Pékin 2022,
le nouvel égarement de l’olympisme
Tribune
Les minorités tibétaine et ouïghoure sont confrontées à un durcissement de la répression de la part du Parti communiste chinois. Photo Shiho FUKADA. PANOS-REA
Pourquoi attribuer à la Chine de nouveaux Jeux, alors que depuis ceux de 2008, la surveillance et la répression des citoyens, organisées par Xi Jinping, se sont accentuées et généralisées ?
Tribune. En 2008, le Comité international olympique (CIO) avait vigoureusement défendu que l’attribution des Jeux olympiques (JO) d’été à Pékin permettrait à la Chine de s’ouvrir au monde. Douze ans plus tard, le bilan est plus que mitigé. Et pourtant, le CIO a attribué les Jeux d’hiver de 2022 à la Chine…
Les JO de 2008 n’ont empêché ni la répression des minorités
tibétaine et ouïghoure ni le durcissement politique du régime du Parti
communiste chinois, avec l’avènement du président à vie Xi Jinping. A
écouter les responsables du CIO, à l’époque, la liberté d’expression et
la liberté de la presse allaient émerger grâce aux JO. Résultat,
l’Internet chinois est toujours aussi censuré et contrôlé qu’avant 2008.
Les journalistes étrangers menacés et les dissidents condamnés à de
lourdes peines. Sans parler de la surveillance de masse grâce aux
technologies très poussées de vidéosurveillance qui s’apparentent
maintenant à un contrôle social et politique orwellien. Et rappelons que
l’intellectuel chinois Liu Xiaobo, Nobel de la paix, a été arrêté juste
après la tenue des JO de Pékin pour avoir corédigé la «Charte 08» afin
de réclamer des changements constitutionnels. Il est mort en 2017 des
suites d’années d’emprisonnement terribles. Triste héritage pour les JO
de Pékin.
En revanche, le gouvernement communiste a grandement profité de l’événement : ayant dépensé des sommes d’argent colossales, il a réussi à impressionner une grande partie du monde par ses défilés gigantesques, des cérémonies somptueuses et des feux d’artifice incomparables. La dictature en a tiré une légitimité nouvelle qui a conforté le régime et lui a permis de s’affirmer toujours plus sur la scène internationale. C’était nourrir le dragon pour mieux se faire dévorer…
Plus grave encore, le Parti communiste chinois mène depuis une dizaine d’années une politique de destruction systématique du peuple ouïghour qui parle une langue turcophone et pratique un islam sunnite. Les preuves se sont accumulées ces derniers mois sur une politique concentrationnaire. Un véritable nettoyage ethnique et religieux qui touche 10 millions d’hommes et de femmes ouïghours, dont le seul crime est d’appartenir à une minorité musulmane rebelle à la dictature communiste, et à la domination des Hans sur les autres peuples de Chine continentale. Les Tibétains subissent d’ailleurs le même sort pour avoir osé se rebeller avant les JO de 2008.
Le CIO se vante de «mettre le sport au service de l’humanité et de promouvoir ainsi la paix» et de s’opposer à «toute utilisation abusive politique ou commerciale du sport et des athlètes». Les choix du CIO dans l’attribution des Jeux olympiques à certaines villes, et donc au pays hôte, sont pourtant bien discutables au regard de ces généreuses intentions.
On est bien loin des valeurs du baron de Coubertin, et des voix se font déjà entendre pour pointer du doigt ce nouvel égarement de l’olympisme. L’échec de l’ouverture de la Chine en 2008 et le durcissement du régime de Pékin auraient dû faire réfléchir les instances olympiques. Rien n’y fait, les intérêts financiers et le cynisme des décideurs du CIO sont toujours les deux critères de décision au bord du lac Léman, bien loin des dossiers techniques présentés par les villes.
Le CIO place, de nouveau, les sports, les fédérations et
l’opinion publique dans un cruel dilemme : faire du sport dans un
contexte inacceptable. Les interrogations légitimes de sportives et
sportifs déjà exprimées à Pékin et à Sotchi vont se multiplier, et le
mouvement olympique sera bien en mal de justifier, une fois encore, ce
choix en faveur d’une dictature qu’il faut bien maintenant qualifier de
totalitaire.
Il reste encore deux ans au CIO pour revenir à la raison et demander aux autorités de Pékin de faire cesser la répression politique et sociale, et plus particulièrement celle engagée d’une main de fer contre la minorité ouïghoure.
Si les conditions n’étaient pas remplies sur
ce sujet, et on peut craindre que Xi Jinping n’ait pas l’intention
d’infléchir ces répressions, il sera alors de la responsabilité des
Etats, des fédérations et des athlètes d’appeler au boycott des JO
d’hiver de Pékin 2022.
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