JO 2024 :
vidéosurveillance algorithmique,
drones, QR code…
le grand bond en avant
techno-sécuritaire
Les grands événements sportifs mondiaux ne sont pas seulement des aberrations économiques et écologiques, ni une succession d’opérations financières sordides qui profitent aux multinationales tout en excluant les populations les plus pauvres. Ces compétitions ne sont pas non plus qu’un exercice de propagande pour l’État qui les organise, un simple moyen de polir et redorer son image à l’international. Ce sont aussi les voies empruntées par les nations pour développer de nouvelles stratégies de gestion des foules et de contrôle des populations, un bond en avant de l’ordre techno-policier.
Les JO 2024, s’inscrivent dans cette logique techno-sécuritaire. Députés, sénateurs, préfets prévoient de déployer une batterie de mesures sur tout le territoire l’été prochain. Enjeu principal de ces mesures : la surveillance généralisée de la population.
Vidéosurveillance automatisée
Dans la “Loi Olympique” votée à l’Assemblée Nationale fin mars 2023, l’article 7 autorise la vidéosurveillance automatisée (VSA). Le dispositif est censé détecter plus efficacement des comportements dits “anormaux” grâce à des algorithmes. Les défenseurs de la VSA parlent de sa capacité à anticiper “des mouvements de foule ou la détection de bagages abandonnés ou de jets de projectiles”. En creux, ils encouragent la mise en place d’un nouvel outil contre-insurrectionnel. De l’autre côté les défenseurs des droits humains alertent sur les risques de surveillance de masse : “[la] décision d’autoriser la surveillance de masse assistée par intelligence artificielle pendant les Jeux olympiques entraînera une offensive généralisée contre le droit à la vie privée, le droit de manifester et les droits aux libertés de réunion et d’expression”, a dénoncé dans un communiqué Amnesty International.
Une autre crainte qui pèse sur cette technologie, selon les ONG : l’introduction de biais discriminatoires via la vidéosurveillance automatisée. “Ces algorithmes vont être entraînés à travers un jeu de données décidées et conçues par l’être humain. Elles pourront donc intégrer tout simplement les biais discriminatoires des personnes qui les ont conçues et pensées” note Katia Roux. L’avocat Arnaud Touati rappelle, lui, que “La VSA a déjà été utilisée à des fins racistes, notamment par la Chine, dans la surveillance exclusive des Ouïghours, minorité musulmane présente dans le pays”.
Le texte de loi prévoit “à titre expérimental” que la sécurisation “de manifestations sportives, récréatives ou culturelles d’ampleur puisse être assurée au moyen d’algorithmes”. La période de test couvrira toute la durée des Jeux olympiques (26 juillet au 11 août 2024) et paralympiques (28 août au 8 septembre 2024), puis s’étendra jusqu’au 30 juin 2025…
Un effet cliquet
“L’expérimentation”, “le test” d’aujourd’hui sera la méthode de surveillance de demain. L’exception devient toujours la règle. C’est une règle historique : l’effet cliquet. Une fois que l’on a franchi une étape de contrôle “exceptionnelle”, la mesure entre peu à peu dans la norme, il n’y a plus de retour arrière. Parlons donc de l’utilisation des drones policiers. D’abord dévolue à la surveillance des frontières et des manifestations politiques, les drones se sont rapidement retrouvés dans tout l’espace public, déployés dans les quartiers populaires lors des révoltes suite à l’assassinat de Nahel ou lors d’événements sportifs ou culturels. Ces derniers temps, on note ainsi la présence de ces mouchards volants pendant la coupe du monde de Rugby ou au concert de Beyoncé au stade de France le 26 mai 2023 entre autres. Il ne fait nul doute, qu’un emploi massif de drones policiers sera autorisé par les préfets pendant les JO.
Des tas d’autres mesures de surveillance devaient répondre à des situations exceptionnelles, soit d’urgence (dans le temps) soit de contexte local particulier (dans l’espace), avant de se généraliser progressivement. Le fichage ADN se bornait aux criminels sexuels, la vidéosurveillance ne regardait que les lieux particulièrement impactés par la délinquance, les comparutions immédiates devaient permettre de juger rapidement certains petits délits lorsque les tribunaux étaient engorgés ou la détention préventive ne devait concerner que les individus susceptibles de fuir ou d’avoir des conduites dangereuses le temps du procès… Autant de mesures qui sont aujourd’hui devenues la normalité policière et judiciaire.
QR Code au quotidien
Le QR code… C’est l’annonce toute fraîche du préfet de police de Paris. La mise en place dans la capitale et la région parisienne d’un QR code pendant la compétition olympique. Laurent Nunez compte limiter le droit de circulation dans certaines zones de la capitale et en Île-de-France cet été. Sauf si les personnes s’inscrivent sur une plateforme numérique dédiée pour obtenir un QR code. On marche sur la tête.
Au-delà des touristes sportifs, les habitant-es de région parisienne devront présenter un QR code lors de contrôles pour pouvoir se déplacer aux alentours des sites olympiques. Imaginez devoir présenter aux policiers et gendarmes un QR code pour pouvoir rentrer chez vous, aller travailler ou profiter d’une promenade à proximité de votre domicile. C’est un contrôle de nos déplacements et un fichage de nos activités quotidiennes.
Une certaine gauche avait refusé de s’engager dans les manifestations contre le Pass Sanitaire, outil techno-policier qui n’avait rien de sanitaire, imposé par le gouvernement pendant la crise du covid. Ce type de dispositif devait être, là encore, exceptionnel. Voici que le préfet de police de Paris propose le même dispositif pour une compétition sportive : mettre en place une sorte de Pass JO accompagné d’un QR code. Pour obtenir le “sésame”, il faudra fournir “un certain nombre de justificatifs, de domicile mais pas que” précisait Laurent Nunez au Parisien pour ne pas être exclu de ces zones. Les personnes ayant des activités dans ou aux abords de ces périmètres délimités par la préfecture se retrouveront dans l’obligation de dévoiler des informations personnelles pour pouvoir y accéder, informations qui seront collectées et enregistrées dans des bases données et autres fichiers de police.
Les JO 2024, ne font pas figure d’exception. Au-delà du déploiement de milliers d’agents sur tout le territoire pendant la compétition, ce sont bien les technologies de surveillance de masse qui doivent nous alerter. L’État français teste tout un appareillage techno-policier pour pouvoir, dans un futur proche, les imposer dans notre vie quotidienne. C’est une sorte d’expérimentation et d’acceptation sociale grandeur nature.
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