Contre Attaque
Samedi 7 janvier 2023
EMPOISONNEMENT D’ÉTAT
AU CHLORDÉCONE :
DÉNI DE JUSTICE
ET MÉPRIS DES VICTIMES
– Après 16 ans d'attente, les juges d’instruction du pôle de santé de Paris estiment que les faits sont « prescrits » –
Après
16 ans de procédure, la justice clôt le dossier de l’empoisonnement au
Chlordécone dans les Antilles suite à la plainte pour empoisonnement
déposée en 2006 par les victimes de ce pesticide mortifère.
Le
chlordécone, un pesticide et insecticide ultra-toxique, a largement été
utilisé dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique de 1972 à
1993 , alors même qu’un risque cancérigène est déclaré dès 1979 par
l’Organisation Mondiale de la Santé. Prenant en considération la gravité
des effets de ce pesticide, les États-Unis l’interdisent dès 1977.
Le
chlordécone contamine toute forme de vie sur son passage : l’humain,
l’eau, l’air, la faune, la flore, et toute la biodiversité. Plus de 90%
de la population des Antilles est contaminée par ce véritable poison et
l'on parle de plus de 40.000 hectares de terres contaminées, sans parler
des cours d’eau et des fonds marins… Mais il permet à la France
d'importer des bananes à petit prix depuis ses colonies, produites et
cueillies par de petits paysans exploités qui s'empoisonnent.
Le
chlordécone est interdit en France en 1990 mais continue d’être déversé
en Guadeloupe et en Martinique jusqu’en 1993 par deux dérogations
successives, accordées par le gouvernement français. Malgré
l’interdiction du chlordécone il y a maintenant 30 ans, l’environnement
reste contaminé par ce poison, dont les molécules peuvent persister
jusqu’à 700 ans…
Un mépris criminel de la population antillaise
de la part des gouvernants français qui démontre une fois de plus un
racisme d’État assumé et normalisé. La responsabilité de l’État Français
dans ce scandale ne fait l’objet d’aucun doute. Il a d’ailleurs été
reconnu dans le rapport de la commission parlementaire, adopté par
l’Assemblée Nationale en 2019.
En novembre 2022, le ministère
public demande un non-lieu. L’argument du parquet ? Les faits ne peuvent
pas être qualifiés d’empoisonnement et sont prescrits. Le droit
français prévoit aujourd’hui que seuls les crimes de génocides, de
crimes contre l’humanité ou crimes de guerres soient imprescriptibles…
Mais comment est-il possible de ne pas considérer cet empoisonnement
massif d’une population entière, de la biodiversité, de l’eau et de
l’air comme un crime contre l’humanité ?
Rappelons également
qu’en matière d’infractions dissimulées, le point de départ de la
prescription peut être calculée à partir de la découverte des faits…
soit officiellement en 2004 par la direction générale de la concurrence.
Ce serait donc un choix volontaire de la Justice de retenir la
prescription de l’action publique pour justifier son refus de rendre
justice !
La décision des juges d’instruction en charge de
l’affaire a été rendue le 2 janvier 2023. Suivant ainsi les réquisitions
du Parquet, les juges rendent une ordonnance de non-lieu. Des arguments
insensés sont avancés pour justifier ce déni de justice assumé : les
juges relèvent la difficulté de « rapporter la preuve pénale des faits
dénoncés », « commis dix, quinze ou trente ans avant le dépôt de
plaintes », et tente de minimiser les connaissances scientifiques de
l’époque pour faire croire à l’impossibilité d’établir un « lien de
causalité certain ». Les juges concluent donc à l’impossibilité de
« caractériser une infraction pénale », reprochant même aux parties
civiles d’être restées « longtemps silencieuses » ! Stratégie classique de
l’État d’inverser la responsabilité et de faire porter la culpabilité
sur ses propres victimes !
Une fois encore, la justice française
démontre sa complicité avec les puissants, politiques et industries
mortifères. Ce non-lieu est le reflet de l’indifférence totale de
l’institution judiciaire et de l’autorité étatique pour la santé de la
population antillaise, pour la faune, la flore, l’air, l’eau… Une
décision indigne et inhumaine qui prive les victimes de leur droit à
être entendues, reconnues et à exiger une réparation légitime au vu des
préjudices qu’elles ont subi : l'incidence de certains cancers reste
aujourd'hui très au dessus de la moyenne. Avec 227,2 cas pour 100.000
hommes chaque année, la Martinique détient le « record » du monde de
cancer de la prostate. L'incidence des cancers de l'estomac est deux
fois supérieure à celle de la Métropole.
Les Antilles sont des
îles oubliées des autorités françaises, des colonies peuplées en grande
partie de descendants d’esclaves, subissant aujourd'hui à la fois une
féroce répression, des prix de la nourriture indécents, des services
publics défaillants. Et un mépris de l'État français pour la santé des
habitants.
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