Dans le lit asséché de l’Agly,
militants et agriculteurs
ciblent Total
Il leur a fallu trois jours pour inscrire cette fresque* dans le lit asséché de l’Agly. Militants écologistes et agriculteurs de la Confédération paysanne des Pyrénées-Orientales expliquaient ce 31 août devant la presse leur message à l’encontre de Total Énergies.
« Ils n’ont pas d’eau ? Qu’ils boivent du pétrole ». Quelques
lettres géantes inscrites au fond d’une rivière, visibles depuis le
ciel pour interpeller les grands de ce monde. Ceux qui décident des
usages de l’eau, et qui donnent, selon eux, le blanc-seing aux pollueurs
de tous bords. Par cette action, les activistes souhaitent « dessiner
un lien direct entre les gros pollueurs et la situation de sécheresse
historique que vivent les Pyrénées-Orientales et au-delà. »
Même si l’action semble dérisoire au regard des enjeux climatiques, ANV-Cop21 et la Confédération paysanne ont passé plusieurs jours à dessiner cette fresque de 1.000M2 dans le lit du fleuve de l’Agly asséché depuis plusieurs mois. « Ils n’ont pas d’eau ? Qu’ils boivent du pétrole** ». « On sait que l’on ne va pas changer le système en dessinant une simple fresque, mais nous allons faire parler du sujet. L’idée est de secouer tout le monde avec nos actions non-violentes mais pourtant déterminées. »
Quel lien entre Total énergie et la sécheresse des Pyrénées-Orientales ?
Une fresque de 25 mètres de large par 45 mètres de haut ciblant Total*** au fond d’une rivière des Pyrénées-Orientales ? Quel lien entre la compagnie pétrolière française et la sécheresse dans les Pyrénées-Orientales ? Pour Zoé, le lien est évident. « Total énergies connaît l’impact de ses activités depuis 50 ans. Ils savent qu’ils émettent beaucoup trop de gaz à effet de serre et que cela provoque un dérèglement climatique. Malgré tout, ils continuent de lancer de nouveaux projets d’exploitation d’énergies fossiles. »
L’activiste du climat pointe aussi du doigt, les bénéfices records du pétrolier. « Nous voulons que les grands pollueurs payent pour les dommages causés et cessent tout nouveau projet d’exploitation. Ils mettent en péril les conditions d’habitabilité de notre planète, pour les humains, et aussi pour tous les écosystèmes. »
Selon Jérome Suszek, référent eau de la Confédération Paysanne des Pyrénées-Orientales, lui-même, apiculteur et maraîcher, rappelle que sans eau, l’agriculture ne peut produire de quoi manger. « Nous soutenons cette action contre les pollueurs, car ils doivent payer. Le sol est notre outil de travail, nous nous devons de le préserver. Or Total et les énergies fossiles le détruisent, et l’assèchent. »
Il y a deux ans il fallait un bateau pour mesurer l’Agly aujourd’hui asséchée…
Avant d’être agriculteur Jérôme était géologue et topographe. Il se souvient, il y a à peine deux ans, être venu en bateau sur ce même lieu pour mesurer l’Agly. Il se désole, « sans rivière en bonne santé, rien ne peut vivre. »
Pourtant, en janvier 2023, sous les fenêtres du préfet des Pyrénées-Orientales, plusieurs agriculteurs brandissaient fièrement un cercueil aux couleurs d’une association écologiste. Une manifestation qui laisse augurer d’une guerre de l’eau entre les divers usages. Selon Jérôme, la Confédération paysanne des Pyrénées-Orientales ne se positionne pas dans une guerre de l’eau, préférant un partage de l’eau. Selon Zoé, il existe une agriculture durable.
« Jérome et moi, on vous parle ici ensemble, parce que cela a du sens. L’agriculture proposée ici est durable et nous propose un modele plus juste de société. Il existe des alternatives, et c’est cela que nous voulons mettre en valeur. Des personnes comme Jérôme produisent ce que l’on mange, il n’est pas possible de les priver d’eau. Il faut les écouter, ils ont des solutions de long terme à proposer. »
Total met en avant « une profonde transformation de ses activités » depuis 2015
Contacté, le service communication de TotalÉnergies nous a adressé une réponse par mail. En rappelant sa volonté de transformation, ses objectifs et les investissements consentis. « Il est faux de soutenir que le risque climatique aurait été tu par Total ou Elf dans les années 1970 ou depuis. Depuis 2015, TotalEnergies est engagée dans une profonde transformation de ses activités avec l’ambition de devenir l’un des cinq plus grands acteurs mondiaux des renouvelables en 2030 et d’atteindre la neutralité carbone à horizon 2050, en fixant des objectifs de réduction de gaz à effet de serre précis à horizon 2030. »
Selon le service communication de Total, l’entreprise investit plusieurs milliards d’euros par an dans les énergies renouvelables et bas carbone. « TotalEnergies investira près de 5 milliards d’euros dans les énergies renouvelables et bas carbone et consacrera ainsi pour la première fois, plus d’investissements dans les énergies bas carbone, que dans des nouveaux projets d’hydrocarbures. Ainsi, en 2030, TotalEnergies sera l’un des plus gros électricien bas carbone du monde. »
La Confédération paysanne en mal de représentativité au sein même de sa profession
Il y a quelques jours, plusieurs militants du syndicat agricole avaient décidé de perturber la commission de l’eau qui se tenait à la préfecture de Perpignan. Le message était clair, les 26% d’agriculteurs qui ont voté pour ce syndicat veulent être entendus. Selon Jérôme, ils ont des solutions viables et durables. « Nous représentons 26% lors des élections professionnelles, et notre voix n’est jamais entendue. Pourtant nous proposons de nombreuses solutions. Ce n’est qu’un exemple, en tant que maraîchers, nous ne laissons jamais une friche à nue. Il faut un changement d’agriculture. ».
Concernant les innovations telles que la réutilisation, le paysan et ancien géologue prône une réutilisation des eaux usées mais en circuit fermé et non à grande échelle comme c’est envisagée. « Si on enlève l’eau qui doit aller dans la rivière cela modifie la qualité physico-chimique de la mer. Et s’il y a trop de sel, il n’y aura plus de vie dans la mer. »
*La fresque a été réalisé en produits non polluants, tels que la glycérine végétale, ou le charbon naturel et de l’eau.
**Selon
Zoé, représentante Action Non Violence Cop-21, ce message fait
référence à la réponse d’une princesse de France. Cette dernière aurait
rétorqué au peuple qui réclamait du pain ; "S’ils n’ont pas de pain,
qu’ils mangent de la brioche."
Source : http://madeinperpignan.com/action-militants-ecologistes-agriculteurs-ciblent-total-energies/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire