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lundi 7 novembre 2022

Méga-bassines : « Si écoterrorisme il y a, il est du côté de l’État »

 


Méga-bassines : « Si écoterrorisme il y a, il est du côté de l’État »

 
Natacha Devanda ·

La mobilisation contre les « méga-bassines » de Sainte-Soline a été émaillée de heurts violents entre les manifestants et des gendarmes mobiles déployés en force dans ce village des Deux-Sèvres. Blessés de part et d'autre et déclaration choc de Gérald Darmanin. Le ministre de l'Intérieur parle d'ultragauche, de fichés S et d'écoterrorisme pour définir les manifestants. Bien commode pour évincer le vrai débat sur l'usage de l'eau. Rencontre avec Mélissa Gingreau, porte-parole du collectif « Bassines Non Merci ! » pour évoquer les vrais enjeux de cette bataille de l'eau.

 

Quel bilan peut-on tirer de ce week-end de mobilisation ? La violence plutôt que la compréhension des véritables enjeux ?

Parler de la violence est bien pratique pour ne pas évoquer le fond du problème. Il faut revenir sur le déploiement incroyable des forces de l’ordre. Plus de 1 700 gardes mobiles pour protéger le site de Sainte-Soline alors que nous avions comme seule ambition de pénétrer dessus pour manifester et donner à voir l’aberration écologique que représente ce type de réservoir d’eau. Dans le cortège où j’étais, il y avait des familles, on faisait des farandoles, il n’y avait aucune violence. Il n’y avait aucune justification à avoir ce niveau de surveillance puis de violence de la part de l’État. Il y a eu jusqu’à sept hélicoptères au-dessus des manifestants, des tirs de LBD, de grenades de désencerclement lors de distribution de cookies à des enfants en fin de cortège. En tout, il y a au moins 50 blessés dont 15 blessures ouvertes chez les manifestants. Julien Le Guet, l’un des porte-parole du mouvement « Bassines non merci ! » a été tabassé par quatre gardes mobiles. Il y a une volonté flagrante de répression de la manifestation. Penser que ça peut stopper la mobilisation est un leurre. Notre collectif rassemble quelque 150 organisations, des gens sont venus de partout pour défendre l’eau comme un bien commun. La manifestation était interdite par la préfète des Deux-Sèvres et malgré ça, plus de 7 000 personnes sont passées outre cette interdiction. Ça signifie bien quelque chose.

Quelques mots pour nous rappeler ce qu’est la méga-bassine de Sainte-Soline ?

Ce projet de bassine c’est 720 000 mètres cubes d’eau, soit l’équivalent de 360 piscines olympiques, et une emprise au sol sur 16 hectares. Sainte-Soline est révélateur de ce qu’il va se passer car des projets de méga-bassines il y en a dans les Deux-Sèvres, dans la Vienne, dans le Berry…

Pour quels usages en fait ?

Là est bien le problème. Elles sont destinées à une petite centaine d’agro-industriels, dont pas un n’a renoncé aux pesticides. Le réservoir consommerait en une année, 36 ans de consommation de la population de Sainte-Soline. Les 16 bassines des Deux-Sèvres vont concerner une centaine d’exploitations d’agro-industrie seulement, mais vont coûter quelque 60 millions d’euros d’argent public. C’est une dépense publique colossale pour une minorité d’agriculteurs, des irrigants qui font pousser du maïs fourrager pour l’export, autrement dit pour nourrir du bétail dans les fermes-usines. Voilà le modèle agricole défendu par l’État lorsqu’il réprime les manifestations citoyennes. C’est ce système agro-industriel que l’on remet en question. Et dont on veut, au moins, pouvoir débattre démocratiquement.

C’est ce que vous demandez, un débat démocratique sur les méga-bassines ?

Bien sûr. Il n’y en a pas eu. Actuellement on demande un moratoire sur les méga-bassines pour stopper leur construction. En 2017, lors de la consultation de l’enquête publique 70 % des avis émis étaient contre le projet de 19 bassines. Malgré ça, le commissaire enquêteur a donné un avis favorable. Rien que ça, c’est un déni de démocratie. Puis, alors que le rassemblement du 29 octobre à Sainte-Soline était prévu de longue date et dûment déclaré, la préfecture décide d’un coup de prendre un arrêté d’interdiction de manifestation et de circulation. La police convoque des responsables associatifs au commissariat, l’État envoie la cellule Demeter, réprime violemment les manifestants…

Gérald Darmanin parle d’écoterrorisme et craint plus que tout la constitution d’une Zad à Sainte-Soline…

On nous traite d’écoterroriste lorsque l’on essaie de défendre l’eau comme bien commun ainsi que d’empêcher son pillage et son détournement au profit de quelques-uns. Si écoterrorisme il y a, il est du côté de l’État. Après tout, c’est lui qui est condamné pour inaction climatique ! On sait que ce modèle agro-industriel n’est pas durable. Les scientifiques, les hydrologues le disent. La sécheresse historique de cet été qui se prolonge encore devrait sonner comme un avertissement. Le cycle de l’eau, on apprend ça en CM1. Il faut laisser les nappes phréatiques se recharger à l’automne, en hiver et au printemps pour qu’il y ait des rivières l’été. Les bassines font l’inverse. Il n’y a aucune volonté de réduire les consommations d’eau, de pesticides, de plantes gourmandes en arrosage comme le maïs… Bref, aucune volonté de changer de modèle agricole. Quels autres choix avons-nous que d’entrer en désobéissance civile ?

La justice peut-être ?

Bien sûr. Et nous avons déposé de nombreux recours contre le projet de méga-bassine. Mais malheureusement rien n’est suspensif et les travaux continuent. Il faut savoir qu’en Charente-Maritime, la cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé, après 14 ans de combat judiciaire, l’annulation de l’autorisation pour cinq réserves de substitution – l’autre nom des bassines. Le problème c’est que les ouvrages sont construits et que, même jugés illégaux, des gros trous bâchés demeurent en place.

Quel est le calendrier de cette bataille de l’eau ? La balle est dans le camp du gouvernement. Qu’il accepte de nous écouter et d’apaiser la situation par le dialogue et en prenant un moratoire. Sinon, il faut savoir qu’il y aura de nouvelles dates de mobilisation. L’un de nos slogans est No Bassaran, ça donne une idée de la mobilisation. Elle est joyeuse mais déterminée. •

Propos recueillis par Natacha Devanda

 

Source : https://charliehebdo.fr/2022/10/ecologie/agriculture/mega-bassines-si-ecoterrorisme-il-y-a-il-est-du-cote-de-letat/?utm_source=sendinblue&utm_campaign=NEWSLETTER%20QUOTIDIENNE%20-%20LARTICLE%20WEB%20-%20311022%20-%20NON%20ABONNES&utm_medium=email

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