Dans les Pyrénées,
« la présence de l'ours
et celle des troupeaux
sont compatibles »
Photo Iroz Gaizka. AFP
Les éleveurs peuvent-ils coexister avec un plantigrade ? Depuis la mort par balles d’un animal début juin en Ariège, la question a pris une tournure dramatique. Mais certains agriculteurs affirment qu’il est tout à fait possible d’éviter les attaques de troupeaux.
Cet acte de braconnage rare, qui fait l’objet d’une enquête
de gendarmerie, d’une plainte de l’Etat et de vingt associations
écologistes qui se sont déclarées ce mercredi, témoigne de la complexité
de vivre au côté de l’animal. Et, cependant, tous les éleveurs et
bergers ne sont pas contre sa présence dans les montagnes. Certains
affirment même qu’ils peuvent travailler dans les estives, ces pâturages
en altitude, sans être l’objet de prédations.
Des moyens de protection indispensables
Depuis dix ans, l’éleveur Olivier Maigre et sa femme Elise
Thébault, bergère, travaillent en Béarn. Une zone jamais désertée par
l’ours. Lorsqu’ils montent en estive dans la vallée d’Aspe, le troupeau
de brebis qu’ils surveillent (environ 400 bêtes) est accompagné par au
moins trois personnes et quatre patous, les chiens de dissuasion.
Olivier Maigre sait que l’ours reste une menace pour ses bêtes. Après
les avoir observées toute la journée, il les installe dans un parc fermé
par des clôtures électrifiées durant la nuit. « Les subventions apportées par l’Etat facilitent la mise en place de ces dispositifs »,
souligne l’éleveur. En effet, depuis 2018, si l’on travaille dans un
territoire où la présence de l’ours est avérée, les patous, leur
nourriture, les clôtures et le gardiennage sont pris en charge à 80%.
A lire aussi Ours Cachou : un cadavre et trois suspects
Le couple de bergers Mireille Bonhomme et Marc Peyrusqué,
voisins d’Olivier et Elise, travaillent dans les Pyrénées-Atlantiques
depuis 1985. La moitié de l’année, ils partent avec leurs chèvres et
leurs brebis près de Bedous et d’Etsaut. Ils gardent près
de 1 000 bêtes. « Mon mari est sur l’estive avec deux patous et un
employé. La nuit, il regroupe les animaux près de sa cabane avec les
chiens, mais il ne les parque pas », précise Mireille Bonhomme.
S’ils choisissent de ne pas enfermer les bêtes, c’est parce que le
terrain pentu et caillouteux ne permet pas d’installer de barrières. Et
puis, ils gardent toujours un œil sur elles. « Etre berger, c’est être avec les animaux en permanence dans la montagne. » Il est arrivé que l’ours s’approche des troupeaux mais les patous l’ont repoussé. « On n’a jamais été embêté », affirme la bergère.
Faire baisser le nombre d’attaques
Retraité depuis un an, le berger Christian Balthasar
fonctionnait de la même manière que Catherine Brunet. En 2014, il est
placé sur l’estive du Barestet en Ariège où l’ours causait beaucoup de
dégâts, des brebis étaient fréquemment retrouvées mortes. Le berger
était accompagné de quatre patous pour faire baisser le nombre
d’attaques. « La première année, on est passé de 60 brebis tuées à 12 »,
énumère Christian Balthasar. L’année suivante, il n’en a eu que 5. Lui
aussi pratiquait le regroupement nocturne des brebis dans des parcs
qu’il fermait « le plus tard possible le soir et ouvrait le plus tôt possible le matin ». Le reste du temps, ses patous et lui gardaient un œil sur le troupeau.
« En disant que ces méthodes fonctionnent, je ne cherche pas à nuire aux
éleveurs qui ne la pratiquent pas, je veux seulement prouver que la
présence de l’ours et celle des troupeaux sont compatibles », précise l’ancien berger.
Si pour certains bergers, l’adoption de ces dispositifs est
évidente, il peut exister certaines hésitations à les installer. Il
demeure la réticence à enfermer les bêtes la nuit, par peur qu’elles se
nourrissent moins bien. Le surplus d’organisation administrative est lui
aussi dissuasif, il faut penser aux formations des chiens, gérer les
dossiers de subventions ou encore les contrats et salaires d’un employé
supplémentaire. Pour certains, le problème est surtout financier. Même
si l’Etat finance 80% de leur mise en place, le reste doit être payé par
les éleveurs eux-mêmes.
« Ce n’est pas simple à mettre en place, parfois il va falloir diminuer les troupeaux, et passer de 400 bêtes à 200 », prévient Catherine Brunet. Cette organisation demande beaucoup de temps et de moyens et n’est pas parfaite. « Il
n’existe pas de risque zéro. On assume qu’on peut avoir des pertes, ça
fait partie du métier. On fait tout pour que ça n’arrive pas »,
relativise Olivier Maigre. L’éleveur souligne qu’il est, malgré tout,
beaucoup plus simple de se tourner progressivement vers ces méthodes que
d’attendre le jour où elles deviendront obligatoires, si elles le
deviennent. « Je suis assez optimiste pour l’avenir. Je pense que les
jeunes qui commencent le métier en ayant toujours connu l’ours vont
prendre les choses différemment. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire