Bretagne :
le premier écohameau de maisons réversibles
va sortir de terre à Saint-André-des-Eaux
C’est ce qu’on appelle un collectif qui a de la suite dans les idées ! Les membres de l’association Hameaux Légers cherchaient une commune sur laquelle s’installer pour bâtir à taille réelle leur utopie écologique et solidaire : un éco-hameau d’habitats réversibles. Lors d’une rencontre avec différents élus pour les sensibiliser à ce type de projet, ils ont rencontré ceux de Saint-André-des-Eaux avec qui le courant est tout de suite passé. En acceptant de reprendre le café-concert du village, le collectif va pouvoir créer l’éco-hameau de leur rêve en terre bretonne, une première sur le territoire. Une dizaine de foyers devrait s’installer dans des habitats réversibles d’ici juin 2021 à Saint-André-des-Eaux, près de Dinan (Côtes-d’Armor). Un projet exemplaire construit autour du lien entre les habitants et d’un mode de vie écologique.
Un éco-hameau en terre bretonne
Certaines rencontres peuvent changer le cours de vies. C’est ce qui s’est passé pour l’association Les Hameaux Légers le 1er octobre 2020 lors de la rencontre avec 80 élu.es, co-organisée avec Bruded (un réseau d’échanges entre collectivités engagées dans des projets de développement durable), afin de les sensibiliser autour de la question de l’habitat réversible à travers de nombreux témoignages.
« Lors de cet événement, on a rencontré plein d’élus très motivés et notamment la commune de Saint-André-des-Eaux qui nous a parlé du café-concert nommé L’éprouvette à la recherche de repreneurs depuis deux ans, et d’un terrain constructible dans le centre-bourg qu’ils ne voulaient pas transformer en un lotissement classique. A ce moment-là, on ne cherchait pas forcément un projet, mais plutôt un terrain. Nous sommes plusieurs membres du groupe à nous y rendre pour les conseiller, et ça a été un vrai coup de cœur ! » raconte Xavier Gisserot, du collectif Les Hameaux Légers, à la Relève et La Peste
Petite commune de 380 habitants, les élus de Saint-André-des-Eaux présents à l’événement cherchaient des conseils législatifs pour permettre l’installation de la tiny-house d’un jeune couple nouveau au village, un acte compliqué à cause du PLUi de la communauté d’agglomérations.
« On voulait voir ce qu’il est possible de faire au niveau de la législation et de l’agglomération pour que ça bouge : les habitats légers doivent être intégrés ou pris en compte. Mon métier, c’est l’éco-pâturage, je suis donc sensible à l’environnement et l’écologie. La commune ne s’appelle pas Saint-André-des-Eaux pour rien. Elle est divisée par deux cours d’eaux, la Rance et le Guinefort. C’est un territoire très humide avec des inondations régulières dans les champs. Les maisons classiques qui imperméabilisent les surfaces ne sont donc pas appropriées à nos enjeux, contrairement aux habitats réversibles qui ne bétonnent pas les sols. » explique Maël Piriou, élu soucieux de la revitalisation du bourg et de la gestion des espaces naturels, pour La Relève et La Peste
Pour permettre l’installation du collectif sur le terrain, la commune va leur signer un bail emphytéotique dit longue durée : une location de 80 ans pour un loyer annuel de 5000€. Avec huit foyers censés habiter les lieux, cette location reviendrait donc à environ 50€ par mois et par ménage aux membres du collectif.
Les habitations construites appartiendront, elles, à leurs occupants. Pour s’intégrer au mieux dans la culture architecturale de la commune, le collectif a déjà accepté de revoir leur façon de mettre en forme les habitats : plus question de yourtes ou tiny-house en bois, mais des constructions traditionnelles en paille/terre/eau. Prévision du coût des matériaux : 20 000 euros par maison. Ce modèle immobilier permet d’éviter la spéculation sur le terrain et favorise l’accès foncier aux faibles revenus.
« Si on arrive à un beau résultat, cela peut être un vrai facteur d’intégration. Le terrain est en centre-bourg, nous sommes à la vue de tous mais cela permet d’assumer la démarche et d’ouvrir le regard de certaines personnes. Évidemment, cela nous oblige à repenser pas mal de choses et nous demande une certaine flexibilité, mais c’est hyper intéressant. Ici, les personnes construisent plus en terre qu’en bois car il y a une humidité importante et en l’occurrence la terre y résiste mieux que le bois. Au final, les habitats seront moins légers que prévus mais restent réversibles, en permettant au terrain de revenir dans son état initial si nécessaire. » sourit Xavier Gisserot, du collectif Les Hameaux Légers, pour la Relève et La Peste
Des espaces communs seront également fabriqués (buanderie, salle de jeux pour les enfants, chambres d’amis, four à pain) pour limiter la surface de plancher nécessaire à chaque foyer. Quatre architectes de l’association travaillent sur le projet, et le collectif est accompagné par les architectes des bâtiments de France car le terrain se situe à moins de 500 mètres de monuments nationaux.
« Pour la commune, l’opération est économiquement intéressante car elle reste propriétaire du terrain sans avoir besoin de financer les grosses infrastructures qui auraient été nécessaires à la construction d’un lotissement. C’est une véritable aubaine : on accueille de nouveaux habitants sans artificialiser les sols. La condition sine qua none était la reprise du café-concert l’Eprouvette ce qu’ils ont accepté : toute l’optique et la volonté de revitalisation du bourg sont respectées avec ce projet. » détaille Maël Piriou, élu soucieux de la revitalisation du bourg et de la gestion des espaces naturels, pour La Relève et La Peste
Ouverture et cohérence
Le café-concert l’Eprouvette est une institution locale grâce à ses événements culturels et ses offres de restauration. Après des années de bons et loyaux services, la gérante du lieu, Sylvie Couvert, cherchait des repreneurs qui aient à cœur d’insuffler et maintenir une dynamique locale. Une ambition pleinement partagée par les membres des Hameaux Légers.
Le collectif peut déjà compter sur d’autres habitants nouvellement installés qui hésitaient à reprendre l’établissement. Le fait que l’association rachète le fonds de commerce évite à la commune de le faire, tout en lui laissant un pouvoir de décision sur les projets du lieu, ainsi qu’à chaque personne désireuse de rejoindre la SCIC. Un atout indéniable pour rassurer les détracteurs et opposants au projet.« La commune ne disposant que d’un seul commerce, situé au cœur du village, il nous semble essentiel que les habitants de Saint-André des Eaux et des environs soient acteurs du changement de gérant de l’Eprouvette et s’approprient le nouveau projet de l’établissement » souligne Pauline Serrus, porteuse du projet. « C’est pour cela que nous voulons créer une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif), afin de permettre aux clients, aux fournisseurs, aux bénévoles et à la mairie de devenir sociétaires pour participer aux prises de décisions, et ce, même avec une participation financière réduite. Afin de mieux connaître les besoins des habitants de la commune et de construire une offre adaptée, un questionnaire sera proposé dans le prochain bulletin municipal. »
« Au conseil municipal, nous avons eu seulement une courte majorité pour ce projet car les choses sont allées très vite : rencontre en octobre et signature d’un avis favorable fin décembre sur leur venue. Avec le contexte sanitaire actuel, nous n’avons pas pu organiser une réunion publique pour répondre à toutes les questions de la population. Certaines personnes ont donc encore des réticences face à ces nouveaux arrivants, c’est normal. Il faut leur laisser le temps d’apprendre à les connaître, c’est toujours compliqué de se représenter les réalités d’un tel projet. Il faut prendre le temps d’expliquer les choses. » confie Maël Piriou, élu soucieux de la revitalisation du bourg et de la gestion des espaces naturels, pour La Relève et La Peste
En s’intégrant au patrimoine existant et écoutant les attentes des habitants, le collectif démontre sa bonne volonté à s’intégrer en douceur dans le centre-bourg. Ils souhaitent prouver qu’il ne s’agit pas d’une lubie à la mode, mais bien d’un projet sérieux et constructif vers une société résolument écologique et solidaire.
« On espère que le café deviendra le laboratoire de la réconciliation. On voudrait essayer de recréer du lien dans le village entre les écolos convaincus et les habitants de toujours. S’engager pour que ce village vive et éviter un entre-soi, créer un maximum de liens avec la commune. On va voir combien de temps ça prendra pour faire tomber tous les préjugés et que nos détracteurs acceptent de venir dans le café. En plus de l’épicerie et la restauration, on a imaginé du soutien informatique pour les personnes âgées. Pour nous, développer une culture de la solidarité et de la confiance est indispensable pour créer de la résilience sur le territoire : quand on se retrouve face à une crise comme en ce moment, il faut que ce soit cette culture qui nous aide à nous en sortir. » explique Xavier Gisserot, du collectif Les Hameaux Légers, pour la Relève et La Peste
Pour l’heure, le collectif est formé de 8 foyers, 13 adultes de 23 à 39 ans avec 1 bébé déjà là et un deuxième à venir. Venus d’horizons divers (architecture, enseignement, audiovisuel, entrepreneuriat, culture, communication, restauration), ils sont tous motivés par la construction d’une autre forme de vivre ensemble.
Pour qu’ils puissent continuer à donner des formations sur les habitats légers, la mairie étudie la possibilité de construire un hangar qu’ils loueraient. Pour la reprise du café-concert, le collectif mise sur une transition douce en co-organisant des événements avec sa propriétaire dès que le contexte sanitaire le permettra. Afin de mieux se présenter aux habitants, et trinquer au verre de l’amitié.
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