À Fukushima,
l’eau contaminée
va bientôt être rejetée en mer
Publié le 22 octobre 2020
Fukushima déborde. Les centaines de milliers de mètres cubes d’eau contaminée s’accumulent sur le site de la centrale nucléaire détruite. Neuf ans après la catastrophe, l’opérateur Tepco arrive au bout de ses capacités de stockage. Depuis des années, des experts appellent à diluer cette eau faiblement radioactive dans l’océan. Après avoir longtemps rejeté cette solution, le gouvernement va finalement l’autoriser dans les jours à venir.
Le 20 septembre, le nouveau premier ministre Yoshihide Suga s'est rendu sur le site de Fukushima. @Tepco
Dès les jours et semaines qui ont suivi
la catastrophe de Fukushima le 11 mars 2011, la question de l’eau
contaminée s’est posée. Les eaux de ruissellement, les pluies et les
milliers de mètres cubes utilisés pour refroidir les cœurs fondus
devaient être récupérées et stockées pour ne pas contaminer les terres
ou le Pacifique. Résultat, plus d’un millier de conteneurs se sont
accumulés aux abords des six réacteurs de la centrale accidentée,
abritant 1,23 million de tonnes d’eau. L’équivalent de presque 500
piscines olympiques.
Une situation intenable pour le Japon et
même dangereuse en cas d’accident. Aussi, le gouvernement nippon va
prochainement officialiser sa décision de rejeter cette eau à la mer. "Le gouvernement n'a pas décidé du plan à suivre ou du moment" pour l'annoncer, a toutefois réagi le porte-parole du gouvernement Katsunobu Kato lors de son point presse régulier. Mais "nous
ne pouvons pas reporter cette décision, afin d'éviter que les travaux
de démantèlement de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi ne soient
retardés", a-t-il ajouté.
Le tritium intraitable
Selon la presse japonaise, l’annonce est attendue dans les jours qui
viennent et la mise en place du protocole entrainera une mise en
application mi-2022. Cette eau, qui a drainé des matériaux irradiés et
qui a été au contact des cœurs, n’est toutefois pas rejetée en l’état.
Elle a été traitée et décontaminée de l’ensemble de ses substances
radioactives, à l’exception d’une seule : le tritium. Pour l’instant,
aucun procédé industriel ne parvient à fixer de manière suffisante ou
satisfaisante ce radio-isotope.
Le tritium est dangereux à
très haute dose par ingestion ou inhalation. Mais sa durée de demi-vie -
le temps qu'il faut pour baisser la radioactivité de 50 % - est
relativement courte (12,3 ans, contre par exemple 30 ans pour le Césium
137). De plus, sa nocivité est relative. Le tritium a ainsi été utilisé
pendant des années, par exemple, pour rendre lumineuses les aiguilles
des montres de poignets. Il n’empêche que les habitants sont inquiets.
Les agriculteurs et les pêcheurs craignent que cela n’entache l’attrait
pour leurs produits. La Corée du Sud exprime également de vives réserves
et interdit toujours l'importation de produits de la mer issus de la
région.
10 à 100 fois moins cher
En septembre 2019, le ministre japonais de l’environnement assurait déjà que "le rejet en mer était le seul moyen". Ceci avait provoqué un tollé et le gouvernement avait dû se désolidariser de cette déclaration. Mais depuis, le pays se résout à cette solution qui est jugée meilleure que des voies alternatives comme une évaporation dans l'air ou un stockage souterrain. Une commission d’experts du ministère de l’Économie et de l’Industrie, le Meti, avait jugé que la dilution dans l’océan était la solution la plus rapide (environ 7 ans) et serait 10 à 100 fois moins coûteuse que les autres techniques.
L’Agence internationale de l’énergie (AIEA) milite depuis 2014 pour la solution du rejet en mer. Elle argue qu’un stockage sûr à long terme est impossible et précise que de nombreux pays procèdent à de telles dilutions océaniques pour leurs activités industrielles. De son côté, Greenpeace dénonce ce choix et veut promouvoir le stockage. Pour l’ONG, le choix nippon de relarguer l’eau dans les eaux voisines est purement économique.
Ludovic Dupin @LudovicDupin
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