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mercredi 24 janvier 2024

« Nouveaux OGM - La Commission européenne foule aux pieds le principe de précaution »


« Sur les “nouveaux OGM”, 

la Commission européenne 

foule aux pieds 

le principe de précaution »

 


La proposition de réglementation de la Commission européenne est scandaleuse car elle ouvre un boulevard aux OGM nouvelle génération, sans aucune analyse indépendante de leur toxicité, s’indignent, dans une tribune au « Monde », l’eurodéputé et l’ancien eurodéputé écologistes Benoît Biteau et José Bové.

Les organismes génétiquement modifiés (OGM) ont été inventés au début des années 1990, essentiellement pour résister aux herbicides et en particulier au Roundup [de Bayer (Monsanto)], c’est-à-dire au glyphosate, substance classée « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé.

A l’échelle mondiale, l’utilisation du glyphosate, devenu la molécule la plus utilisée au monde, a été multipliée par quinze depuis l’introduction, en 1996, des cultures génétiquement modifiées pour résister à cet herbicide.

Cette orientation de l’agriculture nous confronte à un double danger.

D’une part, l’empoisonnement des agriculteurs et de la population : pour mémoire, Bayer, selon son rapport annuel 2022, a fait provision de 6,4 milliards de dollars (environ 5,9 milliards d’euros) pour faire face aux nombreux procès qui lui sont intentés pour cette raison depuis 2018.

D’autre part, la pollution génétique avec le risque d’extinction des espèces sauvages et domestiques, matrice de toute la vie végétale. Et, bien sûr, la mort immédiate des végétaux aspergés de glyphosate.

Technologies mortifères

Au début des années 2000, face à cette double menace, les paysans et les citoyens se sont mobilisés contre les OGM en France et dans de nombreux pays européens. Malgré une répression massive, la bataille a été remportée. Aux responsabilités syndicales ou associatives que nous avions, nous avons limité les dégâts sur l’environnement, réduit les atteintes contre la biodiversité, protégé l’alimentation et la santé de nos concitoyens en bloquant les OGM. Ces technologies mortifères de manipulation du vivant sont pourtant de retour.

Deux multinationales, Bayer et Corteva, ont vendu des semences interdites en Europe sous le regard complaisant de la Commission européenne et du gouvernement français. La Cour de justice de l’Union européenne a en effet jugé dans son arrêt du 25 juillet 2018 que les produits des techniques de mutagenèse (connus sous l’appellation de « nouveaux OGM ») « constituent des OGM et sont en principe soumis aux obligations prévues par la directive sur les OGM », à condition qu’ils relèvent de techniques « apparues postérieurement » à l’adoption de cette directive.

Nous en déduisons que ces semences ont été mises sur le marché en violant la loi européenne sur les OGM. Pour autant, Bayer et Corteva n’ont pas été condamnés. Au contraire, ces sociétés ont demandé à l’Union européenne d’adapter sa législation à leurs besoins, pour continuer leur commerce principal, les herbicides, cheval de Troie du glyphosate. Les services de la Commission européenne se sont mis au travail et ont proposé en juin 2023 une nouvelle réglementation, ouvrant un boulevard aux OGM nouvelle génération.

Des milliers de chômeurs en perspective

Le premier acte est de désinformer pour convaincre les députés : on ne parle plus d’OGM mais, comme aux Etats-Unis, de « nouvelles techniques génomiques » (NTG), au prétexte que l’on modifie maintenant le génome avec d’autres outils, tel Crispr-Cas9, présenté comme un « ciseau génétique » dont la soi-disant précision reste à démontrer tant ses résultats peuvent être surprenants, voire inquiétants.

Le second acte est de franchir la ligne de la vérité. La Commission européenne présente ces techniques comme naturelles : les manipulateurs du vivant réaliseraient plus rapidement et plus efficacement ce que la nature « aurait dû faire » ou « devrait faire ». Tout aussi « naturellement », ces multinationales devraient pouvoir breveter leurs inventions, histoire d’étouffer définitivement la concurrence des PME européennes qui fournissent des variétés de semences appréciées des paysans et des jardiniers. Des milliers de chômeurs en perspective.

La proposition de la Commission européenne est inacceptable. Elle foule aux pieds le principe de précaution. Ces nouveaux OGM ne subiraient aucune analyse indépendante de leur toxicité au nom de l’argument éculé de l’« équivalence en substance ». Vieux bobard pseudo-scientifique américain justifiant de faire passer le faux pour du vrai.

Pour être dans l’air du temps, la communication des géants de la chimie parle de combat contre la faim, la malnutrition et de lutte contre le réchauffement climatique.

Court-circuiter la démocratie

La proposition de la Commission européenne est scandaleuse. Ces semences sont très majoritairement génétiquement modifiées pour résister aux herbicides, ce qui laisse prévoir une utilisation accrue de ces poisons, en contradiction avec le projet du Pacte vert européen de réduire de 50 % l’utilisation des pesticides en Europe (autant pour la santé que pour la biodiversité et le climat). En fait, ce projet de règlement de la Commission sur les nouveaux OGM explique la stupéfiante décision de prolonger de dix ans l’autorisation du glyphosate.

La proposition de la Commission européenne est contaminante. Certains députés européens, relais efficaces de l’industrie, déposent des amendements inquiétants : suppression de la traçabilité et de l’étiquetage, labellisation bio des cultures OGM. Au Parlement européen, le projet avance à marche forcée.

On pousse les députés à voter plus de six cents amendements dont certains n’ont pas été traduits dans toutes les langues, les calendriers sont bousculés, les réunions se succèdent à un rythme effréné. Tout doit être bouclé avant le mois de mars. Un empressement qui vise à court-circuiter le débat public, et donc la démocratie, dans chaque pays.

L’agriculture et l’alimentation pèsent autour de 25 % d’empreinte carbone et demeurent le premier budget européen. On ne peut pas entraver avec des pesticides et des OGM la transition agroécologique et ses enjeux : atténuation des émissions de gaz à effet de serre et adaptation au climat, partage des ressources en eau, souveraineté alimentaire, restauration de la biodiversité. Il n’y a de bonnes solutions que celles qui s’accordent avec les dynamiques du vivant. La Commission ouvre la campagne électorale en renonçant à la pourtant urgente transition agricole.

Benoît Biteau (Député européen du groupe des Verts) et José Bové (Ancien député européen du groupe des Verts)


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