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Procès du glyphosate.
Monsanto condamné
à verser 289 millions de dollars
à un jardinier californien
Après sa victoire contre Monsanto, Dewayne Johnson remercie son avocat. | JOSH EDELSON /AFP
Un jury californien a considéré, vendredi 10 août,
que le désherbant Roundup à base de glyphosate, était à l’origine du
cancer de Dewayne Johnson, un jardinier californien dont la vie ne tient
qu’à un fil. Monsanto, qui a immédiatement annoncé son intention de
faire appel, est condamné à lui verser 253 millions d’euros. Ce dossier
est le premier d’une longue liste de plaintes visant le géant
agrochimique.
Ce père de trois garçons a été diagnostiqué en 2014 d’un lymphome non hodgkinien, un cancer incurable du système lymphatique. Les médecins lui donnent moins de deux ans à vivre.
Les jurés ont déterminé que Monsanto avait agi avec « malveillance » et que son herbicide Roundup, ainsi que sa version professionnelle RangerPro, avaient « considérablement » contribué à la maladie du plaignant, Dewayne Johnson. Le géant de l’agrochimie a immédiatement annoncé son intention de faire appel de cette décision.
Le procès avait débuté le 9 juillet dernier à San Francisco, en Californie. Monsanto, dont le groupe allemand Bayer vient de boucler le rachat de Monsanto pour 62,5 milliards de dollars (54,7 milliards d’euros), est confronté à plus de 5 000 procédures similaires aux États-Unis.
« Aider une cause qui me dépasse largement »
« J’ai reçu beaucoup de soutien depuis le début de cette affaire, beaucoup de prières et d’énergie de la part de gens que je connais même pas. Je suis content de pouvoir aider une cause qui me dépasse largement. Et j’espère que cette décision commencera à lui apporter l’attention dont elle a besoin », a réagi sobrement M. Johnson au cours d’une conférence de presse.
Tombé dans les bras de ses avocats à l’annonce du verdict, partagé entre larmes et sourire, cet Américain de 46 ans réclamait plus de 400 millions de dollars, estimant que les produits de Monsanto avaient entraîné son cancer et que la multinationale avait sciemment caché leur dangerosité. Cette dernière a été condamnée à 250 millions de dollars de dommages punitifs, assortis de 39,2 millions de dollars d’intérêts compensatoires.
Dewayne Johnson, le 9 août 2018, lors du procès à San Francisco, aux Etats-Unis. | AFP
Il a fallu trois jours aux jurés de la Cour supérieure de Californie pour annoncer leur décision. Ils reprochent notamment à Monsanto de ne pas avoir averti les utilisateurs du Roundup de ses risques sanitaires.
Selon l’un des avocats du plaignant, Brent Wisner, le verdict « montre que les preuves (de la dangerosité du glyphosate) sont accablantes ». « Des gens souffrent du cancer car Monsanto ne leur a pas donné le choix », a-t-il ajouté, se disant déterminé à « (se) battre jusqu’au bout » alors que l’entreprise compte faire appel. « Comment ose-t-elle ? »
« Nous ferons appel de la décision »
« Le jury a eu tort », a déclaré à des journalistes le vice-président de Monsanto Scott Partridge, devant le tribunal.
L’entreprise a par ailleurs immédiatement réagi dans un communiqué, annonçant qu’elle avait l’intention de faire appel et réitérant l’idée que le glyphosate, principe actif du Roundup, ne cause pas le cancer et n’est pas responsable de la maladie du plaignant. Monsanto réfute de longue date que le glyphosate puisse provoquer des cancers et s’appuie sur plusieurs études qui affirment que son produit n’est pas dangereux pour la santé.
« Nous exprimons notre sympathie à M. Johnson et à sa famille. La décision d’aujourd’hui ne change pas le fait que 800 études scientifiques et les conclusions de l’agence américaine de la protection de l’environnement (EPA), des instituts nationaux pour la santé et des autres autorités de régulation à travers le monde soutiennent que le glyphosate ne cause pas de cancer et n’a pas causé le cancer de M. Johnson », affirme le groupe.
« Nous ferons appel de la décision et continuerons à défendre vigoureusement ce produit qui bénéficie de 40 ans d’histoire d’une utilisation sans danger et qui continue à être un outil essentiel, efficace et sans danger pour les agriculteurs et autres usagers », ajoute-t-il.
Interdit en France d’ici 3 ans ?
Les inquiétudes sur le glyphosate ont donné lieu à l’ouverture d’innombrables enquêtes aux États-Unis et déclenché un débat d’experts en Europe après des conclusions contradictoires.
Malgré ces débats, les pays de l’Union européenne ont voté de justesse en novembre en faveur du renouvellement pour cinq ans de l’autorisation de cet herbicide jugé dangereux par les défenseurs de l’environnement mais que les agriculteurs veulent pouvoir continuer à utiliser.
La France a elle fait savoir que le produit serait interdit sur son sol d’ici trois ans et n’a pas exclu une dérogation pour les « 10 % de cas où il n’y aurait pas d’alternative pour les agriculteurs français ».
Le rejet fin mai à l’Assemblée nationale d’un amendement, soutenu par Nicolas Hulot, qui visait à inscrire dans la loi l’interdiction en 2021 de l’herbicide soupçonné d’avoir un effet cancérigène, a suscité les inquiétudes des écologistes qui y ont vu un recul de l’exécutif. Ce dernier a réaffirmé à plusieurs reprises depuis que l’objectif sous trois ans serait tenu.
Utilisée par les agriculteurs depuis plus de quarante ans, cette substance représente 25 % du marché mondial des herbicides.
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