Vote sur les SUV :
Les Parisiens veulent chasser
les grosses voitures
Tracts, slogans anti-SUV... Alors que les Parisiens sont invités à voter le 4 février pour ou contre une taxe sur le stationnement des SUV, un collectif tente de les convaincre de s’opposer à ces voitures ultrapolluantes.
Paris, reportage
Julie, survoltée, distribue ses tracts par dizaines. Bonnet rouge sur la tête, la militante s’est postée à un feu de la Place de la République où affluent les vélos. Un à un, elle les harangue pour leur parler du vote du dimanche 4 février. À cette date, les Parisiens et Parisiennes sont appelés à se prononcer pour ou contre la création d’un tarif qui multiplierait par trois le prix du stationnement des SUV. Ce référendum, convoqué par la Ville de Paris, est une manière de lutter contre la prolifération de ces voitures situées à mi-chemin entre un 4x4 et une berline, et qui se démocratisent partout dans les pays du Nord. Polluants, dangereux en plus d’être encombrants, les SUV ont vu leur effectif multiplié par sept en dix ans.
L’énergie de Julie contraste avec celle des cyclistes qui rentrent du
travail, l’air hagard, mais dont elle parvient tout de même à capter
l’attention. La militante, qui travaille pour la Fondation européenne
pour le climat, est membre du collectif éphémère Ça SUVfit. Un jeu de
mot « douteux », s’amuse son cofondateur Hadrien, qui n’a pas empêché l’initiative de se diffuser rapidement : « En quelques jours, on a réussi à mobiliser près de 150 personnes par WhatsApp pour des tractages, des campagnes d’affichage… »
Sous les platanes de République dévêtus par le froid hivernal, ils sont
une dizaine de militants, répartis par petits groupes, à se démener
afin de mobiliser les Parisiens le 4 février.
Aux sorties de métro comme aux passages piétons, Loukiana et Quentin quadrillent l’emblématique place parisienne en quête d’interlocuteurs. Les deux militants, engoncés dans leur anorak, axent leur argumentaire sur l’écologie — notamment les particules fines et le gaz à effet de serre largement émis par les SUV —, mais aussi la sécurité. Les SUV provoqueraient ainsi « 10 % d’accidents en plus ». À ce sujet, les cyclistes sont les plus réceptifs, car plus souvent victimes : « À vélo, se faire doubler par des véhicules toujours plus volumineux augmente le danger. »
Toujours plus grand, toujours plus polluant
Tout en poursuivant sa distribution, Julie explique que ce vote pourrait mettre « un coup d’arrêt au discours des constructeurs » selon lequel « ce sont les gens qui souhaitent avoir des voitures toujours plus grosses ». Depuis dix ans, nos voitures prennent en effet 1 cm tous les deux ans et 10 kg par an. Et la généralisation des SUV n’y est pas pour rien.
Le directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol, a même appelé les différents États « à prendre des mesures, pour aller vers davantage de réglementations » concernant ces véhicules qui se sont vendus à 40 millions d’exemplaires l’an passé à travers le monde. Ils représentent près de 40 % des ventes de voitures neuves dans l’Hexagone. En Europe, la barre des 50 % a même été dépassée en 2022.
Les voitures grossissent de 1 cm tous les deux ans.
© NnoMan Cadoret/Reporterre
Ces modèles de voitures polluent pourtant 20 % de plus que les autres en raison de leur poids. « Si les SUV étaient un pays individuel, ils se classeraient au sixième rang mondial pour les émissions absolues en 2021, émettant plus de 900 millions de tonnes de CO2 », précisait une note de l’AIE en 2021.
Sur les guidons de vélos stationnés, les militants de Ça SUVfit accrochent des petits cartons aux slogans percutants : « Stop à l’autobésité ». Au milieu des bruits de moteur, ils se réjouissent du nombre de vues (42 000) sur la vidéo anti-SUV de « l’influenceur vélo » Altis Play, sortie quelques jours plus tôt. Un soutien qui s’ajoute à celui de nombreuses organisations écologistes mobilisées contre les véhicules polluants, telles Agir pour l’environnement, Les Amis de la Terre ou encore Respire et sa campagne « Plus c’est gros plus ça passe ».
Si Hadrien juge la proposition de la Ville de Paris d’augmenter le tarif du stationnement des SUV insuffisante, il pense qu’elle reste « un bon premier pas en vue de mesures plus ambitieuses », voire d’une interdiction totale de ces véhicules. Il espère que Paris servira d’exemple et ouvrira la voie : « Selon le score que donnera le vote, cela peut certainement s’étendre à d’autres villes françaises comme européennes. »
61 % des Parisiens favorables
Le vote en faveur de cette mesure semble sur de bons rails : 61 % des Parisiens et Parisiennes interrogées se sont déclarés favorables, selon un sondage OpinionWay réalisé pour Respire. Un chiffre qui grimperait même à 70 % « si la hausse du stationnement pour les SUV est soumise à des conditions »
(que les recettes supplémentaires soient investies dans l’amélioration
de la mobilité à Paris ou que cette augmentation ne concerne que le
stationnement non résidentiel).
À la fin du tractage du collectif, tous les militants s’étonnent d’ailleurs du nombre de personnes réceptives et déjà au courant du vote du 4 février, comme cette retraitée qui s’insurge avec humour : « Si les SUV prennent deux places [de parking], il faut qu’ils payent deux places ! » Beaucoup de passants promettent même d’en parler autour d’eux, car les électeurs des départements adjacents, pourtant amenés à se déplacer régulièrement dans la capitale, ne sont pas conviés au référendum.
Hadrien se réjouit de voir que les habitants sont au courant du vote : « C’est peut-être que notre campagne d’affichage a particulièrement fonctionné ! » Le week-end du scrutin, les alliés de cette lutte ponctuelle envisagent de se rendre sur les marchés pour poursuivre leur mobilisation jusqu’au dernier moment.
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Source : https://reporterre.net/Vote-sur-les-SUV-ces-Parisiens-veulent-chasser-les-grosses-voitures
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