Une France presque entièrement brune du vote de l’extrême droite : le
choc à la vue de la carte électorale issue du vote aux européennes du 9
juin ne faiblit pas. C’est le plus haut niveau jamais enregistré par le
Rassemblement national (RN) en pourcentage des suffrages exprimés.
Environ 93 % des communes ont placé le RN en tête. Le message
est assourdissant : plus de préférence nationale, des frontières encore
plus infranchissables, tout pour les pesticides et le glyphosate, rien
pour le climat. Et que partout l’ordre prime sur la liberté. « On » est «
chez nous », et que « les autres » se barrent. Parallèlement,
l’écologie politique s’est effondrée en franchissant avec peine la
barre des 5 % lui permettant d’envoyer des député·es au Parlement
européen – même si des idées proches des leurs se trouvent dans le
programme de La France Insoumise (LFI), au sort électoral plus enviable.
Ces deux évènements ne peuvent pas être séparés. Si
l’écologie politique veut se reconstruire en force de changement social
qui compte aux yeux des habitant·e·s de ce pays, elle doit le faire sur
la base d’un projet antiraciste. L’enjeu n’est pas la survie d’un parti
politique – ses idées trouveront leur place dans d’autres mouvements. La
question est la constitution d’un antidote à la xénophobie et au repli
nationaliste. Il pourrait être puissant à condition de travailler dans
cette direction. Car en écologie, « on » n’est jamais « chez
soi ». On est toujours chez les autres : chez les hirondelles qui
laissent tomber les graines qui font pousser les forêts, chez les vers
de terre qui font respirer les sols et permettent l’agriculture, chez
les rivières qui entretiennent le cycle de l’eau et hydratent le monde.
Mais aussi chez les peuples du désert qui nous apportent le savoir de
la culture des sols arides, chez les avocats nigérians qui assignent
Shell en justice contre les ravages de ses marées noires, chez les
cultivatrices indiennes qui réactivent des semences anciennes pour
défendre la biodiversité du monde, chez les peuples autochtones qui nous
font comprendre que la modernité occidentale est une vision tronquée du
monde. L’Europe est traversé de fleuves transcontinentaux. La
pollution des PFAS voyagent de pays en pays, la radioactivité survole
les postes-frontières. L’écologie est une culture du souci du monde et
de l’attention à celles et ceux qui l’habitent, humains ou non-humains.
Elle est par essence contre les frontières et les assignations
identitaires. Elle est la pensée du lien entre les espèces, de
l’interdépendance, de la vulnérabilité partagée et de la nécessaire
solidarité. Elle est métisse, hybride, vagabonde, internationaliste,
décoloniale et no border. |
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