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(Lire sur le site les nombreux commentaires qui suivent l'article de Fabrice Nicolino)
Planète sans visa
Une autre façon de voir la même choseC’est la guerre (à Notre-Dame-des-Landes)
Vous êtes sans nul doute au courant. Ce matin, des centaines de flics et de militaires, appuyés par des hélicoptères, ont délogé par la force un grand nombre d’habitants de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, où ce pauvre imbécile de Jean-Marc Ayrault, ancien maire de la ville, aujourd’hui Premier ministre, entend bâtir un second aéroport (voir ici, iciet là). En agissant de la sorte, le triste gouvernement de la France vient de franchir un pas qui, pour moi, révèle l’ampleur du gouffre entre eux et nous. Cette expression, « eux et nous », a beaucoup servi dans le passé des idées, et pas toujours, loin s’en faut, d’heureuse manière. Il n’empêche qu’elle m’est venue spontanément. Car entre ceux qui défendent un avenir possible pour les hommes et tous les êtres vivants d’une part, dont je suis, et les autres, il existe un univers. Quand je dis les autres, inutile d’insister je pense, cela fait beaucoup de monde. Mais c’est ainsi que je vois les choses, qu’y puis-je ?
Foin d’illusions : le gouvernement socialiste est un adversaire. Et même un ennemi. L’incroyable opération militaire lancée contre les habitants de Notre-Dame-des-Landes n’a rien à voir, évidemment, avec les tueries d’Alep, les massacres de la République démocratique du Congo, ni même les ignobles opérations menées au Brésil, en Argentine, au Paraguay pour chasser les petits paysans de leurs terres et y imposer le soja transgénique. Non, rien à voir.
Pour autant, il s’agit à mes yeux d’un acte de guerre, dans un sens précis : il marque une frontière, infranchissable. Il désigne deux camps irréconciliables, qui défendent assurément deux manières de voir la vie ensemble, et l’avenir qui nous attend. Pour leur part, les socialistes sont maîtres de tout le jeu politique alors que leur candidat à l’élection présidentielle n’a recueilli, au premier tour, que 25 % des électeurs inscrits. Au pouvoir, ils se montrent incapables de seulement imaginer régler les problèmes du modèle qu’ils défendent pourtant. Cette économie, cette banlieue, ce racisme fou, cette lancinante question des retraites, ce prix de l’énergie, ce nucléaire, cet effondrement de l’industrie automobile, ce chômage de masse interminable, mais c’est leur legs ! Le leur et celui de leurs jumeaux de l’UMP, car tous deux se partagent le pouvoir depuis des décennies sans que rien n’ait bougé, sans que rien n’ait jamais été résolu.
Ces derniers jours, burlesques au possible, ont vu le gouvernement chanceler sous des coups de butoir en papier mâché. Ridicules « pigeons » défendant les patrons de start-up, ridicule Peillon réclamant un débat sur le shit, ridicule Tartempion s’embourbant au sujet de la taxe télé dans les résidences secondaires, etc. C’est bien parce que Jean-Marc Ayrault est incapable, et risible à force, qu’il a cru malin de monter l’odieuse opération aéroportée contre ceux de Notre-Dame-des-Landes. Quand tout s’effondre, quand tout démontre que la politique ancienne ne peut rien et ne sait pas davantage, reste l’apanage essentiel de l’État : la coercition. Autrement dit ce monopole de l’usage prétendument légitime de la force.
On peut aussi le dire autrement. Ayrault, nécessairement soutenu en la circonstance par Hollande, a voulu montrer qu’il bandait encore. C’est vulgaire ? Que oui, ce l’est. Mais personne ne saurait l’être davantage que Jean-Marc Ayrault, qui masque de la sorte sa si cruelle impuissance politique. Je l’accuse, en plus de tout le reste, de violer allègrement la loi du pays qu’il représente si mal. Car en effet, la France est dotée depuis juillet 2005 d’une loi sur l’énergie dont j’extrais, de l’article 2, cette phrase : « En outre, cette lutte [contre le dérèglement climatique] devant être conduite par l’ensemble des Etats, la France soutient la définition d’un objectif de division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2050, ce qui nécessite, compte tenu des différences de consommation entre pays, une division par quatre ou cinq de ces émissions pour les pays développés ».
De ce point de vue, Notre-Dame-des-Landes n’est pas seulement une lamentable ânerie, qui nous ramène de manière fantasmatique au temps où le climat semblait éternel. Franchement, est-il compatible de miser, avec de l’argent public, sur le développement du trafic aérien, et de prétendre diviser par cinq nos émissions de gaz ? Franchement. Mais ce foutu aéroport est aussi et surtout un symbole. Le symbole éclatant que culturellement parlant, au sens le plus profond, les socialistes ne lâcheront rien. Parce qu’ils en sont incapables. Parce qu’ils ne savent pas même ce que l’expression « crise écologique » contient d’inévitables contraintes au regard desquelles les leurs - par exemple le déficit public - perdent toute signification.
Bien entendu, mais faut-il, ici du moins, insister, les écologistes officiels EELV ne valent guère mieux. Ils ont abdiqué à propos de l’aéroport au moment où leurs petits chefs signaient un déshonorant accord électoral avec le parti socialiste. Et si j’écris déshonorant, ce n’est pas, non pas, pour me faire plaisir. C’est parce que lorsqu’on prétend que le feu est au lac, on ne se tourne pas vers le bac à sable pour y faire des pâtés. Alors que la crise infernale du climat est à nos portes, se vendre pour un ministère et demi est une insulte faite aux hommes.
Et pour le reste, bien sûr, MOBILISATION ! Non-violente, cela va de soi pour moi, mais MOBILISATION tout de même. Nous n’avons, nous les écologistes sincères, pas le droit de reculer. La bataille de Notre-Dame-des-Landes, qui ne fait que commencer, doit être gagnée. Perdre ici serait lâcher partout ailleurs. Ce combat est à mes yeux une cause sacrée. ¡ Sin jamás retroceder, adelante!
PS : j’attends les commentaires de tous les foutriquets écologistes enrubannés et décorés présents à la Conférence environnementale du mois dernier. Le mois dernier. Elle est bien belle, la transition écologique de cet excellent monsieur Hollande.
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