LE FLOP TOTAL
DU PROGRAMME LINKY
La
Cour des comptes a publié jeudi 18 novembre un rapport intitulé
"Contrôle de suite sur le déploiement et l’utilisation des compteurs
Linky" qui confirme l'essentiel des critiques et dénonciations mises en
avant par les opposants à ce programme dès son lancement en décembre
2015 et résumées en mars 2018 par nous même dans les pages débat du
Monde (*)
Hélas,
cette réalité n'a pas pratiquement pas été évoquée ces jours-ci par la
majorité des médias, dans la lignée de la dépêche lénifiante publiée par
l'AFP, complaisamment titrée "Compteurs Linky : le déploiement a coûté
bien moins cher que prévu". La belle affaire : ce programme inutile et
ruineux, payé bien entendu par les factures des usagers, n'aura donc
coûté "que" 4,6 milliards au lieu des 5 attendus, et il faudrait s'en
réjouir ?
De
plus, comme déjà dénoncé par la Cour des comptes dans un premier rapport
en 2018 qui n'a été suivi d'aucun changement de la part de la
Commission de régulation de l'énergie (CRE), le mode de financement du
programme Linky déroge aux règles habituelles et permet ainsi au
distributeur Enedis (filiale d'EDF) de gagner sur le période 2016-2029
près d'1,5 milliards d'euros injustifiés, toujours au détriment des
usagers.
Ce que
l'AFP a aussi oublié de faire, se focalisant seulement (et de façon
partiale) sur la question du coût du programme, c'est de se reporter aux
belles promesses avancées depuis 2015 par Enedis - qui s'appelait
encore ErDF à l'époque - et par l'exécutif, dont la plus emblématique
était la perspective pour les usagers de faire des économies de
consommation et donc aussi financières. Un groupe de 26 députés
macroniens avait même assuré dans une tribune au Monde en mars 2018 que
le Linky « pourrait permettre jusqu’à 23 % d’économies d’énergie », rien
que ça.
Or les
seuls changements apparus au fil des poses des compteurs Linky, et la
presse quotidienne régionale en a attesté et en atteste encore par
d'innombrables articles depuis près de 10 ans, ce sont des usagers
confrontés à de brutales augmentations de factures et/ou obligés de
prendre un abonnement plus élevé (et donc plus cher), leur installation
disjonctant continuellement alors qu'elle fonctionnait très bien avec le
compteur ordinaire.
Il
en est de même des innombrables incendies de compteurs - aux
conséquences parfois dramatiques - dont on trouve aussi l'écho chaque
semaine dans les journaux, et dont un certain nombre sont causés par les
poses mal réalisées par les sous-traitants qu'Enedis a envoyé sur le
terrain. Si la formation des poseurs était très incertaine, en revanche
ils savaient tous comment intimider les usagers en leur affirmant que la
pose du Linky était "obligatoire" et que les rebelles se verraient
couper l'électricité.
On
rappellera aussi que les Linky devaient prétendument faire disparaitre
les fraudes et, d'ailleurs, les opposants étaient soupçonnés refuser les
Linky "pour pouvoir continuer à frauder". Au contraire, l'actualité est
marquée - en septembre dernier par exemple - par des opérations de
police cherchant à débusquer des réseaux qui proposent aux habitants de
trafiquer leurs Linky pour réduire les factures. Quant il ne s'agit pas
de perquisitions carrément chez Enedis en juillet du fait de fausses
facturations et corruption dans les services chargés du Linky.
Il
est nécessaire aussi d'évoquer la façon dont ont été traités les
millions de citoyens qui n'ont pas souhaité se voir imposer des
compteurs communicants pour différentes raisons comme par exemple :
-
droits et libertés : refus d'avoir un compteur collectant d'innombrable
données sur la vie privée des usagers et permettant de vous couper
arbitrairement l'électricité à distance
- risques (incendies, ondes)
-
écologie : remplacer à marche forcée 35 millions de compteurs en
parfait état de marche est un véritable crime environnemental. Qui plus
est, une véritable opacité est maintenue par Enedis sur le rythme de
remplacement des Linky dont la durée de vie s'annonce bien plus courte
que celle des modèles ordinaires, ce qui va aussi avoir de lourdes
conséquences environnementales mais aussi financières.
-
social : outre son coût, le programme Linky, présenté de façon éhonté
comme "créateur d'emplois", a au contraire permis de supprimer dans
toute la France les postes de releveurs ;
Croyant
pouvoir simplement exercer leur libre-arbitre, ces citoyens ont été et
sont encore traités comme des individus de 2nde zone, complotistes,
peureux, rétrogrades, fraudeurs, etc.
Finalement,
neuf ans après le lancement du programme Linky, près de 3 millions de
foyers ont réussi à conserver leurs compteurs ordinaires lesquels,
malgré tous les mensonges assénés durant toutes ces années, restent et
resteront toujours parfaitement légaux. De fait, personne ne s'est fait
couper l'électricité - hormis par quelques actes totalement illégaux de
sous-traitants zélés - et la seule contrepartie est une éventuelle
facturation spécifique - et non une amende comme prétendu ici ou là -
d'environ 5 euros par mois qui pourrait voir le jour à partir de la
mi-2025.
Si
elle est réellement mise en place, cette facturation sera totalement
injuste tant c'est le programme Linky qui coûte cher et non le fait de
garder son compteur ordinaire. Mais elle sera toujours moins chère que
les augmentations de factures et d'abonnements qui suivent si souvent la
pose du Linky.
Pour
finir, nous rappellerons que, depuis l'été 2023, des arrêtés
ministériels permettent à Enedis d'empêcher arbitrairement, par le biais
des Linky, le réchauffage de l'eau des cumulus pendant les heures
creuses de la mi-journée.
C'est risible : pour mémoire, le Linky devait
prétendument permettre à l'usager de "maitriser sa consommation", d'en
devenir "l'acteur". Or c'est au contraire le pouvoir central qui prend
la main par les Linky, dépossédant ainsi l'usager de ses prérogatives et
le citoyen de sa dignité.
Il
ne s'agit là que d'une première utilisation des capacités hélas
étendues de ces compteurs espions qui sont désormais en place dans la
grande majorité des logements de France, à la disposition des décisions
que pourront désormais prendre d'éventuels autocrates accédant au
pouvoir. Il est notable que seuls les citoyens ayant fait courageusement
le nécessaire pour garder leurs compteurs ordinaires sont à l'abri de
ces méthodes totalitaires…
Stéphane Lhomme,
Directeur de l'Observatoire du nucléaire
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