Mardi 16 octobre exceptionnellement
à 20h30 au Lido
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Synopsis
Passionné
de littérature, Sinan a toujours voulu être écrivain. De retour dans
son village natal d’Anatolie, il met toute son énergie à trouver
l’argent nécessaire pour être publié, mais les dettes de son père
finissent par le rattraper…
Critique TELERAMA par Pierre Murat
Aspirant écrivain, Sinan erre en quête
d’un avenir qui s’annonce désolant… Après Winter Sleep, le réalisateur
turc signe une fresque superbe à la Tchekhov.
Qu’il filme un procureur et un médecin à la recherche d’un cadavre introuvable (Il était une fois en Anatolie, 2011), un comédien-hôtelier vaniteux, soudain contesté par sa sœur et sa jeune femme (Winter Sleep, 2014),
ou, ici, un jeune homme en quête d’avenir, Nuri Bilge Ceylan peint des
fresques romanesques. D’une ampleur presque anachronique en un temps où
il faut être bref, où l’esquisse tient lieu de psychologie et où
l’imaginaire s’estompe sous la vérité factice des faits divers. Nuri
Bilge Ceylan, lui, mise sur le temps qui lui permet de saisir, comme
dans les romans d’apprentissage de jadis, ceux de Tolstoï ou de
Stendhal, le destin fluctuant et l’évolution progressive de personnages
en butte à eux-mêmes, à la vie qu’ils mènent, à celle que la société
leur fait mener...
Ces
silhouettes qui se croisent, s’expliquent et s’affrontent dessinent,
peu à peu, le projet de Nuri Bilge Ceylan, encore plus ambitieux que
celui de Winter Sleep, pourtant si réussi : capter comme Anton
Tchekhov savait le faire — en douce et en douceur — le mal-être d’un
pays, peut-être même d’une société. Au téléphone, Sinan parle avec un
copain, devenu flic anti-émeutes, qui apaise son stress en tapant comme
un forcené sur les rares manifestants osant s’opposer à l’autorité.
Quelques brefs instants, où le temps semble se suspendre, il rencontre,
sur un chemin embrasé de lumière, la fille merveilleuse qui osait tout
affronter, autrefois, et qui a rendu les armes : prête à épouser, pas
même le semi-vaurien qu’elle aimait, mais un vieux qui la rendra riche
et malheureuse. « La vie semblait à notre portée. Elle est si loin de nous, désormais », dit-elle
avant de disparaître à jamais… Difficile d’oublier, aussi, l’audacieuse
séquence où le héros et deux imams semblent zigzaguer dans le paysage.
On y entend d’étonnantes formules : « Fouiller le Coran à la recherche d’arguments pour avoir le dernier mot, ce n’est pas très digne. »
Le
film repose sur des plans-séquences que leur discrétion rend presque
invisibles. Sur des ellipses foudroyantes, aussi (le service militaire
de Sinan est résumé en quelques secondes neigeuses et embrumées), et
d’extraordinaires plans fantasmatiques (le visage d’un bébé recouvert de
fourmis, un faux mort dans un puits). Lorsque Sinan offre à sa mère un
exemplaire de son roman, il émet, soudain, un petit rire qui rappelle,
sans qu’il en ait conscience, celui du père dévoyé auquel il ressemble
déjà : c’est que la dérision — ainsi que la déraison, d’ailleurs —
semble la seule façon possible de survivre dans la Turquie
d’aujourd’hui. Et dans le monde tel qu’on l’a voulu ou accepté.
Voir
un cinéaste, sans doute au sommet de son art, construire ainsi, de film
en film, une œuvre que l’on sait désormais capitale, fait partie des
joies que se réservent les cinéphiles. Et les justifie dans leur
passion.
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