.
On n’oublie pas que les aliens de la biologie synthétique– ces organismes vivants dont l’ADN est fabriqué ex nihilo par informatique – ont bénéficié de l’active promotion de l’ex-ministre de la Recherche socialiste, la grenobloise Geneviève Fioraso.
« Les techniques offertes par la biologie de synthèse – séquençage rapide, changements dans la lecture du code génétique et capacité à écrire rapidement le code génétique - permettent de faire des stocks de nouveaux germes en quelques heures 5 »,
se réjouit-elle dans son rapport parlementaire de 2012, annonçant des miracles vaccinaux contre les virus de type H5N1 ou H1N1.
Foutaises, selon notre comité scientifique. Les virus émergents dits « à ARN » - coronavirus, nouvelles grippes, Ebola, VIH, dengue, etc – changent constamment et rendent les vaccins inopérants. Parfois même, ceux-ci aggravent la maladie. C’est le cas pour la dengue. Nul vaccin n’a été trouvé contre le sida, en dépit des milliards versés à la recherche. Les laboratoires tel Sanofi captent des sommes faramineuses à l’occasion de la nouvelle pandémie, avec une probabilité infime de trouver un vaccin efficace. Mais, selon Fioraso, « la bioéconomie est déjà une source d’emplois, de croissance (12 % du PIB des États-Unis) et mérite donc que l’on s’y intéresse 6 .» Croyez-en Miss Dollar, comme l’appelaient ses collègues de la start-up Corys fondée par des anciens du Commissariat à l’énergie atomique 7.Tout le monde ne souffre pas de la corona-crise économique.
Où l’on reparle d’un virus modifié en laboratoire
Plus surprenant, notre comité scientifique nous annonce qu’il a changé d’avis quant à l’origine du virus. Celui-ci, pense-t-il désormais, s’est probablement échappé d’un laboratoire. Comme d’autres auparavant, ainsi que nous l’avons détaillé dans un précédent article garanti sans conspirationnisme 8. La preuve, Le Monde a publié les mêmes éléments que nous, le même jour 9, suivi par d’autres journaux. Offrons à ces limiers leur prochain sujet :
le SARS-Cov2 qui aurait fuité aurait été manipulé selon la méthode des « gains de fonction » pour le rendre plus contagieux pour l’homme.
En avril, notre comité scientifique avait jugé cette hypothèse improbable. Il s’en tenait à un virus naturel. D’ailleurs, un article publié le 17 mars par la prestigieuse revue Nature, comme disent les journalistes, était formel : « toutes les caractéristiques notables du SARS-CoV-2 [ont été observées] dans les coronavirus apparentés dans la nature 10.» Le virus n’a pas été fabriqué en laboratoire. Dont acte.
Et voilà qu’en ce début juin nos spécialistes des coronavirus nous parlent de « bricolage moléculaire » et d’un « faisceau de probabilités » pour qu’un virus trafiqué se soit accidentellement échappé d’un laboratoire du Wuhan. Débrouillez-vous avec les explications génétiques, la littérature scientifique, la presse anglo-saxonne, l’assurance des « revues prestigieuses » et des virologues en vue, les multiples mises en garde contre l’infox, comme la page du gouvernement français « Désinfox Coronavirus » et sa liste de médias officiellement approuvés : Le Monde, Libération, l’AFP, 20 Minutes, France Info. De quoi vous décourager un esprit critique.
La science n’est pas exacte. Elle ne dit pas le vrai. Tout au plus, ce qu’elle peut connaître à un moment donné sur un objet particulier. Il faut être aveuglé par le scientisme pour demander aux chercheurs de nous guider en ce monde : des aveugles menant des aveugles.
Le virus est-il naturel ou artificiel ? Que les spécialistes tranchent ce débat de spécialistes. L’analyse politique de l’événement, en revanche, regarde chacun. Nous, cobayes de la recherche, sommes les premiers experts de celle-ci.
Et voilà comment on scrute à nouveau les laboratoires biologiques, alors qu’on pourrait profiter des terrasses déconfinées et faire la queue devant les boutiques de fringues.
Un virus (par)fait pour l’homme
Que dit notre comité scientifique :
« Il y a un scénario probable qui émerge. Le virus de chauve-souris a été collecté dans des grottes du Yunnan. Ce virus étant peu infectieux, les Chinois l’ont modifié pour l’étudier et faire au passage une publication dans Nature. Ils l’ont rendu transmissible à l’homme en trafiquant la spike - la probabilité que la séquence de la spike soit d'origine naturelle est à peu près égale à zéro - et en insérant un site furine très visible et quasi impossible à acquérir naturellement. On voit la main du correcteur et les bricolages moléculaires. Ils ont infecté des animaux pour voir. Un jour, un animal a toussé ou respiré près d’un chercheur, qui a ensuite contaminé les gens près du marché de Wuhan ».
Traduction : le SARS-Cov2 présente des caractéristiques uniques parmi les coronavirus, qui lui donnent une exceptionnelle affinité avec les humains.
Comme s’il avait eu d’emblée la bonne clé pour pénétrer nos cellules, sans période d’adaptation. Une étude qui n’y voit pas malice(ou feint de ne pas y voir malice) le confirme :
« Quand le SARS-Cov2 a été détecté fin 2019, il était déjà pré-adapté à une transmission humaine, à un niveau égal à celui de la fin de l’épidémie de SRAS [NdR : celle de 2003]. Pourtant, aucun précurseur ni aucune branche d’évolution émergente d’un virus SARS-Cov2 moins adapté aux humains n’a été trouvé 11.»
Les chercheurs se divisent entre ceux pour qui cette « affinité particulière » avec l’homme a été acquise par des recombinaisons dans la nature (le pangolin), et ceux qui estiment probable qu’elle ait été introduite en laboratoire. C’est justement le but des « gains de fonction » réalisés sur les virus par la chercheuse Shi Zhengli au labo P4 de Wuhan. Vous savez, « Batwoman », cette chercheuse dont Le Monde tresse les louanges, rappelant sa thèse à Montpellier et son expertise des coronavirus 12.
Pour mémoire, les gains de fonction permettent de transformer des virus peu contagieux, ou contagieux d’animal à humain, en bombe épidémique 13. Shi Zhengli collabore parfois avec son collègue américain Ralph Baric, celui qui fabrique un Covid-19 synthétique. Ces deux-là –parmi d’autres -n’en finissent pas de créer des Frankenvirus. Leurs articles détaillent des coronavirus augmentés en laboratoire, qui rappellent la description de notre comité scientifique.
Pour nous, c’est du chinois, mais retenons l’essentiel : Shi Zhengli a une collection de virus de chauve-souris ; elle les fait muter selon différentes méthodes, dont les « gains de fonction »qui accroissent leur affinité avec les récepteurs humains ; elle expérimente ces virus recombinés sur des cellules humaines et des cellules de singes. Mon tout donne des virus plus dangereux et contagieux - adaptés - pour les bipèdes.
Tout-de-même, pourquoi cette protéine « spike » et ce « site furine » inhabituels ne surprennent-ils pas tous les spécialistes ? L’article de Nature du 17 mars a éliminé l’hypothèse d’un virus trafiqué avec une remarquable assurance. D’après ses auteurs, une manipulation génétique se verrait. Leur ordinateur est formel : si on avait modifié le virus pour le rendre plus contagieux, on n’aurait pas fait comme ça.
Quand on vous dit que le calcul machine - « l’intelligence artificielle » - altère les facultés de raisonnement. Michael Antoniou, généticien moléculaire au King’College de Londres, critique des manipulations génétiques, s’est étranglé en lisant cette blague 14. La modélisation informatique fournit sans doute la recette idéale pour modifier un virus, dit-il, mais le monde réel, biologique et humain, résiste encore aux prévisions algorithmiques.
Il y a différentes façons de modifier un virus,rappelle Antoniou. Par exemple, la sélection dirigée par procédé itératif – une suite de mutations qui accélèrent le cycle de l’évolution. Une manip’ indétectable, selon le spécialiste des vaccins de l’université Flinders en Australie, Nikolai Petrovsky : « Comme les mutations sont acquises de façon aléatoire par sélection, il n’y a aucune signature d’un pilotage humain, mais c’est clairement un virus créé par une intervention humaine 15. » Antoniou a signalé cet oubli à la prestigieuse revue dans un courrier que celle-ci n’a pas jugé digne d’intérêt.
Quant à notre comité scientifique, il confirme : « Les nouvelles techniques de bricolage moléculaire (CRISPR-Cas9, mais pas seulement) ne laissent plus de traces évidentes. »
Sur la piste du mystérieux RaTG13
L’explication scientifique de l’épidémie reprise par les officiels du monde entier repose sur les publications de Shi Zhengli et de l’Institut de virologie de Wuhan. Quelle heureuse coïncidence que la proximité de ce laboratoire spécialisé avec le foyer originel de l’épidémie. Quelle chance pour les premières victimes d’avoir bénéficié de l’expertise des voisins du laboratoire ; eux qui travaillent depuis des années à la prévention de graves pandémies, avec le soutien technologique de la France et des financements américains. Heureux habitants de Wuhan. Quand on songe que la Chine compte 1,3 milliard d’habitants. Et que les chauves-souris soupçonnées de porter le virus vivent à 1500km de là, dans les grottes du Yunnan où Shi et ses collègues ont prélevé leur génome. Shi elle-même s’est étonnée : l’épidémie avait selon elle infiniment plus de probabilités de partir des régions tropicales (Yunnan, Guangxi, Guangdong) que du Hubei. Le hasard est grand, Shi est son oracle.
Le 11 janvier 2020, un laboratoire de Shanghaï publie le génome du nouveau coronavirus. Laboratoire aussitôt fermé par le gouvernement chinois pour « rectification », avant réouverture le lendemain. Passons. Le 3 février, Shi Zhengli et une trentaine de collègues publient dans Nature le papier fondateur du récit officiel 16 : le SARS-Cov2 présente une forte similitude (96,2 %) avec un virus porté par les chauves-souris du Yunnan, nommé RaTG13. La chaîne de contamination se dessine, depuis les chauves-souris et sans doute via un animal intermédiaire facilitant l’adaptation du virus aux hommes – animal consommé sur le marché de Wuhan. Un pangolin, tiens, ça lui apprendra. Même s’il ne s’en vend pas à Wuhan, sait-on ce que trafiquent les braconniers.
Pour l’heure, cet intermédiaire n’a toujours pas été identifié, et le pangolin ne semble plus si coupable. Le gouvernement chinois a reconnu en mai que nul cas de Covid-19 n’avait été détecté parmi les animaux vendus sur le marché de Wuhan 17. On sait en outre que des malades ont contracté le virus sans avoir fréquenté ce marché, bien avant l’alerte officielle.
RaTG13 est donc ce virus de chauve-souris tellement adapté aux hommes. Voyez comme le hasard fait bien les choses. Shi avait isolé cette souche parmi d’autres, dès 2013, dans les échantillons du Yunnan, mais complètement débordée, elle avait oublié de publier son génome. Sans doute désœuvrée en ce mois de janvier 2020, elle le retrouve dans son tiroir et bingo ! c’est le bon. Il y a un dieu pour les virologues. Sept ans d’oubli, dire qu’on aurait pu passer à côté de cette explication scientifiquement irréfutable.
Qu’en pense notre comité scientifique ?
« Le génome du SARS-2 est publié de façon honnête, tout le monde peut l'isoler et le séquencer. Publier une séquence fausse serait démasqué immédiatement.Ce n'est pas le cas pour RaTG13, qui n'est (plus) disponible que pour quelques uns au Wuhan Institute of Virology (et encore, probablement détruit). »
Et d’ailleurs, « les données produites sur RaTG13 sont techniquement impossibles à acquérir comme c’est décrit dans le papier de Shi Zhengli dans Nature 2020. Il est peut-être bidon, le RaTG13. Les auteurs du papier disent qu'ils ont pu le séquencer avec 1341 reads de séquences : c'est impossible. »
Bidon ? C’est ainsi que parlent les scientifiques en-dehors des prestigieuses revues.
Traduction : de plus en plus de chercheurs doutent de l’existence de ce RaTG13, tombé à pic pour expliquer l’épidémie. Exemple, ce récent papier en pré-publication :
« Après étude attentive de cet article (NdR : celui de Shi et alii décrivant les liens entre le virus humain et le RaTG13), l’origine, l’identification et la caractérisation de la souche BatCov RaTG13 apparaissent comme des questions en suspens. Des méthodes expérimentales, la qualité des données et les procédures expérimentales décrites dans cet article sont inquiétantes et justifient une validation complémentaire 18.»
Les auteurs pointent des énormités. Shi Zhengli n’a mentionné ce RaTG13 dans aucun de ses papiers sur les liens entre coronavirus et chauve-souris depuis 2013, alors que cette souche semble particulièrement risquée pour l’homme. « Bizarre », disent-ils. La chercheuse chinoise n’a jamais communiqué les informations usuelles concernant l’identification et l’isolement du RaTG13 (quels tissus ou organes ont été utilisés ? ce virus rend-il les chauves-souris malades ? les échantillons ont-ils été prélevés dans des grottes où ont été trouvés d’autres virus ?). Nul échantillon du virus n’est disponible, et nulle étude n’a été réalisée sur des cellules humaines ou des modèles animaux. Bref, on ne connaît rien de ce RaTG13 à part ce que Shi Zhengli veut bien en dire : un génome écrit dans une base de données. On vous fait grâce des biais de méthodes, des données manquantes, des incohérences dans les dates des expériences. De toutes façons, on n’y connaît rien, et vous non plus.
Conclusion de cet article assassin :
« Les inquiétudes quant à l’histoire et à l’existence de la souche BatCov RaTG13 sont raisonnables et légitimes. [Le papier de Shi Zhengli était] pressé d’établir un lien prématuré entre le coronavirus des chauves-souris et le SARS-Cov2 [...] ce lien était fondé sur une souche potentielle de coronavirus RaTG13 qui n’existe peut-être pas, compte tenu des informations manquantes [...]. Au vu de ces inquiétudes, nous appelons à un retrait de cet article de Nature [...] »
Pour un autre scientifique américain, aussi anonyme que notre comité scientifique - et qui pointe les mêmes incohérences biologiques 19, créer de toutes pièces le séquençage du génome de RaTG13 serait facile, surtout s’il est similaire à 96% à celui de notre Covid-19. Ce mauvais esprit conclut que ce « fake virus » existe dans Nature, mais non dans la nature.
Traquer le complotisme plutôt que la vérité
On t’entend penser, lecteur. C’est énorme, ça se saurait, pourquoi la plupart des scientifiques soutiennent-ils la thèse « naturelle », pourquoi les journalistes n’en parlent-ils pas ? On se pose les mêmes questions. On les pose à notre comité scientifique, qui te répond :
« Il y a deux mois, on nous demande : est-ce que le virus a été créé en laboratoire ? et la main sur le cœur, on dit : noooooooon, c'est très peu probable. C'est tout simplement que 1) ça nous a paru tellement énorme qu'on ne pouvait pas le croire, 2) nous n'avons ni le temps ni l'expertise immédiate pour remonter le fil de toutes les manips, faire toutes les analyses, etc. C'est extrêmement chronophage au moment où on a 10 fois plus de travail urgent que d'habitude. L'immense majorité des chercheurs n'a ni le temps ni les compétences pour regarder cela en détail. Mais quand on prend le temps d'analyser comparativement les séquences de RaTG13 et SARS-CoV2, le doute assaille fortement.Le problème, ajoutent nos interlocuteurs,« c'est qu'il y a en même temps plein de conspirationnistes, de théories stupides ou branquignolesques qui viennent altérer la réalité. »
Il y a de plus en plus de journaux qui reprennent l'affaire. Il sort de plus en plus de pre-prints de chercheurs compétents qui flairent l'arnaque. Pour le moment, ils n'arrivent pas à publier dans des revues avec comité de lecture (qui ne veulent pas de cette bombe). Mais cela ne va certainement pas tarder. Ça commence à craquer de partout. »
Le problème, dirions-nous, c’est que les journalistes préfèrent la chasse aux branquignols à la quête de la vérité. Il est vrai qu’il faudrait absorber des explications biologiques rebutantes et en anglais, réfléchir et faire des liens. La presse anglo-saxonne le fait beaucoup mieux.
La plupart des scientifiques sont eux aussi en croisade contre Donald Trump, chef du complot complotiste international. Si fiers d’éclairer de leurs lumières les populistes à front bas en dénonçant la thèse conspirationniste d’une fuite de labo. Laquelle est même dénoncée sur la page Wikipedia « Désinformation sur la pandémie de Covid-19 ». Par Galilée ! Pourvu que le président américain ne s’extasie pas sur la rotation et la rotondité de la Terre, contraignant ses savants contradicteurs à rejoindre les partisans de la Terre plate.
La passion politique de ces chercheurs leur enlève l’indispensable doute scientifique. Sur l’origine du virus, assurent-ils, « il n’y a aucun doute », « exactement zéro preuve d’un lien avec un laboratoire » - et autres déclarations définitives. L’édito de Nature du 4 juin martèle : « Des chercheurs ont tenté d’identifier des "marques" de manipulation humaine dans le génome du nouveau coronavirus, comme preuve que celui-ci aurait été fabriqué en laboratoire. Ils n’en ont trouvé aucune 20. » En fait, ils n’ont pas trouvé celles que leur ordinateur leur a dit de chercher. Comme l’ivrogne qui cherche ses clés sous le réverbère parce que là, au moins, on y voit clair.
Complaisance et lâcheté scientifiques
La guerre froide sino-américaine est variable. Le laboratoire de Shi Zhengli à Wuhana bénéficié de financements américains depuis 2015,notamment pour ses travaux sur les gains de fonction. Les fonds provenaient notamment des National Institutes of Health 21. Ils ont aussi transité par un organisme à but non lucratif, EcoHealth Alliance, dont le président, Peter Daszak, a co-signé des articles scientifiques avec Shi Zhengli. Ce même Daszak fait partie de ceux qui fustigent les « théories conspirationnistes » sur la fuite de laboratoire. Il assure le 16 avril qu’aucun coronavirus n’est en culture à Wuhan 22. Il est démenti un mois plus tard par le directeur de l’Institut de virologie de Wuhan lui-même, qui reconnaît la présence en ses murs de plusieurs virus vivants 23. Essayez d’aider vos amis.
L’épisode du Covid-19 rappelle ce lieu commun : l’amour du savoir censé animer les scientifiques s’arrête où commencent leurs intérêts personnels. Ceux qui préfèrent qu’on ignore les dangereux gains de fonction sur lesquels ils travaillent, comme ceux qui ont noué de fructueuses collaborations avec la Chine, ont des motifs pour ne pas chercher la vérité à tout prix.
Reprenons l’article du 17 mars de Nature, vous vous souvenez ? Celui qui était si formel. Ses cinq auteurs ont les CV requis pour inspirer le respect de la communauté scientifique :
Edward C. Holmes, virologue britannique à l’université de Sidney, est professeur honoraire à l’université Fudan de Shanghaï et professeur invité au Chinese Center for Desease Control and Prevention (CDC) de Pékin. Sa bonne éducation l’empêche de faire perdre la face à ses hôtes et collègues du CDC de Wuhan.
Mieux : Holmes a co-signé un autre article dans Nature le 26 mars (soumis le 7 février) pour « démontrer » le rôle du pangolin dans la transmission à l’homme, où il remercie pour sa collaboration le professeur Wu-Chun Cao 24. Le Daily Telegraph australien a fait son boulot, lui, et enquêté sur cet honorable contributeur 25 : Wu-Chun Cao est général de l’Armée populaire de libération chinoise, membre du bureau du Wuhan Institute of technology. L’isolement et le séquençage du virus chez le pangolin, sur lesquels repose cette étude, auraient été réalisés dans un laboratoire de l’Armée populaire de libération. Ce qui en dit long sur l’indépendance des recherches menées dans les laboratoires chinois.
Autre auteur du papier du 17 mars, Ian Lipkin, épidémiologiste à l’université de Columbia, est aussi mal placé pour salir l’image de la recherche chinoise. Le consul général de Chine à New York lui a remis une médaille début 2020, à l’occasion du 70e anniversaire de la République populaire de Chine, en remerciement de 20 ans de collaboration. Photo officielle. Consultant pour l’académie des sciences et pour des ministères chinois, il a reçu un prix en 2016 lors d’une cérémonie présidée par Xi Jinping 26. Ça vaut bien un article dans Nature.
L’auteur principal, c’est Kristian Andersen. Biologiste computationnel, directeur d’un labo qui porte son nom au sein du Scripps Institute à la Jolla, en Californie. Un modeste à l’allure cool, qui se met en scène avec son équipe de « héros » et de « génies » pleins de «super pouvoirs 27 ». Son labo collabore avec les deux derniers auteurs du papier de Nature, Andrew Rambaut (université d’Edimbourg) et Robert Garry (université de Tulane, Nouvelle-Orléans, et co-fondateur d’une boîte de biotechnologies, Zalden Labs).
Ces dernières années, et encore en novembre 2019, le Scripps Institute a signé plusieurs accords avec des sociétés pharmaceutiques chinoises - YiSheng BioPharma, également partenaire du Chinese Center for Desease Control and Prevention 28, ou ShangPharma Innovation (apport de 15 M$ pour des projets de recherche) 29 – ainsi que le Shenzhen Bay Laboratory et l’université de Pékin 30. Institut privé dépendant de ces coopérations, le Scripps ne saurait froisser ses partenaires. Voilà pourquoi nul n’a entendu ces chercheurs épris de savoir s’inquiéter des conditions de recherche des scientifiques chinois dissidents qui ne validaient pas la version officielle. Ni de la destruction d’échantillons ordonnée par la commission nationale de santé chinoise 31 ; ni de la modification de bases de données scientifiques chinoises 32 ; ni de la suppression d’un article d’anciens chercheurs de Wuhan rapportant des cas de contamination du personnel par des chauves-souris 33.
Voilà pourquoi Edward C. Holmes n’a pas dénoncé les contrôles sur les publications liées au coronavirus imposés par son université Fudan de Shanghaï à la demande des autorités 34. Pourquoi les auteurs catégoriques de Nature n’ont pas remarqué le refus de la Chine d’accueillir des enquêteurs de l’OMS, des collègues australiens, ou de partager ses informations. Pourquoi ils ont tu la disparition de lanceurs d’alerte, de journalistes et d’avocats chinois : Fang Bin, Chen Qiushi, Li Zehua Zhang Zhan, parmi d’autres. Pas de conspirationnisme.
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Il se peut qu’un jour prochain, Le Monde découvre que les « sauveurs » étaient coupables. Ou bien, que l’on découvre les « partenariats » qui rendent Le Monde si bienveillant à l’égard de Shi Zhengli et du laboratoire P4 de Wuhan, comme on a découvert son partenariat avec la fondation Bill Gates pour Le Monde Afrique. Nous ne le saurons peut-être jamais.
Cependant même la prestigieuse revue Nature commence à se couvrir. Un article du 5 juin concède :
« Le laboratoire (NdR: de Wuhan) possède des coronavirus liés au SARS-CoV2, il est donc possible que l’un se soit échappé, peut-être si un laborantin a été infecté par un échantillon de virus ou un animal, puis l’a transmis à quelqu’un hors du bâtiment. (...) plusieurs scientifiques disent que, bien qu’ils ne croient pas que le virus se soit échappé du laboratoire, les études donnent des résultats limités sur son origine (...). 35 »
Mais il y a déjà de longs articles et des livres sur la corruption des revues scientifiques.
Scientifreak, scientifric, scientiflic : ce que l’épidémie met en évidence, après bien d’autres crises ou événements, c’est le déchaînement de la puissance technocratique.
Les scientifiques, la plus haute couche de la classe technocratique, disposent de tous les moyens que nous leur consentons pour assouvir leur volonté de puissance. Ceux qui acceptent de se soumettre à la rationalité techno-scientifique jusque dans son irrationalité, découvrent un jour que leur soumission à cette volonté de puissance met en danger la survie de l’humanité.
Démasquons les scientifreaks, vidons les laboratoires!
Pièces et main d’œuvre
Grenoble, le 8 juin 2020
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Lire aussi sur www.piecesetmaindoeuvre.com :
• « Leurs virus, nos morts », 22 mars 2020
• « Le virus de la contrainte », 12 avril 2020
• « Le virus à venir et le retour à l’anormal », 26 avril 2020 (textes réunis dans la Pièce détachée n°92)
• « Pourrons-nous survivre à la technologie ? », John von Neumann (1955)
• « Démasquez les physiciens ! Videz les laboratoires ! », André Breton et le Comité de lutte anti-nucléaire (1958)
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1 Cf. Sous le soleil de l’innovation, rien que du nouveau !, Pièces et main d’œuvre (L’Echappée, 2013) ; « Un malfaiteur de l’humanité : Philippe Marlère et les aliens de demain » et le film La révolte des chimpanzés du futur, sur www.piecesetmaindoeuvre.com (2013)
2 https://up-magazine.info/le-vivant/innovations-vertes/35116-des-chercheurs-recreent-un-coronavirus-chinois-synthetique-a-partir-de-son-code-adn/ (17/02/20)
3 https://www.letemps.ch/sciences/coronavirus-clone-chercheurs-bernois
4 « Prudently conduct the engineering and synthesis of the SARS-CoV-2 virus », P. Gao et al., https://doi.org/10.1016/j.synbio.2020.03.002
5 Rapport sur les enjeux de la biologie de synthèse, G. Fioraso, 15/02/12
6 Rapport sur les enjeux de la biologie de synthèse, op. cit.
7 Cf. Sous le soleil de l’innovation, rien que du nouveau!, op. cit.
8 Cf. « Le virus à venir et le retour à l’anormal », Pièces et main d’œuvre, 26/04/20
9 « Dans la jungle des labos de Wuhan », Le Monde, 26-27/04/20
10 Cf. «The proximal origine of SARS-COV2», Nature Medicine, 17/03/20.
11 «SARS-CoV-2 is well adapted for humans. What does this mean for re-emergence?», Shing Hei Zhan, Benjamin E. Deverman, Yujia Alina Chan, 2/05/20, https://doi.org/10.1101/2020.05.01.073262
12 «Dans le jungle des labos de Wuhan», Le Monde, 26-27/04/20
13 Cf. «Le virus à venir et le retour à l’anormal», art. cit.
14https://www.gmwatch.org/en/news/latest-news/19383-where-did-the-covid-19-virus-come-from%C2%A0
15 «The Case Is Building That COVID-19 Had a Lab Origin», Independant Science, 2/06/20, www.independentsciencenews.org/health/the-case-is-building-that-covid-19-had-a-lab-origin/
16 «A pneumonia outbreak associated with a new coronavirus of probable bat origin», Zhou, P. et al., Nature 579, https://doi.org/10.1038/s41586-020-2012-7
17 «China rules out Animal Market and Lab as Coronavirus origin», Wall Street Journal, 26/05/20
18 «Major Concerns on the Identification of Bat Coronavirus Strain RaTG13 and Quality of Related Nature Paper», Xiaoxu S. Lin, Shizhong Chen, 5/06/20, doi:10.20944/preprints202006.0044.v1
19 https://gnews.org/192144/
20 «It is not time for science fiction», Nature Medicine, 4/06/20
21 https://www.dailymail.co.uk/news/article-8211291/U-S-government-gave-3-7million-grant-Wuhan-lab-experimented-coronavirus-source-bats.html
22 www.independentsciencenews.org/health/the-case-is-building-that-covid-19-had-a-lab-origin/
23 AFP, «Wuhan lab had three live bat coronaviruses: Chinese state media», 24/05/20
24 «Identifying SARS-CoV-2 related coronaviruses in Malayan pangolins», https://www.nature.com/articles/s41586-020-2169-0
25 https://www.dailytelegraph.com.au/coronavirus/the-covid-files-australianfunded-coronavirus-paper-used-in-chinese-military-facility/news-story/7241a6b112816f3951495e0fa52ed2aa
26 https://www.publichealth.columbia.edu/public-health-now/news/china-honors-ian-lipkin
27 https://andersen-lab.com/
28 https://www.biospace.com/article/releases/yisheng-biopharma-announces-research-collaboration-with-the-scripps-research-institute-in-developing-new-aids-vaccine-/
29 https://www.scripps.edu/news-and-events/press-room/2017/20170608chempharma.html
30 https://www.scripps.edu/news-and-events/press-room/2019/20191127-szbl-collaboration.html
31 https://thebulletin.org/2020/06/did-the-sars-cov-2-virus-arise-from-a-bat-coronavirus-research-program-in-a-chinese-laboratory-very-possibly/
32 «What is China covering up about the coronavirus?» https://nypost.com/2020/05/06
33 Cf. «Le virus à venir et le retour à l’anormal», Pièces et main d’œuvre, 26/04/20
34 https://edition.cnn.com/2020/04/12/asia/china-coronavirus-research-restrictions-intl-hnk/index.html
35 «The biggest mystery: what it will take to trace the coronavirus source», Nature, 5/06/20
Source : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/un_virus_scientifreak.pdf
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