Le retour en douce des OGM
Le lobbying de l’oligopole de l’agrochimie a payé : la Commission européenne a proposé de déréglementer les nouvelles techniques génomiques. Il est urgent d’arrêter cette catastrophe annoncée.
Nonobstant un principe de précaution qu’elle a pourtant reconnu, la Commission européenne tente depuis plusieurs mois de faire accepter une déréglementation totale des « nouveaux » OGM, soi-disant différents des anciens et qui seraient anodins. Les nouvelles techniques génomiques (NTG) recouvrent un champ de plus en plus étendu de biotechnologies, dont Crispr-Cas9 est l’outil le plus connu. Leurs promoteurs veulent les faire échapper à la réglementation européenne plutôt stricte qui encadre les OGM depuis les années 1990, sous prétexte que les NTG permettent souvent de modifier des séquences génétiques sans introduire de gène étranger dans le génome (ce qu’on appelle la transgenèse, dont est issue la première génération d’OGM).
Les dangers sont immenses. Les « Big Four » pourront ainsi s’approprier la base de la chaîne alimentaire mondiale.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y ait pas de modification génétique : des gènes peuvent être ainsi « allumés » ou « éteints », « suractivés » ou « effacés », ce qui en fait bien des OGM, comme l’avait jugé la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 25 juillet 2018. Mais l’oligopole de l’agrochimie, Bayer-Monsanto, Corteva, Syngenta et BASF, les « Big Four » des semences, ainsi que les syndicats agricoles productivistes comme la FNSEA sont montés au créneau dès cet arrêt, avec la rhétorique habituelle : « résoudre le problème de la faim dans le monde » et « adapter les variétés végétales à des conditions climatiques de plus en plus difficiles ».
Leur lobbying a fini par payer, puisque la Commission européenne a proposé de déréglementer les NTG en juillet 2023. Déréglementer, c’est-à-dire : ne plus faire de tests sanitaires ou environnementaux ; ne plus tracer les produits génétiquement modifiés ; ne même plus les étiqueter. Sous quel prétexte ? Celui qu’« un végétal NTG est considéré comme équivalent à un végétal conventionnel lorsqu’il diffère du récepteur/parental d’un maximum de 20 modifications génétiques (1) ». Plus précisément, la proposition européenne distingue deux catégories, encore floues, de NTG : les NTG1, non issues de transgenèse, seraient totalement déréglementées, alors que les NTG2, concernant toutes les autres, resteraient réglementées.
Les dangers sont immenses. Tout d’abord, les consommateurs ne pourront plus savoir ce qu’ils mangent, et les labels AB, AOC, AOP, etc. n’auront plus aucun contenu. Ensuite, la dispersion de ces NTG dans la nature est irréversible, et ses effets sur la biodiversité complètement inconnus. Enfin, les OGM-NTG relèvent du droit des brevets : les « Big Four » pourront ainsi s’approprier la base de la chaîne alimentaire mondiale. Il est urgent d’arrêter cette catastrophe annoncée.
(1) Cité par Éric Meunier dans « Des manipulations scientifiques comme future loi sur les OGM/NTG », www.infogm.org, 21 novembre 2023. Ce nombre de 20 n’a aucun fondement scientifique et peut en fait être étendu à l’infini… Le récepteur/parental est l’organisme modifié. Pour des précisions, voir le site d’Inf’OGM.
Article paru
dans l’hebdo N° 1792
Source : https://www.politis.fr/articles/2024/01/le-retour-en-douce-des-ogm/
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