LES ENCOMBRANTS, UN EUGENISME SOFT
Regardez ces deux images,
laquelle vous choque ?
Le
L’image du nègre faisait bien rigoler nos ancêtres. Aujourd’hui c’est le vieux qu’on peut mépriser sans souci. Si le racisme est toujours présent, l’ "Agisme" est la plus banale et le plus répandue des stigmatisations. La question du confinement en apporte une preuve violente. Si malgré tout, l’opinion hésite un peu, nos grands experts et nos pitres médiatiques s’efforcent de propager le virus d’un nouvel eugénisme.
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Destruction massive d’emploi, jeunesse dans la détresse,
petits patrons au bord de l’explosion. On se traine entre déprime et
colère et pas la moindre lumière au bout du tunnel.
Solution ? Laissez crever les vieux.
C’est pas dit comme ça, bien sûr, mais ça se dit de moins en moins tout bas.
On le répète, les 70 000 morts du covid, à 80% c’est des plus de 75 ans. Et pour protéger ces vieux, tout le pays est bloqué. Nos enfants sacrifiés, notre économie en loques, nos artistes désespérés, tout ça pour des vieillards au bout du rouleau qui ont joui toute leur vie et qui ne veulent pas lâcher la rampe. Il faut les obliger à se confiner et qu’on en finisse avec cette génération dorée.
Mais tout de même, enfermer les vieux et les vulnérables, on se demande si c’est bien moral, ce sont des êtres humains, on hésite. Heureusement certains n’ont pas ces scrupules, nous avons des experts, des penseurs, des grands professeurs et des personnalités médiatiques qui sont là pour nous dire ce que nous devons penser.
François de Closet par exemple : « Toutes le vies n’ont pas le même prix ». À 87 ans cette ancienne vedette du petit écran est fidèle à l’idéologie qu’il a défendue avec entrain toute sa vie. Il reste l’immortel auteur de « Toujours plus » publié en 1982, un best-seller vendu à plus d’un million et demi d’exemplaires : « Nous pouvons nous passer de journalistes, de médecins, de professeurs, de fonctionnaires, de cadres et d’ingénieurs, pas de créateurs d’entreprise. Aussi longtemps que la France misera sur l’économie de marché, elle devra tout faire pour favoriser les candidats à la fortune capitaliste. Et tant mieux s’ils ramassent de gros dividendes. Il faut que l’audace paie. »
Aujourd’hui, c’est ces vieillards dont il faut se passer. François de Closet milite pour le confinement des personnes âgées : « Est-il normal de fiche en l’air la vie des futures générations pour sauver les plus de 80 ans ? ».
Bien sûr que ce n’est pas normal, François. Il faut éliminer ces vieux
qui sont autant d’ obstacles pour les candidats à la fortune
capitaliste. Éliminer ? Oui, car pour encourager les vieux à
disparaître, François de Closet est prêt à sacrifier sa vie pour donner
l’exemple.
« S’il faut faire des sacrifices, il faut que ce soit le passé au
profit de l’avenir. […] Que je vive un peu moins ou un peu plus
longtemps, ça n’a aucune importance. […] On est parti sur l’idée que la
vie n’a pas de prix mais que toutes les vies ont le même prix. Moi, je
vous dis que la vie a un prix et que toutes les vies n’ont pas le même
prix ! » [1]
Francois de Closet fait-il mine d’ignorer que confiner une partie de la population est anticonstitutionnel ? En France le principe d’Egalité est un pilier de notre droit. Malgré l’état d’urgence, les dérogations sont très peu probables. L’idée avait déjà suscité la colère des plus âgés, lorsqu’elle avait été évoquée par Emmanuel Macron en avril dernier. [2] Au moment du déconfinemment, il avait demandé aux « personnes vulnérables et aux personnes âgées de rester confiné au maximum ». Levée de bouclier. La mesure fut abandonnée.
Francois de Closet n’est pas seul.
Le philosophe Luc Ferry un autre « bon client »
lui fait concurrence. Toujours prêt avant même qu’on le sonne, il est
célèbre pour son appel à encourager les policiers à tirer à balle réelle
sur les gilets jaunes. « Qu’ils se servent de leurs armes une
bonne fois ! Ça suffit, ces espèces de nervis, ces espèces de salopards
d’extrême droite et extrême gauche ou des quartiers qui viennent taper
des policiers. […] On a la quatrième armée du monde, elle est capable de
mettre fin à ces saloperies ». [3]
Cette fois c’est les vieux et les obèses auxquels il faut mettre fin. Luc Ferry tient d’ abord à affirmer que « le vaccin est la victoire de la mondialisation libérale » [4] puis il nous livre son analyse. « On
ne peut pas empêcher la société entière de vivre sous prétexte que des
personnes de 80 ans qui sont malades, en comorbidité ou qui sont obèses
vont être obligés de faire attention »
Obligation donc d’enfermer ceux qui nous empêchent de vivre. Un peu
moins convainquant que François de Closet, mais très bien tout de même.
Un autre philosophe médiatique, le toujours bien peigné André Comte-Sponville. Il affirme lui aussi « Tous les morts ne se valent pas ». Pour André tout est question d’âge. Si le jeunisme était un parti il en serait le président. « On sacrifie les jeunes au détriment des personnes âgées, la liberté sur l’autel de la santé ». Aux jeunes, le philosophe fait don de ses conseils : « Ne sacrifiez pas toute votre vie à la santé de vos parents et de vos grands parents ». Ne pas gâcher l’existence de tous pour sauver quelques octogénaires. « Nos dettes, ce sont nos enfants qui vont les payer (…) Ma priorité des priorités, ce sont les enfants et les jeunes en général. Et je me demande ce que c’est que cette société́ qui est en train de faire de ses vieux la priorité des priorités ». [5]
À ces penseurs engagés on peut ajouter Jean François Delfraissy, le très influent président du Conseil Scientifique : « Continuer à préserver la santé des anciens mais peut-être au détriment de la santé des jeunes » [6]
Pas de « peut-être » avec Xavier Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat à Paris. Oracle consulté par tout les médias, notamment par France Inter, et avec tout le prestige que lui confère son titre de professeur et sa blouse blanche. Xavier est très clair « Je pense qu’on a intérêt à faire des confinements sur des populations à risque. Il faut admettre qu’à 80 ans, tout ce qu’on vit après 80 ans c’est du bonus. Est-ce qu’aujourd’hui on peut s’autoriser ces bonus ? Je ne suis pas certain. Je pense qu’il faut prioriser des jeunes générations et les forces actives de la société… ». [7]
Si ces propos clairement discriminatoires n’ont suscité aucune réaction du journaliste présent, les auditeurs de France Inter ont été très nombreux à protester , dénonçant des propos franchement eugénistes et rappelant la mission pour le médecin de soigner sans distinction jusqu’aux plus humbles vulnérables.
On peut rappeler ici que l’eugénisme peut se définir comme l’ensemble
des méthodes et pratiques visant à sélectionner les individus d’une
population en se basant sur leur patrimoine génétique et à éliminer les
individus n’entrant pas dans un cadre de sélection prédéfinie.
Mené par des scientifiques et des médecins, le mouvement de promotion de
l’eugénisme qui se met en place au tournant du XXe siècle milite en
faveur de politiques volontaristes d’éradication des caractères jugés
handicapants ou dans le but de favoriser des caractères jugés
bénéfiques. A noter que la suppression des indésirables est interdite
dans l’Union Européenne. La charte des droits fondamentaux adopté en 2
000 interdit l’eugénisme.
Mais pour Christophe Barbier, l’ancien directeur de
l’Express il n’y a pas à hésiter. Pour sauver l’économie, il faut se
débarrasser de ces vieux soixante-huitards égoïstes et jouisseurs. C’est
depuis longtemps l’obsession de Christophe : « Ils ont vécu les
années 60. Ils étaient jeunes au moment du rock’n roll. Ils ont épanoui
leur sexualité entre la fin de la syphilis et le début du sida. Bref, ce
sont des enfants gâtés.(...) [8]
« À un moment donné, pour sauver quelques vies de personnes très
âgées, on va mettre des milliers de gens au chômage ? La vie n’a pas de
prix. Mais elle a un coût pour l’économie. » [9] Infatigable, il rabâche encore avec son dernier livre, « Les tyrannies de l’épidémie » contre « le dernier hold-up des baby boomers » où il constate tristement « Nous avons préféré la sécurité des vieux à l’avenir des jeunes ».
Sur le compte Twitter de Christophe Barbier, les commentaires ne sont pas toujours dignes de ce grand éditocrate. Un des messages se limite à un sobre « Pauvre con ». Un autre pose une question « Dis-moi Cricri, il s’appelait comment le régime des années trente qui disait vouloir laisser mourir "les bouches inutiles" ?
(avec Dominique Vidal)
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Notes
[1] RMC cité par Le Point, 29 janvier 2020.
[2] Adresse aux français, 13 avril 2020
[3] Radio Classique, cité par Le Parisien, 08 janvier 2019
[4] C NEWS, La Matinale, 03 décembre 2020
[5] France Inter, 14 avril 2020
[6] Audition de Jean-François Delfraissy par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, 28 janvier 2021.
[7] France Inter, journal de 13h, 24 janvier 2021
Source : https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/regardez-ces-deux-images-laquelle-vous-choque
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