« Nous riverains,
victimes collatérales
de la suspension du plan
Ecophyto »
« Nous soutenons les paysans qui veulent vivre dignement mais exigeons la fin des pesticides qui les font mourir ainsi que nos enfants », défendent des associations de victimes des pesticides après la suspension annoncée du plan Ecophyto.
Nous, riverains d’exploitations agro-industrielles, soutenons les paysans qui se sont battus pour changer en profondeur un modèle agricole insoutenable et qui ont subi la pression des forces de l’ordre pour mettre fin à leur résistance, dès que la FNSEA a obtenu ce qu’elle désirait. Plutôt que d’accompagner la transition vers un modèle agroécologique seul à même de répondre aux enjeux climatiques et sanitaires, le gouvernement se plie aux appels de la frange financiarisée et écocide du secteur agricole.
Le constat est sans appel : les marges des petits producteurs ne cessent de s’éroder tandis que les bénéfices du complexe agro-industriel explosent. Aujourd’hui, environ 20% des agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté. A l’inverse, entre les premiers trimestres 2022 et 2023, les profits bruts de l’industrie agro-alimentaire ont plus que doublé, passant de 3,1 milliards d’euros à 7 milliards. Le modèle actuel d’intégration au profit des firmes agrochimiques et agroalimentaires enferme la majorité des agriculteurs dans une logique productiviste mortifère, avec des conséquences terribles sur les plans sanitaire et écologique.
L’agriculture intensive entraîne une dégradation des écosystèmes et a un impact négatif important sur de nombreuses espèces animales et végétales. Cet effondrement du vivant est une menace pour la pérennité du secteur agricole lui-même. Les paysans qui produisent pour le marché local en agriculture biologique reçoivent moins de subventions que les grands céréaliers qui exploitent plusieurs centaines d’hectares en utilisant quantités d’intrants chimiques aux effets mal mesurés, et dont une partie est destinée à l’exportation.
« Nos enfants sont les plus vulnérables »
Nous, riverains, vivants des campagnes, voulons que chaque agriculteur et agricultrice puisse vivre dignement de son travail tout en garantissant la protection de la biodiversité et de la santé de tous. Que nous ne courrions plus le risque, lorsque nous sortons dans nos jardins, que nous buvons notre eau ou que nos enfants partent à l’école, de contaminations chroniques par des pesticides.
Certains d’entre nous sont touchés par les mêmes maladies que celles reconnues comme maladies professionnelles chez les agriculteurs : Parkinson, lymphome, leucémie, myélome, prostate, tumeur cérébrale... Nos enfants sont les plus vulnérables, et nombreux sont touchés par des cancers pédiatriques.
Avant un épandage, nous ne sommes pas prévenus. Si nous sommes absents, nous ne savons pas que le linge, les jeux des enfants, les fruits et légumes qu’on cultive sont touchés. Le centre antipoison nous conseille de tout nettoyer : fruits et légumes, tables et chaises de jardin, jouets… mais peut-on nettoyer l’herbe sur laquelle jouent les petits et les grands, l’arbre sur lequel nos enfants vont grimper ?
Quand nous demandons aux exploitants en agriculture intensive le nom du
produit épandu, ils refusent de nous le communiquer. Il n’y a pas de
transparence. Actuellement, il n’y a pas de règlementation qui nous
protège réellement. Où est le principe de précaution ? 20% de la population française reçoit une eau non conforme, contaminée par des pesticides et leurs métabolites.
« Le modèle agricole peut devenir soutenable »
Le modèle agricole a un impact considérable sur l’environnement et sur la santé, et ceux qui cultivent la terre sont les premiers exposés. Par la multiplication des pratiques vertueuses, agriculture biologique, agriculture paysanne, circuits courts, application du principe de précaution et renforcement du droit à l’environnement, le modèle agricole peut demain devenir soutenable et aligné sur l’intérêt général.
Nous demandons un accompagnement économique et politique à la transition agroécologique à la hauteur des enjeux sanitaires, climatiques et écologiques. Cela passe par un soutien à l’installation et une limitation de l’agrandissement des exploitations, un financement accru de toute la filière d’agriculture biologique, le maintien du moratoire sur les OGM et la mise en œuvre de mesures de réciprocité pour les denrées agricoles importées en Union Européenne, afin que celles-ci respectent les mêmes normes environnementales et sanitaires que celles imposées à nos agriculteurs. Il faut sortir des traités de libre-échange et stopper les négociations en cours.
L’arrêt des négociations autour du futur plan Ecophyto 2030 est une farce puisque celui-ci prévoyait de continuer à ne rien exiger. Mais c’est un signal fort annonçant que la réduction de l’usage des pesticides n’est plus à l’ordre du jour. La remise en question des zones de non-traitement est une décision inacceptable à l’heure où justement, les tribunaux administratifs contestent leur réduction.
Nous exigeons le déblocage de moyens ambitieux pour poursuivre la transition en cours vers une sortie des pesticides de synthèse. Réduire leur utilisation est un impératif de santé publique, un préalable pour assurer la pérennité de notre système agricole et une nécessité pour assurer la protection de la biodiversité, de nos ressources naturelles et de nos modes de vie. Cela ne peut se faire sans mettre les moyens nécessaires. Ce n’est pas aux paysans seuls de porter le poids de la transition écologique vitale pour nous tous.
Seul un changement radical de modèle agricole peut sauver les paysans et les riverains, les sols, l’eau et tout le vivant.
Signataires : Alerte Pesticides Haute Gironde, Avenir santé environnement (Charente-Maritime), Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, Les Jardins d’Entrevennes (Alpes-de-Haute-Provence), Riverains ensemble Durance (Alpes-de-Haute-Provence), Saint Nolff 21 (Morbihan), Stop aux cancers de nos enfants (Loire-Atlantique), Vaurais nature environnement (Tarn)
Photo : CC BY 2.0 Aqua Mechanical.
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