Et si le masque que vous portez pour vous protéger du coronavirus était le produit d’un travail forcé ? C’est la question que soulève le quotidien The New York Times dans une enquête
mise en ligne dimanche 19 juillet. Sur la base d’une centaine de vidéos
des autorités chinoises, mais aussi de photographies, de documents
gouvernementaux, ou encore de suivis de cargaisons, le journal révèle
comment Pékin a contraint de nombreux Ouïgours et d’autres membres de
minorités ethniques musulmanes de Chine à rejoindre ses usines de
fabrication d’équipement de protection individuelle (PPE, personal protective equipment), utilisés dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19.
Selon
les chiffres de l’Administration nationale chinoise des produits
médicaux, cités par le journal : avant la crise sanitaire, seules quatre
entreprises du Xinjiang, immense territoire semi-désertique situé dans
le nord-ouest du pays, produisaient des PPE. Au 30 juin, elles étaient
51. Et, « au moins » 17 d’entre elles participent au programme
de rééducation par le travail mis en place par Pékin il y a quelques
années, insiste le New York Times.
Les
Ouïgours constituent l’un des 56 groupes ethniques du pays, dont les
Han sont l’ethnie majoritaire. Ils représentent près de la moitié des
25 millions de personnes vivant dans le Xinjiang. La zone a été le
théâtre de plusieurs attentats meurtriers, attribués par les autorités
chinoises à des séparatistes et des islamistes.
C’est dans ce contexte que Pékin a mis en place, il y a quelques années, un programme de rééducation par le travail.
Officiellement, son objectif est de permettre à la population de la
région de trouver un emploi et de l’éloigner ainsi de toute tentation
extrémiste ou terroriste.
Dans
ce cadre, le gouvernement a facilité le transfert massif de citoyens
ouïgours et d’autres minorités ethniques du Xinjiang vers des usines
situées dans tout le pays. Là, les nouvelles recrues sont astreintes à
l’apprentissage du mandarin et elles déclarent leur allégeance au
drapeau lors de cérémonies hebdomadaires.
Sollicité par le New York Times, le porte-parole de l’ambassade de Chine aux Etats-Unis a expliqué que ce programme aide « les résidents locaux à sortir de la pauvreté grâce à l’emploi et à mener une vie satisfaisante ».
« La loi de l’offre et la demande »
Mais pour les défenseurs des droits de l’humain, derrière le programme loué par Pékin se cache en réalité un « nouvel archipel du goulag ». Les « centres de formation professionnelle » sont, disent-ils, l’instrument d’une politique féroce d’internement, d’endoctrinement et de travail forcé des minorités musulmanes, d’ailleurs régulièrement pointée du doigt par la communauté internationale.
Car
Pékin a déterminé des quotas de travailleurs, et de lourdes pénalités
sont encourues par ceux qui refusent de coopérer, rendant la notion de
volontariat toute relative. Un rapport du centre de réflexion Australian Strategic Policy Institute (ASPI), publié le 1er mars,
dévoilait ainsi que 27 usines ont fait travailler sous la contrainte
des milliers de Ouïgours. Parmi ces usines figuraient des sous-traitants
de 83 grandes marques internationales, comme Apple, Nike, Adidas,
Bosch, ou encore Alstom…
Selon
l’étude, entre 2017 et 2019 plus de 80 000 personnes ont été
transférées hors du Xinjiang pour venir grossir les rangs des ouvriers à
travers la Chine, certaines ayant été préalablement internées dans des
camps de détention.
« Tout est régi par la loi de l’offre et de la demande », résume, de son côté, The New York Times,
qui précise que si la majorité des biens produits dans ces usines sont
destinés au marché domestique, certains se sont toutefois retrouvés aux
Etats-Unis, ou encore au Brésil.
La France n’est pas directement citée dans cette enquête, mais elle a été le récipiendaire de centaines de millions de masques
en provenance de Chine durant la pandémie. Encore au cours de ces
dernières semaines, des cargaisons sont arrivées à Dunkerque, Nantes ou
en Ile-de-France, notamment pour reconstituer les stocks stratégiques
dans le pays.
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