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lundi 9 octobre 2017

Ceta : mangerez-vous du saumon transgénique à Noël ?

Ceta : mangerez-vous 

du saumon transgénique 

à Noël ?



L'accord, qui entre en vigueur ce jeudi, pourrait permettre au saumon génétiquement modifié d’être bientôt consommé en France.

On le connaissait surtout par son surnom français, "Saumonstre" et davantage encore par son équivalent anglo-saxon, "Frankenfish". Mais les Français pourraient bientôt goûter sa chair. Le saumon transgénique, le premier animal génétiquement modifié commercialisé pour la consommation humaine, pourrait en effet débarquer au pays de Paul Bocuse.
Le conditionnel doit rester de rigueur, mais le fait est que l’accord économique et commercial global (Ceta en anglais), un épais traité qui supprime des droits de douane et abaisse les obstacles aux échanges commerciaux entre le Canada et l’Union européenne, pourrait lui offrir un nouveau marché – le nôtre !

Le Ceta, ratifié par les eurodéputés le 15 février , entre en effet en "application provisoire" partout en Europe ce jeudi 21 septembre. "Application provisoire", cela signifie qu’il a encore à être ratifié par le Parlement français (et tous les autres parlements nationaux d’Europe). Mais en attendant cette ratification, l’écrasante majorité de ses clauses – environ 90% –, entreront bel et bien en vigueur dès ce 21 septembre. La vente de saumon canadien est donc facilitée à partir d’aujourd’hui.

Rien sur l'étiquette


Or, depuis juillet 2017, le Canada vend en tout légalité un saumon génétiquement modifié produit par l’entreprise américaine AquaBounty (qui, comme par ironie, l’appelle "le saumon le plus durable du monde"). Théoriquement, il existe des barrages imparables à l’entrée du marché européen. Comme le rappelle ce document officiel, il faut en effet, pour tout OGM, une autorisation délivrée par l’Union européenne "fondée sur une évaluation scientifique des risques pour la santé et l'environnement".
Pour le saumon génétiquement bidouillé, cette autorisation n’existe pas. Mais les opposants au Ceta craignent que ledit saumon puisse entrer en douce, sur nos marchés car rien, dans la loi canadienne, n’oblige la marque à informer les consommateurs par un étiquetage. "Les Canadiens qui le consomment ne sont donc pas forcément au courant", regrette Mathilde Dupré, chargée de campagne à l’Institut Veblen, think tank qui ferraille contre le Ceta.
"Et rien ne nous garantit que les exportateurs canadiens ne profiteront pas du traité pour l’imposer à notre insu, sans étiquetage spécifique. Le Ceta ne comporte pas de garde-fous assez solides pour nous prémunir contre ce danger."

Cheval de Troie


Pire : les autorités canadiennes pourraient utiliser les "comités de coopérations", des instances de négociations entre Canada et Union européennes prévues par le Ceta, comme des chevaux de Troie pour imposer en Europe leur réglementation, très permissive, sur les OGM. Comme l’explicite Samuel Leré, de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH) :
"Cette crainte n’est pas imaginaire : elle s’appuie sur des propos tenus dans un rapport remis à la Chambre des communes canadienne en 2014. Ce rapport affirme clairement vouloir utiliser les comités de coopérations pour assouplir la loi européenne sur les 'biotechnologies' – c’est-à-dire les OGM."
Cette volonté canadienne d’"harmoniser les législations" pour, en réalité, glisser en douce ses OGM sur le Vieux Continent, a suscité également l’inquiétude de la très officielle commission d’évaluation du Ceta, diligentée par le gouvernement, et qui a remis un rapport à Matignon le 8 septembre dernier [voir page 47 du PDF].

Promesse non tenue


L’actuel ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot affirme dans les colonnes de "Libération" que le Ceta sera "mis sous surveillance" par le gouvernement français. Et qu’il réfléchit à des "propositions pour essayer de se prémunir autant que possible des risques" que le traité fait courir à la santé et à l’environnement européens. Mais concrètement va-t-il agir ? "Le gouvernement a mis en place un comité de suivi du Ceta… Autant dire de la poudre aux yeux !" dénonce Samuel Leré :
"Il devrait avoir le courage de taper du poing sur la table et d’intervenir pour exiger la modification du traité. Le candidat Macron l’a promis pendant la campagne présidentielle. Il doit tenir sa promesse et affirmer que ce dossier est politique."
Un dossier politique, oui, mais qui, de toute façon, pourrait bien être sacrément bordé sur le plan strictement juridique, comme le craint Mathilde Dupré :
"Si la France ou l’Union européenne voulait renforcer l’étiquetage du saumon transgénique, cela pourrait être éventuellement contesté par le Canada. Car dans le Ceta, les règles d’étiquetage sont considérées comme des obstacles au commerce…"
En bref, s’il n’est pas certain que vous mangerez du saumon AquaBounty au réveillon, le contraire n’est pas non plus totalement garanti dans les années qui viennent.

Arnaud Gonzague

 

Source : http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/20170920.OBS4941/ceta-mangerez-vous-du-saumon-transgenique-a-noel.html

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