Les voitures électriques
sont-elles vraiment « propres » ?
Un véhicule électrique Nissan Leaf exposé à Francfort, le 16 septembre 2015
Photo DANIEL ROLAND. AFP
Constructeurs et politiques œuvrent de plus en plus au développement des véhicules électriques, qu'ils appellent « véhicules propres ». Terme qui peut porter à confusion et qui occulte la pollution qu'engendrent ces bolides.
«Véhicules propres», sous-entendu n’émettant pas de CO2,
donc non-polluants. L’expression est aujourd’hui utilisée pour faire
référence aux voitures électriques. Mais à y regarder de plus près, ces
véhicules ne sont pas si écologiques.
Après Tesla, constructeur californien qui s’est positionné sur le créneau des voitures électriques il y a dix ans, les autres fabricants (BMW, Volkswagen, General Motors, entre autres, et plus récemment Volvo) se «mettent au vert». Les taxes dissuasives sur les émissions de CO2 et les incitations financières (bonus, subventions) en faveur de l’électrique mises en place par de nombreux Etats ont aidé à cette reconversion.
La France et le Royaume-Uni ont même récemment pris la décision d’interdire la vente de véhicules essence et diesel à partir de 2040. Et histoire de concurrencer les acteurs occidentaux, la Chine, premier marché automobile mondial, envisage de suivre le mouvement. En France, les collectivités locales investissent aussi dans ce sens. Jeudi, Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, s’est targué d’avoir lancé une prime régionale «véhicule propre».
Après Tesla, constructeur californien qui s’est positionné sur le créneau des voitures électriques il y a dix ans, les autres fabricants (BMW, Volkswagen, General Motors, entre autres, et plus récemment Volvo) se «mettent au vert». Les taxes dissuasives sur les émissions de CO2 et les incitations financières (bonus, subventions) en faveur de l’électrique mises en place par de nombreux Etats ont aidé à cette reconversion.
La France et le Royaume-Uni ont même récemment pris la décision d’interdire la vente de véhicules essence et diesel à partir de 2040. Et histoire de concurrencer les acteurs occidentaux, la Chine, premier marché automobile mondial, envisage de suivre le mouvement. En France, les collectivités locales investissent aussi dans ce sens. Jeudi, Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, s’est targué d’avoir lancé une prime régionale «véhicule propre».
En juin 2014, le jury de déontologie publicitaire JDP, instance de
l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), a
pourtant conclu que la voiture électrique ne pouvait pas être considérée
comme «écologique» ou «propre». L’Observatoire du nucléaire,
association antinucléaire, avait notamment dénoncé les publicités
trompeuses de véhicules en libre-service du groupe Bolloré. Le JDP avait
déjà épinglé les publicités Citroën, Opel ou encore Nissan pour des
raisons similaires. Cette instance émet seulement des avis, pas des
sanctions, mais les marques rectifient souvent le tir pour épargner leur
image.
«Aujourd’hui, les matériaux sont préparés dans des fours à 400°C, ce qui engendre une consommation d’énergie relativement importante. Mais cela devrait s’améliorer dans les années qui viennent : les chercheurs essayent de développer des méthodes de synthèse qui ont lieu à 150°C, ce qui demande moins d’énergie», explique Jean-Marie Tarascon, professeur au Collège de France et chercheur en stockage électrochimique de l’énergie.
«A la différence des véhicules thermiques, la majorité des impacts environnementaux d’un VE interviennent lors de la phase de fabrication. Les gains environnementaux d’un véhicule électrique se retrouvent donc à l’usage», conclut l’Ademe.
Contrairement aux diesels et essence, les véhicules électriques ne dégagent pas de polluants (COV et NOx) favorisant
la formation d’ozone, qui est responsable de la dégradation de la
qualité de l’air. Mais ils émettent quand même des particules fines. Et
pour ça, pas besoin de pot d’échappement. Une étude de l’Observatoire de la qualité de l’air en Ile-de-France
a démontré que 41% des particules fines en suspension émises en 2012
par le trafic routier dans la région parisienne étaient issues de
l’abrasion des pneus, du revêtement routier et des freins.
Toujours selon l’Ademe, le potentiel d’épuisement des ressources fossiles pour la fabrication d’un véhicule électrique est plus important que pour les véhicules thermiques. En cause, l’extraction des matériaux rares (cobalt, lithium, graphite…) qui composent les batteries lithium-ion utilisées sur le marché. «La filière nécessaire à la fabrication des batteries a des effets dramatiques, ce qui a été démontré de manière édifiante par deux documentaires. Celui de France 5 en Amérique du Sud sur les réserves de lithium. Il y a aussi celui d’Envoyé spécial sur le graphite de Chine», ajoute Stéphane Lhomme.
«Le cobalt provient de RDC, là-bas les exploitations sont d’un point de vue éthique totalement anormales,
c’est pourquoi nous essayons de nous en affranchir. Aujourd’hui
beaucoup de compagnies essaient de recycler ces matériaux à partir de
batteries usagées pour les réutiliser dans les nouvelles. Cela a aussi
un coût moins important que d’aller extraire du nouveau cobalt», explique le chercheur Jean-Marie Tarascon. Il
est aujourd’hui possible de recycler une batterie en intégralité, mais
là aussi, cela a un coût que les constructeurs ne veulent pas forcément
assumer. L’Union européenne oblige depuis 2011 à recycler au moins 50%
du poids des batteries. Et comme le lithium est un produit léger, il
n’est pas recyclé en priorité.
Margaux Lacroux
Le directeur général de l’ARPP, Stéphane Martin, déclarait alors au Monde : «Tout
véhicule a un impact sur l’environnement, lors de sa construction comme
de son cycle de vie. On ne peut pas qualifier la voiture électrique de
propre mais on peut avancer qu’elle contribue au développement durable
ou qu’elle est plus propre que les voitures thermiques, à condition d’en
apporter la preuve.» Comment éviter les raccourcis ?
Une réduction de la consommation d’énergie discutable
Dans son rapport datant d’avril 2016, l’ADEME souligne que «le développement du véhicule électrique permet de réduire la dépendance au pétrole importé». Grâce à un «excellent rendement énergétique», il consomme aussi moins d’énergie qu’un véhicule thermique pour se déplacer. Mais il y a un hic : «Sur l’ensemble de son cycle de vie, la consommation énergétique d’un VE [vehicule électrique] est globalement proche de celle d’un véhicule diesel». Cela s’explique par le fait qu’une voiture électrique nécessite deux fois plus d’énergie pour sa fabrication qu’une voiture thermique. Un des pôles les plus énergivores est l’assemblage des batteries.
«Aujourd’hui, les matériaux sont préparés dans des fours à 400°C, ce qui engendre une consommation d’énergie relativement importante. Mais cela devrait s’améliorer dans les années qui viennent : les chercheurs essayent de développer des méthodes de synthèse qui ont lieu à 150°C, ce qui demande moins d’énergie», explique Jean-Marie Tarascon, professeur au Collège de France et chercheur en stockage électrochimique de l’énergie.
«A la différence des véhicules thermiques, la majorité des impacts environnementaux d’un VE interviennent lors de la phase de fabrication. Les gains environnementaux d’un véhicule électrique se retrouvent donc à l’usage», conclut l’Ademe.
Pas d’essence ne veut pas dire pas de pollution
«Voiture électrique, zéro émission» est devenu un argument de promotion de ces véhicules. Or quand elles roulent, les voitures électriques émettent bien du CO2, même si les rejets sont beaucoup moins importants que pour le diesel ou l’essence (environ 9 tonnes de CO2-eq contre 22 tonnes de CO2-eq en France sur l'ensemble du cycle de vie selon l’Ademe). Comment une voiture sans carburant fossile peut-elle émettre du CO2 ? La pollution est en fait indirecte. Elle est causée par la production de l’électricité utilisée pour recharger les véhicules. En Chine, où l’électricité provient de centrales à charbon, l’impact écologique est par exemple beaucoup plus important.
«L’électricité utilisée en France émet peu de CO2
grâce au nucléaire. Mais ce n’est pas une énergie propre, puisque cela
produit des déchets radioactifs. Et nous importons aussi de
l’électricité d’Allemagne, essentiellement produite grâce aux centrales à
charbon», relativise Stéphane Lhomme, président de l’Observatoire du nucléaire, association antinucléaire. «Si
l’énergie utilisée est renouvelable, qu’elle provient d’éoliennes ou du
photovoltaïque, cela a un avantage énorme et la pollution est vraiment
diminuée», indique Jean-Marie Tarascon.
L’enjeu des batteries
Toujours selon l’Ademe, le potentiel d’épuisement des ressources fossiles pour la fabrication d’un véhicule électrique est plus important que pour les véhicules thermiques. En cause, l’extraction des matériaux rares (cobalt, lithium, graphite…) qui composent les batteries lithium-ion utilisées sur le marché. «La filière nécessaire à la fabrication des batteries a des effets dramatiques, ce qui a été démontré de manière édifiante par deux documentaires. Celui de France 5 en Amérique du Sud sur les réserves de lithium. Il y a aussi celui d’Envoyé spécial sur le graphite de Chine», ajoute Stéphane Lhomme.
Lire aussi Bolivie : sur un baril de lithium
Dans un futur plus ou moins proche, les voitures électriques pourraient devenir plus «propres». «Les
chercheurs ont bien pris conscience de ces problèmes environnementaux
et tentent de les minimiser. Pour réduire le coût énergétique, nous
travaillons au niveau des batteries. Des recherches tentent de
développer des technologies qui utilisent du sodium, plus abondant que
le lithium. Il ne fait aucun doute que dans le futur les voitures
électriques seront fabriquées avec peu d’enjeu environnemental», prévoit le chercheur Jean-Marie Tarascon.
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