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vendredi 10 octobre 2025

Gisèle Halimi, on entre dans un mort comme dans un moulin

Gisèle Halimi, 

on entre dans un mort 

comme dans un moulin

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Gisèle Halimi (photo : Julien Quideau/MUSÉE DU BARREAU DE PARIS)

BHL, Enthoven, Alain Minc, Arthur, Yvan Attal, ils sont une vingtaine à signer une tribune contre la reconnaissance immédiate de l’État de Palestine par la France dans Le Figaro du 19 septembre [1]. Pas un mot sur le génocide en cours, sur la souffrance inouïe des Palestiniens, sur l’assassinat des journalistes, sur les violations du droit international.

Rien d’étonnant. Depuis des mois, ces militants inconditionnels de l’actuelle politique israélienne sont omniprésents dans les médias. On note cependant dans cette tribune la signature de Charlotte Gainsbourg. La comédienne a le droit absolu de signer ce qu’elle veut, sauf qu’elle joue le rôle de Gisèle Halimi dans un film prévu pour 2026 et sauf que Gisèle Halimi, toute sa vie, a toujours soutenu la cause palestinienne.

L’un de ses fils, Serge Halimi, écrit : « elle aurait lu cette tribune collective avec dégoût » [2].

De subtiles critiques rétorquent qu’on ne demande pas au comédien de partager les convictions du personnage qu’il incarne. Charlie Chaplin n’avait pas les mêmes idées qu’Adolf Hitler et Marlon Brando n’était pas le Parrain. Mais on imagine mal l’embarras de Charlotte Gainsbourg à la sortie du film. Comment occulter les engagements de Gisèle Halimi ? Comment se limiter au sujet du film qui est le procès de Bobigny en 1972 ?

Certes un grand moment d’histoire, déjà amplement traité, analysé et célébré en documentaire, livre, théâtre, BD, film, téléfilm, podcast…

Mais comment ne pas évoquer les autres combats de Gisèle Halimi, cette « fauteuse de troubles », et notamment son engagement en faveur de la cause palestinienne ? Elle n’a cessé de dénoncer la guerre coloniale menée par Israël contre le peuple palestinien. Leïla Shahid, ancienne déléguée générale de Palestine, a toujours rappelé l’importance de son combat en faveur de la Palestine [3].

Lors de la sortie du film, quels seront les commentaires de Charlotte Gainsbourg incarnant « Gisèle » devant le dernier appel de Gisèle Halimi en faveur du peuple palestinien, le 28 juillet 2014 dans L’Humanité [4] ?

« Un peuple aux mains nues – le peuple palestinien – est en train de se faire massacrer. Une armée le tient en otage. Pourquoi ? Quelle cause défend ce peuple et que lui oppose-t-on ? J’affirme que cette cause est juste et sera reconnue comme telle dans l’histoire. Aujourd’hui règne un silence complice, en France, pays des droits de l’homme et dans tout un Occident américanisé. Je ne veux pas me taire. Je ne veux pas me résigner. Malgré le désert estival, je veux crier fort pour ces voix qui se sont tues et celles que l’on ne veut pas entendre. L’histoire jugera mais n’effacera pas le saccage. Saccage des vies, saccage d’un peuple, saccage des innocents. Le monde n’a-t-il pas espéré que la Shoah marquerait la fin définitive de la barbarie ? »

« On entre dans un mort comme dans un moulin ». La phrase de Sartre illustre cette instrumentalisation de la mémoire de Gisèle Halimi. Ses engagements anti-impérialistes pour la cause du Vietnam, de Cuba et des militants basques. Son opposition à la guerre du Golfe et du Kosovo, son refus du traité de Maastricht et du traité établissant une Constitution pour l’Europe en 2005. Ses positions anticapitalistes comme co-fondatrice d’Attac en 1998. Elle précisait sa lutte féministe en articulant genre et classe :

« je suis de gauche, pour le socialisme incontestablement, mais je ne crois pas qu’il suffise – comme on nous le répète – d’instaurer le socialisme, en somme de changer les rapports de production entre les hommes pour changer les rapports hommes-femmes – je ne crois d’ailleurs même pas que cela suffise pour changer les rapports entre les hommes mais enfin ça, c’est un autre problème. Je pense qu’il y a une libération spécifique de la femme, je pense que la libération totale de la femme ne peut pas se faire en dehors d’un bouleversement des structures économiques et sociales du pays, mais je pense que cela n’est pas suffisant. »


Pour voir cette vidéo cliquer sur ce lien :  https://www.rts.ch/play/tv/en-direct-avec/video/gisele-halimi-et-choisir?urn=urn:rts:video:11944765

C’est aussi sa lutte contre le colonialisme, sa défense du combat du peuple algérien contre les tortionnaires français qui sont beaucoup moins évoqués alors qu’elle y a risqué sa vie. Pour Marine Le Pen, fidèle à son père, c’est clair : « elle était un soutien des terroristes du FLN contre l’armée française : rien que cela doit lui interdire toute entrée en Panthéon ». C’est aussi sa défense de Djamila Boupacha, une militante du FLN arrêtée en 1960 pour une tentative d’attentat à Alger. Ses aveux – obtenus par le viol et la torture – ont donné lieu – à l’initiative de Gisèle Halimi et de Simone de Beauvoir – à un procès médiatique des méthodes de l’armée française en Algérie française. Djamila Boupacha a été amnistiée dans le cadre des accords d’Évian, et finalement libérée le 21 avril 1962 avec une ordonnance de non-lieu.

                       Picasso, Djamila Boupacha, 8 décembre 1961

Sans le vouloir, Charlotte Gainsbourg et les signataires de cette tribune permettent au grand public de redécouvrir les engagements encourageants de Gisèle Halimi, notamment pour la Palestine, ce qui met en évidence le génocide en cours dont ils sont les complices.

Daniel Mermet
 
__________


Notes

[3Le site du mouvement CHOISIR la cause des femmes, créé par Gisèle Halimi, donne quelques dates :

 le 11 mars 1968, Gisèle Halimi co-signait une tribune collective qui dénonçait l’arrestation et la détention arbitraires d’étudiantes et d’étudiants palestiniens

 le 3 mars 1982, elle co-signait un appel collectif appelant à ce que la « France s’exprime clairement […] pour réaffirmer les principes d’une paix juste et durable au Proche-Orient : le retrait des troupes Israéliennes de tous les territoires occupés depuis 1967, y compris la partie arabe de Jérusalem ; la reconnaissance des droits nationaux du peuple palestinien, y compris le droit à édifier son propre État indépendant sur le sol de sa patrie »

 le 18 octobre 2000, un appel collectif intitulé « En tant que juifs… ». Celui-ci affirmait : « partisans de la fraternité judéo-arabe, nous réclamons la relance d’un processus de paix qui passe nécessairement par l’application des résolutions de l’ONU, par la reconnaissance d’un État palestinien souverain et du droit au retour des Palestiniens chassés de leur terre. C’est par là que la coexistence pacifiée de différentes communautés culturelles et linguistiques sur un même territoire peut devenir possible. »

 à partir de septembre 2002 Gisèle Halimi devint l’avocate de Marwan Barghouthi et défendit jusqu’à sa disparition en 2020, un « homme de paix ». Chef du Fateh en Cisjordanie, Marwan Barghouthi, était pour elle un « homme de paix » à qui Israël intentait un «  procès politique » (Choisir la cause des femmes, 23 septembre 2025).

[4Gisèle Halimi, « Gaza : "Je ne veux pas me taire" », L’Humanité, 28 juillet 2014.

 

Source : https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/gisele-halimi-on-entre-dans-un-mort-comme-dans-un-moulin

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