La patrie est en danger !
Entre vos mains se trouve le sort toujours fragile de la liberté, des droits de l’homme et de la démocratie elle-même.
C’est Jamil Chade qui nous dit ça, un écrivain brésilien. Le Brésil a connu une dictature atroce de 1964 à 1985. Penser que la France pouvait être au seuil d’un tel cauchemar était impossible, mais c’est de moins en moins impossible au fil des heures. Plus de dix millions de Français ont repeint la France couleur peste brune. Il nous reste peu de temps pour limiter la casse : la casse sociale, raciste, sexiste, homophobe, la casse des libertés et de la démocratie. Et d’abord cette casse à l’intérieur de nous-mêmes, depuis quelques jours et quelques nuits.
Après les États-unis de Trump, le Brésil de Bolsonaro, l’Argentine de Javier Milei, l’Inde de Narendra Modi, la Hongrie de Viktor Orban, l’Italie de Meloni, la révolution réactionnaire est en train d’enfoncer la porte du cher pays de mon enfance.
Mais comme le répète Kylian Mbappé : « On ne peut pas mettre le pays entre les mains de ces gens-là. C’est vraiment urgent ».
Car ces gens-là, sitôt au pouvoir, s’attaqueront aux libertés, aux juges, aux syndicats, aux ONG, à l’État de droit, à la liberté d’expression. Leur ministre de l’Intérieur nommera les préfets et les forces de police. Par exemple Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du puissant syndicat de police Alliance (46 000 membres), qui déclarait le 4 juillet à Mediapart : « en avoir marre des raclures, des nuisibles, des jeunes d’origine étrangère dans les quartiers populaires (…) qui font chier et qui ne sont jamais sanctionnés ».
C’est dans les friches et dans les cendres laissées par plus de quarante ans de politiques néolibérales que le monstre s’est développé. Longtemps c’était juste une ombre au tableau, un terrain pour jeune sociologue, un épouvantail électoral. « Quand on ferme une usine on fait élire un député FN » nous disait un syndicaliste il y a bien longtemps. Et comme le rhinocéros de Ionesco, le monstre a grossi, grossi. Son dos a fini par toucher le plafond des hautes ruines sociales de la désindustrialisation. Plafond de verre qui vient d’exploser sous l’effet de cette dissolution.
Il y a bien des causes à ce grand bond en arrière.
La cause serait ce peuple ignare, ces bidochons gavés, ces fâchés devenus fachos ? Ceux qui ont peur de leur déclassement ?
La plus grande responsabilité est dans la destruction des services publics de la santé, de l’enseignement, des transports. Dans l’obscénité des inégalités. Dans la violence contre les Gilets Jaunes. Dans ces années de violences policières. Dans l’imposition par la force de la réforme des retraites, alors que le pays y était opposé à plus de 70%. C’est cette violence arrogante qui amène directement ce risque fasciste. Comment ceux qui en sont la cause pourraient en dénoncer les effets ? Macron a déroulé le tapis rouge à ceux qui lui ont servi d’épouvantail pour prendre le pouvoir en 2017 et en 2022. Il leur doit tout. Sauf que cette fois, c’est l’épouvantail qui braque le petit maître arrogant.
Mais bien avant Macron, la recette avait été mise au point. En juin 1984, le Premier ministre Pierre Beregovoy n’en faisait pas un secret : « On a tout intérêt à pousser le FN (…), il rend la droite inéligible. Plus il sera fort, plus on sera imbattable. C’est la chance historique des socialistes ». En juin 1982, Mitterand était intervenu personnellement pour donner à Jean-Marie Le Pen une visibilité médiatique.
Vieille stratégie machiavélique, vous vous fabriquez un ennemi repoussoir, un méchant qui vous fera paraître comme un vertueux bouclier. C’est de longue date ce que font le Likoud et Netanyahou avec le Hamas. Il y a un rapprochement à faire entre Hamas et RN, entre 7 octobre et 9 juin ?
Une autre cause majeure à la réussite du RN c’est le soutien des très puissants médias populaires du milliardaire Bolloré. La France a-t-elle déjà connu (depuis Goebbels !) une telle puissance de propagande aussi prosélyte ? La recette est ancienne, le principe est clair : « manipulation des émotions au détriment de la raison », dit Gérard Noiriel.
Charlatans et marchands de haine savent catalyser les angoisses et fédérer les frustrations populaires. Toujours entretenir le degré le plus élevé possible de peur dans le public. Un peuple apeuré se gouverne aisément. On peut le dresser, l’envoyer à la boucherie en chantant, la fleur au fusil. Vous prenez un fait divers vous en faites un fait de société. D’une exception vous faites une règle.
Mais ces médias ont réussi à imposer leur agenda. L’immigration, l’insécurité, la préférence nationale. Les médias mainstream emboîtent le pas. La préférence nationale est une vieille lune des réacs, la remettre en cause c’est remettre en cause la déclaration des Droits de l’Homme de 1789, ce serait revenir à la loi du sang. L’immigration ne pose pas de problème particulier en France. L’Insécurité non plus. Jamais ce pays n’a connu aussi peu d’homicide.
Vous me croyez ?
Le mensonge a déjà fait le tour du monde quand la vérité commence à peine à mettre ses souliers. Mark Twain avait raison. Toutes les études, notamment l’OCDE, démontrent que l’immigration n’affecte pas les finances publiques. Au contraire, certaines études montrent que l’immigration est bénéficiaire.
Bardella promet de mettre fin à l’immigration de guichet social. L’État est trop généreux avec les gens qui viennent de l’étranger, qui n’ont jamais travaillé et qui bénéficient pourtant de prestations sociales. Résultat, 60 % des français pensent que de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la protection sociale. Et là, ne soyons pas antiféministes, Marine Le Pen n’a pas moins de talent que son père. Que dit-elle sur les enfants étrangers nés en France, que dit- elle sur les français de souche ? Elle dit quelque chose qui pue : « Quand une chèvre nait dans une écurie , c’est pas pour ça qu’elle devient un cheval ».
Alors que même Georgia Meloni a régularisé 300 000 migrants pour satisfaire les patrons en manque de main d’œuvre, le RN veut arrêter l’immigration et supprimer l’AME. Sans parler des risques sanitaires et risques d’épidémie, l’AME coûte 11,1 à 11,4 M soit 0,5% des 252 milliards de l’Assurance Maladie.
Mais faut-il vraiment désespérer ?
Pays de fachos, la France ? Pas tout à fait, dit Jonathan. Si les 10 600 000 suffrages réunis par le Rassemblement national ont de quoi alarmer, il ne faut pas oublier que le nouveau Front populaire a été plébiscité par 9 000 000 d’électeurs. Soit un bloc certes inférieur au bloc nationaliste, mais d’une ampleur équivalente. 9 000 000 d’électeurs qui préfèrent la retraite à 60 ans, la semaine de 32 heures et les cantines gratuites à la retraite à 62, 64 ou 66 ans (on ne sait plus trop), à la suppression des allocations familiales pour les étrangers et à l’uniforme à l’école, soit le programme d’un néo-Sarkozy la jeunesse en plus, les talons en moins. Si ces 9 millions d’électeurs du Nouveau Front populaire reçoivent l’appoint des voix centristes et macronistes, il est encore possible d’empêcher le Rassemblement national de prendre les rênes du pays. Mais on n’oubliera pas ceux qui refusent de choisir entre La France insoumise et le Rassemblement national.
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