Menu végétarien :
des collèges et lycées
hors la loi
L’Association végétarienne de France (AVF) a publié une enquête le 5 février dans laquelle elle révèle que presque 40 % des collèges et lycées n’appliquent toujours pas la loi Égalim de 2018. - © Antoine Bureau / Reporterre
Près de 4 collèges et lycées sur 10 ne proposent pas un menu végétarien par semaine, pourtant prévu par la loi depuis six ans. Les établissements dénoncent un accompagnement de l’État « insuffisant ».
Rôti de porc, raviolis au bœuf, steak haché… Où est passé le repas végétarien hebdomadaire prévu par la loi ? L’Association végétarienne de France (AVF) a publié une enquête, le 5 février, dans laquelle elle révèle que presque 40 % des collèges et lycées n’appliquent toujours pas la loi Égalim de 2018.
Le texte prévoit pourtant que tous les restaurants scolaires français proposent un menu végétarien une fois par semaine. L’objectif est aussi inscrit dans la loi Climat et résilience de 2021. Dans les faits, comme le montrait un rapport de Greenpeace dès 2020, l’application de la loi est très inégale.
L’AVF a envoyé un questionnaire à tous les collèges et lycées de France, privés comme publics, généraux comme professionnels – soit plus de 10 000 établissements – et a reçu 567 retours « On pourrait penser que seuls les bons élèves allaient répondre. Au vu des résultats, on constate que non », réagit Camille Serny, chargée d’étude Végécantines. Ainsi, 38 % des établissements secondaires reconnaissent proposer moins d’un menu végétarien par semaine, 37 % disent en proposer une fois par semaine, et 25 % vont au-delà.
« Il faut des bras »
« Ce n’est pas un échantillon représentatif au sens scientifique du terme, reconnaît Camille Serny. Mais ça donne un taux de réponse intéressant pour dégager des tendances. » L’enquête conclut par exemple que les collèges sont particulièrement mauvais élèves : 46 % des répondants ont moins d’un menu végétarien hebdomadaire à leur carte, tandis que les trois quarts des lycées respectent la loi. L’AVF se réjouit d’ailleurs de cette « nette évolution par rapport à 2020, où [les lycées] n’étaient que la moitié à le faire ».
Un accompagnement de l’État « insuffisant »
L’association affirme que le but de cette enquête n’est pas de « pointer du doigt les établissements qui font mal ou bien », mais plutôt de comprendre ce qui pose problème dans l’application concrète de la loi. Dans leurs réponses, 60 % des établissements déplorent justement un accompagnement de l’État « insuffisant, voire très insuffisant ». « Beaucoup d’établissements ont le sentiment qu’on leur dit : voilà la loi, débrouillez-vous », détaille Camille Serny.
« Les chefs de cuisine nous disent qu’il y a beaucoup de turn-over dans les équipes, qu’ils sont en sous-effectif, poursuit-elle. Or [pour proposer un menu végétarien] il faut des bras pour couper les légumes, ça demande plus de temps, il faut du personnel qualifié en cuisine végétale… Bref, il faut mettre des sous sur la table ! » L’AVF appelle donc l’État à recruter davantage de personnel qualifié, et à déployer à grande échelle une offre de formation initiale et continue (en CAP cuisine par exemple) spécifique à la cuisine végétale.
Sans oublier la sensibilisation de tous les acteurs, des équipes pédagogiques des établissements scolaires – notamment celles qui encadrent les jeunes au moment des repas – en passant par les élèves. Car les réponses à l’enquête de l’AVF montrent en majorité une réticence des adolescents à manger végétarien. « L’environnement familial joue beaucoup, estime Camille Serny. S’ils ont l’habitude de manger chez eux des repas en boîte, surgelés, ou avec de la viande, ça va être compliqué pour eux de vouloir un menu végétarien. Il faut une éducation à l’alimentation et au goût à l’école. »
L’association émet également plusieurs propositions pour faciliter l’approvisionnement en produits végétaux de qualité, comme le soutien des Projets alimentaires territoriaux (PAT) – en y incluant un volet obligatoire sur la diversification des sources de protéines – et le développement de plateformes d’achats groupés spécifiques aux produits végétaux.
Santé et écologie
La végétalisation de notre alimentation est, en plus d’un enjeu de santé, un levier majeur pour réduire notre impact sur l’environnement. Dans un rapport publié le 25 janvier, le Haut Conseil pour le climat a rappelé que l’alimentation représente 22 % de l’empreinte carbone de la France. L’instance recommandait justement d’élargir « l’offre de produits bas carbone, en particulier les produits d’origine végétale, dans la restauration collective publique et privée via un renforcement des critères de la commande publique ».
« Adopter une alimentation végétale permet de limiter notre impact sur la biodiversité, sur la ressource en eau, sur diverses pollutions, énumère Camille Serny. La restauration collective est vraiment un levier important, parce que c’est un endroit fréquenté par beaucoup de personnes, mais aussi parce que c’est un endroit où l’on apprend à manger, où l’on prend de bonnes habitudes. »
L’AVF alerte donc l’État, et l’appelle à mener un vrai suivi pour obtenir des chiffres plus précis et plus fiables sur les 10 000 établissements secondaires. Il faudra également étudier la qualité des menus proposés : l’association relève que, parmi les cantines qui cuisinent déjà un repas végétarien par semaine, le recours aux produits transformés et aux protéines animales (œufs et produits laitiers) est « encore trop fréquent ».
L’association ne désespère pas et rappelle que 25 % des établissements proposent un menu végétarien plus d’une fois par semaine. Conclusion : « Il est donc possible d’appliquer la loi, et même d’aller au-delà ! »
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Source : https://reporterre.net/Menu-vegetarien-a-la-cantine-38-des-colleges-et-lycees-hors-la-loi
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