Dans l'Orne,
à Saint-Ellier-les-Bois,
son fromage de chèvre
épargne les chevreaux
Lila Bruyère lance une chèvrerie innovante dans l'Orne, à Saint-Ellier-les-Bois. Grâce à la lactation continue, elle produira du fromage bio sans envoyer d'animal à l'abattoir.
Lila Bruyère fait du bien-être animal la pierre angulaire de sa profession. (©L’Orne Hebdo) |
C’est une « alternative » que Lila Bruyère souhaite offrir aux consommateurs et « certainement pas une façon de jeter la pierre » aux autres producteurs.
En somme, « proposer une autre façon de consommer du fromage de chèvre », sans aucune arrière-pensée, et dans le respect des règles qu’elle s’est elle-même fixées.
Une seule portée
Son projet se résume en deux mots : la lactation continue. Une méthode d’exploitation « très rare en France » que la jeune femme de 30 ans a découvert en Bretagne, auprès de Jean-Yves Ruelloux, précurseur de cette démarche agricole.
Le principe est simple : pour lancer leur lactation, ses chèvres ne mettent bas qu’une seule fois pour mettre au monde de un à trois chevreaux. Après la période de sevrage, le lait est tiré pour en faire du fromage. Jusque-là, rien de nouveau.
Mais à l’inverse d’une grande majorité des producteurs de lait de chèvre, Lila ne fera pas faire de nouveaux cabris aux mères allaitantes.
Si l'on continue de tirer le lait tous les jours, la chèvre continuera d'en produire, même sans petit à nourrir.
Retraite dorée
Pour assurer un rendement continu, la plupart des éleveurs opèrent une période de tarissement, puis font refaire un chevreau aux mères chaque année. Mais pour des raisons économiques évidentes, ces petits ne sont pas gardés et sont régulièrement envoyés à l’abattoir.
Une pratique généralisée que l’amoureuse des animaux ne pouvait se résoudre à suivre. Elle s’engage donc à « faire adopter les premiers chevreaux ». Et à offrir une retraite dorée aux chèvres, lorsque celles-ci ne pourront plus donner de lait.
Des bêtes dont l’espérance de vie aura triplé par rapport à une chèvrerie plus classique.
Une chèvre dont l'organisme est poussé à fond sera productive jusqu'à 4 ou 5 ans et sera envoyée ensuite à l'abattoir. Avec la méthode de lactation continue, elle va donner du lait jusqu'à 8 ou 10 ans pour une espérance de vie autour de 15 ans.
Celles de Lila iront passer leurs dernières années chez des particuliers qui les adopteront, « même gratuitement ».
De la craie aux bottes
Originaire
d’Alençon, Lila Bruyère n’est pas issue du monde agricole. La jeune
femme visait plutôt le métier de professeur des écoles en intégrant un
Master de l’enseignement après l’obtention de sa Licence en littérature
étrangère.
Elle ne « sait pas se l’expliquer » mais l’Alençonnaise a « toujours été
attirée par l’agriculture ». Des expériences en woofing (du bénévolat
dans des fermes) lui ont ouvert les portes de ce secteur. Elles ont
surtout fini de la convaincre d’abandonner la craie pour les bottes en
caoutchouc.
Un « long cheminement » au bout duquel elle décide de se spécialiser
dans les petits ruminants. Elle obtient son Brevet professionnel
responsable d’exploitation agricole (BP REA) et investit, en septembre
2020, dans ce petit terrain à Saint-Ellier-les-Bois, et dans 11 chèvres.
Le tout sans aucune aide publique.
Après être parvenu à réunir 82 % de la somme nécessaire, il ne lui
manque plus qu’à trouver comment financer des panneaux solaires. Si elle
y parvient à temps, elle commercialisera ses premiers fromages bio à
partir de juin 2021, pour les vendre à la ferme et par correspondance.
Un choix assumé
Inconvénient : à la fin de l’automne et en hiver, les quantités de lait sont moins importantes. Et si « le lait est plus riche, plus concentré » (on parle de taux protéïque) et qu’il en faut donc moins pour faire un fromage, les faibles quantités ne permettent pas de produire autant de fromages bio qu’au printemps.
Un manque à gagner que la jeune femme assume.
Ma production sera moins importante, mais c'est moi qui en paie les conséquences. Je fais le choix d'une production moindre, mais qui respecte mes valeurs dont, en premier lieu, le bien-être animal. Je sais que je ne vise pas la fortune. Le but est au moins de ne pas s'endetter.
C’est pourquoi la nouvelle venue dans le monde agricole veut rester à la tête d’une exploitation « à taille humaine ».
La petite exploitation biologique qu’elle a achetée en septembre dernier est modeste. Cinq hectares et une petite étable de 120 m² qu’il faudra aménager en fromagerie. Un bâtiment raccordé à l’eau, mais pas à l’électricité. Elle propose donc de l’aider à financer l’installation de panneaux solaires à travers une cagnotte en ligne.
Que cette initiative inspire beaucoup d'autres éleveurs! Bravo!
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