Deux articles aujourd'hui
Un ours tué ?
Cherchez le chasseur…
21/11/2021
Le 20 novembre 2021, près de Seix en Ariège, un chasseur septuagénaire participant à une battue aux sangliers a été blessé à la jambe par une ourse accompagnée de ses oursons. Il l’a tuée, ce qui pose encore une fois le problème des battues en pleine zone à ours : soit les chasseurs ne connaissent pas la nature, soit ils s’en moquent.
L’ASPAS regrette cet accident et nous souhaitons le meilleur rétablissement à la personne qui a été blessée. Souhaitons également que les oursons survivent à l’hiver… Ce drame aurait cependant pu être évité, si les chasseurs avaient respecté le territoire de l’ours. Aucune régulation n’est nécessaire en haute montagne, a fortiori quand des sangliers se trouvent plus bas dans la vallée, entretenus artificiellement par les chasseurs qui ont recours au tir sélectif et à l’agrainage. Cette ourse suitée était connue des naturalistes dans le secteur : s’il s’avère que les chasseurs étaient conscients de sa présence, c’est très grave, car ils savaient le risque encouru.
Les battues de chasse sont en effet très dérangeantes pour toute la faune sauvage : on imagine que l’ourse a été perturbée, et a cherché à se défendre de l’agression cynégétique. L’ASPAS exige toute transparence dans les circonstances qui ont mené à cet accident.
Conseils pratiques en cas de rencontre avec un ours brun
Ce drame souligne l’importance de diffuser à tous les publics, toute l’année, les conseils sur le comportement à avoir en présence d’ours.
Comme tous les animaux sauvages, l’ours n’aime pas être dérangé, encore
moins surpris ou forcé à se défendre ou à défendre ses oursons.
Alors, en montagne en zone à ours, apprenons à anticiper nos rencontres fortuites avec un ours :
- Manifester calmement sa présence en bougeant et en parlant.
- S’écarter lentement de la trajectoire de l’ours.
- Ne pas courir.
- Si l’ours se montre agressif, se plaquer au sol, la tête dans les bras.
2 comportements de l’ours à connaître :
- L’ours se dresse sur ses pattes arrière : il n’est pas agressif mais curieux, il cherche à reconnaître les odeurs et à vous identifier.
- L’ours charge : c’est une charge d’intimidation, il cherche à vous éloigner.
Les promeneurs qui croisent un ours n’ont pas de problème, et l’animal attire un écotourisme d’avenir. Oui, la cohabitation avec les ours est possible et souhaitable !
Contact presse :
Alain MAREK,
délégué ASPAS de l’Ariège : delegation09@aspas-nature.org / 06 07 39 65 51
Marc GIRAUD,
porte-parole de l’ASPAS : mgiraud.nature@wanadoo.fr / 06 07 74 99 05
Source : https://www.aspas-nature.org/communiques-de-presse/2021/un-ours-tue-cherchez-le-chasseur/
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Scandale en altitude :
une ourse défend ses petits !
Samedi 20 novembre, en Ariège, un chasseur mordu par une ourse l'a abattue. L'affaire relance le clivage entre pro et anti-plantigrades.
« À Paris, vous cajolez Winnie l’ourson, ici on subit un fauve. » Une nouvelle fois, l’affaire des ours s’inscrit dans les grands titres. Qu’allait donc faire ce chasseur dans une zone à ours ? N’y a-t-il pas assez de « cochons » à traquer dans les plaines pour satisfaire la gâchette ? Il faudra répondre à ces questions, même si les autorités locales rassurent : « La battue était bien autorisée. » Faut-il alors se retourner vers l’exécutif qui autorise des battues à près de 1 200 mètres d’altitude, dans une zone escarpée pouvant être occupée par des ours, en l’occurrence une femelle suitée de deux jeunes ?
À 78 ans, le chasseur s’en tirera avec des cicatrices et des souvenirs qui animeront quelques soirées. Mais il réanimera également le clivage qui oppose les pro et anti ours. Déjà la fédération de chasse locale plante le décor. « La femelle l’a immédiatement attaqué de manière très sauvage. » « Immédiatement », c’est-à-dire ? Que lors du tête-à-tête, le chasseur n’a même pas eu le temps de localiser une femelle flanquée de deux jeunes ? « Écologiste avisé », sur un territoire sensible, il est surprenant qu’il n’ait pas perçu la menace. Quant à l’attaque « de manière sauvage », on ne peut pas s’attendre à ce que la mère propose « je vous en prie, après vous ». Concernant les deux jeunes orphelins âgés d’environ 10 mois, ils pourront théoriquement survivre s’ils ne succombent pas à de nouvelles battues.
L’ours, espèce en sursis plus que protégée
La soixantaine d’ours qui constitue la dernière population plus ou moins reconstituée des Pyrénées, est logée à la même enseigne depuis 1996, date de la première réintroduction. Bien qu’elle bénéficie d’un statut d’espèce protégée, l’histoire l’inscrit davantage dans la catégorie « en sursis », car les animaux abattus ou accidentés ponctuent la saga des ours de Pyrénées.
En 2004, « Cannelle », tuée par un chasseur, bouleverse déjà bon nombre d’amis de la nature. La dernière ourse de souche française s’est éteinte. À cette occasion, devant le tribunal correctionnel de Pau, le député Jean Lassalle condamne les ours au nom de l’identité béarnaise. À entendre ce jacobin, la vérité ne franchit pas les frontières pyrénéennes. Au-delà, c’est le mépris, l’incompétence, la sensiblerie. Comment se fait-il en conséquence que notre homme ait accepté en 1994, la responsabilité de conduire la destinée de l’IPHB (Institut Patrimonial du Haut Béarn), dont la mission visait prioritairement à mettre en œuvre la cohabitation entre l’ours et les locaux ?
Plus de 10 millions d’euros furent accordés à cette structure dont le bilan s’est révélé affligeant. Non seulement la paix dans la jungle ne s’est pas dessinée, mais trois ours ont été braconnés, avant d’autres mortalités. Et surtout, le Béarnais haut en couleur et peu avare d’effets médiatiques n’a jamais rendu compte des fameux 10 millions d’euros. Soucieux de maintenir le calme, l’exécutif s’est bien gardé d’en savoir davantage. Ainsi de bras de fer et pressions locales ou nationales, de déclarations intempestives en appels à la révolte, le dossier ours continue d’alimenter périodiquement les médias, sans que la raison s’enracine enfin. Quelle est-elle ? Elle est d’abord scientifique.
Les multiples rapports, dont celui du Muséum national d’histoire naturelle, sont formels : si l’on veut maintenir une population viable d’ours dans les Pyrénées, il faudrait atteindre au moins une cinquantaine d’individus reproducteurs avec une forte diversité génétique. Nous ne sommes pas au rendez-vous. Alain Reynes, directeur de l’association Pays de l’Ours-Adet, précise que seule une vingtaine d’individus pouvant donner la vie constitue le potentiel actuel et qu’ils ne remplissent pas les critères génétiques.
Quant au gouvernement, il s’en tient au principe « courage fuyons ». En clair, il n’envisage pas d’enrichir la population ursine. Rien à voir avec l’indignation de Jacques Chirac qui, en 2004, apprenant l’abattage de Cannelle avait déclaré « que l’on assistait à une grave perte pour la biodiversité », tout en dépêchant sa ministre Nelly Olin sur le terrain afin de « réparer l’impardonnable ». Quel jugement fera suite à l’abattage de la mère de deux oursons durant ce week-end ? Au hasard des hypothèses, on peut revisiter le passé.
Le cas Cannelle et la jurisprudence
En mars 2008, François-Xavier Kelidjian, avocat de la Fondation Brigitte Bardot et Assistance aux Animaux, souligne qu’il convient de répondre à la question essentielle : « Les chasseurs, qui ont organisé une battue en zone à ours, étaient-ils au courant du danger ou non ? Il serait en effet trop facile de réduire l’événement au seul état de légitime défense ! » En clair, si le danger est avéré, la première faute ne consiste-t-elle pas à ne pas en tenir compte ? La gendarmerie chargée de l’enquête avait conclu que les chasseurs étaient prévenus de la présence de Cannelle (accompagnée de son petit), mais qu’ils avaient décidé d’ignorer cette mise en garde et, qu’en conséquence, ils avaient pris un risque inconsidéré. Au tribunal, les souvenirs du représentant de la loi deviennent beaucoup plus nébuleux. François-Xavier Kelidjian rappelle : « Le gendarme est venu expliquer l’inverse lors de l’audition en justifiant que son opinion avait évolué. » Le garde de l’ONCFS a lui aussi semblé atteint de schizophrénie. Il expliquera le contraire de ce qui figure dans le procès verbal. L’État s’est pourtant porté partie civile en faveur de Cannelle, réclamant 20 000 euros, tandis que le procureur demandait la relaxe du monde cynégétique.
La justice a tranché, le chasseur a été condamné à 10 000 euros d’amende tandis que son association (ACCA) devait payer 53 000 euros de dommages et intérêts. Qu’en sera-t-il pour la dernière ourse abattue ? Au-delà du jugement, les commentaires iront bon train, les fake news aussi. Ainsi, il est facile de colporter l’idée reçue selon laquelle Paris n’entendrait rien aux réalités du terrain et n’écouterait pas l’écrasante majorité des citoyens qui « en ont marre de subir les dégâts en tous genres provoqués par des animaux protégés par les écolos ». En vérité, les sondages disent clairement le contraire.
À la demande du collectif Cap Nature, l’Ifop a réalisé une consultation en novembre 2020 en posant la question : « Êtes-vous favorable ou opposé à un relâché d’ours ? », 59 % des sondés étaient favorables, contre 17 opposés. À noter que 54 % des votants du sud-ouest étaient favorables.
La petite musique laissant entendre que Paris n’a rien compris à la province, et tout particulièrement aux locaux, ne tient pas. La majorité des Français souhaite la préservation des ours, quoi qu’en disent certains. ●
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