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jeudi 28 juin 2018

« Pognon » des aides sociales : la France n'est pas championne d'Europe pour rien


« Pognon » des aides sociales : 

la France n'est pas 

championne d'Europe 

pour rien

 
 
Par Lilian Alemagna et Amandine Cailhol

Selon un rapport des services du ministère des Solidarités, si la France est en tête des pays dépensiers en protection sociale, cette politique s'avère efficace pour réduire la pauvreté. Le sentiment d'une « charge » pour la société est en « recul ».


Alors ? Les minima sociaux coûtent-ils un «pognon de dingue» pour reprendre l’expression utilisée il y a une semaine par le président de la République dans son bureau de l’Elysée préparant son discours de Montpellier sur la politique sociale ? Eh bien à décortiquer un (long) rapport des services du ministère des Solidarités et de la Santé, difficile de corroborer les dires d’Emmanuel Macron. Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et de la statistique (Drees), «l’effort social de la nation au service de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale est évalué entre 1,8% et 2,6% du PIB en 2016», selon les dépenses que l’on inclut dans le champ «lutte contre la pauvreté». Pour les seuls minima sociaux (dont le Revenu de solidarité active, l’allocation aux adultes handicapés ou le minimum vieillesse), les dépenses étaient, la même année, de 26,6 milliards d’euros. Soit, à peu près, ce que reverse l’Etat aux entreprises, chaque année, en crédit d’impôt compétitivité emploi (20 milliards d’euros).

Idée reçue numéro 1 : les prestations sociales « explosent »


A la recherche d’économies pour rester dans les clous budgétaires européens, le gouvernement pourra toujours s’appuyer sur cette étude pour – au moins – une chose : faire remarquer que les sommes déboursées par l’Etat pour lutter contre la pauvreté ont augmenté de 3% entre 2006 et 2016. De 42,4 milliards d’euros en 2006, «l’effort national» en la matière est passé à 57 milliards en 2016. Entre-temps, notons-le, la crise économique est passée par là… Mais attention, ces sommes regroupent l’ensemble des minima sociaux dont parlait Emmanuel Macron dans sa vidéo (26,6 milliards d’euros en 2016) mais aussi «d’autres prestations sociales», comme la prime d’activité ou bien les aides des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (11,9 milliards d’euros) ainsi que les aides fiscales destinées aux plus pauvres (2 milliards) ou encore les «prestations» logement (10 milliards) et familiales (6,4 milliards). Si on élargit la focale, la Drees note qu’entre 1996 et 2016, l’ensemble des dépenses de l’Etat en prestations sociales (comprenant également les dépenses de retraites, de santé, d’emploi ou de famille à destination de l’ensemble des foyers français) ont «doublé» pour atteindre plus de 700 milliards d’euros en 2016. Un argument que pourrait reprendre à son compte le gouvernement pour interroger leur «efficacité» dans la lutte contre la pauvreté. Sauf qu’il ne tient pas, puisque sur cette enveloppe, une petite partie seulement est dédiée aux pauvres. Si on rapporte ce «coût» à l’ensemble de la richesse produite en France, on passe de 28% du PIB en 1996 à 32% en 2015. Soit une augmentation de 4 points.



Idée reçue numéro 2 : la France fait moins bien que ses voisins européens


La France, championne européenne des dépenses de protection sociale ? Oui. Du moins si l’on se penche sur leurs poids dans le PIB de chaque pays membres. Là, la France arrive bien en tête des 28 Etats de l’UE, en 2015. Avec 32% de la richesse nationale française consacrée aux prestations sociales, l’Hexagone se positionne tout juste devant le Danemark (31,1%) et la Finlande (31,1%). Et assez loin de la moyenne européenne, soit 27,5%. Par ailleurs, la part des dépenses dans le PIB a tendance à évoluer plus vite en France que chez nos voisins européens : entre 1996 et 2014, ces derniers ont en moyenne fait gonfler leurs dépenses de trois points. Soit un point de moins qu’à Paris. «La France est le pays champion d’Europe et probablement du monde dans les dépenses de protection sociale», résume Jean-Marc Aubert, le directeur de la Drees. Du grain à moudre pour Emmanuel Macron ? Pas si sûr. Car le haut fonctionnaire nuance tout de go : «Ceci s’explique essentiellement par les risques vieillesse et santé.» Et non pas, n’en déplaise au chef de l’Etat, par les aides à destination des personnes en situation de chômage et de pauvreté qui sont, certes «importantes», mais «quand même faibles par rapport à la totalité des prestations sociales». Une répartition que l’on retrouve d’ailleurs à l’échelle européenne : selon la Drees, 82% de la dépense des quinze pays de la zone euro est dédiée aux enveloppes «vieillesse» et «santé».

Une autre comparaison de la Drees permet de battre en brèche la réputation dépensière de la France : ce que dépense chaque année un pays en prestations sociales par habitant, exprimé en standard de pouvoir d’achat (ou SPA, une unité monétaire artificielle qui élimine les différences de niveaux de prix entre les pays). Et là, l’Hexagone n’arrive qu’en sixième place, avec 10 100 SPA, soit 10 500 euros par habitant. C’est moins que le Luxembourg, par exemple (14 759 SPA, soit 15 342 euros). Ou que le Danemark (11 000 SPA, soit 14 900 euros).



Conclusion : la France dépense, certes, beaucoup plus que nombre de pays européens, mais, ramenée au nombre d’habitants, son enveloppe reste proche de celle des autres pays européens ayant un niveau avancé de protection sociale. Surtout, ses efforts payent : entre 2008 et 2016, elle a réussi à faire baisser son taux de risque de pauvreté ou d’exclusion de 0,3 point. Concrètement, cela veut dire que la part de sa population ayant un revenu disponible après transferts sociaux inférieurs à 60% du revenu médian (environ 1 000 euros), ou se trouvant en situation de «privation matérielle sévère» (incapacité à payer son loyer, à chauffer correctement son appartement, faire face à des dépenses imprévues…) ou vivant dans des «ménages à faible intensité de travail» (c’est-à-dire au chômage) a baissé. Et en la matière, elle fait mieux que la moyenne des 27 pays membres de l’UE (-0,2%). Résultat, en 2016, son taux de risque de pauvreté et d’exclusion atteint 18,2%. Et son seul taux de risque de pauvreté monétaire, malgré une légère hausse de 1,1% sur la même période, est de 13,6% C’est mieux que la moyenne des 27 pays membres de l’UE (17,3%). Mieux que la Suède (16,2%), que l’Allemagne (16,5%). Bien mieux que le Royaume-Uni (15,9%). Et encore bien mieux que nos voisins espagnols (22,3%) et italiens (20,6%).

Idée reçue numéro 3 : les Français veulent moins de «pognon» pour les plus pauvres


Cela vaut tous les sondages qui risquent de fleurir bientôt dans la presse. D’après le «baromètre» de la Drees (1) «l’idée selon laquelle l’Etat doit jouer un rôle prépondérant dans le système de protection sociale progresse». La part des Français estimant que les pouvoirs publics n’en font «pas assez» est désormais de 65% en 2017 contre 59% deux ans auparavant quand celle qui pense qu’on en fait «trop» est tombée à 5% (contre 8% en 2015). Le RSA ? Lorsqu’on leur fait remarquer qu’une «personne seule qui ne travaille pas» reçoit «525 euros par mois» la part des personnes qui répondent qu’il faut «augmenter» le RSA retrouve, avec 64%, un niveau constaté en 2012. Toutefois, la part des personnes souhaitant voir cette aide «diminuer» est de 14%, son niveau le plus élevé depuis 2015 (17%).




La Drees observe ainsi un «net recul de l’idée que la protection sociale est une charge pour la société». La part des Français jugeant l’Etat trop interventionniste en matière économique et sociale est en forte baisse (21% en 2017 contre 32% en 2014). Tout comme le nombre de personnes considérant que l’Etat dépense trop en matière de protection sociale : 14% d’entre eux jugent encore «excessif» la part du revenu national que le gouvernement y consacre (contre 22%, un pic, il y a quatre ans). 62% trouvent les sommes dépensées «normales» et 22% «insuffisantes», en constante progression depuis 2013. Enfin, fait remarquer la Drees, «l’idée que la Sécurité sociale coûte trop cher à la société demeure majoritaire dans l’opinion». Mais elle l’est de moins en moins : on est ainsi passé de 67% des personnes se disant, en 2014, «d’accord» avec cette idée à 57% en 2017. La part des «totalement d’accord» tombant à 18% l’an dernier contre 25% il y a quatre ans. Difficile pour l’exécutif, avec de tels chiffres, de parier sur un soutien de l’opinion au moment où il cherche - aussi - à faire des économies sur le champ social.


(1) Enquête de suivi de l’opinion des Français sur la santé, les inégalités et la protection sociale réalisée chaque année depuis 2000 auprès d’un large échantillon (au moins 3000 personnes)

Lilian Alemagna , Amandine Cailhol  


Source :  http://www.liberation.fr/france/2018/06/21/pognon-des-aides-sociales-la-france-n-est-pas-championne-d-europe-pour-rien_1660692?xtor=EPR-450206&utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=quot
 

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