Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

vendredi 5 octobre 2018

Chronique des ZAD septembre 2018

Des infos, des liens, des photos pour tout savoir (ou presque) sur ce qu'il s'est passé dans les Zones A Défendre (ZAD) pendant ce mois de septembre 2018 ; on y parle de Notre Dame Des Landes et de plein d'autres zones à défendre.

Merci à l'auteur, membre du Collectif de Soutien NDDL66, pour cette compilation mensuelle précieuse.

NOTRE DAME DES LANDES (44) 


Enraciner l’avenir


Source : ZAD.nadir.org et médias


Septembre 2018

Et ailleurs : Hambach (Allemagne) - Val Tolosa (31) - ZAD du Moulin/Anti CGO (67) - LREEM à Aulnay sous bois (93) - Amassada (12) - Europa City (95) - No A 45 (42) - Atenco Mexique - Lyon-Turin (France-Italie)

ZAD de NDDL - 44

Carte de la zone centrale de la Zad.



Infos du 1er au 9 septembre

Mardi 4 septembre

rencontre à l’Ambazada avec des camarades d’Exarchéia


A la suite des rencontres internationales de la semaine passée, on vous attend mardi 4 septembre, à 20h30 à l’Ambazada pour discuter avec des camarades d’Exarchéia, le quartier anarchiste d’Athènes.

Discussion avec un réalisateur, Yannis Youloutas, des membres de Perseus 999 (contre média), Notara 261 (squat antifasciste qui fait énormément d’hébergement solidaire) et de Rouvikonas (un groupe anarchiste qui a fait de nonmbreuses actions directes contre le pouvoir).

Retour mis à jour sur la semaine intergalactique. Des comptes rendus par nos camarades d’expansive.info, site d’infos anti-autoritaires de Rennes et des alentours. A lire absolument !


Un grand merci à nos camarades d’expansive.info pour les comptes rendus passionnants des moments de discussion de la semaine intergalactique. Si vous n’avez pas pu venir on vous renvoit donc vers la lecture de leur site et on vous donne rendez-vous au prochain grand rassemblement sur la zad : Terres communes, le weekend du 29/30 septembre 2018.


Expansive.info ? C’est un site collaboratif de diffusion d’informations, de témoignages et d’analyses des luttes sur Rennes et alentours. D’aspiration révolutionnaire, anti-capitaliste et anti-autoritaire, ce site se veut aussi être une plateforme d’organisation par et pour les différents mouvements d’émancipation.










 
NDA : des comptes rendus passionnants sur toutes les luttes en cours depuis les années 70 (Paysans Travailleurs par exemple)


Un bon rappel de tout ce qui se joue avec les différents combats, de Gaza au Kurdistan en passant par l’Europe pour atterrir en Guyane ou au Mexique, J’en recommande la lecture et trouve très intéressante cette semaine de « rencontres intergalactiques ».

Ecoutez Radio klaxon en ligne : sur la page de une du site, cherchez le drapeau pirate dans la colonne de droite, appuyer sur le bouton PLAY. Le programme est disponible ici.


Samedi 8 septembre



Nicolas Hulot remplacé par Francois de Rugy (on a quelques jours de retard sur l’annonce), le bien connu vert écolo de la région qui nous a bien fait rire (jaune) ces dernières années. On partage un édito qui analyse sa "vision écologique" et porte une analyse sur "Le capitalisme vert [qui] construira des moyens de destructions massives qui accélèreront la crise écologique en changeant artificiellement le climat ! " :

-* L’édito de Patrick Farbiaz : l’écologie grise de François de Rugy


Du nouveau son émergé de la zad dans cette vidéo

Infos du 10 au 16 septembre


Vendredi 14 septembre

AntiRep


un témoignage à lire :
Sur le moment ni moi ni lui ne réfléchissons. Ce sont des attitudes instinctives qui nous guident : moi après deux coups de matraque, je m’applique à éviter les autres qu’il continue d’essayer de me donner. Les coups ne font alors que m’effleurer. J’entrevois le regard fou du CRS qui me frappe au travers de sa visière de casque. Je dirais qu’il a une quarantaine d’années à peine, je pourrais être sa mère. Il lève le bras très haut pour faire retomber sa matraque avec force, sans précision, mais avec force. Sans doute évite-t-il mon visage...

lire la suite : "Dans la nasse"


Terres communes : le programme continue à s’affiner. Il y a notamment 2 appels spécifiques de groupes de la zad :

 Appel du groupe abracadabois
 Appel de la bibliothèque du Taslu


Infos du 17 au 23 septembre

Lundi 17 septembre

Des membres de l’Acipa lancent une nouvelle association, 

« NDDL Poursuivre ensemble »




Environ 150 personnes se sont retrouvées à Notre-Dame-des-Landes pour la première réunion publique de la nouvelle association « NDDL, poursuivre ensemble », fondée par des anciens de l’Acipa.


Après la dissolution, dans la douleur, au mois de juillet de l’Acipa, 7 anciens dirigeants ont souhaité relancer l’aventure, en créant cet été une nouvelle association nommée « NDDL, poursuivre ensemble ».

Objectif : aider à pérenniser les projets viables sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, ceux notamment qui ont déposé en préfecture des convention d’occupation précaires. Mais également, soutenir les autres luttes contre les grands projets inutiles et imposés comme le Grand contournement ouest de près de Strasbourg. Enfin, la nouvelle association se donne pour but de préserver sur le long terme la biodiversité sur l’ensemble de la zone humide, et de lutter contre l’extension des exploitations agricoles existantes.

De l’Acipa, les membres fondateurs n’ont pu récupérer ni le fichier d’adhérents, ni le site, ni la lettre d’information.
Jeudi 20 septembre

Toutes nos excuses pour ce petit passage à vide. On ne vous oublie pas et on va essayer de rattraper notre retard !

Vendredi 21 septembre


Zadibao n°3 - 16 septembre 2018


Après une pause estivale, les « battements du bocage » résonnent à nouveau. Ils se font l’écho de ceux, fracassants, que l’on entendra durant la mobilisation des 29 et 30 septembre prochains. Nous comptons vous retrouver alors à la zad, hors ligne et prêts à défendre les terres communes.

Sommaire de ce numéro :

1. Édito : Terres communes, toutes et tous à la zad les 29 et 30 septembre !

2. À coups de béliers : entretien avec une éleveuse de brebis de la zad

3. Ambazada : retour sur le chantier estival et la semaine intergalactique

4. Investir les lieux, réinventer les liens : plusieurs mois d’occupations avec les exilé.e.s à Nantes, épisode 1

5. Chantier d’automne à l’auberge des Q de plomb : interview avec P’tit Claude

6. Brèves et histoires courtes : Figuration zadiste / Naissance annoncée d’une zad en Aveyron / Premier recycleur (de veste) de France / Sortir de sa bulle / Après la dissolution de l’ACIPA, « poursuivre ensemble » / Briser ELAN / Hambach à mine

www.zadibao.net les battements du bocage.

La ZAD vit et vivra, poursuivons notre soutien les 29 et 30 septembre à NDDL Le programme s’affine toujours un peu plus, vous pouvez y [jeter un coup d’oeil ici !->6048




 
La mobilisation du 29/30 est dans une semaine, c’est génial si il ya des coups de main pour la diffusion des tracts et affiches dans la région sur les marchés, dans les bars, dans les rues et autres évènements.


il y a de nouveau des affiches et tracts disponibles à Bellevue et à la Rolandière.

Que reste-t-il de la Noue Non Plus ?. Un témoignage sensible sur l’histoire de ce lieu de vie, détruit pendant la première vague d’expulsions en avril 2018. Des photos, pour ne pas oublier, un appel aussi à adoption pour les 5 chats de la maison !



Pour adopter les chats, contactez le 0753432728 ou passez aux Vraies Rouges.

 
Hambach :


Nous nous excusons pour ce délai mais tenons à envoyer toutes nos pensées aux camarades d’Hambach, en pleine expulsion pendant laquelle une personne est morte.

UN BLOGUEUR MILITANT EST TOMBE D’UN ARBRE ET EST MORT – les activistes exigent un arrêt immédiat de l’intervention dans la Forêt de Hambach



 
Un ami qui nous a accompagné dans la forêt depuis longtemps en tant que journaliste, est tombé aujourd’hui à Beechtown d’un pont suspendu de plus de 20 mètres de haut et est décédé. En ce moment-là, la police et RWE ont tenté d’expulser le village de cabanes dans les arbres. L’SEK était en train d’arrêter un activiste près du pont suspendu. Notre ami y était apparemment en route quand il est tombé.

Nous sommes profondément bouleversé*s. Toutes nos pensées et tous nos désirs sont avec lui. Notre compassion va à tous les parent*s, ami*s et personnes qui se sentent concerné*s.

Nous exhortons la police et RWE à quitter la forêt tout de suite et à mettre fin à cette opération dangereuse. Aucune autre vie ne peut être mise en danger.

Ce qu’il faut maintenant, c’est un moment de repos.

Même si cela est difficile pour vous en ce moment, tout comme il est difficile pour nous de donner une telle indication factuelle : Nous recommandons, afin de protéger tous les activistes, de ne faire aucune déclaration et surtout de ne faire aucun témoignage devant la police. L’accident doit et va être assumé et réévalué, mais la police n’est pas l’endroit pour le faire. Leur intérêt est de blâmer les activistes.

Pas de justice, pas de paix !

https://foretdehambach.org/ voir aussi l’article dans Reporterre


Gentrification : bouh !!! encore un projet d’aménagement pour Nantes Necropole, qui s’apprête à détruire toute une zone boisée pour faire des logements "en pleine nature"

 

Nantes champs de manœuvre

Infos du 24 au 30 septembre


Mercredi 26 septembre


Défendre-Habiter 

 

Le collectif Défendre-Habiter publie une vidéo : Faire des cabanes dans un monde abimé

Les fameuses cabanes de la zad Notre-Dame-des-Landes sont un symbole fort de la lutte victorieuse contre le projet d’aéroport. Au printemps 2018, le gouvernement a fait le choix de l’autoritarisme pour en détruire une partie avec l’aide de 2 500 gendarmes mobiles usant de drones, de milliers de grenades, de tanks, de flash-ball... Cette opération sous le feu des projecteurs, montre bien l’incapacité des dirigeants à envisager la question écologique par le prisme des solidarités et de la sobriété. Pourtant, il n’a jamais été aussi urgent de changer de modes de vie, de production ou de construction. La planète montre des signes inquiétant de faiblesses et face à la nécessité d’accueil, l’Europe se replie.

La zad est toujours là, blessée mais vivante

Cet automne 2018, l’État va trancher sur l’avenir des terres. Son étau administratif et normatif, la précarité des conventions d’occupation précaire (COP) signées par une partie des occupant.e.s, et l’ombre de nouvelles démolitions et expulsions font planer toujours autant de risques sur la zad.

Les haies, les mares, les noues, le bocage, la vie, les constructions... rien n’est protégé à l’heure actuelle, ni par un Plan Local d’Urbanisme, ni par d’autres mesures. Des formes d’agricultures intensives sont aux aguets pour récupérer ces terres.

Des cabanes pour faire

Habiter une cabane, habiter les zads, c’est faire de la politique avec son corps. L’habitat léger et réversible vient répondre à la question de notre impact sur l’environnement face à un habitat lourd, artificialisant les sols, contraignant la nature et très énergivore.

Alors, ce que nous avons appelé à défendre en avril 2018 par la tribune "Comme à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, défendons d’autres manières d’habiter" est toujours d’actualité. Partout des zads, pour défendre des territoires et d’autres désirs du futur, sont à ouvrir.

Faire des cabanes 

 Ce film est un hommage aux cabanes, auxquelles très nombreu.se.s nous sommes attachés. Et nous vous invitons à rejoindre le bocage le 29 et 30 septembre, pour Terres Communes.

Faire des Cabanes © Jonas Marpot

Un film de Jonas Marpot avec le comité de soutien Défendre Habiter la ZAD 
Lecture du texte "Nos cabanes" de Marielle Macé, par July Collignon. 
Retrouvez le texte dans son intégralité ici : 
aoc.media/fiction/2018/04/01/nos-cabanes. Extraits sonores avec Geneviève Pruvost, Edwy Plenel, Jade Lindgaard. Musique de Piano Chat -

Le comité de soutien Défendre Habiter

ZAD : Cette semaine l’actualité sur la zad c’est la préparation de la mobilisation TERRES COMMUNES Il reste encore quelques jours pour diffuser des tracts et affiches ou en mettre dans les lieux publics et commerces autour de chez vous. Il y a des réserves disponibles à la Rolandière au point info. Merci de toute contribution à ce niveau et pour la réussite de cette mobilisation. A partir de jeudi 9h à Bellevue auront lieu 2 jours de montage et préparation pour la mobilisation terres communes du 29/30. Des repas seront préparés et servis sur place midi et soir. Nous cherchons aussi des coups de main pour s’inscrire pendant les 29 et 30 sur des créneaux d’une heure ou deux de parkings / bar / accueil / poubelles et toilettes sèches ou pour le démontage et nettoyage du lundi. Un acceuil pour s’inscrire sur les plannings sera présent à la ferme de Bellevue à partir du samedi matin.




Jeudi 27 septembre




Vendredi 28 septembre


Sarah Vanuxem : 

« La propriété collective est reconnue par le droit »


Cinq mois après l’évacuation partielle de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, ses habitant·e·s appellent leurs soutiens à revenir sur la zone les 29 et 30 septembre afin de défendre l’usage collectif des terres. Pour la chercheuse Sarah Vanuxem, la propriété de la terre peut se fonder en droit sur la faculté d’habiter.




En avril dernier, l’État évacuait partiellement la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et détruisait la plupart de ses cabanes. Cinq mois après, que reste-t-il de la zone à défendre, des projets et des rêves de ses habitant·e·s ? Un territoire meurtri et en reconstruction. Des projets d’activités agricoles, sociales ou culturelles déposés auprès de la préfecture ont fait l’objet de conventions d’occupation précaire (COP), autorisant les personnes impliquées à rester sur place. Mais seulement jusqu’à la fin de l'année. Le 12 octobre, une réunion entre services de l’État et délégué·e·s du mouvement d’occupation doit ouvrir une nouvelle séquence de négociation pour décider de l’avenir de la zone. 

C’est dans ce contexte que ses habitant·e·s appellent leurs soutiens à revenir sur les 1 600 hectares de bocage arrachés au bétonnage pour les défendre : non plus contre l’aéroport, abandonné en janvier par Édouard Philippe, mais contre la reprise des terres par l’agriculture industrielle et la normalisation des pratiques de travail, comme des formes de vie.

Le collectif Défendre-Habiter a tourné un court film pour expliquer les enjeux de cette nouvelle phase de la lutte de la ZAD, et faire comprendre pourquoi « faire des cabanes dans un monde abîmé ».

Faire des cabanes, le film du collectif Défendre Habiter, septembre 2018. : https://vimeo.com/291501146

Pour la puissance publique, des habitant·e·s de la ZAD pourraient y rester à condition de rentrer dans les cadres de la gestion habituelle des terres agricoles : au nom d’une activité professionnelle reconnue en tant que telle, pour des projets individuels tenus par des objectifs de rentabilité à court terme. Mais les zadistes défendent un accès collectif à la terre et le développement de l’usage commun des champs, des forêts et des sentiers dont elles et ils prennent soin depuis dix ans. Le monde des chambres d’agriculture et de la FNSEA rejette cette vision au nom du respect de la propriété individuelle et veut que le même cadre normatif s’impose à tou·te·s.

Pourtant, le code civil reconnaît la propriété collective et les droits d’usage des terres, explique la chercheuse Sarah Vanuxem. Dans un livre à contre-courant de l’interprétation dominante du droit, mais nourri d’histoire et d’une connaissance érudite des théories juridiques, elle démontre que ce qu’on appelle aujourd’hui « les communs » existe dans les textes fondateurs du droit français. À partir de cette généalogie, elle développe l'idée d'une définition de la propriété comme « faculté d’habiter » des lieux : « Si la propriété est la capacité à habiter les choses, c’est qu’on n’a pas la propriété des choses en elles-mêmes. Je n’ai pas la propriété de la terre mais la capacité d’en user. Or cet usage, on l’a vu, est réglementé par des lois intérieures, constitué des lois et des règlements que l’on doit respecter, notamment du droit de l’environnement. Elles demandent au propriétaire, l’État dans l’exemple de la ZAD, de prendre soin de l’écosystème. Cela peut vouloir dire ne pas remettre en cause les habitants, même sans titres, ni les actions qu’ils ont menées pour prendre soin de la terre. Autrement dit, ils ont undroit à l’existence” même s’ils n’ont pas la “propriété territoriale”. »

Enseignante-chercheuse à l’université de Nice Sophia-Antipolis et à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), Sarah Vanuxem s’en explique dans cet entretien.

Vous proposez une vision de la propriété de la terre qui diffère de la définition habituelle de la propriété privée, et permet de reconnaître le droit à l’usage des terres. De quoi s’agit-il ?

Sarah Vanuxem : Je propose non pas une vision de la propriété qui serait différente de celle qui est dans le code civil, mais de relire les dispositions qui s’y trouvent, et de les interpréter différemment de la manière habituelle. L’article 544 du code civil dit que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Le terme « absolu » ne signifie pas nécessairement « exclusif ». Il peut être interprété comme signifiant « opposable » à tous. Le droit de propriété n’est pas nécessairement individuel. Il peut être collectif. D’ailleurs, dans le code civil, on a pléthore d’exemples de propriétés collectives : la mitoyenneté des murs, l’indivision, la copropriété des immeubles bâtis… Il y a toute une série d’exemples de propriétés exercées à plusieurs.

Par ailleurs, le terme « absolu » est souvent interprété dans l’idée que la propriété est un droit souverain. De domination. Or le code civil ne dit pas cela ; le texte dit qu’on doit respecter les lois et les règlements. On peut trouver des traces de l’interprétation que je propose dans les premiers commentaires du code civil, après sa parution en 1804. Elle peut être fondée juridiquement, historiquement, politiquement, socialement. Elle peut être rapprochée aussi de tout le mouvement autour des communs. Ça ne sort pas de nulle part.

En quoi cette interprétation du code civil renforce-t-elle la reconnaissance de droits d’usage de la terre ?

Si l’on s’en tient à la définition classique de la propriété, couramment enseignée dans les facultés de droit, la propriété est un faisceau de prérogatives autour des droits d’user, de jouir et de disposer. Mais si l’on considère la propriété comme une « habitation » des choses, on considère que les choses ne sont jamais, à strictement parler, appropriées. On ne peut qu’avoir des droits relativement à la terre, mais la terre elle-même échappe à la propriété. Si la propriété n’est qu’un droit relativement à la terre et non pas un droit absorbant la chose elle-même, cela permet de reconsidérer les droits d’usage. Ils sont de nouveau des droits de propriété au sens entier du terme. Dans la théorie classique, le droit d’usage est une prérogative du propriétaire. Si l’on considère que le droit de propriété est un droit d’habiter les choses, le droit d’usage est remis sur le devant de la scène. Celui qui a le droit de récupérer du bois dans une forêt, exerce ce qui peut être compris comme un droit de propriété.

Comment expliquer que le droit contient en théorie ces possibilités de propriété collective et de droits d’usage, mais qu’il n’est pas appliqué de cette manière ?

Parce qu’on a retenu l’idée qu’à la Révolution française, la propriété privée devait signifier un droit qui porte sur la chose et l’ensemble de ses utilités. L’idée qu’une terre et toutes ses utilités devaient se retrouver entre les mains d’une seule personne. À la Révolution française, on a cette idée que le code civil fait disparaître les liens de dépendances interpersonnelles relativement aux choses, et on les remplace par des liens de propriétaire, seul et souverain, sur sa chose. C’est le discours discuté par l’historien Yannick Bosc, selon qui, dans la Révolution française, il n’y a pas que la révolution bourgeoise, créant la propriété individuelle et la possibilité d’avoir un droit absolu souverain sur les choses. C’est aussi une révolution de paysans qui ont remporté des luttes et, notamment, ont recouvré la propriété collective des communaux sur des terres, des pâturages et des forêts qui leur avaient été confisquées par des seigneurs. Il y a un double mouvement à la Révolution française et l’idée d’une révolution paysanne est un peu oubliée.

Sur le terrain du droit, Mikhaïl Xifaras, professeur à Sciences Po, a étudié les premiers commentateurs du code civil. Il s’est aperçu que pour eux, il n’y avait pas que la « maîtrise souveraine ». Il existait aussi ce qu’il nomme « l’appartenance patrimoniale » et la « réservation de jouissances ». Cette dernière notion est fondée sur le concept de « saisine », qui permet, lorsque l’on occupe une terre depuis un certain temps, d’obtenir un véritable droit de la propriété. La propriété est ainsi fondée sur la possession paisible, continue, publique…

Par quel processus le sens de cette philosophie du droit s’est-il rétréci autour de l’idée de propriété individuelle ?

Si l’on prend l’article 542 du code civil, on trouve une autre définition de la propriété. Les biens communaux sont « ceux à la propriété ou au produit desquels les habitants d’une ou plusieurs communes ont un droit acquis ». Donc ce n’est pas une propriété individuelle. Les biens communaux appartiennent aux habitants. Donc à une collectivité. La propriété collective est donc clairement reconnue. Comment se fait-il qu’aujourd’hui on ne parle plus de cet article ? Notamment, parce qu’il y a un temps où des auteurs ont dit que cet article ne pouvait pas vouloir dire ce qu’il dit. On ne peut pas concevoir que la propriété soit collective, disent-ils. C’est une contradiction dans les termes. Pour eux, la propriété appartient ou bien à l’État, ou bien à des personnes de droit privé (une personne physique, un être humain ou une personne morale, par exemple une société ou une association). Mais dans tous les cas, elle reste une propriété individuelle. La propriété est ce qui me permet de repousser autrui. Ces interprétations doctrinales, de grands professeurs de droit, ont été relayées dans la jurisprudence. Et ainsi, on en est venu à considérer que les biens communaux n’appartenaient pas aux habitants mais à une entité individuelle, à une collectivité territoriale.

Comment sont défini·e·s les habitant·e·s autour de la notion de biens communaux ?

On pourrait porter des cas de ce type devant les tribunaux et espérer que les juges retiennent une interprétation littérale de l’article 542 du code civil, en disant que ce sont les habitants de la forêt communale qui ont les droits d’usage de la forêt, et pas la collectivité territoriale. Qu’est-ce que l’habitation ? Si je me reporte au droit qui vaut pour les sections de commune (hameaux) qui ont la propriété collective de pâturages, de forêts ou de sentiers, est habitant celui qui est habitant réel et fixe, c’est-à-dire à l’année. Mais c’est une définition légaliste, celle du code général des collectivités territoriales. Si l’on interroge les gens, ils vont dire qu’est habitant celui dont la cheminée fume. Si l’on accepte l’idée que le droit puisse aussi être autochtone, indigène, local, tout dépend de la coutume du lieu. On peut tout à fait imaginer une assemblée d’habitants qui décide de ce que veut dire « habiter » : vivre là depuis six mois ou trois mois ? Ou a-t-on tout de suite le droit de décider de la répartition des revenus forestiers communaux ? Tout devrait être théoriquement ouvert.

Vous parlez de « la propriété comme faculté d’habiter », c’est une proposition que vous faites ou c’est présent en tant que tel dans le droit ?

C’est une proposition de lecture. Le mot « faculté d’habiter » n’est pas dans le code civil. Mais « faculté de dominer » non plus ! Quand on enseigne aux étudiants que la propriété est le droit de repousser les autres, ou de dominer la nature, on utilise des métaphores qui ne sont pas non plus dans le code civil. J’essaie de dire : regardez ce que vous faites. Quand vous pensez la terre, vous la pensez de manière matérielle, comme un substrat. Et c’est bien pour cela que vous n’arrivez pas à concevoir la propriété de manière collective. Si vous la pensez comme une part de gâteau, si l’on est beaucoup à en vouloir, il n’en restera plus grand-chose. Mais si vous pensez les choses autrement, comme des demeures, des habitats, des écosystèmes, des milieux, on va arriver à concevoir la propriété de manière collective. Si je pense la chose comme un paysage, on peut imaginer en être propriétaire à plusieurs. Quelque chose à l’intérieur de quoi l’on entre, et dont on peut jouir à plusieurs.

Les zadistes de Notre-Dame-des-Landes disent qu’elles et ils ont pris soin du bocage et ont le droit d’y rester, même si l’État les considère sans droit ni titre. Est-ce une manière d’exercer une « propriété comme faculté d’habiter » ?


Le lien me paraît évident car avec cette idée de faculté d’habiter, on quitte la notion de propriété comme pouvoir sur les choses. Ça se rapproche plutôt de la vision écoféministe du pouvoir comme situation d’être « en capacité » d’agir. Si la propriété est la capacité à habiter les choses, c’est qu’on n’a pas la propriété des choses en elles-mêmes. Je n’ai pas la propriété de la terre, mais la capacité d’en user. Or cet usage, on l’a vu, est réglementé par des lois intérieures, constitué des lois et des règlements que l’on doit respecter, notamment du droit de l’environnement. Elles demandent au propriétaire, l’État dans l’exemple de la ZAD, de prendre soin de l’écosystème. Cela peut vouloir dire ne pas remettre en cause les habitants, même sans titre, ni les actions qu’ils ont menées pour prendre soin de la terre. Autrement dit, ils ont un « droit à l’existence » même s’ils n’ont pas la « propriété territoriale ». Surtout s’ils ont pris soin de la terre et ont permis à l’État de respecter les lois et les règlements qui lui incombent. Celui qui est incontestablement privilégié par rapport à une terre, parce qu’il en est le dénommé « propriétaire », ne saurait, dans cette vision, méconnaître entièrement le droit de la communauté des habitants sans titre.

À lire : La Propriété de la terre, Wildproject, 2018, 144 pages, 15 €.

Jade Lindgaard - Médiapart




AILLEURS

Infos du 1er au 9 septembre


Jeudi 6 septembre


La Zad de Hambach 

investie par la police 

pour permettre l’exploitation du charbon





 
Une importante opération de police a lieu depuis tôt ce matin mercredi 5 septembre dans la Zad de la forêt de Hambach, en Allemagne. Cette forêt est occupée depuis 2012 par des militants écologistes afin d’empêcher sa destruction au profit de l’agrandissement de la mine de charbon voisine.


Plusieurs centaines de policiers sont sur place, alors que 200 employés de la compagnie d’énergie RWE, exploitante de la mine, démolissent les barricades de la Zad ainsi que « tout objet qui n’appartient pas à la forêt », selon la police régionale de Aix-la-Chapelle. Les autorités assurent qu’il n’est pas question de détruire les cabanes des militants et d’évacuer la ZAD.


La compagnie RWE se prépare, au 1er octobre, à reprendre l’abattage des arbres pour exploiter le sous-sol riche en lignite de la forêt de Hambach. Les opposants au projet demandent au gouvernement fédéral de mettre en place un moratoire, alors qu’une commission doit présenter d’ici la fin de l’année un plan national de sortie du charbon.




Vendredi 7 septembre


Le projet de centre commercial Val Tolosa 

sérieusement compromis

 




Deux décisions de justice connues ce vendredi 7 septembre mettent de sérieux bâtons dans les roues au projet de centre commercial Val Tolosa, qui prévoit 60.000 m² de surface commerciale et 120 boutiques sur la commune de Plaisance-du-Touch (Haute-Garonne), à côté de Toulouse.

En effet, le le Tribunal Administratif de Toulouse a annulé deux arrêtés préfectoraux : le premier concernant le projet du centre commercial, le second concernant le projet de route d’accès.

« Le Collectif se réjouit de ces décisions qui confirment toutes celles déjà prononcées dans le même sens par la cour d’appel de Bordeaux et le Conseil d’État », se réjouissent dans un communiqué de presse les opposants au projet. « Ces derniers jugements devraient inciter les promoteurs du projet à l’enterrer définitivement sans se perdre inutilement dans un acharnement procédural (appel, cassation) et sans exercer de pression politique au plus haut niveau. »

Deux permis de construire attribués à ce centre commercial ont déjà été précédemment annulés.

Samedi 8 septembre


À Hambach, 

la police poursuit l’évacuation de la forêt






 
L’opération de police engagée le 5 septembre s’est poursuivie les jours suivants pour évacuer les activistes qui occupent depuis plusieurs années la forêt de Hambach, en Allemagne. Le but : permettre la destruction de la forêt pour étendre une mine géante de charbon. Vendredi 7 septembre, les employés de la compagnie RWE démolissaient les cabanes installées dans les arbres sous la surveillance de la police.
    Source : Reporterre - Photos : DWS


[Soutien GCO] : Message transmis par la ZAD du Moulin : 
 
Lundi 10 septembre... Tous les signaux indiquent une opération massive contre les arbres sur l’ensemble du tracé du GCO pour lundi 10 septembre au matin.
Nous avons besoin d’un maximum de monde sur l’ensemble du tracé, pour exprimer notre désaccord avec des coupes alors que des référés juridiques sont en cours sur le projet. La ZAD Du Moulin vous accueillera dès 5h du matin avec du café, pour organiser la vigilance sur le réseau.
Venez nombreux !

Infos du 10 au 16 septembre

Lundi 10 septembre



Zad du Moulin 

 

 

URGENCE EXPULSIONS Samedi avait lieu dans de nombreuses villes des marches pour le climat, à Strasbourg plus de 5000 personnes s’étaient réunis pour dénoncer le projet du GCO. Le gouvernement continue de démontrer sa capacité à prendre en compte l’avis de la rue... ce matin, 515 gendarmes mobiles (selon les précisions préfectorales) sont allés évacués la ZAD du Moulin, ils ont commencés à détruire des cabanes et tronconner des arbres. Cette opération a pour but de permettre le lancement du chantier de contournement autoroutier au profit d’une filiale de Vinci. Solidarité aux personnes en résistance sur place et partout ailleurs.

Pour suivre le flash-info de la zad du moulin c’est par là.


GCO : évacuation de la zad de Kolbsheim sur Taranis.news :



Les gendarmes évacuent violemment la Zad du Moulin, près de Strasbourg






Tôt ce lundi matin, près de 500 gendarmes ont attaqué au gaz lacrymogène la Zad du Moulin. Citoyens, élus, zadistes étaient là, pour témoigner du refus du projet d’autoroute de la firme Vinci. Reporterre était présent et raconte.




Kolbsheim (Bas-Rhin), reportage

Le tocsin a sonné à 5 heures du matin dans le village de Kolbsheim (Bas-Rhin). Zadistes et habitants des villages environnants se sont levés pour rejoindre les barricades. À la lisière de la forêt, les opposants au projet de grand contournement ouest (GCO) — une autoroute que veut construire la société Vinci — ont alors fait face à une centaine de gendarmes mobiles. Les forces de l’ordre chargent après deux sommations sommaires. Ils éteignent un tas de pneus enflammés et tirent les premières grenades lacrymogènes. Une villageoise apeurée fuit en criant : « On ne veut pas de violence, on est pacifiste. »





Les forces de l’ordre progressent rapidement le long de la départementale 93. Au milieu de la forêt, à quelques mètres de l’entrée de la Zad, un militant d’Europe Écologie Les Verts s’avance vers les gendarmes. Il est bientôt suivi du maire de Kolbsheim, Dany Karcher, et de l’édile écologiste de Schiltigheim, Danielle Dambach. Face au secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, Yves Séguy, ils demandent que soit mis fin à l’intervention et argumentent. Mais Yves Séguy n’accorde aucune importance aux deux recours actuels de l’association Alsace Nature. L’un d’eux porte sur l’aménagement du viaduc de Kolbsheim.




Les esprits s’échauffent. De nouvelles sommations sont prononcées. Puis une nouvelle charge. Dans un nuage de lacrymogène, plusieurs personnes tombent, dont la maire de Schiltigheim. Interrogée peu après, elle évoque le travail de la députée bas-rhinoise, Martine Wonner (LREM) : « Elle pèse de tout son poids pour que le nouveau ministre de l’Écologie accorde un moratoire sur ce projet. »


Pendant ce temps, les forces de l’ordre ont investi la Zad du Moulin. La préfecture de police évoque 515 personnes mobilisées. La résistance pacifique des opposants au GCO prend fin. Une jeune femme, volontairement attachée à un arbre, voit ses chaînes sciées par les gendarmes. Ceux-ci empêchent les journalistes de prendre des photos malgré la présentation d’une carte de presse.




Sur la route départementale, les gendarmes continuent de repousser les citoyens hors de la forêt. Parmi eux, une habitante de Kolbsheim, 89 ans, avance péniblement à l’aide de son déambulateur. Derrière elle, des gendarmes la poussent avec des boucliers à rejoindre le village.



Élisabeth, 61 ans, est terrifiée par la violence de l’intervention. Les larmes aux yeux, canne à la main, elle regarde la forêt de Kolbsheim : « Cette forêt, je m’y baladais quand j’étais jeune… » Une soixantaine de personnes se rassemblent devant la mairie. À 7 h 30, les cloches sonnaient toujours l’alerte.

    UN PROJET IMPOSÉ 

    MALGRÉ DE NOMBREUX AVIS 

    NÉGATIFS OFFICIELS




Les prémisses du grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg remontent aux années 1970. Ce projet d’autoroute payante de 24 kilomètres a été déclaré d’utilité publique en janvier 2008 pour 10 ans. La rocade a pour but de faciliter le transport en camion du nord au sud de l’Europe, ce qui permettrait de délester l’autoroute gratuite de l’A35, qui coupe Strasbourg en deux. Le projet avait été annulé par le gouvernement Ayrault-Hollande juste après sa prise de fonction en 2012, avant d’être relancé fin 2013, sous la pression des pouvoirs économiques locaux, de la droite locale. Le maire de Strasbourg Roland Ries (PS), jusqu’alors opposé, avait alors retourné sa veste, devenant favorable, malgré ses engagements électoraux.


Le contrat de concession de 54 ans signé début 2016 avec Arcos, filiale de Vinci, prévoit un allongement automatique de l’utilité publique du projet. Mais l’opposition n’a pas cessé. Dans la campagne alsacienne, une opposition continue se fait entendre par des marches, manifestations, construction de cabanes et festivals. Pour les opposants, le GCO ne règle pas les problèmes d’engorgement qui se manifestent vers Strasbourg le matin et pour en repartir le soir (150.000 véhicules/jour contre 165.000 sur la partie la plus chargée en 2016).


En juillet 2017, quelques occupants se sont installés dans la forêt de Kolbsheim, un point névralgique au milieu du tracé, entre deux villages et un château inscrit aux monuments historiques.


Malgré les avis négatifs officiels relatifs aux compensations environnementales d’instances étatiques (Conseil national de protection de la nature, agence de la biodiversité, autorité environnementale) et l’avis défavorable des deux enquêtes publiques qui en résultent à l’été 2018, le préfet a validé le projet fin août, en signant les arrêtés autorisant les travaux.



Mardi 11 septembre


La députée écologiste Karima Delli 

gazée par les gendarmes sur le GCO

 

L’édile de Schiltigheim, Danielle Dambach, face au secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, Yves Séguy (casqué).
 
À côté du moulin, les forces de l’ordre ont déjà pris place au cœur de la Zad. Les 515 gendarmes mobilisés ont été déployés en plusieurs points. Les opposants ont été dépassés par l’ampleur du dispositif mis en place. Deux heures durant, les zadistes et une majorité de riverains ont lutté en reculant, poussés par les boucliers des gendarmes et troublés par le gaz lacrymogène, utilisé en spray et par des jets de grenade.

    « Je n’ai plus envie de servir cet État qui écoute davantage Vinci que les citoyens » 


Vers 7 h du matin, la forêt a été vidée des 200 personnes mobilisées contre l’évacuation. À la sortie de Kolbsheim, les visages étaient marqués par la colère et la stupeur. Élisabeth, 61 ans, se tenait sur sa canne. Elle avait les larmes aux yeux et les lèvres tremblantes lorsqu’elle a résumé son sentiment :
Je ne m’attendais pas à tant de violence alors que nous étions tout à fait pacifiques. Alors, bien sûr, maintenant je pleure en regardant cette forêt où on se baladait quand on était jeunes. » 
Dans le village, les militants essorés se sont assis sur le trottoir. Le maire de Kolbsheim a tenu à dénoncer encore une fois une intervention « inadmissible ». Annie Kessouri, deuxième adjointe, a abondé dans ce sens : « Ce matin, j’ai enlevé mon écharpe tricolore à un moment donné. Je n’avais plus envie de servir cet État où l’on écoute davantage Vinci que nos citoyens… » La rancœur régnait parmi les villageois. « Avec ce qui vient de se passer, difficile d’avoir de l’espoir face au changement climatique », a sifflé Valentine, habitante d’Ernolsheim-Bruche. 

Lundi 10 septembre 2018, au matin. La Zad du Moulin est évacuée.

Sans Zad, dans cette matinée du 10 septembre, les militants écologistes ont perdu un moyen d’empêcher les travaux de commencer. Mais les opposants au GCO ont aussi vu un symbole de la lutte disparaître. Au milieu des poules, à côté des cabanes encore intactes, il n’y a plus que des gendarmes. Vêtus de gilets orange, des géomètres s’affairaient déjà dans le pré. Un camion de déménagement est arrivé. Un huissier de justice a organisé la saisie des objets présents dans les caravanes et autres baraquements. Vers 9 h du matin, un dernier zadiste était évacué d’une cabane construite dans la cime d’un arbre. Face aux caméras, il a crié sa rage contre ce projet « fou et inutile ».


Mercredi 12 septembre


GCO : les gendarmes ont gazé la députée LREM Mme Wonner et le député vert M. Bové



Mercredi matin, les gendarmes ont aspergé de gaz lacrymogène la députée (LREM) Martine Wonner et le député européen José Bové. Ils s’opposaient au projet autoroutier GCO, pour lequel les recours juridiques n’ont pas été purgés. Dans un entretien avec Reporterre, Mme Wonner raconte ce qu’il s’est passé et interpelle le gouvernement.




Le gouvernement persiste et signe : après que des gendarmes ont gazé lundi soir la députée européenne (Verte), et présidente de la commission des Transports au Parlement européen, Karima Delli, ils ont aspergé de gaz lacrymogène, mercredi matin, la députée du Bas-Rhin (LREM), Martine Wonner, ainsi que le député européen (Vert), José Bové, le maire de Kolbsheim, Dany Karcher, et une dame de 89 ans dans un fauteuil roulant. Les élus venaient voir les machines de déboisement installées à Kolbsheim, pour couper la forêt et permettre le chantier autoroutier du grand contournement ouest de Strasbourg. Selon les élus, ce déboisement n’est pas légal, puisque le tribunal doit l’étudier vendredi 14 septembre.




Reporterre a recueilli, au téléphone, le témoignage de Mme Wonner :


Reporterre - Que s’est-il passé ce matin à Kolbsheim ? Comment avez-vous réagi ?

Martine Wonner Ce matin, mercredi, nous étions à Kolbsheim, moi-même, M. José Bové, M. le maire de Kolbsheim, ainsi que quelques villageois et quelques zadistes. Nou s nous sommes engagés dans les rues de Kolbsheim. Nous voulions nous approcher du bas du village, où sont les engins. Les engins sont sur le territoire de la commune depuis hier soir, mais monsieur le maire n’a pas eu l’autorisation d’aller constater lui-même que les machines étaient là. Elles sont arrivées hier en fin d’après-midi, escortées par des CRS et venant de Vendenheim, où elles ont déboisé et coupé les arbres. Elles ont été cachées dans la forêt. Monsieur le maire, qui a la responsabilité sur sa commune, a voulu aller voir et constater, il n’a pas eu le droit. C’était hier soir.

Ce matin, nous nous sommes approchés par une rue du village de la zone — il y a un périmètre de sécurité. Nous avons été confrontés à un barrage de gendarmes. M. José Bové était devant, j’étais à peine derrière, portant mon écharpe tricolore, il n’y a eu absolument aucune menace ou violence de notre part, et on a été gazés.


José Bové commençait à discuter avec les gendarmes, en disant qu’on aimerait bien passer pour aller voir, les gendarmes ont dit,
« ce n’est pas possible », et là ils ont commencé à gazer. Sans plus de discussion. Ils ont sorti leurs bonbonnes et nous ont aspergé. La suite est assez difficilement racontable, parce que vous ne voyez plus rien, vous toussez. Il y avait Germaine, une dame de 89 ans, qui était assise sur son fauteuil roulant, et elle a de nouveau pris des jets.

Comment est-ce possible dans un État de droit ? Je suis députée de La République en marche, je questionne mon gouvernement, je n’ai plus confiance dans mon préfet. Je l’avais rencontré samedi après midi avec Alsace nature, à la suite de la manifestation sur le climat à Strasbourg, où nous étions 5.000. J’ai demandé un moratoire de quelques jours, puisque le vendredi 14, le tribunal administratif de Strasbourg est susceptible de prendre deux référés suspensifs. Le préfet s’est engagé à faire remonter la demande au plus haut niveau. J’ai interrogé monsieur le ministre Gérard Collomb et François de Rugy, et je n’ai pas eu d’éclairage sur cette note, qui leur serait parvenue. Je ne suis plus en confiance avec mon préfet. 


Gérard Collomb, que j’ai eu au téléphone, m’a dit qu’il lui avait été dit que tous les recours étaient purgés. Il aurait été mal informé.


Les gendarmes encadrent une opération pour laquelle tous les recours qui ont été déposés — il y en a huit, dont trois sous forme de référés suspension — n’ont pas été purgés.


Reporterre - Vous êtes représentante du peuple, ainsi que M. Bové et Mme Delli. Que pensez d’un gouvernement qui laisse violenter des représentants du peuple ?

Martine Wonner J’ai eu tout à l’heure le cabinet de Gérard Collomb au téléphone, je leur ai dit à quel point j’étais surprise de tels agissements, parce que, pour moi, les forces de l’ordre étaient plutôt là pour protéger les élus de la Nation. J’espère avoir un retour d’information quant aux suites qui vont être données à cet incident.
    Propos recueillis par Hervé Kempf


De son côté, la députée européenne écologiste Karima Delli, elle aussi gazée par les gendarmes lundi 10 septembre soir, va mieux physiquement mais est encore sous le choc. Elle n’a pas pu encore reprendre le rythme normal de son travail de députée. Elle avait fait un malaise après avoir reçu en plein visage et à bout portant du gaz au poivre de la part d’un gendarme. Elle était clairement identifiable en tant qu’élue, en première ligne d’une manifestation de personnes pacifiques. Elle compte porter plainte. Tout comme Mme Wonner, elle ne se rendra pas au rendez-vous avec les ministres François de Rugy et Élisabeth Borne, qui était prévu demain jeudi. « Les violences policières sur les Zad comme dans nos banlieues sont une dérive inquiétante pour notre démocratie », a-t-elle indiquée dans un message sur son compte Twitter





Vendredi 14 septembre


Hambach :


Qu’elle soit pacifique ou militante, c’est la résistance qui compte !


source : https://foretdehambach.org/blog/2018/08/12/preparez-vous-a-empecher-les-expulsions/?noredirect=fr_FR

Appel à renforts en français et en anglais à faire tourner largement !

Il va y avoir un campement de partage de savoir entre le 22 septembre et le 3 octobre. Environ cette date il y aura la réoccupation de la forêt

Il y aura une action de masse appelée Ende Gelände, entre le 25 – 29 octobre. (plus d’info sur : https://www.ende-gelaende.org)

D’autres actions de masse sont prévues, qui n’ont pas une date fixe, mais qui seron annoncé, au jour X, quand ils commencent à couper des arbres.

Aktion Unterholz, va soutenir la résistance avec de la désobéissance civile : https://aktion-unterholz.org/

Arrêtez les expulsions ! Défendez les arbres ! Laissez le lignite dans le trou !

Article en ligne de REPORTERRE :

Le matin du jeudi 13 septembre, les autorités allemandes ont lancé l’assaut contre la Zad de Hambach, dans l’ouest du pays. Depuis six ans, des écologistes y luttent pour préserver ce qu’il reste d’une forêt millénaire, déjà mangée à 90 % par une mine de lignite géante dont l’appétit semble insatiable.

Lire la suite


Pour permettre l’extension 

d’une mine de charbon, 

la police allemande évacue la Zad de Hambach

 

 

Le matin du jeudi 13 septembre, les autorités allemandes ont lancé l’assaut contre la Zad de Hambach, dans l’ouest du pays. Depuis six ans, des écologistes y luttent pour préserver ce qu’il reste d’une forêt millénaire, déjà mangée à 90 % par une mine de lignite géante dont l’appétit semble insatiable.

  • Berlin (Allemagne), correspondance

Ils sont arrivés peu après huit heures du matin, jeudi 13 septembre. 3.500 policiers, casqués et cagoulés, suivis par des canons à eau, des hélicoptères, des chevaux et des grues. Les autorités allemandes n’ont pas hésité à déployer les grands moyens pour l’évacuation de quelque… 150 militants anti-charbon dans la forêt de Hambach, dans l’ouest de l’Allemagne.

Depuis six ans, ces écologistes occupent la cime des arbres. Plus de cinquante cabanes y sont construites. Des promenades sensibilisent les habitants à la protection d’une forêt millénaire, coincée entre Cologne et Aix-la-Chapelle, engloutie peu à peu par les pelleteuses. En moins de quarante ans, 90 % de son territoire a déjà disparu pour laisser place aux excavatrices de la compagnie électrique RWE, propriétaire de la mine de charbon voisine.

L’Allemagne a promis de cesser l’exploitation du charbon, mais qu’importe : à partir du 1er octobre, RWE veut raser 100 hectares supplémentaires pour accéder au sous-sol, riche en lignite. Après une longue bataille devant les tribunaux, la justice allemande a donné raison au premier énergéticien du pays. RWE compte bien faire valoir son droit, et les autorités politiques ont clairement choisi leur camp.

Après avoir longtemps toléré l’occupation de la forêt, le gouvernement régional de Rhénanie-du-Nord–Westphalie a soudainement dénoncé une « occupation illégale » et ordonné l’évacuation des lieux en raison d’un « risque d’incendie élevé ». « Avec l’évacuation, RWE franchit clairement une ligne rouge contre le climat, explique Karolina Drzewo, de l’ONG anti-charbon Ende Gelände. C’est un scandale que le gouvernement régional protège ici les profits des entreprises et non le climat. »

    Pour des raisons politiques, 

    le gouvernement tend une oreille attentive 

     au lobby du charbon 



Sur place, les militants ont opté pour « la résistance non violente » face à la démonstration de force. Accrochés aux arbres, parfois à 25 mètres de hauteur, ils n’ont pas l’intention de faciliter la tâche des forces de l’ordre. Jeudi soir, seule une poignée d’entre eux avait été délogée, une cabane détruite. L’opération représente un « gros défi » et « pourrait durer plusieurs semaines », a admis le porte-parole de la police régionale. Le collectif Aktion Unterholz a annoncé une « mobilisation massive dès ce week-end pour empêcher l’évacuation et l’abattage des arbres ». Une manifestation organisée dans la localité voisine de Buir a déjà rassemblé jeudi soir plusieurs centaines de personnes.

Lors d’une manifestation le 29 avril 2018 contre la mine de lignite de RWE voisine de la forêt de Hambach.


La forêt de Hambach est devenue le symbole d’une Allemagne empêtrée dans sa transition énergétique. Pionnier de la fin du nucléaire, le pays freine aujourd’hui le développement des énergies renouvelables et tergiverse sur l’avenir du charbon. « La transition énergétique est volontairement ralentie pour garder le plus longtemps possible le charbon dans le mix électrique, analyse Claudia Kemfert. C’est une décision purement politique : entre les emplois dans l’éolien et les emplois dans le charbon, le gouvernement a choisi le charbon. »

Avec 39 % de la production d’électricité, la houille et le lignite représentent encore la première source d’énergie en Allemagne. Pour tenir ses objectifs climatiques, le pays sait qu’il n’a pas d’autre choix que d’en finir avec une exploitation ultra-polluante. Mais pour des raisons politiques, le gouvernement tend une oreille attentive au lobby du charbon : une drôle d’alliance constituée d’industriels, de syndicats ouvriers et de communes dépendantes des revenus des mines et des centrales à charbon, qui tentent de repousser sa fin le plus longtemps possible. D’ici la COP24, en décembre prochain, une commission mise sur pied par le gouvernement doit préciser les modalités, le financement et le calendrier de sortie du charbon ainsi qu’un plan de reconversion des régions concernées.

En attendant, les zadistes réclament un moratoire sur l’abattage de la forêt de Hambach. « Le gouvernement fédéral doit faire stopper cette évacuation et l’abattage des arbres tant que la commission n’a pas fini son travail », demande Gesche Jürgens, porte-parole de Greenpeace. Mais à Berlin, la coalition des conservateurs et des sociaux-démocrates semble pour l’instant rétive aux arguments écologistes. Interpellé jeudi au Parlement, le ministre fédéral de l’Économie et de l’Énergie, Peter Altmaier, soutenait « une décision entrepreneuriale confirmée par les tribunaux, confirmée par un Parlement, confirmée par des décisions démocratiques ».




Le tribunal administratif de Strasbourg 

suspend les travaux du GCO

 



En attendant les prochaines audiences, les opposants au GCO appellent à se rassembler à Kolbsheim samedi 15 septembre à 14h. Michael Kugler, l’un des meneurs de la lutte contre le projet autoroutier, évoque la venue de militants écologistes de Paris et de Lorraine. Intitulée de la manifestation : "Aux arbres citoyens !"

Les travaux avaient commencé avant la conclusion des requêtes en référés. Un point dénoncé par le syndicat des avocats de France dans un communiqué du 13 septembre :

« Comment admettre que les gendarmes mobiles en place actuellement sur la zone facilitent un déboisement irréversible potentiellement illégal, et repoussent violemment les opposants, alors que les recours ne sont pas purgés ? »


camarades de lutte 

 

Voix des Quartiers : Hadama Traore et La Révolution est en marche : entretien vidéo sur Médiapart. 
Avec notamment un passage sur la ZAD, l’horizontalité, les valeurs et quelques mesures concrètes.


José Bové : 

« Le GCO, 

c’est comme Notre-Dame-des-Landes : 

un projet dépassé vieux de 40 ans »




La lutte se poursuit contre le GCO — projet autoroutier près de Strasbourg — où des élus et des citoyens ont été gazés par les gendarmes. Impliqué depuis le début, José Bové, député européen, a lui aussi été victime des violences des forces de l’ordre. Il juge que le projet autoroutier est contraire à ce qu’il faut faire pour le climat. Entretien.




 
ReporterreQuelle est votre analyse sur ce qui vient de se passer ?

José Bové Il n’y avait aucune nécessité pour les autorités d’intervenir cette semaine : c’est une décision du préfet, du département et de la région de commencer le déboisement et de le mener à son terme avant la fin de la semaine, alors que dès dimanche, contact était pris pour qu’une rencontre ait lieu et qu’un rendez-vous formel avait été fixé. Et en même temps, on a assisté à un déploiement de forces, à l’évacuation de la Zad, et au déclenchement de la déforestation. Tout ceci a été cautionné par l’Agglomération de Strasbourg, avec un ministère de l’Écologie totalement absent voire d’accord, puisque Mme Borne, la ministre des Transports, avant même que M. de Rugy ne prenne la parole, disait que ce contournement se ferait, qu’il était nécessaire.

Mardi 11 septembre au matin, des arbres ont déjà été abattus à Kolbsheim.

Il y a un refus entêté de prendre en compte les éléments qui ont été apportés depuis longtemps par les opposants. C’est une situation identique à ce qui se passe pour des grands projets inutiles comme Notre-Dame-des-Landes, parce que ce projet, comme Notre-Dame-des-Landes, a quarante ans. Il exprime une vision des solutions au transport identique à celles qu’on pouvait voir sur le transport aérien, c’est-à-dire des schémas dépassés de la politique des transports. 

Le Parlement européen a voté récemment l’obligation d’une taxe sur les transports routiers, sur les kilomètres parcourus, et l’argent qui sera récolté sera fléché vers d’autres modes de transport, pour changer la logique, notamment avec la prise en compte du réchauffement climatique. Tout cela a été acté au Parlement européen. Maintenant, c’’est aux États de le décider pour que cela s’applique.

Quelle conséquence cela aurait-il sur le projet GCO ?

Ce projet tomberait parce qu’il n’aurait plus de nécessité. Aujourd’hui, on est dans des coûts de transport moindres en France que du côté allemand, ce qui entraîne les transferts de trafic de notre côté. Avec la taxe, le transfert va se reporter de l’autre côté de la frontière.
Aujourd’hui, le projet du GCO revient à ajouter une autoroute à une autoroute existante : quand on a un problème de circulation, plutôt que de se demander comment le réduire, on se demande comment l’absorber, donc on double. Mais comme en même temps ça ne règle rien pour l’entrée à Strasbourg, on veut augmenter les voies, ce qui fait venir encore plus de camions. Au contraire, il faut inverser la logique du transport, et même se demander son intérêt et le type d’économie que cela induit. C’est un modèle global de mobilité qui est en jeu dans ce grand contournement.

Le GCO est-il compatible avec une politique écologique ?

Il y a des autres aspects qui sont largement étayés par les scientifiques au niveau de la pollution de l’air, où l’on peut dire que le GCO ne changera rien à la qualité de l’air. En ce qui concerne la biodiversité et les terres agricoles, avec l’autoroute et les échangeurs, de 330 à 350 hectares de terres agricoles seraient détruits.

Il n’y a aucune prise en compte du fait que l’on doit changer de modèle. Il y avait 5.000 personnes à Strasbourg samedi 8 septembre dans les rues contre le changement climatique, on n’avait jamais vu ça, et deux jours après, alors que les ministres disent
« ça a été un succès et il faut aller plus loin », le gouvernement ne change rien et au contraire continue.



Près de 750 personnes, selon les organisateurs, ont manifesté contre le GCO, 
mercredi 12 septembre, à Kolbsheim.

Le nouveau ministre, François de Rugy, est-il impuissant, malhonnête ?

Je lui ai lancé un message en lui disant, il n’est pas trop tard, les arbres ont été détruit, on pourra replanter et refaire la forêt. Mais, au niveau des services de l’État et des lobbies — parce que Vinci est au milieu de la paroisse —, on a clairement une volonté d’aller jusqu’au bout, et je ne sens pas de la part du ministre de l’Écologie et des Transports un désir de remettre en cause ce projet.




Pourquoi cet acharnement ? Pour faire plaisir à Vinci ?

Je dirais que c’est une logique globale. Évidemment, Vinci est très content : ce sont des bétonneurs, plus on fait de béton, plus ils sont contents. Il y aussi le lobby du transport autoroutier. Et puis surtout, une incapacité à changer de modèle. On ne peut pas faire d’un côté la COP21 et se réjouir de l’Accord de Paris, et d’un autre côté continuer comme avant.

Que va-t-il se passer maintenant sur le GCO ?

Il y a un premier élément judiciaire, un jugement en référé qui doit être rendu vendredi. Ce peut être important, d’autant plus que si on regarde le dossier, on constate que c’est le cas où il y a eu le plus d’avis négatifs des diverses commissions qui l’ont étudié. Malgré cela, le projet a continué comme si de rien n’était. 

Par ailleurs, une nouvelle mobilisation aura lieu samedi à Kolbsheim. À partir de là, d’autres modes d’action vont être lancés. Beaucoup de gens sont extrêmement choqués de ce qui s’est passé.

Que pensez-vous du fait que des élus aient été aspergés de gaz lacrymogène  ?

Il est clair que les ordres donnés aux gendarmes, c’est qu’on se fiche complètement de savoir s’il y a des élus ou pas. Il y a un refus que les élus puissent être des médiateurs dans une confrontation. Les élus directement concernés sur leur commune sont dépossédés de la liberté de circuler sur leur propre territoire. La députée locale ou les députés européens peuvent aussi servir de médiateurs pour faire baisser la tension. Mais c’était le refus intégral : aucun officier n’est venu à aucun moment, alors qu’on venait vérifier si les choses se passaient conformément à la loi. Je ne demande pas un traitement de faveur parce qu’on est élu, mais les élus dans ce genre de situation peuvent être des médiateurs qui changent la réalité de la confrontation.

Le pouvoir veut-il pousser à la tension ?

Ce comportement pousse clairement à la tension et crée un climat où les représentants locaux sont niés dans leurs droits — le maire théoriquement est officier de police judiciaire sur la commune. C’est une dérive, une négation des droits démocratiques.

    Propos recueillis par Hervé Kempf – Reporterre
Samedi 15 septembre



Elus, zadistes et la pasteure du village 

se mobilisent contre une autoroute en Alsace 

 




Les travaux préparatoires en vue de la mise en place, par le groupe Vinci, d’une autoroute de contournement de Strasbourg ont commencé lundi. Une ZAD a été évacuée, des arbres sont en cours d’abattage. Sur place, les habitants ne décolèrent pas. Ce grand projet, considéré comme inutile et imposé, fédère largement contre lui. 




Kolbsheim (Bas-Rhin), de notre envoyé spécial.-  Au-dessus des champs de maïs, le ciel est gris foncé et la pluie approche déjà au loin. Sur le chemin de terre, un camion de l’armée dépare dans le décor champêtre de la campagne alsacienne, tout comme la présence des gendarmes mobiles et d’un hélicoptère qui survole la scène.


À Kolbsheim, petit village du Bas-Rhin situé à une dizaine de kilomètres de Strasbourg, un vaste dispositif policier est déployé depuis le début de la semaine. Objectif : évacuer une ZAD d’une trentaine de personnes (dite « ZAD du Moulin »), faire venir les machines et attaquer la destruction d’une parcelle de forêt qui doit céder la place à un tronçon d’autoroute. 


La zone des travaux est interdite au public, que l’on soit zadiste, journaliste, habitant du coin ou même maire. On s’en approche jeudi après-midi avec Daniel, habitant de la région mais aussi habitant de la ZAD, barbe fournie et bonnet par-dessus des dreadlocks, la cinquantaine, Stéphane Giraud, de l’ONG Alsace nature, et Michel Dupont, ancien assistant parlementaire de José Bové, militant au sein du collectif « GCO Non merci ».

La zone de déboisement en cours à Kolbsheim, protégée par des barbelés. © CG 

 
La zone des travaux est entourée de barbelés posés à la va-vite ces derniers jours. Mais même de loin, les dégâts sur la forêt sont déjà visibles. De notre position en hauteur, on voit au premier plan, à une centaine de mètres, une première machine s’activer pour détruire des vignes, laissant une terre nue et poussiéreuse. Plus loin, un autre véhicule fait tomber les arbres, puis les débite. Le bruit des machines est masqué par celui de l’hélicoptère, qui ne nous lâche plus.


André approche, parapluie à la main. Cet habitant du Haut-Rhin est venu « assister au massacre ». Il s’est déjà rendu sur le site l’été dernier, avec son gendre. Ils avaient visité la ZAD. « Là, ils vont tellement vite, j’en ai pleuré, tellement c’est émouvant. » Une femme arrive à vélo. La quarantaine, cheveux courts, elle ne se présente pas, dit seulement qu’elle est institutrice, avant que les larmes n’étouffent ses paroles. « Je le dis aux enfants, c’est pas possible ce qu’ils font, c’est pas possible. » Elle renfourche sa bicyclette et s’en va.


Kolbsheim fait partie de la vingtaine de villages concernés par la construction du Contournement ouest de Strasbourg (COS), autrefois appelé « Grand contournement ouest », mais dont le nom a changé façon novlangue quand le projet est passé de deux fois trois voies à deux fois deux voies. Il consiste à construire à l’ouest de Strasbourg un tronçon de 24 km d’autoroute à péage, l’objectif étant de désengorger la ville, notoirement embouteillée. 


 
L’idée ne date pas d’hier, ni même d’avant-hier, mais vient tout droit des années 1970. Elle a resurgi dans le courant des années 2000, générant en même temps une forte opposition parmi les populations concernées. Une ZAD s’y est créée le 14 juillet 2017. Elle a été expulsée lundi 10 septembre au petit matin et les cabanes ont été détruites, y compris le « poste de secours ». Quinze à vingt personnes vivaient en permanence sur place. Une quarantaine en tout y aura habité. 


Les zadistes avaient vu l’expulsion arriver. Le dimanche soir, la plupart de leurs effets personnels avaient été transportés dans la salle paroissiale du presbytère, y compris la tireuse à bière. Depuis, celle annexe du presbytère est devenue leur nouveau QG. Dans la cour, une gazinière chauffe de l’eau dans une énorme marmite, des paquets de pâtes attendent l’ébullition. En face, de l’autre côté de la rue, la cour de l’ancienne école accueille un barbecue où grillent des saucisses. Sous l’auvent, une vaste table est dressée.  

 
Jean-Marc, pasteur à la retraite, a embarqué son beau-frère dans l’aventure. C’est lui qui se charge des grillades. Jean-Marc « vient filer un coup de main à la pasteure qui accueille les zadistes. C’est bien, c’est chrétien, mais c’est fatigant ». Cela fait trois jours qu’il s’active. « Aujourd’hui, c’est détente. Les gens en avaient besoin. »

À table, les rires ont tout de même une légère note de désespoir. Luigi, par exemple, arrivé sur la ZAD depuis deux mois et demi, est convoqué le 12 décembre prochain devant le tribunal correctionnel pour outrage à personne dépositaire de l’autorité publique. Lors d’un face-à-face avec les gendarmes, mercredi, il a été interpellé après avoir chanté une chanson intitulé « Gardien de la paix » (on peut voir les images de l’interpellation ici). Au poste, le gendarme a semblé convaincu par ses explications, dit-il, mais pas le procureur. 


Luigi a vu sa cabane détruite lundi. Il n’a pas pris grand-chose en partant, car il n’avait « pas plus d’affaires que ça ». Il n’empêche, la réaction de la population locale, ces derniers jours, lui a confirmé son choix de vie : « On est sur une bascule, les gens ont de plus en plus envie de liberté. Il faut qu’on décide pour nous ce qui est bon pour nous. » Il reste déterminé : « On va avoir un terrain prêté par une habitante mais on ne sera pas sur la zone d’emprise. L’idée, c’est donc de faire comme à Bure, de reprendre la zone du tracé. »
 

Colère et inquiétude

 


Caroline Ingrand-Hoffet est pasteure de la commune depuis huit ans et a suivi la ZAD depuis son tout début. « Après José Bové, on a dormi avec mon mari et mes deux filles dans la roulotte l’été dernier », explique-t-elle. C’est elle qui avait la charge de sonner les cloches du village lundi matin, à l’aube, pour prévenir du début de l’opération policière. C’est elle encore qui a eu l’idée du « die in » mercredi soir, quand 750 personnes se sont retrouvées dans les rues du village et se sont couchées au sol pour symboliser l’abattage des arbres. 


« Cette expérience m’a profondément changée. Ça va vraiment enrichir ma façon d’être pasteure à l’avenir, comment l’Église prend sa place dans la société, dit-elle. Hier matin devant une barricade, une zadiste, qui vit avec une femme, m’a dit : “Ça me fait revoir toute ma vision de l’Église de vous voir là.” C’était magnifique. »


 
Aujourd’hui, elle n’en ressent pas moins, comme beaucoup, de la « colère » mais aussi « de l’inquiétude ». « Je suis inquiète de voir où va cette société. Où se prennent les décisions ? Qu’est-ce qui régit notre société ? »
 

Le maire de Kolbsheim, Dany Karcher, partage les mêmes interrogations. « La désobéissance civile, j’assume, dit-il dans son bureau de la mairie, mais je suis obéissant, j’obéis à ma conscience. » Il nous fait part de son « sentiment d’impuissance devant cette violence qui était à l’intérieur du cordon de gendarmes, pas d[u] côté [des opposants]. » « Je ne peux pas aller dans la forêt, j’en suis empêché par les gendarmes, mais je vois quand même des images faites clandestinement. J’ai un sentiment d’échec à ne pas avoir réussi à préserver notre forêt. »
 

La colère de Dany Karcher, maire de Kolbsheim © France 3 Grand Est : https://youtu.be/DLRYoKCYQ_E




Maire depuis 2001 et par ailleurs professeur au sein du DUT Qualité logistique industrielle organisation à Hagueneau, Dany Karcher n’est pas un écolo déconnecté : « Quand je parle de flux, je sais de quoi je parle. J’ai une certaine vue des problématiques des entreprises grandes et petites. » « Le jour où j’ai appris pour le projet, c’était juste après mon élection, explique-t-il. On m’a dit qu’il y avait eu concertation, mais quand je demandais autour de moi, personne n’était au courant de cette concertation. J’étais pas contre à l’origine puis je me suis renseigné. »
 

Pour lui, l’affaire est entendue : « Dans tous les dossiers de ceux qui veulent le GCO, il y a tous les arguments pour ne pas le faire. » Et de rappeler que 54 % de tous les emplois du Bas-Rhin se trouvent sur la métropole de Strasbourg, que les problèmes d’embouteillages à Strasbourg sont donc en très grande majorité dus à des migrations pendulaires, ceux qui s’y rendent le matin pour y travailler et ceux qui en repartent le soir pour rentrer chez eux. Quant aux camions, « les 2/3 de ceux qui y circulent ont quelque chose à faire dans la métropole. C’est un document pro-GCO qui le dit ! » « Le GCO, c’est la route qui va là où les gens ne veulent pas aller », résume-t-il. 


Son collègue Luc Huber, maire délégué de Pfettisheim (maintenant rattaché à Truchtersheim), partage le même avis. Engagé contre le projet depuis les années 2000, il insiste : « On a toujours dit que s’il vaut mieux circuler, nous sommes d’accord, mais on a commencé à comprendre que ce projet ne règlerait rien aux flux pendulaires. » Le collectif « GCO non merci » est né au début des années 2000, et a sincèrement pensé avoir remporté la victoire en 2012, quand le projet a été arrêté et quasi enterré. Mais une expertise du Conseil général de l’environnement et du développement durable le ressort des placards un an plus tard.


« Or, quand on prenait les propres chiffres du CGEDD, poursuit Luc Huber, on se rendait compte qu’avec le GCO, il y aurait −9 % de camions sur Strasbourg ; avec le GCO et le PDU [plan de déplacement urbain – ndlr], la baisse serait de 11 %. Car les camions sur Strasbourg, la plupart chargent et déchargent. »

  Le maire de Kolbsheim, Dany Karcher, devant une barricade.
 © Christoph de Barry / Hans Lucas 

 
Mais ce n’est pas tout, la commission constate également « que les disposions de la loi sur l’eau ne sont pas toutes respectées, qu’il serait inexact d’affirmer que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, qu’il serait inexact de prétendre à l’absence de perte nette de biodiversité ».

Mais « l’État ne veut pas entendre les avis négatifs. Il fait croire que ce sont des avis positifs avec des réserves et que, si les réserves sont levées, ça ira », se lamente Luc Huber. Pour l’élu, « le déni de démocratie est évident ». Le préfet a en effet signé, le 30 août, « l’autorisation environnementale unique » et, dans la foulée, les arrêtés autorisant les travaux dès le 1er septembre. En raison de la présence de chauve-souris dans les arbres à abattre, les opérations ne peuvent en effet avoir lieu qu’entre le 1er septembre et le 15 octobre. Les travaux ont commencé le 10 septembre. Or, plusieurs recours étaient toujours pendants devant la justice, dont le premier a été examiné le vendredi 15 septembre (deux autres devant être examinés la semaine prochaine). Une situation d’ailleurs dénoncée par le Syndicat des avocats de France dans un communiqué


« Bras de fer permanent »

 



C’est ce timing « incompréhensible » qui enrage les opposants. À commencer par la députée de la circonscription, Martine Wonner. Psychiatre de profession, élue sous l’étiquette LREM en juin 2017, Martine Wonner relate sa semaine « surréaliste ».

Luc Huber, comme Dany Karcher, évoque la longue liste des avis négatifs émis sur le projet : l’avis défavorable de l’Agence française de la biodiversité, les trois avis défavorables du Conseil national de protection de la nature, l’avis extrêmement critique de l’Autorité environnementale et, surtout, l’avis défavorable de l’enquête publique, émis le 25 juin 2018.

Dans ce dernier avis, la commission dénonce tous azimuts : l’« absence de volonté de présenter un dossier lisible et abordable » ; la « crainte d’une augmentation des niveaux de pollution atmosphérique et autres nuisances » ; « des doutes qui persistent sur la bonne prise en compte de toutes les espèces protégées atteintes » ; « des manquements du dossier en matière de compensation environnementales »

Le samedi, une manifestation pour le climat et contre GCO rassemble 5 000 personnes à Strasbourg. Alors que des rumeurs font déjà état d’une opération sur la ZAD le lundi suivant, la députée demande à être reçue par le préfet avec l’association Alsace nature. Objectif : retarder le début des travaux en attendant l’examen des recours. 

« Le préfet est à l’écoute et promet de faire remonter notre demande de moratoire au ministère de l’intérieur, explique Wonner. Mais j’aurais dû tiquer à la fin quand il m’a demandé : “Vous êtes bien à Tours lundi matin ?” Effectivement, j’étais à Tours pour les journées parlementaires LREM. » Le lundi matin, l’élue apprend donc que la ZAD commence à être évacuée. « C’était légal après la décision du tribunal administratif de juin dernier, mais un hélicoptère et 500 gendarmes ? Et moi qui ne suis pas informée… »

La députée passe sa journée pendue au téléphone. Le soir, elle croise Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. « Elle me dit ne pas comprendre pourquoi je suis contre ce projet. Mais manifestement, c’est elle qui ne le connaissait pas. » Le mardi, Martine Wonner décide de retourner en Alsace « pour être aux côtés des élus ». Le lendemain, dans un TGV qui devait la ramener à Paris, elle reçoit l’appel « désespéré » de Dany Karcher, car les machines commencent à couper les arbres de la forêt de Kolbsheim. Elle descend illico de son train et retourne sur place. 


Le maire de Kolbsheim, Dany Karcher, enlace la députée Martine Wonner. 
© Christoph de Barry / Hans Lucas 

 
Le soir même, José Bové revient lui aussi sur place. Le groupe d’élus s’approche de la barrière de gendarmes mobiles. Martine Wonner : « On s’engage sur le chemin, Bové fume sa pipe, les gendarmes sont présents en face. J’en vois deux qui devaient avoir l’âge de mes enfants. Bové fait un pas et ça gaze tout de suite. » Dans la foulée, Dany Karcher brûle son écharpe tricolore. Wonner reçoit un message de son collaborateur, qui avait écouté le nouveau ministre de l’environnement, François de Rugy, expliquer sur BFM qu’il n’y avait plus rien à faire, puisque les travaux étaient lancés. La députée décide de boycotter la réunion prévue le jeudi matin au ministère. Personne ne se rendra finalement à cette réunion.

« Ce qui a été très choquant aussi pour moi, continue la députée, c’est quand nous étions sur les hauteurs, au-dessus des travaux. J’ai demandé à pouvoir aller voir. Il a fallu appeler la directrice de cabinet du préfet, qui m’explique d’abord que le périmètre de sécurité est fixé par le maître d’ouvrage ! J’insiste. Elle me rappelle cinq minutes plus tard et je peux enfin approcher un peu, encadrée par trois gendarmes, tandis que le maire lui, ne peut pas ! » 

Wonner dénonce un « bras de fer permanent pour faire entendre raison aux services de l’État ». Ce bras de fer a cependant tourné à l’avantage des opposants vendredi soir. Le tribunal administratif a en effet donné raison à Alsace nature dans son référé contre les travaux du viaduc de Kolbsheim. Maître François Zind, l’avocat de l’association, précise que, juridiquement, cela n’empêche pas les travaux actuels, qui ne sont que préparatoires, de se poursuivre. « Mais comme les travaux exécutés ne le sont qu’en vue de faire le viaduc, ils sont vidés de leur sens », ajoute-t-il. 

Un espoir douché quelque temps plus tard par un communiqué d’Arcos, la filiale de Vinci chargée du projet : « Le tribunal administratif de Strasbourg, saisi d’une requête en référé, a suspendu l’arrêté du préfet du 26 octobre 2017 autorisant l’aménagement d’un viaduc du projet. L’arrêté suspendu, dont la légalité n’a pas été jugée au fond, ne concerne pas les travaux en cours, et n’entraîne donc pas l’arrêt du chantier. »

Deux autres référés doivent être examinés la semaine prochaine. Le 19 septembre, le tribunal administratif examinera l’arrêté unique pour la totalité des travaux du GCO. Le lendemain, une autre procédure portera sur la modification du Plan local d’urbanisme de Brumath, nécessaire pour s’adapter à la conception de l’échangeur nord. 
 
Si le référé de vendredi était plutôt technique et relevait de l’urbanisme, celui du 19 devrait beaucoup plus porter sur les problèmes environnementaux posés par le projet. Stéphane Giraud, d’Alsace nature, participe depuis 25 ans à la lutte. Il a fait partie du groupe qui a boycotté la réunion avec François de Rugy, car, dit-il, « on va pas servir de caution à la destruction de la nature »

Pour lui, ce projet est une catastrophe environnementale : « Toutes les mesures d’évitement n’ont pas été faites. » Concernant les chauve-souris présentes dans les arbres, Stéphane Giraud s’étonne de la faiblesse des relevés faites par les écologues de Vinci. « On a relevé beaucoup plus de cavités, dans beaucoup plus d’arbres, qu’eux. » Le grand hamster d’Alsace est lui aussi concerné. Concernant ce rongeur, « la compensation envisagée est une mascarade ». Mais le défenseur de l’environnement est un peu fataliste : « On gagnera sur le fond mais les travaux seront faits. »

« Die in » mercredi soir dans les rues de Kolbsheim. © Christoph de Barry / Hans Lucas 

 
Une nouvelle manifestation est prévue aujourd’hui samedi à Kolbsheim. Un moment de retrouvailles pour tous les habitants, « nécessaire » pour le maire Dany Karcher comme pour la députée Martine Wonner. Depuis le début des opérations, les enfants du village sont perturbés. Le maire nous montre une photo envoyée par la mère d’un enfant de 9 ans. Avec ses Playmobils, le garçonnet a fabriqué une scène : un groupe de quatre personnages fait face à quatre autres, tous casqués, boucliers et matraques en l’air. Une autre administrée a laissé un long message à Martine Wonner : ses deux enfants de 13 et 7 ans dorment mal depuis des jours. Le plus jeune se réveille en pleine nuit, avec des cauchemars peuplés d’hélicoptères vrombissants. 
christophe Gueugneau - Médiapart


Infos du 17 au 23 septembre


Lundi 17 septembre


À Kolbsheim, 

la mobilisation ne faiblit pas 

contre le GCO de Strasbourg






Une manifestation a rassemblée près de 2.000 personnes à Kolbsheim, près de Strasbourg, au terme d’une semaine agitée par les violences de l’Etat. Dans le village, l’alliance entre les habitants et les zadistes est totale. Et la lutte continue.




Kolbsheim (Bas-Rhin), reportage

« Certains zadistes sont concernés par des fiches S à caractère terroriste » : dans la matinée du 15 septembre à Kolbsheim, tous les habitants se moquent de ces propos du préfet de la région Grand Est. Ils trouvent l’article des Dernières Nouvelles d’Alsace qui rapporte ces propos d’autant plus drôles qu’ils n’ont pas pu le lire dans l’édition de Kolbsheim : la page où le préfet Jean-Luc Marx est citée a mystérieusement disparu des canards distribués dans le village.

« Tout le monde aide les zadistes. » Alix (le prénom a été modifié) fait partie de ces Kolbsheimois en colère depuis l’évacuation de la Zad, dans la forêt voisine. Vêtu d’un bob gris et d’une chemise rayée, le retraité taille un plant de tomates tout en fustigeant un projet autoroutier vieux de 45 ans : « C’était l’époque du tout-voiture… » 
 
Quelques maisons à colombages plus loin, Lucie tient le même discours en cette matinée du 15 septembre : « Les zadistes sont là pour nous défendre. Sans eux, il y aurait déjà eu les travaux. » Vendredi soir, cette habitante du village a offert « une soupe de légumes et des knacks ». De quoi nourrir une vingtaine de personnes, dont plusieurs anciens résidents des de la Zad.

Dans cette commune au cœur de la contestation anti-GCO (Grand contournement ouest de Strasbourg), le ressentiment est sur toutes les lèvres. Chacun a une anecdote sur le sentiment de ne plus être libre de se déplacer dans son propre village à cause de la présence des gendarmes. L’une n’a pas pu cueillir ses pêches car son terrain est désormais interdit d’accès. L’autre a récolté le maïs en vitesse ce matin « avant qu’il ne soit trop tard. » 

La grâce du château de Kolbsheim serait dissipée par le bruit de l’autoroute

Dans l’épicerie Label Hélène, le châtelain du village ne passe pas inaperçu. Après avoir acheté cinq paquets de cigarettes, Erik Grunelius rentre chez lui. Sur le chemin, il évite le sujet du viaduc de Kolbsheim. Cette partie du Grand contournement ouest doit passer à 507 mètres de son château. Une catastrophe sonore et visuelle pour son château, classé monument historique. Son frère, Jean-Marie, est plus loquace. Depuis plus d’un an, le propriétaire du moulin éponyme de la Zad a accepté l’installation des zadistes et a payé l’utilisation de l’eau et de l’électricité. « C’était une demande de mon ami et maire de Kolbsheim, Dany Karcher », dit-il.



Hélène tient l’épicerie de Kolbsheim : 
« Plus les gendarmes sont agressifs, plus nous sommes soudés »

Retour dans le seul commerce à Kolbsheim, l’épicerie. La propriétaire a perdu sa clientèle du village voisin : « La route entre Ernolsheim et Kolbsheim a été coupée depuis l’évacuation », lundi 10 septembre. Derrière son comptoir plein de bretzels, de gelée de pot-au-feu et d’asperges artisanales, Hélène Scheffer décrit des zadistes « sympathiques, de tous les âges. » En riant, elle évoque l’idée de « vendre des lunettes de plongée » pour se protéger du gaz lacrymogène utilisé tout au long de la semaine. Avant de fermer son commerce pour l’après-midi, la commerçante résume le processus à l’œuvre à Kolbsheim : « Plus les gendarmes sont agressifs, plus nous sommes soudés. »

L’heure du rassemblement anti-GCO approche. Vers 13h, la place devant la mairie se remplit. Depuis plusieurs jours, les zadistes se retrouvent dans la cour de récréation de l’école. Sous un auvent, ils peuvent y stocker leurs affaires et cuisiner. Luigi (le prénom a été modifié) porte deux casquettes, l’une en avant, l’autre en arrière. Il apprécie les nombreux encouragements des villageois. Selon lui, « les relations avec les habitants de Kolbsheim étaient déjà constructives avant l’évacuation. Ils nous apportaient souvent de l’aide matérielle ou venaient simplement discuter le dimanche. »


 
Aujourd’hui, une dizaine de zadistes dorment sur un terrain laissé par une habitante. Ils ont d’abord dormi dans le presbytère, mis à disposition depuis longtemps par la pasteure. Vers 14h, Caroline Ingrand-Hoffet s’y trouve avec plusieurs élus et membres du collectif GCO Non Merci pour organiser le rassemblement « Aux Arbres Citoyens ! » A la sortie, elle évoque l’organisation d’un lieu de parole, pour les nombreux habitants traumatisés par les interventions brutales des gendarmes tout au long de la semaine : « Il y a des gens qui pleurent, il y a des enfants qui font des cauchemars. Certaines personnes me disent ressentir en eux une violence qu’ils n’ont jamais connue. »

Depuis une semaine, le village a repris vie. « Les gens sortent dans la rue pour parler. Il y a une reconnaissance réciproque entre les zadistes et les habitants. Mais cette solidarité a toujours existé », affirme la pasteure.

La manifestation commence. La foule remplit la rue de la Division Leclerc. Après quelques discours sur la place de la mairie, zadistes, villageois, élus et opposants de toute l’Alsace se dirigent vers la forêt amputée. Ils sont plus de 2.000 à marcher pendant une bonne demi-heure. A l’arrivée, le choc. Devant les troncs d’arbres au sol, certains filment, d’autres fustigent un « massacre ». L’accès au site de l’ancienne Zad est interdit par les gendarmes.


Interrogé par Reporterre, le maire de Kolbsheim, Dany Karcher, évoque un « soutien pour les zadistes qui a explosé depuis l’évacuation, tout simplement parce que beaucoup de gens les découvrent et voient que ce ne sont pas les personnes que le préfet a décrites. »

La manifestation se termine par des prise de parole dans un pré voisin. Germaine est toujours là. Malgré ses 89 ans, cette habitante de Kolbsheim était présente lors de l’évacuation de la Zad du Moulin. Des zadistes lui chantent un hommage : « Germaine, c’est pour te dire que l’on t’aime / Germaine, matraque ou lacrymo, c’est la même. » D’une voix faible, la doyenne des opposants au GCO s’excuse de ne pas savoir que dire au micro : « Je suis très fatigué. Espérons que l’on garde un peu de cette forêt. »


  Pour les opposants au GCO, les prochains rendez-vous sont fixés au tribunal administratif - en espérant que la destruction de la forêt ne se poursuivra pas d’ici là. Deux audiences concernant des procédures en référé se tiennent les 19 et 20 septembre. Si le juge donne raison à Alsace Nature suite à la première audience, les travaux engagés seraient condamnés à cesser. D’ici là, Michael Kugler, du collectif GCO Non Merci, appelle à se rendre à Pfettisheim et Pfulgriesheim pour s’opposer à d’autres déboisements possibles.

 

Près de 9.000 personnes ont manifesté 

leur soutien à la Zad de Hambach, 

contre le charbon et pour la forêt



 
D’après la chaîne de télévision publique allemande ARD, 28 cabanes ont été évacuées sur 50. Il reste un peu plus de 150 zadistes sur place. Dimanche16 septembre, entre 4.000 et 9.000 personnes ont manifesté pacifiquement en bordure de la forêt. La situation a dégénéré lorsque 200 manifestants ont tenté de rejoindre la Zad. 14 manifestants ont été arrêtés, 5 d’entre eux ont été blessés. 3 policiers ont également été blessés.

Mercredi 19 septembre


Il s’appelait Steffen. 

À Hambach, un blogueur militant 

chute mortellement lors de l’opération policière

 










 
Un déploiement policier massif se déroule en forêt de Hambach, pour évacuer des écologistes qui tentent d’empêcher l’extension d’une mine de charbon géante. Mercredi 19 septembre, un jeune blogueur est mortellement tombé d’une cabane.

Berlin (Allemagne), correspondance

Il s’appelait Steffen. Proche des milieux écologistes allemands, il couvrait depuis déjà plusieurs mois la vie des habitants de la Zad de Hambach. Ces militants s’opposent à la destruction de la forêt millénaire de Hambach, dans l’ouest de l’Allemagne, menée par la compagnie électrique RWE pour étendre une mine de charbon géante à ciel ouvert.

Ce mercredi 19 septembre, cela faisait sept jours que le jeune photojournaliste suivait l’évacuation surdimensionnée — 3.500 policiers, canons à eau, chevaux, hélicoptères — des quelque 150 militants de la Zad et de leurs 51 cabanes perchées dans les arbres. Peu avant 16 heures, il a chuté d’un pont suspendu entre deux cabanes, à 14 mètres de hauteur. Gravement blessé, il a été transporté en urgence à l’hôpital de Cologne mais n’a pu être réanimé et est décédé.

Dans une conférence de presse organisée dans l’urgence, le porte-parole de la police régionale, Paul Kemen, a assuré qu’« aucune opération n’était alors en cours dans le secteur où a lieu l’accident ». Selon lui, un policier serait venu au pied de l’arbre pour donner à Steffen M. une carte mémoire d’appareil photo. Le journaliste serait tombé en tentant de la remonter via un système de câbles et poulies.

Mais le collectif de zadistes Hambi Bleibt donne une autre version des faits. « Le SEK [unité d’élite de la police allemande] était en train d’arrêter un militant près du pont suspendu. Notre ami était apparemment en chemin pour filmer l’interpellation lorsqu’il est tombé », écrivent les militants sur leur site internet.


 Les opérations d’évacuation de la Zad ont été immédiatement suspendues. Sur place, le deuil et la stupeur règnent parmi les militants et les policiers, selon le journaliste de la Tageszeitung Malte Kreutzfeldt. « Nous sommes profondément bouleversés, a réagi le collectif de militants Hambi Bleibt. Nos pensées vont à ses proches, ses amis et tous ceux qui se sentent concernés. »

Les zadistes demandent l’arrêt définitif de l’évacuation. « Nous demandons à la police et RWE de quitter immédiatement la forêt et de stopper cette opération dangereuse. Aucune autre vie humaine ne doit être mise en danger. » De son côté, la compagnie, premier énergéticien d’Allemagne, a déclaré sur Twitter « regretter un accident tragique ».


 
« Hambi bleibt » est le nom du collectif de lutte de la forêt. Hambi est le diminutif de Hambach. « Hambi Bleibt » signifie à peu près : la forêt de Hambach doit survivre. 
La forêt de Hambach est devenue ces dernières années le symbole de la lutte contre le charbon en Allemagne. Occupée depuis six ans par des militants écologistes, elle est promise à la destruction par son propriétaire, la compagnie d’énergie RWE, qui souhaite exploiter son sous-sol riche en lignite. Sur les 4.100 hectares que comptait la forêt à l’origine, il n’en reste plus aujourd’hui que 200. À la suite du feu vert de la justice allemande, RWE entend en raser la moitié à partir du 1er octobre. Le gouvernement régional de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a lancé la semaine dernière l’évacuation de la Zad, officiellement pour « risques élevés d’incendie ».

Jeudi 20 septembre


Le tribunal de Strasbourg 

suspend l’abattage 

d’un alignement d’arbres



Rassemblement devant le tribunal administratif de Strasbourg, mercredi 19 septembre.


Ce jeudi 20 septembre, le tribunal administratif a suspendu un arrêté autorisant la coupe de 30 faux-acacias (ou robiniers) entre Pfulgriesheim et Pfettisheim dans le cadre des travaux du grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg.

Les juges, qui ont examiné le référé lors de l’audience du mercredi 19 septembre, ont estimé qu’il y a un « doute sérieux » sur la légalité des actes et donc urgence à les suspendre. La compétence du préfet du Bas-Rhin à signer un tel texte fait défaut, selon les trois magistrats. Depuis l’évacuation de la Zad, c’est la deuxième victoire en une semaine pour Alsace Nature, qui a aussi obtenu la suspension du permis d’aménager le viaduc de Kolbsheim le 14 septembre.

L’association Alsace Nature contestait l’absence d’alternatives à ce déboisement, ainsi qu’un défaut d’information du public. « Il y a des mesures de compensations, qui sont d’ailleurs très bonnes, on ne le conteste pas, mais les mesures d’évitement n’ont pas été essayées », a expliqué l’avocat de l’association, Me François Zind.

D’un point de vue plus technique, l’association s’interrogeait aussi sur la compétence du préfet à prendre cette décision, estimant qu’elle était du ressort du conseil départemental du Bas-Rhin, ainsi que sur la conformité des documents, qui indiquent que les arbres sont sur le territoire de la commune de Pfettisheim, alors qu’ils sont sur celui de la commune voisine de Pfulgriesheim.

En face, Me Jean-Nicolas Clément, pour le constructeur Arcos (Vinci), a répondu que l’opération avait un « intérêt écologique limité » et que le conseil départemental soutient aussi le GCO. La représentante de l’État a ajouté que ce « décor planté » avait un « motif purement paysager ».

L’avocat d’Alsace Nature craignait une coupe entre le dépôt de sa requête. Les déboisements majeurs à Kolbsheim et Vendenheim à l’issue de l’évacuation de la Zad n’avaient pas attendu les recours sur l’autorisation définitive des travaux. À l’issue de l’audience, la société Arcos nous a indiqué qu’elle avait cette fois attendu la décision du 20 septembre avant de procéder — ou non — à cet abattage.

L’ordonnance du 20 septembre :
 
Le jugement sur le fond sera prononcé dans les mois prochains. Le tribunal a aussi sommé l’État à verser 1.000 euros à Alsace Nature pour les frais de justice.
    Source : Jean-François Gérard - Reporterre - Photo : © Jean-François Gérard/Reporterre

À Strasbourg, François Ruffin apporte son soutien aux opposants au GCO sur Reporterre


La France est complice de l’exploitation du charbon allemand à Hambach sur Reporterre

https://reporterre.net/La-France-est-complice-de-l-exploitation-du-charbon-allemand-a-Hambach


NDA : pétition pour le désengagement de la Caisse des dépôts de l’actionnariat dans cette mine avec RWE en fin d’article

Le gouvernement lance une consultation 

sur la gestion des déchets radioactifs



Le secrétaire d’État à la Transition écologique Sébastien Lecornu a annoncé jeudi 20 septembre le lancement d’une consultation publique sur la gestion des matières et déchets radioactifs sur le territoire français.

« Force est de constater qu’aujourd’hui, il y a un problème pour lequel il nous faut trouver une solution. Je pense que c’est cela, le débat public, (...) il faut prendre les données techniques telles qu’elles nous sont apportées par les ingénieurs et les gens de science », a expliqué le secrétaire d’État à l’issue d’une réunion sur le projet Cigéo d’enfouissement de déchets nucléaires, à Bure (Meuse). Sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP), ce processus est prévu pour se dérouler de décembre à mars et doit « réactualiser les principes qui ont présidé à la gestion des déchets nucléaires dans notre pays et s’ouvrira à toutes les options possibles quant à l’avenir du nucléaire dans les décennies à venir », a précisé le ministère dans un communiqué. Les modalités de cette consultation seront présentées en novembre par la CNDP.

Parallèlement, un « centre d’information et de ressources à destination du grand public » a été lancé jeudi sous l’adresse www.cigeo.gouv.fr sur le projet Cigéo, qui vise à enfouir à 500 m sous terre les déchets les plus radioactifs ou à vie longue du parc nucléaire français.

Le collectif « Bure stop » d’opposants au projet Cigéo a lui fait part jeudi de « son refus de toute participation à cette mascarade sur internet comme au débat public qui s’annonce ». « Il s’agit de faire à nouveau semblant d’intégrer la population française à un processus décisionnel alors que le projet de poubelle nucléaire est sur les rails », a dénoncé le collectif dans un communiqué.

Vendredi 21 septembre

Steffen M., 

mort à Hambach pour

 « informer les gens de ce qu’il se passe »



Steffen M., 27 ans, est mort mercredi 19 septembre dans la forêt de Hambach pendant son évacuation par la police allemande. Proche des milieux écologistes, il était considéré par les militants comme un « ami » et les accompagnait « en tant que journaliste ». Sur place, l’expulsion a cessé, l’heure est au recueillement.

Berlin (Allemagne), correspondance

Un épais silence règne ce jeudi dans la Zad de la forêt de Hambach. Des bougies et des branches de fougère ont été déposées au pied des cabanes perchées dans les arbres du secteur Beech Town, là où Steffen M. a perdu la vie après avoir chuté d’un pont suspendu à 14 mètres de hauteur. Des petits groupes viennent s’y recueillir. « Allumez vos bougies, chantez ! est-il écrit sur un petit panneau de bois posé au sol. Montrez-lui qu’ici, personne n’abandonne ! »
 

 
Steffen M., le 18 septembre, dans une vidéo où il explique avoir gagné les arbres pour témoigner au plus près de l’évacuation policière.

Âgé de 27 ans, Steffen M. était originaire de Leverkusen, cité industrielle à 80 kilomètres environ de la forêt de Hambach, en Rhénanie-du-Nord–Westphalie. Il se présentait sur son compte Twitter comme « artiste, metteur en scène et journaliste ». Il étudiait depuis trois ans à l’Académie des arts numériques de Cologne et travaillait au Junges Theater Leverkusen, un théâtre local qui propose des formations aux métiers du spectacle vivant. Il écrivait des poèmes et des textes et participait à des courts-métrages en tant que réalisateur et comédien.

Proche des milieux écologistes et de gauche de sa région, le jeune homme suivait depuis un an le combat des zadistes de Hambach, des militants qui tentent depuis six ans d’empêcher l’énergéticien RWE de détruire cette forêt millénaire pour y étendre une mine de charbon à ciel ouvert. « C’était un ami, qui nous accompagnait en tant que journaliste », a confirmé mercredi soir le collectif de zadistes Hambi bleibt !. Selon les témoignages de ses proches recueillis par le journal allemand Tageszeitung, il voulait documenter la vie des habitants de la Zad au quotidien, mais travaillait aussi à un projet de réalité virtuelle dans la forêt de Hambach, équipé d’une caméra à 360 degrés.

Vidéo réalisée par Steffen M. le 28 août dernier lors d’une perquisition de la police sur la Zad de Hambach :

https://youtu.be/5YNCFix1wTA


Sur internet, il montrait l’évacuation de la forêt lancée mi-septembre par le gouvernement régional : les opérations des policiers pour accéder aux cabanes, les arrestations de militants, les discussions entre forces de l’ordre et zadistes. Travaillant d’abord depuis le sol, Steffen M. a décidé au sixième jour de l’évacuation de grimper dans une cabane de Beech Town.

    « Suivre le travail d’évacuation et informer les gens de ce qu’il se passe » 


Dans une vidéo, le blogueur expliquait alors sa démarche : « Comme on a constaté ces derniers jours qu’il était difficile pour la presse de se déplacer dans la forêt et de suivre l’évacuation, parce que la police a bouclé tout un immense secteur, je suis maintenant dans les arbres, à 25 mètres de haut, pour suivre le travail d’évacuation et informer les gens de ce qu’il se passe », racontait-il.

Selon ses proches, « il était important pour lui que toutes les parties du conflit soient entendues », écrit le Tageszeitung. « Malgré tout son engagement, il a toujours essayé de trouver un équilibre entre différents points de vue », confirme l’Académie des arts numériques de Cologne. Sa dernière vidéo, montrant deux policiers dans une nacelle approchant d’un zadiste suspendu à une corde, a été postée moins d’une heure avant sa chute mortelle.

La passerelle depuis laquelle Steffen M. est tombé.

Depuis, la majorité des 3.500 policiers déployés pour l’évacuation s’est retirée. Les nacelles et plateformes utilisées par les forces de l’ordre ont elles aussi quitté la forêt, sur décision de leur loueur : la société a expliqué, par communiqué de presse, « n’être absolument pas d’accord avec la façon de procéder » sur place.

Seuls restent les policiers chargés de sécuriser le lieu du drame et d’autres zones potentiellement dangereuses. Un groupe d’enquêteurs a commencé les investigations. La piste criminelle est écartée par le parquet d’Aix-la-Chapelle. « Cela ressemble à un accident », a affirmé la procureure générale Katja Schlenkermann-Pitts à l’agence de presse allemande DPA.

Dès mercredi soir, des rassemblements spontanés ont rendu hommage à Steffen M. dans de nombreuses villes d’Allemagne, notamment Aix-la-Chapelle, Essen et Lübeck. Ce jeudi, l’ONG Campact a organisé une minute de silence devant le parlement régional avant de remettre, comme prévu, une pétition signée par plus de 500.000 personnes pour demander la fin de l’évacuation et de la destruction de la forêt de Hambach. « Après le terrible accident d’hier, on ne peut pas continuer à évacuer [la forêt], a déclaré l’ONG sur Twitter. Il faut une solution politique. »



Lors d’une minute de silence pour Steffen M., jeudi 20 septembre, 
devant le parlement régional de Rhénanie-du-Nord–Westphalie.

Le gouvernement de Rhénanie-du-Nord–Westphalie a suspendu les opérations d’évacuation mais demande aux zadistes de quitter les lieux. « Nous avons maintenant l’espoir que ceux qui sont dans les cabanes sortent de la forêt, pour que rien d’autre ne se produise », a lancé le ministre conservateur de la région, Herbert Reul. Un appel rejeté par les occupants de Hambach.


À Hambach, les batailles de l’esprit




















À Hambach, dans l’ouest de l’Allemagne, la lutte de quelques zadistes contre l’appétit monstrueux d’une mine géante à ciel ouvert est un combat culturel, celui entre la sobriété heureuse et l’infini toujours frustré du désir matériel.

Un aspect fascinant du système de destruction de la nature qui se déroule à Hambach, dans l’ouest de l’Allemagne, est que cette destruction est mise en scène, présentée comme une attraction touristique.

Dans le désert qu’est devenue la mer d’Aral, dans la zone interdite de Tchernobyl, dans les villages muets contaminés par Fukushima, dans les plaines d’Alberta dévastées par les sables bitumineux, on tente de cacher les plaies purulentes que la culture de consommation inflige à la nature.

À Hambach, aucune honte : au bord de chacune des trois grandes mines à ciel ouvert qui déchirent la peau de la Terre, des points de vue sont aménagés, agrémentés de jeux pour enfants, de cafétérias, voire de chaises longues permettant de contempler confortablement les immenses excavatrices qui, au loin, dévorent les champs et les villages.






















Il s’agit d’accoutumer le touriste à la « banalité du mal » de la dévastation du monde. J’emploie à dessein le concept d’Hannah Arendt : il y a bien à Hambach la volonté de banaliser, de normaliser, de rendre anodine la guerre contre la biosphère, comme s’il s’agissait d’un fonctionnement fatal, inévitable, innocent de la société humaine, et somme toute admirable, puisque méritant la mise en spectacle. Et dont les auteurs n’auraient au fond aucune responsabilité particulière, n’étant qu’une part d’une mécanique générale qui impose sa loi inexorable à tous.

Nulle candeur ou ignorance, cependant, dans cette exhibition : les maîtres de l’exposition ne peuvent aujourd’hui prétendre ignorer la perspective des guerres, violences, chaos qu’entraînera dans la société humaine la rupture de l’homéostasie de la planète.

    Que pèsent quarante jeunes perchés dans les arbres face à des excavatrices géantes protégées par des policiers ? Rien. Mais ils sont tout.


Entraînera ? Oui, si le désir insatiable de disposer d’énergie sans contrainte continue à être la boussole du système productiviste actuel, alias capitalisme, s’il continue à rendre indispensable d’extraire jusqu’au dernier grain charbon et lignite, de pomper jusqu’à la dernière goutte de pétrole et de schiste bitumineux, de prolonger jusqu’au prochain accident les centrales nucléaires, d’aspirer jusqu’à la dernière molécule le gaz enfoui dans les roches.

Alors, dans l’atmosphère saturée de CO2 et de méthane, à côté des forêts ravagées et des prairies transformées en monocultures transgéniques, parmi les océans étouffés et acifidiés, les sociétés humaines se disloqueront dans des affrontements sanglants en se repliant sur elles-mêmes, à moins que des régimes de fer imposent le joug de la gestion autoritaire de la pénurie.














Tuer la nature, c’est préparer l’abaissement de la dignité humaine, l’assujettissement des êtres dans l’univers de la contrainte, la régression durable du rêve d’émancipation et de progrès de l’esprit.

Mais le pire n’est jamais sûr. Ce n’est pas tant dans les technologies qu’il faut chercher le salut que dans le cœur de l’homme.

Que pèsent à Hambach quarante jeunes et moins jeunes perchés dans les arbres en écoutant le chant des oiseaux, face à des excavatrices géantes protégées par des policiers en tenue de combat ? Rien. Mais ils sont tout. Ils sont l’affirmation de la liberté humaine face à la puissance de la machine. Ils sont l’expression de la raison face à la démesure de l’avidité. Ils sont le souffle de la Terre face au vacarme du moteur.

Nous ne pouvons ainsi exclure l’hypothèse que les êtres libres qui se battent à Hambach et ailleurs parviennent à enrayer la machine destructrice et à convaincre leurs frères et sœurs humains que le « normal » est criminel, et que l’avenir repose sur une mutation des esprits et des modes d’existence.

« Nous ne combattons pas pour la nature, disent-ils, nous sommes la nature qui résiste. »

Comme à Notre-Dame-des-Landes, comme à Rosia Montana, comme à Fukushima, comme au Testet, comme à Belo Monte, ils disent que l’avenir de l’humanité passe par une relation nouvelle avec ce que nous, en Occident, appelons la nature. Qu’il faut vivre dans la forêt, vivre avec la forêt, être la forêt, et que le temps où les philosophes nous pensaient « maîtres et possesseurs de la nature » est révolu.

Le combat qui se mène à Hambach, comme en tant d’autres endroits du globe, n’est qu’apparemment entre des militants écologistes et des policiers qui défendent la loi du capital. Ce combat est culturel : entre la vision d’une humanité réconciliée avec le cosmos et la perspective d’une consommation inextinguible de ce qui est disponible. Entre la sobriété heureuse et l’infini toujours frustré du désir matériel. Entre la liberté de l’esprit et la soumission à la matière.

  • Ce texte est la préface d’un livre réalisé en 2014 par le photographe Marc Wendelski, Beyond the forest. Depuis plus d’un an, Marc documentait la lutte de la forêt de Hambach. Il m’avait emmené sur ce lieu saisissant, tant par l’immensité de la mine de lignité que par l’énergie des résistants dans cette forêt magnifique. C’est l’un des points de la planète où se joue notre avenir d’humains.


Communiqué des habitants et habitantes du hameau de l’Amassada en lutte contre un énorme parc d’éoliennes. Illes vous invitent en ce moment même à la 4ème édition de la fête du vent

En Aveyron, 
la bataille contre le transformateur électrique 
entre dans une nouvelle phase

 
Initialement prévu pour 2012, le projet de mégatransformateur électrique du sud de l’Aveyron a été déclaré d’utilité publique en juillet, le chantier pouvant débuter à l’automne. Les opposants, mobilisés dans le collectif de l’Amassada, n’entendent pas se laisser expulser sans réagir et organisent un grand week-end de lutte et d’action en vue des batailles à venir.
  • Saint-Affrique (Aveyron), correspondance
Une dernière signature et puis s’en va. Le 16 juin, Nicolas Hulot, encore ministre de l’Écologie, signait la déclaration d’utilité publique pour le raccordement du transformateur de Saint-Victor (Aveyron). Un geste suivi deux jours plus tard par la préfète de l’Aveyron, qui autorisait la construction d’un transformateur sur cinq hectares de la commune de Saint-Victor-et-Melvieu par RTE (Réseau de transport d’électricité), pour un coût total de 75 millions d’euros (transformateur et raccordement des lignes). Les 132 copropriétaires de la parcelle de terrain mise en commun (une indivision) ont ainsi reçu, à la mi-août, les courriers légaux annonçant leur prochaine expulsion, dernière étape avant le démarrage du chantier.

C’est donc dans une atmosphère lourde que les militants « anti-transfo » se préparent à l’offensive sur tous les fronts, à commencer par la lutte juridique, menée par l’association Plateau survolté. « Nous avons déposé un recours le 18 août contre la déclaration d’utilité publique du transformateur », dit Carole Joly, présidente de l’association. Depuis sa découverte du projet par inadvertance en mars 2010, cette conseillère municipale de Saint-Victor-et-Melvieu épluche la documentation technique du projet et répertorie toutes les anomalies année après année : « En 2010, la préfecture nous promettait des réunions publiques, la venue d’un médecin pour mesurer les impacts sanitaires, nous n’en avons jamais vu la couleur », s’indigne-t-elle. Surtout, Plateau survolté estime que les scénarios alternatifs n’ont pas été assez étudiés et que le but réel du projet est « d’intensifier les échanges sur le marché de l’électricité avec des autoroutes de l’énergie à travers toute l’Europe ».

    Dans le sud de l’Aveyron, le développement éolien est loin d’avoir atteint les ambitions promises


Qu’en est-il réellement ? Selon un « justificatif technico-économique du projet » interne à RTE et daté de 2009, 2.100 mégawatts (MW) de raccordement d’énergies renouvelables (EnR, ici éolien et photovoltaïque) étaient envisagés à l’horizon 2020 dans le triangle Castres-Rodez-Montpellier. « On a eu beaucoup de mal à mettre la main sur ce document », explique Carole Joly. En fait, ces projections largement surestimées coïncidaient avec ce qu’on appelait alors des zones de développement éolien (ZDE), un modèle de développement localisé abandonné en 2013 au profit de schémas régionaux.

Le « justificatif technico-économique du projet » interne à RTE et daté de 2009 :
https://reporterre.net/IMG/pdf/dossier_justif_2009_-_p5.pdf 
Depuis, force est de constater que le développement éolien, s’il est largement visible dans le sud de l’Aveyron, est loin d’avoir atteint les ambitions promises. Dans son dernier schéma décennal de développement du réseau, en 2016, RTE indique bien que le développement des EnR est passé de 572 MW installés en 2008 à 1.038 MW en 2016, soit une hausse de seulement 466 MW en huit ans. Et il s’agit là des chiffres pour l’ensemble de la région Occitanie et non du seul sud de l’Aveyron. Localement, le parc des Grands Causses a d’ores et déjà limité à 150 mâts environ le nombre maximum d’éoliennes dans le schéma de cohérence territoriale (Scot). Pour Carole Joly, ignorer ces chiffres, « est une manière pour RTE de ne pas considérer les solutions alternatives à ce projet, qui seraient de simplement renforcer l’autre transformateur déjà existant de l’autre côté de la vallée, que RTE a déjà agrandi une fois et où il dispose déjà de foncier ».

L’Amassada, sur la commune de Saint-Victor-et-Melvieu.

De son côté, RTE se défend en soulignant dans ses réponses aux questions de l’enquête publique que la valeur de 2.100 MW était « seulement utilisée pour tester la robustesse du projet » et évalue à 440 MW la production d’EnR connue et encore en attente de raccordement. Mais même aujourd’hui, l’entreprise se fonde sur des objectifs politiques portés par la région, en fait une « trajectoire » sans valeur juridique pour l’instant. Ou comment construire un grand transformateur en se fondant sur de grands besoins de raccordement d’énergies renouvelables… qui ne pourraient fonctionner qu’avec un grand transformateur et de nouvelles lignes à haute tension.

    Marcher ensemble « pour le soulèvement des territoires » 


En attendant une quelconque issue juridique à ce serpent qui se mord la queue, la lutte se joue bel et bien sur le terrain, là où a été construite l’Amassada et où s’organise le collectif du même nom. D’une simple cabane inaugurée en janvier 2015, le lieu est devenu un petit hameau, avec une construction principale, un dortoir d’une vingtaine de places, une halle couverte, des fours à pain et à poterie… C’est là que, cet été, un « appel à se défendre » a été lancé aux collectifs et militants qui soutiennent la cause. Un appel qui arrive dans un contexte local particulier. Si quelques actions éclatantes ont imprimé une image parfois trop radicale aux yeux des sympathisants locaux un peu frileux, les soutiens au mouvement se sont multipliés ces derniers temps. D’où l’idée d’accueillir ces forces vives pour marcher ensemble « pour le soulèvement des territoires », demain, samedi 22 septembre. « Au départ, on avait juste l’idée, et petit à petit, on voit de plus en plus de gens se retrouver dans notre proposition », explique Guillaume, paysan-meunier membre de l’Amassada.

La manifestation partira devant l’hôpital de Saint-Affrique (Aveyron), emblème de la défense des services publics de santé en milieu rural. « On va passer devant les écoles, la Poste, tous ces services publics qui sont en péril sur le territoire », s’enthousiasme-t-il. Ont d’ores et déjà appelé à la marche les associations Plateau survolté, le collectif des associations anti éoliennes TNE-Occitanie, Alternative libertaire 12, la section départementale de Sud Solidaires. Et, surtout, la lutte a acquis un allié de poids avec la Confédération paysanne du département. Si des militants de la « Conf’ » participent à titre individuel depuis longtemps au mouvement, le renouvellement des instances dirigeantes au printemps dernier a entraîné une évolution des positions politiques d’un syndicat encore fortement marqué par les orientations de José Bové, celles d’un soutien indéfectible du projet et du développement éolien. « Le débat a été animé, mais nous avons abouti à un consensus pour soutenir les habitants qui s’opposent au projet et pour dénoncer cette industrialisation des terres agricoles », souligne Jean-Marie Roux, secrétaire de la Conf’ Aveyron.

Ce n’est là que le début de la nouvelle phase de la lutte car, pour la première fois, l’Amassada, qui n’était jusqu’ici qu’un lieu de rassemblement ponctuel, devrait entrer dans une phase d’occupation permanente dès le dimanche 23 septembre. « On sait que certains ont des familles, des métiers, des bêtes ou des terres. On va essayer de se relayer pour qu’il y ait toujours du monde sur place », explique Guillaume. L’atout de la lutte de Saint-Victor, c’est cet ancrage local, rural, et les années déjà passées à construire, informer et se préparer. À voir si cette énergie sera suffisante pour contrecarrer les projets à haute tension de RTE.


►anti GCO : Les militant.e.s contre le Grand Contournement Ouest de Strasbourg ne désarment pas : après l’évacuation de la zad

illes appellent à un rassemblement samedi

Samedi 22 septembre

 

Sept raisons 

pour s’opposer à EuropaCity, 

une lettre ouverte à un ministre


Depuis sa nomination en succession de Nicolas Hulot, François de Rugy ne fait guère entendre sa voix sur les questions de transition écologique. Mais faut-il s’attendre à ce que le ministre condescende à répondre à un simple citoyen ?

Monsieur le Ministre

Depuis sept ans, le Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG) dénonce inlassablement le projet EuropaCity et le centre d'affaires en projet sur le triangle de Gonesse comme absurde et dangereux, pour au moins sept raisons :

- La perte de 280 hectares de terres agricoles, parmi les plus fertiles d'Europe : ce fait s'inscrit dans un cadre national, puisqu'au train où va l'artificialisation des terres, c'est en 2050 (si l'espèce humaine survit jusque là, ce qui apparaît de plus en plus incertain), c'est la surface de deux département français qui aura disparu sous le béton. Votre prédécesseur s'en était d'ailleurs alarmé et avait déclaré qu'il fallait mettre fin à cette boulimie des terres agricoles. A l'échelle de l'Ile de France, ce projet ferait perdre toute possibilité d'autonomie alimentaire de la région.

- Une empreinte carbone démesurée : EuropaCity réalisera une performance méritant d'être inscrite dans le livre Guiness des records, celle du bilan carbone le plus lourd par unité de surface. En effet, un rapport de fin 2016, élaboré selon une méthodologie rigoureuse, évalue le bilan carbone du seul EuropaCity à celui d'une ville de 140000 habitants sur 70 hectares, et ceci sans que personne n'y habite. De surcroît, ces terres sont un puits à carbone qui serait annihilé par la bétonisation. Si EuropaCity se fait, la France aura apporté une contribution majeure au réchauffement climatique qu'elle prétend combattre. Pour toutes ces raisons, Nicolas Hulot, en réponse à la question d'une journaliste de Médiapart, avait clairement déclaré le projet incompatible avec les objectifs de la COP21, présidée par Laurent Fabius qui, pourtant, se déclarait favorable au projet. Des études récentes montrent que si notre pays n'a pas dénoncé, comme Donald Trump, les accords de Paris, il ne remplit pas mieux ses engagements que les États-Unis de Donald Trump.

 
Un surcroit de chaleur pour la capitale : les conclusions de Météo France sont sur ce point édifiantes : au lieu d'absorber la chaleur comme le font les sols "naturels", les sols artificialisés renvoient celles-ci dans l'atmosphère, contribuant à une augmentation de température dans les villes. Notre capitale, dotée d'espaces verts beaucoup moins étendus que ceux de Londres ou Berlin, est particulièrement sensible à ce phénomène. Ainsi, la température à Paris est déjà, en moyenne 3 à 4 degrés plus élevée qu'à Rambouillet (figure ci-dessus) et l'ensemble des travaux d'artificialisation des sols dans des zones proches de Paris ferait encore monter la température dans une ville qui, à en juger par les pics de température observés l'été dernier, n'a pas vraiment besoin de cette surcharge calorique supplémentaire.

Un réseau routier devenu insuffisant : si, comme le prétendent les projections qui sont celles du promoteur, 34% des clients viendraient en voiture, on assisterait vite à un engorgement de tous le réseau routier environnant, y compris les accès à l'aéroport Charles de Gaulle, déjà saturés aux heures de pointe. 

Un modèle commercial dépassé : le modèle proposé par EuropaCity juxtaposait au départ un parc de loisirs avec des commerces classiques. Or nous assistons depuis plusieurs années à une crise de la grande distribution qui nous vient des États-Unis. Dans la région parisienne, avec l'ouverture d'Aéroville et du Millénaire - tous deux en difficulté aujourd'hui - la surface commerciale a augmenté plus vite que la demande. Le cas de Carrefour montre bien que l'avenir n'est plus aux grandes surfaces commerciales, mais aux commerces de proximité porté par des surfaces plus petites (supérettes) implantées dans les centres-ville. 

Les promoteurs du projet ont cru s'adapter à cette réalité en précisant que les surfaces commerciales d'Europacity seraient dédiées aux produits de luxe pour une clientèle internationale. Cette clientèle viendra en avion ce qui aggrave encore le bilan carbone du projet. Pour le promoteur, qui cherche à minimiser ce dernier fait, ce déséquilibre n'est pas à mettre au compte d'EuropaCity, car ces touristes internationaux viendraient surtout pour visiter Paris. En admettant que ce soit vrai, la surface commerciale de 230000 m2 devient inutile, puisque les achats peuvent se faire à Paris. Et cela remet en cause la viabilité économique du projet.

Une menace pour les commerces de centre-ville. Un gouvernement qui affiche son intention de revitaliser les centres-ville ne doit pas permettre qu'Europacity puisse être une menace pour le commerce de proximité. Dans une déclaration récente, Valérie Pécresse exprime plusieurs conditions à son adhésion au projet, dont l'absence de commerces alimentaires dans la zone commerciale d'Europacity.

 
Auchan, prix Pinnochio du développement durable 2013

Des emplois illusoires. Il est beaucoup trop facile de faire saliver les décideurs politiques, qui sont prêts à écarter toute autre considération si on leur promet la création d'emplois et les "communicants" d'EuropaCity ne s'y sont pas trompés : avec la promesse de création de 10.000 emplois, ils arrivent à faire rêver le maire de Gonesse et à manipuler les jeunes gonessiens réunis dans le collectif des "vrais gens".

Mais le problème de l'emploi est d'ampleur nationale et ne peut être résolu à l'échelle d'une commune : le parc d'attraction d'EuropaCity,  qui prétend attirer 31 millions de visiteurs (deux fois plus qu'Eurodisney, excusez du peu !) ne peut que nuire à la fréquentation des autres parcs - Eurodisney ou le parc Astérix dans la proximité, mais peut-être aussi d'autres parcs plus éloignés comme le Puits du Fou. La création de 10.000 emplois sera donc, à l'échelle de la région, au mieux un jeu à somme nulle. 

On a d'ailleurs appris à se méfier de ces promesses mirifiques, car ni Eurodisney - renfloué à répétition par sa maison mère - ni les centres commerciaux de création récente n'ont tenu leurs promesses en matière de création d'emplois. Et EuropaCity ne fera pas exception à la règle, car le nombre d'emplois promis est lié à des erreurs de méthodologie qui allient emplois successifs et confusion entre emplois et postes de travail qui ne représenteront pas 10.000 emplois en équivalent temps-plein.

De plus, le chômage dans les communes alentour n’est pas lié à une pénurie d’offre d’emploi (la zone de Roissy peine à trouver de la main d’œuvre localement), mais à des enjeux de formation, et de faible diversité des emplois.

Ces questions ne suscitent chez le promoteur qu'une communication "marketing", qui, comme toutes celles de ce type, évite de donner une réponse claire aux légitimes interrogations  que suscite le projet. Mais le moins qu'on puisse en dire, c'est que la position du Gouvernement dont vous faites maintenant partie ne brille pas non plus par sa limpidité : pourquoi avoir fait appel de l'annulation par le tribunal administratif de l'arrêté préfectoral de création de ZAC, motivé par l'insuffisance des études sur l'empreinte carbone du projet, lorsque le Gouvernement lui-même enjoint au promoteur de revoir sa copie en demandant une "maîtrise de l'empreinte carbone et de la consommation des sols" (ce qui est une façon de reconnaître que ces deux objectifs ne sont pas aujourd'hui remplis) ? Pourquoi avoir demandé un sursis à exécution de cette même décision du Tribunal Administratif, si ce n'est pour lever un obstacle majeur à une déclaration d'utilité publique qui permettrait l'expropriation des terres ? Pourquoi cette hâte à délivrer un permis de construire pour construction de la gare du triangle en 2019, alors que l’achèvement de la ligne 17 n'est prévue qu'en 2027 et ceci dans une ZAC annulée par la Justice, (mais on n'est plus à un non-sens près dans cette affaire )? Pourquoi ce projet, dénoncé par Médiapart, de faire des terres du triangle la poubelle qui permettrait d'amonceler les déchets des lignes 16 et 17, si ce n'est pour mettre les associations de défense de l'environnement devant un fait accompli et irréversible ?

Au fil des consultations successives, une opposition croissante à la construction d'EuropaCity se manifeste parmi les citoyens. On peut même dire que la dernière a valeur de sondage, car elle porte sur un échantillonnage de 2200 participants qui se sont exprimés à 87% contre le projet, mais que le Commissaire Enquêteur n'a pas jugé utile d'analyser, dans un rapport qui, pourtant, conditionne une déclaration d'utilité publique. Les pouvoirs publics  préfèreraient-t-il écouter les sirènes du lobby Auchan plutôt que de prendre en considération une opposition citoyenne de plus en plus marquée ?

Monsieur le Ministre, écoutez les voix qui s'élèvent pour marquer l'urgence de l'action en faveur de l'environnement. Ces voix vous disent qu'il y a urgence à agir et que, si on ne réussit pas à empêcher les catastrophes dues au dérèglement climatique, tout autre combat est vain, y compris celui pour l'emploi, qui, dans le cas d'EuropaCity, n'est que le faux-nez du projet. Une réponse publique à toutes les questions posées par ce billet et, surtout, l'interdiction définitive de ce projet aberrant s'impose.

Dimanche 23 septembre


►Marche anti GCO :


Marche à 500 
dans la forêt du Krittwald 
massacrée à Vendenheim


500 personnes étaient présentes ce samedi 22 septembre près du centre canin au bord de ce qui reste de la forêt du Krittwald massacrée par le bucheronnage express de Holzinger au profit de Arcos-Vinci.



Après quelques prises de paroles que vous pourrez voir et entendre dans des vidéos, on a eu une sorte de cellule d’écoute psy sauvage où les émotions et souvenirs des un-e-s et des autres ont pu librement s’exprimer.

Ensuite, les gendarmes étant momentanément partis, les grillages ont laissé le passage à ces centaines de témoins de la saignée qui préfigure le tracé du Contournement ouest de Strasbourg en son branchement avec l’A4. C’est la SANEF qui devrait s’y coller…

Beaucoup ont ramassé les glands des chênes abattus afin, soit de les envoyer aux élus traitres et bétonneurs, soit au préfet Marx, soit de les planter ça et là.

Mais comme cela été dit par plusieurs, tant que le béton et le goudron ne coulent pas, rien n’est encore perdu, et la rocade maudite n’est pas encore construite sur ses 24 kms prévus.

Donc, le mot d’ordre est et reste résistance, de même que les lutins des bois ont réoccupé le moulin de Kolbsheim, continuons le combat!

Seules les batailles qu’on ne mène pas sont perdues d’avance.

Dimanche, 16 h, rendez-vous à Kolbsheim!

https://youtu.be/a_kDB0g48uE et https://youtu.be/JQgmXp9io-8 la suite ICI

Le blog de Jean-Claude Meyer - Médiapart



 Infos du 24 au 30 septembre



Lundi 24 septembre

Mobilisation dans la Loire 
contre une autoroute destructrice, 
l’A45

 C’est une bataille de longue date qui est engagée contre le projet d’A45, entre Lyon et Saint-Etienne, soutenu par Laurent Wauquiez. Samedi, plusieurs centaines d’opposants se sont retrouvés dans la Loire pour manifester leur désir d’alternatives au transport routier.


La Talaudière (Loire), reportage

Samedi 22 septembre, plusieurs centaines de personnes se sont retrouvés à la Talaudière, dans la Loire, pour le rassemblement festif organisé par la coordination des opposants à l’A45.

L’A45, soutenue notamment par Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne–Rhône-Alpes, est le projet d’une autoroute entre Brignais (Rhône) et La Fouillouse (Loire), payante et parallèle à l’autoroute déjà existante.

Pour ses opposants, il s’agit d’un non sens économique et une aberration climatique incompatible avec les engagements pris lors de la COP21. Il détruirait de nombreuses terres agricoles et éroderait encore la biodiversité locale, sans pour autant résoudre les problèmes de mobilité dans la région
 Ramona Gonzalez, maire de la Talaudière est catégorique : « L’A45 est un projet inutile. Cela fait plus de quarante ans qu’on en entend parler, donc si ça avait été un bon projet ça fait longtemps qu’il aurait été fait. Nous, on se bat pour les alternatives. »

Car pour les opposants à l’A45, elle sont nombreuses : rénover l’autoroute existante (l’A 47) et améliorer les infrastructures, développer le réseau ferroviaire ou les pistes cyclables… Des études récentes montrent que la plupart de nos trajets quotidiens font moins de cinq kilomètres et qu’il serait donc tout à faisable d’adapter nos transports.

  Huguette : 
« Ajouter des voies d’autoroute n’est pas une solution d’avenir. »  
« Ce n’est pas une solution d’avenir de rajouter des voies d’autoroute », dit Huguette, qui est engagée dans cette lutte depuis 1995.

Bien que le projet ait considérablement reculé ces deux dernières années, il n’est toujours pas abandonné et les opposants restent donc sur le qui-vive.

« La mobilisation porte ses fruits mais rien n’est gagné. L’enjeu aujourd’hui est que la déclaration d’utilité publique (DUP) du projet, qui expirere en 2020, ne soit pas reconduite. Tant que ce n’est pas le cas, nous ne serons pas tranquilles », dit Huguette.

Si le rassemblement qui a eu lieu ce week-end dans cette commune (concernée par le tracé de ce projet autoroutier) s’inscrit dans la poursuite de cette mobilisation, il a également vocation à « semer les alternatives de demain » précise Maxime Combes, un animateur de la coordination des opposants à l’A45.

 Maxime Combes et Ramona Gonzalez, maire de La Talaudière : 
« Nous, on se bat pour les alternatives. »

Selon lui, les promoteurs de l’A45 négligent les questions de fond : « Quel projet de territoire voulons-nous ? Comment réduire les besoins de mobilité et améliorer la qualité des transports ? Veut-on des services publics de proximité et relocaliser les activités et l’économie, ou faire en sorte que les gens aient toujours à se déplacer entre Lyon et Saint-Etienne ? Veut-on installer de nouveaux paysans et de nouvelles paysannes, et nous nourrir avec des produits de qualité et respectueux de l’environnement ou bitumer les terres agricoles ? Et comment procéder pour réduire les émissions de gaz polluants et protéger la biodiversité ? Ce débat là n’a pas lieu. »

Toutes ces questions devraient être abordés ensemble de façon transversale mais il n’en est rien. « Quand la préfecture discute d’un plan B, elle découpe et saucissonne touts les sujets. Elle fait un sujet train avec les spécialistes du train, un sujet autoroute avec les spécialistes de l’autoroute, et donc tout est traité de manière bureaucratique et disparate », dit Maxime Combes.

Il est 12h00. Je suis à peine arrivée sur le site du rassemblement que la vélorution (partie depuis la gare de Saint-Étienne) fait son entrée sous les applaudissements des autres opposants déjà présents.


 

Le grand champ sur lequel est organisé le rassemblement est symbolique de la lutte puisque il se trouve sur le tracé autoroutier et pourrait disparaître au profit de l’autoroute.

Plusieurs chapiteaux ont été installés pour l’occasion. Après un délicieux déjeuner végan ou végétarien avec la cantine militante Sasouille ou les pizzas du collectif de la Mutinerie, les militants rentrent dans le vif du sujet avec une première table ronde animée : « Territoires à défendre : quels retours d’expérience ? »

 

Le programme de la journée est riche de promesses, de débats et d’alternatives. Les spectacles, activités et ateliers en tout genre sont répartis un peu partout sur le site.

On y trouve par exemple un village associatif, un marché paysan, une zone de troc de graines ou encore une mini ferme qui fait la joie des plus petits. Il y a également les Caresses sonores, petites pièces radiophoniques sur le thème du sentiment que petits et grands peuvent écouter au calme sur un transat tout au long de la journée.


Puis il y a les ballades organisées par le collectif des naturalistes contre l’A45 et des ateliers comme celui du collectif des géographes libertaires : ceux-ci décortiquent les problématiques d’environnement et de mobilité soulevées par le projet autoroutier, et montrent les manières dont les gens seraient affectés par le projet.


Après le spectacle Sommes nous en démocratie de la compagnie Remue Méninges et la chorale Vulvet Underground qui anime le chapiteau de la buvette toute l’après-midi, c’est la deuxième table ronde qui démarre : « Au-delà de l’A45, quel territoire voulons nous ? »

La journée s’est clôturée avec un bilan de la journée en slam avant de laisser place aux concerts de la soirée.

 

Le préfet valide le projet de gare du Triangle de Gonesse


  Le préfet du Val d’Oise a signé le permis de construire de la gare du Triangle de Gonesse (Val d’Oise) de la ligne 17 du Grand Paris express, a annoncé la mairie de Gonesse le 18 septembre.


Cette gare controversée doit desservir la ZAC du même nom pilotée par Grand Paris aménagement et qui prévoit notamment la création du méga-complexe EuropaCity, porté par le groupe Auchan et son partenaire chinois Wanda.

« Une gare en plein champ, dans une zone sans habitant, c’est complètement aberrant, a déclaré Bernard Loup, président du Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG), opposé au projet. Tant d’autres besoins en transports en commun urgents ne sont pas satisfaits ! Mais le gouvernement préfère céder aux lobbies, au détriment des habitants du territoire ».

A ce jour, la ZAC (zone d’aménagement concertée) autorisant l’urbanisation de 280 ha de terres agricoles du Triangle de Gonesse - dont 80 ha pour le projet Auchan - est toujours frappée d’annulation. L’appel déposé par le gouvernement devant le tribunal administratif de Cergy ne sera jugé qu’en 2019.

La mairie de Gonesse, favorable au projet, s’est félicitée de ce feu vert pour la gare, « qui conditionne le reste du projet ». Selon le maire, Jean-Pierre Blazy, « c’est une excellente nouvelle pour les habitants du territoire qui attendent l’arrivée du métro avec impatience. » Les opposants rétorquent qu’au vu de la situation géographique de la gare, en dehors de Gonesse, « celle-ci serait très peu fréquentée par les Val d’Oisiens, y compris les Gonessiens, qui continueront à utiliser le RER D à proximité. »

« Plutôt que d’investir un milliard d’euros de fonds publics — le coût d’un détour de 5 kilomètres, la construction d’une gare d’interconnexion et d’un échangeur autoroutier — pour la desserte d’un projet privé de plus en plus contesté, le CPTG soutient le Plan de Mobilisation pour les transports d’Ile-de-France, qui comporte notamment le tram-train Ligne 11 express devant relier Sartrouville (78) à Noisy-le-Sec (93) en passant par Argenteuil. » 
 
Source  : communiqué du CPTG. - Photo : © Mathieu Génon/Reporterre sur Reporterre


Des opposants au GCO placés en garde à vue. 

Le déboisement continue

 

Lundi 24 septembre, le déboisement continue sous la protection des gendarmes, témoigne Bruno Dalpra, un militant local : « Depuis tôt ce matin de grosses tension sur Griesheim/Souffel et Dingheim. Les gendarmes n’hésitent pas à gaser les manifestants dans les arbres. Une militante arrêtée. Pour rejoindre les lieux passer par la ferme Klein à Griesheim/Souffel ou par le stade de foot de Dingsheim. Ce sont des arbres le long du ruisseau. Abattage dans le secteur de Berstett sur la RD entre Vendenheim et le village. Toujours sous protection des gendarmes. » 


Dans la journée du vendredi 21 septembre, les travaux préalables à l’aménagement du grand contournement ouest de Strasbourg se sont poursuivis. Trois parcelles surplombant la RD 118, sur la commune de Breuschwickersheim, ont été déboisées à grand renfort de gendarmes.

Résineux, arbres fruitiers…, au total ce sont une vingtaine d’arbres qui ont été abattus, sous escorte. Une cinquantaine d’opposants ont freiné l’avancée de la broyeuse et des bûcherons. Trois militantes qui s’étaient enchaînées au pied des arbres tôt dans la matinée ont été délogées par des membres de la Cnamo (Cellule nationale d’appui à la mobilité), une unité de la gendarmerie déjà déployée sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes. Puis, ces mêmes militaires ont neutralisé un autre militant perché, lui, au sommet d’un sapin. Ces quatre personnes ont ensuite été embarquées et placées en garde à vue sous les regards abasourdis de villageois et zadistes venus s’opposer à ce déboisement, tenus à distance. « Vous n’avez pas le droit de faire cela ! » a lâché une jeune femme en pleurs.

L’employée de Vinci qui orchestrait le déboisement de vendredi se référait à un arrêté préfectoral du 20 février 2018 pour justifier cette opération menée sur des terres rachetées, pour certaines, après expropriation. Mais nulle trace de ce document en mairie de Breuschwickersheim. Le premier magistrat a réceptionné par courriel une version électronique du document en fin d’après-midi, alors que le déboisement était quasiment bouclé.

Après Vendenheim, Kolbsheim et dans une moindre mesure Breuschwickersheim, ou encore Ernolsheim où des coupes ont aussi été effectuées la semaine passée, le déboisement préalable aux travaux est mené tambour battant, alors que le tribunal administratif doit encore se prononcer, demain mardi, sur la suspension ou non de l’arrêté préfectoral autorisant les travaux du GCO. Si cette décision ne concerne pas les travaux préalables, elle n’en reste pas moins cruciale pour les opposants.

Mardi 25 septembre


À Hambach, le temps du recueil(lement), avant que reprenne la lutte contre le charbon


Dans la forêt allemande de Hambach, les opposants à l’extension d’une mine de lignite sont venus par milliers ce week-end. Ils témoignaient de leur peine après le décès d’un activiste lors de l’évacuation policière. Reportage.


Forêt de Hambach (Allemagne), reportage

Dans la forêt de Hambach, 33 cabanes sont tombées. Un journaliste aussi. Mortellement. Les opposants à l’extension d’une mine de lignite souffrent depuis le début de l’intervention policière. Samedi 22 septembre, trois jours après l’accident, la chute de 15 mètres de Steffen M. reste dans tous les esprits. L’évacuation a cessé, mais les endeuillés restent sur le qui-vive. À tout moment, les opérations peuvent reprendre - et de fait, elles ont repris lundi 24. 4.000 policiers ont été réquisitionnés. Mais ce samedi, ils sont en retrait. « La présence policière reste très forte », affirme la porte-parole des forces de l’ordre.

Jeudi, un camp avait été installé près du village presque abandonné de Manheim. « Il permet d’accueillir des familles, des personnes âgées, des riverains tout comme des habitants de la forêt et des militants », explique Fizzo [*], actif à Hambach depuis plusieurs semaines. À quinze minutes de marche de la forêt, de nouveaux opposants apprennent comment réagir en cas d’arrestation. Plus loin, ils s’exercent à grimper aux arbres. Voltaire travaille dans l’équipe presse et éducation. Il est 14 h. Le militant du parti des Verts doit se rendre à la gare la plus proche.

    De nombreux regards fixent le vide ou restent rivés au sol

 Manheim, village fantôme, destiné à la destruction pour qu’on extrait le lignite qui gît dessous.

Sur le chemin, les rues de Manheim ont l’allure d’un village fantôme. Il y a six ans, 1.600 personnes vivaient ici. Aujourd’hui, la plupart des maisons ont les volets fermés. Des bulldozers côtoient des façades détruites pour que l’énergéticien RWE exploite le lignite du sous-sol. « La plupart des habitants actuels sont des réfugiés », indique le militant. Un jeune Syrien croisé lors de la manifestation du lendemain confirme : « Nous sommes encore entre 50 et 60 à Manheim », installés à côté du village. À six km de là, un nouveau village, Manheim-Nouveau, est sorti de terre en 2012.

Gare de Buir. Près de soixante personnes sont rassemblées sur le quai. De nombreux regards fixent le vide ou restent rivés au sol. Les mains tiennent une bougie, une pancarte, des fleurs. Les organisateurs refusent toute interview pendant cette marche en hommage à Steffen. La foule silencieuse descend les escaliers, suivie par quelques policiers.

 
Voltaire attend l’arrivée du train régional. À l’intérieur, une trentaine de jeunes, venus visiter la forêt de Hambach. « D’eux-mêmes, ils ont proposé cette visite », dit Thomas, responsable de l’association Eirene (la « paix », en grec). Avant de rencontrer les occupants des bois, les étudiants écoutent une présentation sur le changement climatique et la biodiversité menacée par la mine de lignite.

Au bout de cette forêt de plus de 200 hectares (elle en comptait 4.000 avant l’arrivée de l’énergéticien RWE), Lorien fait partie des quelques « villages » de cabanes encore debout. Devant la police, certains dansent sur de la musique punk rock. D’autres portent de lourds troncs et construisent des barricades.

Sous un tipi perché à quatre mètres de haut, Malya occupe les lieux depuis une semaine. Elle est venue se battre contre « un État de droit qui protège des entreprises comme RWE ». La jeune femme dénonce l’irrespect du deuil par les policiers : « Jeudi, ils ont même arrêté quelqu’un pendant la minute de silence. Hier aussi, ils ont essayé d’approcher les cabanes pendant cinq heures… »
 
À sept mètres du sol, dans une des quelques quinze cabanes qui restent dans la forêt, quatre occupants discutent dans le « salon ». Il y a des outils, de la nourriture pour plusieurs jours, du matériel d’escalade et un canapé. Un homme de noir vêtu, casquette sur la tête, interrompt la conversation : en construisant des barricades, un obus de tank a été trouvé à côté. Bientôt une douzaine de personnes débattent dans l’habitacle. Que faire ? L’un estime qu’il faut utiliser cette information : « C’est un symbole super fort ! Ça veut dire qu’on est prêt à mourir ici ! » L’autre demande « des réactions plus pragmatiques ». On demande au journaliste de sortir.

    « We love you and we won’t forget »





Un peu plus loin, six cabanes voisines semblent atteindre les cimes. Ici, Steffen est mort. Des bougies éclairent un étendard à l’effigie du journaliste : « We love you and we won’t forget », Nous t’aimons et nous ne t’oublierons pas. Un homme s’est agenouillé devant des dizaines de roses et de tournesols. À peine visible dans la pénombre, une femme monte en rappel. Une voiture de police passe à une centaine de mètres. Un chien aboie et la pluie glisse sur les feuilles.



Le lendemain, dimanche 23 septembre, les éléments semblent se liguer contre la manifestation de ce jour. Averse continue et trains annulés… « Comme par hasard, le train de Cologne, bondé la semaine dernière, ne circule pas », souffle une militante du camp, photographie à l’appui. Ce dimanche, la police a interdit l’accès à la forêt. Dès 11 h 30, la majorité des opposants (7.000 à nouveau, selon les organisateurs) s’engouffre au milieu des arbres, par des chemins détournés.



À quelques mètres du mémorial pour Steffen, des centaines de manifestants transportent de lourds troncs vers les barricades. La plupart seront défaites dans la soirée par la police.


 
Les militants de Hambach occupent encore une zone réduite à la lisière de la forêt et de la mine. La situation semble critique face aux milliers de policiers prêts à intervenir. Pour les opposants à l’extraction du lignite, les raisons d’espérer viennent plutôt de l’extérieur. Les dons de nourriture sont de plus en plus nombreux. Les actions et manifestations à venir aussi.

Plusieurs associations environnementales appellent à converger le 6 octobre vers Cologne. Le mot d’ordre : « Sauver la forêt ! Stopper le charbon ! » Le lendemain, Ende Gelände prévoit une action de blocage de la mine de lignite par plusieurs centaines de participants. Une décision de justice sur la légalité de l’opération est aussi attendue courant octobre. Optimiste, un occupant veut savourer une première victoire : « Selon un sondage du journal Die Zeit, 75 % des Allemands sont opposés à la destruction de la forêt de Hambach. »

Mais lundi 24 septembre, la police a repris ses opérations d’évacuation. Mort ou pas, climat ou pas, les autorités veulent arracher à la terre le lignite, source d’énergie - et de gaz à effet de serre.


Mercredi 26 septembre



GCO : 
au nom de « l’ordre public », 
le tribunal administratif autorise les travaux









Les juges estiment que, malgré des doutes sur la légalité des arrêtés, des « troubles à l’ordre public » sur les travaux préparatoires conduisent « à titre exceptionnel » à ne pas suspendre les travaux du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg.

Strasbourg (Bas-Rhin), correspondance

Le tribunal administratif de Strasbourg n’a pas suspendu mardi 25 septembre les arrêtés préfectoraux qui autorisent les travaux du grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg. L’association Alsace Nature contestait notamment le « saucissonnage » du dossier et de ses impacts, entre l’autoroute payante avec son échangeur nord et les projets connexes (le TSPO vers Molsheim, la transformation de l’A35, la VLIO, la liaison avec l’aéroport d’Entzheim, le remembrement des terres agricoles).

Les trois juges ont estimé qu’il y a bien « un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée », mais « à titre exceptionnel » refuse de les suspendre, car les travaux préparatoires « s’accompagnent de troubles à l’ordre public nécessitant la présence des forces de l’ordre ». La suspension porterait « une atteinte d’une particulière gravité à l’intérêt général », ajoute le tribunal. Les magistrats rappellent que la déclaration d’utilité publique avait été confirmée sur le fond en 2010.

Le cas jugé était le recours juridique le plus important, puisqu’il concerne les premières coulées de béton. L’association Alsace Nature a maintenant deux semaines pour se pourvoir en cassation. Très surpris, son avocat, Me François Zind, dit à chaud « n’avoir jamais vu ça ».

L’association écologiste s’est logiquement appuyée sur les avis négatifs des enquêtes publiques pour les mesures environnementales du printemps, que ce soit pour l’échangeur nord, ou la rocade de 24 kilomètres. « Non actualisé, incohérent, incomplet, contradictoire, insuffisant, inexact, illisible... » a notamment attaqué dès le début de l’audience mercredi 19 septembre, son avocat, François Zind. Une succession d’adjectifs qu’il a puisé dans les rapports des commissaires enquêteurs remis au début de l’été.

    « Les remarques de la commission 

    sont des réserves, 

    des avis pour perfectionner notre dossier » 


Alsace Nature regrettait aussi que seules les espèces protégées (grand hamster, crapaud vert, nombreuses espèces d’oiseaux…) soient prises en compte dans les compensations. « Les espèces cibles et parapluies n’ont pas de sens sans leur interaction avec les espèces ordinaires », a fait remarquer Me Zind.

Parmi ses autres reproches, l’étude de « variantes » du tracé, mais pas « d’alternatives » à l’autoroute, telles qu’écotaxe, voies réservées au transit, aux transports en commun ou au covoiturage, ainsi que l’absence d’estimations du coût des mesures de compensations. Selon le préfet du Bas-Rhin, Jean-Luc Marx, le constructeur Arcos (filiale de Vinci) avait en effet indiqué que compte tenu des exigences des compensations, qui vont au-delà de certains seuils réglementaires, elles auraient « très vraisemblablement des conséquences sur le planning et les coûts ».

Enfin, l’avocat d’Alsace Nature a souligné que l’étude d’impact contient « une erreur méthodologique » sur la pollution, « focalisée sur les particules fines » (ou microparticules, PM10). « Le dossier ne contient pas d’actualisation du parc automobile », a regretté François Zind. Selon Alsace Nature, il faut aussi s’intéresser aux nanoparticules, ou « particules ultrafines » (non-réglementées et donc non-mesurées), sur lesquelles des médecins tentent d’alerter depuis quelques années.

En face, Me Jean-Nicolas Clément pour Arcos a minimisé ces avis officiels mais consultatifs opposés au GCO : « Les remarques de la commission sont des réserves, des avis pour perfectionner notre dossier. » Sur le « saucissonnage » (terme repris par l’avocat), il « n’est en rien irrégulier ». « Ce qui pourrait l’être, c’est s’il a permis de bénéficier d’un effet de seuil. A-t-il été malicieux ? A-t-il trompé le public ou l’administration ? Non. » Sur le coût des mesures, il a répliqué que des conventions étaient « annexées » au dossier.

Sur ce point, les juges administratifs n’ont pas suivi l’avocat d’Arcos qui demandait à ce que les avis soient « requalifiés », en avis favorables avec réserves.

    Vers un début des travaux de terrassement


Les représentants du préfet avaient ajouté que le projet est « déclaré d’utilité publique » en 2008 pour dix ans, puis prolongé en 2018 par le Conseil d’État, qui a examiné cette clause prévue dans le contrat signé début 2016. Ils estiment qu’il fait suite à « une prise en compte du public ».

Parmi les arguments sur le fond, le GCO répondrait « à une vision globale », à « un axe de transit européen fort », permettrait « la création d’emploi » ou encore « la baisse des gaz à effet de serre », en détournant une partie des camions de l’A35, tout ceci ayant de « l’attractivité pour le territoire ».

L’ampleur de certaines compensations ont aussi été présentées. Par exemple, les 4 hectares à la forêt de la Bruche doivent être remplacés par 40 hectares à Vendenheim, tout en reconnaissant que cela « ne peut pas garantir à 100 % l’équivalence fonctionnelle ».

Le jour de l’audience, la société Arcos nous avait indiqué attendre cette décision pour procéder aux travaux autorisés par cet arrêté.

Un jugement sur le fond est attendu dans les mois à venir. Les opposants ont prévu de se retrouver ce soir à 18 h à Strasbourg, place Broglie. Début septembre, la justice administrative a suspendu un permis d’aménager le viaduc à Kolbsheim et l’abattage de 30 arbres. Mais le préfet et le département, favorables au déboisement, peuvent rédiger de nouveaux actes pour se conformer à la règlementation.

 

DEUX CONDAMNATIONS INDIVIDUELLES



Deux opposants ont été condamnés, mardi 25 septembre, par le tribunal de grande instance. La veille, une dame s’était opposée à des déboisements. L’habitante de Pfulgriesheim est grimpée sur un arbre et a gazé des gendarmes en redescendant. Elle a été condamnée en comparution immédiate à trois mois d’emprisonnement avec sursis, ainsi que d’une obligation d’effectuer 105 heures de travail d’intérêt général. Un homme de 24 ans a quant à lui écopé de 8 mois de sursis, assorti d’une interdiction de revenir sur le chantier. Lors de l’évacuation de la zone à défendre le 10 septembre, il avait aspergé les gendarmes avec un extincteur, qu’il avait ensuite jeté, puis il avait craché sur l’un d’eux.


Hambach : En retard sur cette nouvelle que nous aurions voulu partager plus rapidement, nous envoyons toute nos pensées auprès de nos camarades de Hambach. Un opposant bloggeur qui suivait la lutte dans cette forêt est décédé en tombant d’un pont de singe alors qu’il essayer de rejoindre une des zones qui était en train de se faire expulser.

Avec amours et rage, on pense à tout ses proches.

Le lendemain de ce décès, le gouvernement à demander aux occupants de quitter les arbres volontairements et devant le refus, les expulsions ont reprises.

Malgré tout, le camp d’échange de savoir prévu du 22 septembre au 3 octobre aura bien lieu. Nous invitons toutes les personnes qui le peuvent à aller soutenir cette lutte.

Plus d’info sur leur site internet, un peu en francais, beaucoup plus en anglais ou en allemand. https://hambachforest.org


Jeudi 27 septembre


Lutte d’Atenco, Mexique



En 2001, est annoncé la construction d’un nouvel aéroport pour la ville de Mexico sur le site de l’ancien lac Texcoco, au nord-est de la ville. En 2006, les habitant.e.s et paysann.e.s des villages de la région d’Atenco, organisé.e.s en tant que Frond des Peuples en Défenses de la Terre (FPDT) se révoltent contre la construction de l’aéroport et bloquent l’autoroute Texcoco-Lecheria, repoussant les policiers avec leurs machettes. Le projet a été suspendu mais cette victoire a été chèrement payée, puisque Peña Nieto, l’actuel président mexicain, ordonnait les 3 et 4 mai 2006 une violente opération policière ayant entraîné deux morts, des centaines d’incarcérations, et le viol de plusieurs dizaines de femmes embarquées par les forces de police.

En 2014, Peña Nieto a relancé le projet de construction sur les terres d’Atenco du « Nouvel Aéroport International de la ville de Mexico » faisant fi des recours juridiques en cours, tandis que des groupes armés par les entreprises et le gouvernement mexicain tirent désormais à balles réelles sur les opposants aux travaux.

Plus grand aéroport des Amériques, il doit coûter 11,5 milliards d’euros et accueillir jusqu’à 70 millions de passagers par an. Outre l’aéroport, doté de trois pistes et un terminal géant de 750 000 mètres carrés, plusieurs autoroutes d’accès sont en cours de construction, y compris sur des terres communales dont les habitant.e.s ont été expropriés par la force.

Les défenseurs et défenseuses de la Tierra madre du FPDT se sont solidarisé à plusieurs reprises avec la lutte contre l’aéroport de Notre Dame des Landes et nous souhaitons diffuser en retour des informations sur leur luttes.

Annulation ou non du gigantesque mégaprojet de nouvel aéroport à Mexico city ?

Depuis l’élection du "progressiste » Andrés Manuel Lopez Obrador à la tête du Mexique le 1er juillet dernier, la question hante quotidiennement les gros titres de la presse mexicaine. Bien qu’il ait martelé son opposition déterminée au méga-projet et à ses désastreuses conséquences écologiques au cours des dernières années, le futur Président mexicain propose désormais d’organiser une « consultation citoyenne » le 28 octobre prochain pour décider si poursuivre ou non sa construction. Face à la pression du multimilliardaire Carlos Slim et devant l’ampleur des intérêts capitalistes en jeu, à peine élu, Lopez Obrador se prépare-t-il à retourner sa veste ?

Depuis Atenco, le Front des Villages en Défense de la Terre en appelle à la solidarité internationale...

Partie 1 : Un aéroport en lieu et place du dernier lac de la vallée de Mexico


Construire un gigantesque aéroport international en lieu et place de l’ultime résidu lacustre de l’ancien lac de Texcoco. C’est sur ce pari farfelu que s’édifie, depuis 4 ans déjà, le plus grand projet d’aéroport d’Amérique latine, pour un coût exorbitant de près de 13 milliards d’euros. L’impact environnemental et les dangers d’une catastrophe écologique majeure pour la ville de Mexico sont immenses. Mais pour mieux comprendre ce qui est actuellement en jeu, un retour en arrière s’impose...

(prochains chapitres : "un nouvel aéroport international pour "Mister Slim"/ "Les jeux de dupes de Lopez Obrador"/"relancer la solidarité internationale contre l’aéroport")

Depuis Atenco, lettre à la ZAD et aux organisations du monde entier !

Lutte d’Atenco, Mexique


En 2001, est annoncé la construction d’un nouvel aéroport pour la ville de Mexico sur le site de l’ancien lac Texcoco, au nord-est de la ville. En 2006, les habitant.e.s et paysann.e.s des villages de la région d’Atenco, organisé.e.s en tant que Frond des Peuples en Défenses de la Terre (FPDT) se révoltent contre la construction de l’aéroport et bloquent l’autoroute Texcoco-Lecheria, repoussant les policiers avec leurs machettes. Le projet a été suspendu mais cette victoire a été chèrement payée, puisque Peña Nieto, l’actuel président mexicain, ordonnait les 3 et 4 mai 2006 une violente opération policière ayant entraîné deux morts, des centaines d’incarcérations, et le viol de plusieurs dizaines de femmes embarquées par les forces de police.

En 2014, Peña Nieto a relancé le projet de construction sur les terres d’Atenco du « Nouvel Aéroport International de la ville de Mexico » faisant fi des recours juridiques en cours, tandis que des groupes armés par les entreprises et le gouvernement mexicain tirent désormais à balles réelles sur les opposants aux travaux.

Plus grand aéroport des Amériques, il doit coûter 11,5 milliards d’euros et accueillir jusqu’à 70 millions de passagers par an. Outre l’aéroport, doté de trois pistes et un terminal géant de 750 000 mètres carrés, plusieurs autoroutes d’accès sont en cours de construction, y compris sur des terres communales dont les habitant.e.s ont été expropriés par la force.

Les défenseurs et défenseuses de la Tierra madre du FPDT se sont solidarisé à plusieurs reprises avec la lutte contre l’aéroport de Notre Dame des Landes et nous souhaitons diffuser en retour des informations sur leur luttes.

Enquête en 4 parties sur le méga-projet aéroportuaire le plus polémique du Mexique sur le site du Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte.


Vendredi 28 septembre



Les commerçants s’engagent contre Europacity




Le gouvernement a relancé le projet de mégacentre commercial Europacity, à Gonesse, dans le nord de Paris. Depuis, les membres du collectif Europas du tout arpentent les marchés des villes voisines pour dénoncer les risques que le projet fait peser sur les centres-villes. Jeudi 27 septembre, Reporterre les a suivis à Aulnay-sous-Bois.


Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), reportage


Ce jeudi 27 septembre dans la matinée, le marché d’Aulnay-sous-Bois a accueilli le rassemblement du collectif Europas du tout, qui dénonce la menace que représente le mégacentre commercial Europacity pour les commerces de proximité et la qualité de vie des centres-ville.



Sur un fond de musique jazzy diffusé par les haut-parleurs du marché, l’animateur a pris le micro toutes les 10 minutes pendant plus de 3 h pour inviter les badauds à signer la pétition qui dit « Non au mégacentre commercial Europacity ».


Pendant ce temps, des membres du collectif Europas du tout se sont répartis sur le boulevard de Strasbourg où le marché s’installe trois fois par semaine, chapeau de paille sur la tête, pétition vierge et stylo à la main.

Résultat au bout de 3 h : plus de 1.000 signatures. Beaucoup de signataires viennent d’eux-mêmes et certains s’étonnent même de devoir signer à nouveau : « Je croyais qu’il était abandonné, ce projet fou d’Europacity ! » s’étonne Michel, un Aulnaysien de longue date. En effet, comme Reporterre vous le racontait en mai dernier, Europacity a été relancé par le gouvernement et le feuilleton qui dure depuis 2010 a repris de plus belle.

Dans ce nouveau chapitre, les commerçants et les élus ont choisi d’unir leurs forces pour enterrer définitivement ce « projet mortifère et nocif, destructeur des commerces de proximité et des terres du triangle de Gonesse », comme le souligne le maire d’Aulnay-sous-Bois, Bruno Beschizza (LR).

 
 « Ici, on n’a pas besoin d’un centre commercial supplémentaire ! Dans un périmètre de quatre kilomètres, on en a déjà trois, et ça, c’est sans compter les supermarchés ! » s’exclame Maria Dasilva, représentante en Île-de-France de la Fédération des marchés de France, qui a rejoint le collectif Europas du tout il y un an et demi. « Le tsunami Europacity va nous détruire, on n’en veut pas ! Ce mégacomplexe est toxique et ce sont nos qualités de vie qu’il met en danger », ajoute-t-elle pendant sa prise de parole.

Évelyne et Josiane (de gauche à droite ci-dessous), deux commerçantes à la retraite, sont venues au rassemblement pour renforcer l’opposition au projet. « Un centre commercial supplémentaire, c’est trop ! Ils vont se bouffer les uns les autres. En plus, ce genre de centres, ce sont toujours les mêmes grandes enseignes. Les indépendants n’y vont pas, c’est trop cher ! » explique Josiane sur un ton révolté. « Oui, c’est au minimum 10 fois plus cher », ajoute Évelyne.


Une position appuyée par Kamel Lakal (ci-après à droite), le président de l’association des commerçants Au cœur des commerces d’Aulnay : « C’est très compliqué de faire vivre les centres-ville et les zones commerçantes. Dès que les commerçants disparaissent, les problèmes reviennent et l’âme des centres-ville disparaît. Sans compter que, si Europacity voit le jour, c’est une saturation assurée du trafic routier. » Kamel s’exaspère également de l’action contradictoire du gouvernement avec le plan Mézard, du nom de l’actuel ministre de la Cohésion des territoires : « On veut construire un centre commercial de 500 boutiques sur 230.000 m2 là où les centres-ville essaient de se restructurer, ça n’a pas de sens ! » Ce plan gouvernemental de revitalisation des centres des villes petites et moyennes, baptisé « Action cœur de ville », a officiellement été lancé en décembre 2017.


Alain Boulanger (ci-dessus à gauche), président de la Capade (Comité aulnaysien de participation démocratique) affirme, quant à lui, que « le débat public qui a eu lieu en 2016 a abouti sur un désaccord entre les deux départements concernés par Europacity : le Val-d’Oise et la Seine-Saint-Denis, mais c’était un débat orienté. Aujourd’hui, on veut que la région Île-de-France, qui a une vision globale, se prononce en s’appuyant sur les études réalisées et que donc, elle abandonne Europacity ».

Pendant le rassemblement, on croise aussi des habitants de Gonesse qui agissent de plus en plus étroitement avec les organisations mobilisées des communes alentour. On retrouve Bernard Loup, le président du Collectif pour le triangle de Gonnesse, qui porte le projet Carma dont l’objectif est de « maintenir l’agriculture dans le triangle de Gonesse et de la faire évoluer vers une agriculture bio. Le cœur du projet est de développer des champs partagés, en lien avec les communes de Gonesse et Roissy notamment, pour une restauration collective locale et bio ».

Julien, 20 ans et Steven, 21 ans (de gauche à droite ci-dessous) sont deux jeunes Gonessiens qui ont également tenu à être présents. En discutant avec Évelyne (à droite), aulnaysienne, trésorière de la Capade, ils se trouvent des points communs puisque tous les trois défendent une participation citoyenne active dans l’avenir de leur territoire. Pendant plusieurs années, Julien et Steven étaient tous les deux membres du conseil municipal des jeunes de la ville de Gonesse. « On s’est heurtés à un refus de débattre de la part du maire de Gonesse, qui n’aime pas vraiment être contredit. Quand on proposait des questions pour le débat public autour d’Europacity, il voulait avoir un droit de regard et la plupart de nos questions étaient édulcorées. En 2014, il a même supprimé le poste de président du conseil municipal des jeunes », explique Julien.


Aujourd’hui, les deux étudiants, qui ont constaté que les jeunes de leur génération ont une conscience écologique accrue et d’autres aspirations de vie que les emplois proposés par le projet Europacity, ont créé en mars 2018 l’association Nous Gonessiens. Leur objectif : proposer un projet alternatif aux municipales 2020.

Julien considère qu’à Gonesse, « le débat est endormi par la propagande politique. En face de la mairie, la Maison du triangle de Gonesse accueille régulièrement des enfants de l’école. Il leur montre la grande maquette d’Europacity sans parler, évidemment, des conséquences écologiques et sociales désastreuses ».

Le collectif Europas du tout entend bien continuer à sillonner les marchés pour ensuite aller toquer à la porte du gouvernement et lui remettre les milliers de signatures qui disent non au mégacentre commercial d’Europacity, dont les conséquences néfastes évoquées dans la pétition ressemblent à une liste à la Prévert : faillite des commerces de proximité et des centres commerciaux existants, 8.000 emplois menacés, fragilisation des lieux culturels de proximité, perte de lien social, désertification des centres-ville, engorgement des axes de circulation, artificialisation des sols, destruction de terres agricoles fertiles, étalement urbain, transformation des lieux de vie en villes dortoirs.

Marion Esnault - Reporterre

Samedi 29 septembre


Grande fête franco-italienne contre le Lyon-Turin, à Villarodin-Bourget (Savoie) 



Samedi 29 septembre 2018, à partir de midi, grande fête franco-italienne contre le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin.

Source : Courriel à Reporterre












Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire