« Des rats ?
Vous inquiétez pas,
ça va bien se passer. »
Bribes de comparutions immédiates
des révolté.e.s
du meurtre de Nahel
Depuis la mort de Nahel le 27 juin, les tribunaux de Nanterre, Bobigny, Créteil, Evry, Versailles, Pontoise, Melun, Paris ont tourné à plein régime pour réprimer les révolté.e.s des quartiers populaires.
Partout des personnes ont essayé de suivre ces comparutions en soutien aux prévenu.e.s.
Pour d’autres, des reports de comparution auront lieu dès le 31 juillet et pendant le mois d’août dans tous ces tribunaux.
Des histoires de survêt, d’incendies, de pillages et d’échanges snapchat qui se répètent.
Un jeune de 19 ans interpellé chez lui écope de 6 mois de prison avec mandat de dépôt immédiat pour avoir porté le même survet... noir et les mêmes baskets... noires qu’un homme repéré sur des caméras de surveillance. On lui met sur le dos plusieurs incendies et l’usage de mortiers contre les flics.
L’accusé ne reconnaît pas les faits, il explique qu’il était chez lui :
"les agents de police ont une dent contre moi c’est pour cela qu’il m’accuse"
La juge ne le croit pas, le proc enfonce le clou : le jeune est récidiviste. La messe est dite.
Le proc demande 12 mois d’emprisonnement aménageable, la juge tranche : ce sera moins mais avec incarcération à la clé.
"- Vous avez des allergies ?
- oui. Au poil d’animaux et à la poussière.
- en prison il n’y a pas d’animaux si ce n’est des rats, ça oui il y a beaucoup de rats."
Ailleurs, des échanges snapchat sont au centre d’une affaire de destruction d’une mairie. Rien de mieux pour les keufs pour monter un dossier de bande organisée sortie de nulle part, avant de se rabattre vers des infractions quelconques.
Un jeune dit qu’il s’est senti obligé de casser par pression de la foule, pour "s’acheter une liberté dans la cité".
Casier vierge avant cette affaire, il prend 18 mois ferme pour avoir mis
un coup de pied dans la porte de la mairie. Un autre prend 12 mois sous
bracelet électronique pour l’avoir encouragé sur snapchat. Il était
chez lui au moment des faits. Il est poursuivi pour complicité car, pour
les juges, se réjouir d’une révolte revient à l’avoir instiguée. les
preuves contre lui tiennent à leurs seuls échanges snap.
Les flics sont venus assister pour intimider les jeunes.
Continuant d’exploiter leur filon, les flics ont perquisitionné un autre
jeune qui avait participé à cette même discussion snapchat : ils
trouvent chez lui un dizaine de survets volés la veille de l’assaut de
la mairie, qui lui valent d’être est condamné à un an ferme.
Dans le box, les jeunes sont tous détruits.
Le juge achève : "vous inquiétez pas ça va bien se passer".
Trois très jeunes hommes, racisés, 18 et 19 ans. Les chefs d’inculpation sont, pour l’un, participation au saccage de la mairie de Bondy pour l’autre, participation au saccage du centre commercial de Bobigny, pour le troisième enfin, vol et/ou recel de fringues provenant du centre commercial ainsi que participation aux incendies de la mairie et du centre commercial.
Les accusations reposent sur le bornage et l’analyse des téléphones saisis.
Qu’on se le dise les intentions affichées sur les réseaux sociaux, le
tribunal les considère, tout au long du procès, non seulement comme des
circonstances aggravantes mais aussi comme des actes.
Un des prévenus ne cesse de répéter qu’il n’était pas sur les lieux des faits, au moment de l’incendie, mais à proximité. Le bornage de son téléphone ne donnant pourtant qu’une approximation avec une latitude de centaines de mètres, est cependant considéré par le juge comme une science exacte, au mètre près. En l’occurrence, le prévenu habite tout près de la mairie, à 200 mètres environ, comme le précise son avocate qui s’est tout simplement renseignée sur mappy. Mais le juge persiste et signe, le bornage est une preuve indiscutable.
Répétons-le, ad nauseam, le portable est, dans le cadre des procédures judiciaires, notre plus sûr ennemi !
S’ensuit l’égrenage des conversations snapchat, moment qui permet, un
peu, de détendre l’atmosphère, rigolades dans la salle qui ne sont pas
vraiment au goût des magistrats. - "Wesh, faut tous les fumer un à un
les schmitts. Longue vie à Nahel. C’est la guerre. On achète 100€
d’essence. Wala ça ouvre des distributeurs, des franprix. J’ai pris un
tir de flashball dans la jambe, j’aurais dû pas venir. On va brûler le
tribunal...". - "Que pensez-vous de tout cela ?" demande le juge et d’ajouter : - "Vous n’êtes que dans des faits délinquants, sans portée politique" dont acte !
Un des jeunes hommes déclare : - "Je reconnais, j’ai écrit certains de
ces messages mais c’était de l’humour, de l’ironie. Ce n’était pas
sérieux. C’était pour me donner une image. D’ailleurs la preuve, je ne
l’ai pas fait, je n’ai pas acheté d’essence".
Piqué au vif, le juge en profite pour enjoindre au jeune homme un changement de ton :
" - Je vous conseille, jeune homme, de renoncer à votre ton plein de forfanterie.
- J’suis comme ça, c’est ma façon de parler
- Dans quelle société voulez-vous vivre ? Et pourquoi êtes-vous sorti dans la rue ?".
De Nahel, du meurtre commis par un policier, il n’en sera, de toute façon, jamais question durant cette longue après-midi...
Avant que la cour ne se retire, le juge demande aux trois accusés s’ils ont quelque chose à ajouter.
"- Monsieur le juge, vous ne pouvez pas me condamner pour 30 minutes de curiosité. J’suis un enfant rempli de rêves ; monsieur le juge, donnez-moi la chance de me rattraper" déclare le jeune de 19 ans.
Silence, puis il ajoute avec grand à propos : - "Qui jugez-vous en vérité ?"...
Deux des prévenus ont un casier vierge.
Verdict : - l’un écope de 24 mois de prison dont 18 ferme, avec mandat de dépôt et 1500€ d’amende ; le 2e écope de 18 mois dont 12 ferme avec mandat de dépôt, retour immédiat à Fleury Mérogis, plus, lui aussi, 1500€ d’amende ;
- quant au troisième, un placement en détention à domicile, sous
surveillance électronique, de 12 mois, est prononcé, avec lever d’écrou
ce soir même ; ainsi, demain, ce lycéen de
terminale qui vient de passer le bac, comme il nous l’a appris, pourra,
frais et dispo, passer son oral de rattrapage !
Un juge certainement sensible à la phrase de sa consœur : « La première des choses, quand on veut s’insérer, c’est d’avoir des diplômes ! » [1].
Pour les autres, pas de quartier, si ce n’est le disciplinaire.
À l’audition du verdict, l’un des jeunes inculpés trépigne puis finit par quasiment se lacérer le visage avec ses propres mains.
Et que dire de la juge qui au moment de la présentation du dossier d’un jeune accusé d’avoir insulté un policier et menacé de on va vous tuer, prononce ces mots : « vous vous rendez compte monsieur, ce que ça peut faire à quelqu’un comme ce policier de se sentir menacé à 5 mètres de lui, d’être tué ! » Étrange propos, qui résonne en creux de la situation de Nahel, qui lui ne pourra plus jamais répondre à cette question.
« On fait pas ça pour nous, répondra un peu
plus tard ce même jeune. On fait ça parce qu'ils ont tiré sur quelqu’un.
Alors nous on veut pas les tuer en vrai, mais faut qu’on leur montre
qu’on a envie de les tuer ! ça ne veut pas dire qu’on va passer à l’acte ».
Et aussi : « férocité de Mérovingiens »
dira un procureur à propos du vol à une trentaine dans une enseigne de
peinture où un seul comparait et donc à ce titre proposera d’interdire
cette personne (sans papiers) sur le territoire du 93 au prétexte de : « nous avons suffisamment d’individus à neutraliser comme ça en Seine St Denis pour s’encombrer avec .... » la phrase est restée en suspens.
Le même procureur qui dans un autre dossier dira avec force : " Cette
prison que je vais réclamer, c’est lui-même qui l’a décidé, par son
attitude ! "
Un
an de prison avec mandat de dépôt, pour avoir arrêté de répondre aux
questions de la juge dont les réponses auraient mis en cause d’autres
personnes.
"On ne peut pas faire semblant de ne pas comprendre la misère sociale" balancera à un moment une avocate, aux juges et au procureur dans une autre affaire.
Pendant ce temps les perquisitions continuent. Les flics viennent
chercher des gen.te.s en défonçant la porte du palier... et aussi celle
de la chambre (bien évidemment pas fermée à clé), de la sœur de celui
qu’ils venaient chercher. Ben voyons.
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