Ouïghours :
Etats-Unis, Canada
et Royaume-Uni
frappent les importations
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Des policiers inspectent un train originaire du Xinjiang en avril à la frontière entre la Chine et le Kazakhstan. Photo Chinatopix via AP |
Les trois pays ont décidé de bloquer des produits soupçonnés d'utiliser du travail forcé en Chine, notamment le coton et la tomate.
Enfin. En l’espace de quarante-huit heures, trois des nations les plus influentes du monde ont décidé de suspendre des importations chinoises soupçonnées d’utiliser le travail forcé des Ouïghours. «Nous devons nous assurer que les produits que nous achetons au supermarché ne proviennent pas de ces camps», a expliqué mardi Dominic Raab, le secrétaire d’Etat britannique aux Affaires étrangères, condamnant face aux députés une «barbarie que l’on espérait reléguée au passé». Dans le même temps, de l’autre côté de l’Atlantique, son homologue canadien annonçait lui aussi des mesures visant à s’assurer qu’aucun produit importé par le Canada ne participe au «travail forcé» et aux «transferts massifs des travailleurs du Xinjiang vers des provinces chinoises».
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Les Ouïghours, un peuple musulman turcophone qui compte environ 11 millions d’habitants dans cette région du nord-ouest de la Chine, subissent une persécution inouïe depuis quatre ans, notamment basée sur un enfermement à grande échelle dans des camps dits de «rééducation politique» ou de «formation professionnelle». Mi-décembre, une nouvelle enquête accablante révélait comment près d’un demi-million de Ouïghours sont employés de force dans les camps de coton du Xinjiang, où est produit 20% du coton de la planète.
Près de 9 milliards de dollars de pertes annuelles
Alors que Londres et Ottawa sont restés assez vagues sur les mesures qu'ils comptent mettre en place, Washington a décidé mercredi de bannir tout produit contenant des fibres de coton produites dans le Xinjiang, s’alarmant par la voix du secrétaire d’Etat à la Sécurité intérieure d’une «forme moderne d’esclavage». Une mesure qui devrait à elle seule faire perdre près de 9 milliards de dollars (7,4 milliards d’euros) chaque année, selon le ministère. Egalement dans le viseur des Etats-Unis, les conserves, sauces ou autres produits issus des tomates cultivées en grande quantité dans la région, que les Ouïghours sont également contraints de récolter, comme l’avait révélé le journaliste Jean-Baptiste Malet dans son enquête l’Empire de l’or rouge.
«Il ne faut pas croire que l’économie chinoise va s’écrouler car on sanctionne les entreprises pour leur lien avec le travail forcé», tempère Sébastien Jean, directeur du CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), rappelant qu’aucun pays n’a vraiment les moyens de résister à la puissance économique chinoise. Pour le chercheur, il est difficile d’anticiper l’impact de ces pressions politiques, et si elles permettront d’améliorer les conditions des Ouïghours en Chine.
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«La Chine presse les Etats-Unis d’annuler leur décision de bannir les importations de tomates et de coton en provenance du Xinjiang», s’est insurgé ce jeudi Zhao Lijian, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, demandant aux Américains d’arrêter «d’interférer dans les affaires internes chinoises». La veille, il avait déjà dénoncé les mesures canadiennes et britanniques «basées uniquement sur de la désinformation», assurant qu’il n’y avait ni camps d’internement ni Ouïghours détenus, et encore moins de travail forcé au Xinjiang, et ce malgré les multiples rapports et témoignages.
La pression s’accentue
Une réponse prévisible pour Sébastien Jean : «S’il y a bien un principe fondamental pour la Chine, c’est que toute tentative d’ingérence est particulièrement mal vue, ce qui rend le dossier délicat. D’autant plus quand on voit qu’elle passe vite à l’offensive pour dissuader du moindre affront.» Dernier exemple en date, l’Australie, qui s’est attiré l’ire du gouvernement chinois pour avoir notamment demandé que des investigations soient menées en Chine sur l’origine du virus, et accueilli des Honkongais désireux d’échapper à la liberticide loi sur la sécurité nationale.
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Reste que, même si «on n’impose rien à la Chine», reprend Sébastien Jean, «ces sanctions économiques d’origine politique ne sont pas anodines», d’autant plus qu’elles sont menées de concert par trois pays qui pèsent à l’international. Et elles s’inscrivent dans un contexte où les pressions sur le régime communiste chinois se font plus fortes. En juillet, les Etats-Unis avaient déjà infligé des sanctions inédites à l’encontre de plusieurs dirigeants chinois, puis mis en place des restrictions sur des séries de produits. Côté européen, fin décembre, un accord sur les investissements avec l’Union européenne a failli capoter après sept ans de négociations, faute de garanties sur les droits humains. Finalement, l’Union européenne s’est contentée d’une vague promesse de la Chine de ratifier des conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT).
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