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dimanche 3 septembre 2017

Une mystérieuse maladie des reins qui devient mondiale

Une mystérieuse maladie 

des reins 

qui devient mondiale


Publié par : Jacqueline Charpentier Publication : 4 avril 2016


Une mystérieuse maladie des reins commence à se propager dans des régions telles que l’Inde, l’Égypte, le Mexique et l’Amérique Centrale. Et les chercheurs n’arrivent pas à en trouver les causes.

Des veuves dans le village de Balliputtuga. 
Leurs maris sont morts de cette maladie des reins d'origine inconnue.

Une petite foule de villageois attendent dans une file à côté d’un bâtiment scolaire à Pedda Srirampuram, un village dans l’Etat d’Andhra Pradesh situé dans le sud de l’Inde. L’air est plutôt sec et la plupart des personnes, qui attendent, sont vêtues avec de simples châles et des T-Shirts. Chacun porte 2 sacs en plastique, le premier contient leurs données médicales et le second contient un échantillon de leur urine. Ils se font consulter par 4 jeunes hommes assis sur des tables. Un chercheur nommé Srinivas Rao est assis à la première table et il demande le nom du prochain dans la file. L’homme répond qu’il s’appelle D. Kesava Rao et montre ses données médicales. Rao, le chercheur, les consulte et il conclut : Ses 2 reins ne fonctionnent plus.

Des épidémies d’une maladie chronique rénale d’étiologie inconnue


Kesava Rao est âgé de 45 ans et il souffre d’une maladie chronique des reins d’étiologie inconnue (CKDu) et il dépend de la dialyse pour survivre. Chaque semaine, j’ai besoin d’une dialyse selon Rao. Cet homme a travaillé toute sa vie dans les cocoteraies et les sites de construction. Il avait une santé de fer et il n’avait jamais besoin de consulter un médecin. Ensuite, il a une fièvre et le diagnostic a révélé cette maladie des reins. Rao n’avait pas de diabète ou d’hypertension alors que ce sont les 2 principales causes de la maladie rénale chronique au niveau mondial. Et c’est la même chose pour tous ces villageois qui se font ausculter.

Cette région côtière de l’Andhra Pradesh est au coeur de ce que les médecins et les médias locaux considèrent comme une épidémie du CKDu. Il n’y a pas de données rigoureuses, mais des études non publiées par Gangadhar Taduri, un néphrologue de l’institut des sciences médicales à Hyderabad, suggère que cette maladie rénale chronique affecte de 15 à 18 % de la population dans cette région agricole. L’agriculture de cette région se concentre sur le riz, la noix de cajou et la noix de coco. Contrairement d’autres maladies rénales chroniques qui touchent les vieilles personnes dans les zones urbaines, cette forme de CKDu affecte principalement les fermiers âgés de 30 à 50 ans.

Cette maladie chronique des reins frappe principalement les fermiers tels que ces coupeurs de noix de coco qui travaillent sous une chaleur écrasante dans le sud de l’Inde

On pourrait croire à un problème local, mais des épidémies similaires dans d’autres pays ont transformé cette maladie rénale chronique en un problème global. Certaines régions rizicoles du Sri Lanka sont touchées par leurs propres épidémies et la maladie apparait aussi dans les régions qui cultivent du sucre, notamment au Mexique et en Amérique Centrale. On l’a également remarqué en Égypte. On la voit un peu partout et même si les chiffres sont encore faibles, c’est un problème qui prend de l’ampleur selon Virginia Weaver, épidémiologiste de la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health. Et c’est une maladie qui possède un taux de mortalité considérable. Des jeunes, qui devraient travailler et fonder une famille, sont en train de mourir.


Une maladie qui touche plusieurs régions du monde


L’alarme est générale chez les chercheurs et les experts de santé, mais tout le monde est déconcerté. En Amérique Centrale, qui a subi des épidémies rapides et brutales de cette maladie, la principale hypothèse est que c’est une maladie professionnelle, provoquée par l’exposition chronique à la chaleur et à la déshydratation dans les champs de canne à sucre. Dans l’Andhra Pradesh, Taduri et ses collègues pensent plutôt à des toxines naturelles telles que le lithium dans l’eau. En utilisant les échantillons de sang et d’urine, nous allons évaluer les éléments qui sont présents ou non dans l’organisme selon C. Prabhakar Reddy.

Mais que ce soit en Inde, au Sri Lanka et en Amérique Centrale, les chercheurs, qui chassent cette maladie des reins, envisagent toutes sortes d’idées incluant l’abus des analgésiques et l’exposition aux pesticides. Le néphrologue Ajay Singh de la Harvard Medical School a trouvé des niveaux élevés de silice, une substance qui est présente dans de nombreux pesticides. C’est de la fumée, mais on ne voit pas encore le feu qui en est à l’origine selon ce chercheur. Cette maladie des reins devient mondiale et la recherche s’accélère. On envisage une formation vers un réseau international de scientifiques qui veut cartographier la maladie dans le monde et pour améliorer les diagnostics.

Comme de nombreux endroits qui sont touchés par le CKDu, l’Inde ignore comment les gens attrapent cette maladie. Mais les preuves de l’Andhra Pradesh montrent une triste réalité. Nous avons déjà 126 veuves, car leurs maris sont morts du CKDu selon Rajni Kumar Dolai, le chef du village de Balliputtuga. La population de ce village est de 3 270 et cela signifie que 4 % de la population est morte de cette maladie.


Une maladie des reins qui décime les populations rurales


En examinant les populations dans un van équipé avec une machine à ultrason et d’autres équipements de diagnostic, Taduri et ses collèges sont arrivés avec une contamination de 15 % et plus dans cette région. La plupart des gens, qui souffrent de cette maladie chronique des reins, ne se plaignent pas de problèmes rénaux selon Taduri. Mais leur créatinine est très élevée. Le niveau de créatinine est l’un des moyens pour diagnostiquer un problème avec les reins. Leurs examens ont révélé des reins ratatinés. Le CKDu est mortel parce qu’il est difficile à détecter. C’est un tueur silencieux selon A.K. Chakravarthy, un néphrologue à Nellore dans l’Andhra Pradesh. Au début de la maladie, les gens ne souffrent d’aucun symptôme. Mais lorsqu’ils le découvrent, il est déjà trop tard. L’accès à la dialyse est limité même si le gouvernement de l’Andhra Pradesh a ajouté des infrastructures ces dernières années. Pour de nombreux patients, la mort survient rapidement après le diagnostic.

 Dans le village de Pedda Srirampuram, une équipe mobile collecte des analyses de sang et d’urine et interrogent les villageois pour chercher les causes de cette maladie chronique rénale


Et les chanceux, qui bénéficient de la dialyse, peuvent survivre pendant plusieurs années, mais ils ne peuvent plus travailler ce qui plonge leur famille dans la pauvreté. Avec sa force et son endurance qui ont été décimées par la maladie, Kesava ne peut plus subvenir aux besoins de sa famille de 5 personnes. Son fils ainé, âgé de 20 ans, doit rapidement reprendre le flambeau. Il a fini l’école secondaire, mais il a dû abandonner ses études. Aujourd’hui, c’est le principal pourvoyeur de la famille selon Kesava.

En Inde, plusieurs groupes de recherche sont sur la trace de la cause. Mais chaque équipe possède ses propres méthodes et outils et ils sont isolés ce qui complique la tâche de comparer les résultats. Taduri et Singh ont travaillé pendant des années dans l’Andhra Pradesh et les 2 poursuivent l’hypothèse du niveau élevé de silice dans l’eau. L’inhalation de la poussière de silice endommage les poumons et les reins, mais on ignore comment il se retrouve dans l’organisme des personnes affectées. Malgré le fait que ces 2 chercheurs travaillent dans le même état, ils ne se sont jamais rencontrés. Je n’étais même pas au courant des travaux de Taduri selon Singh. Singh pense que la silice provient des pesticides tandis que Taduri pense qu’il provient des substrats rocheux en infectant les eaux souterraines.

La formation d’un réseau international de scientifiques


Et c’est valable au-delà de l’Inde. À mesure que les scientifiques réalisent que le CKDu est une maladie globale ou une série de maladies, ils envisagent toutes les causes possibles. On doit l’étudier d’une perspective mondiale selon Weaver. 30 scientifiques indiens et internationaux ont organisé une table ronde au The Energy and Resources Institute à New Delhi. Le groupe s’est réuni pour un atelier de travail mené par La Isla Foundation, une ONG qui travaille avec des personnes affectées en Amérique Centrale. L’objectif de janvier 2016 était de créer un réseau global de scientifiques pour étudier la maladie.

La première tâche du réseau est d’étudier la prévalence selon Ben Caplin, néphrologue à l’université College London qui travaille au Nicaragua. On a besoin de connaitre les points culminants du CKDnT (maladie rénale chronique non traditionnelle). Est-ce qu’il y a des facteurs environnementaux, professionnels ou sociaux qui sont communs sur ces points culminants ? Mais les participants de l’atelier divergent sur la définition de la maladie. Caplin propose une première définition : Pas de cause alternative du CKD qui est diagnostiqué par un médecin, l’absence de diabète et de l’hypertension. Mais Singh estime que cette épidémie pourrait être une série de maladies qui est provoquée par différents facteurs dans différents endroits. En insistant sur une seule définition, on commence déjà avec un biais sur les causes possibles selon Singh.

La création d’un test facile et abordable


Neil Pearce de la London School of Hygiene & Tropical Medicine et la seule épidémiologiste du groupe, estime que l’analyse, pour les reins en mauvais état, peut être effectué sans faire de suppositions sur la cause. Nous tentons de trouver les populations avec des prévalences fortes et faibles. Cela ne concerne pas les individus. Mais la prévalence nécessite un test standard. Caplin, Pearce et leurs collègues développent un protocole qu’on peut adapter pour différentes populations : Un test sanguin, un test d’urine et un questionnaire basique sur l’âge, le sexe, la profession et le revenu du participant. L’objectif est d’avoir quelque chose de facile et abordable selon Caplin.

L’équipe espère publier son protocole dans une revue pour que les scientifiques de n’importe quel pays puissent l’utiliser pour analyser leurs populations avec leurs propres fonds. Une méthode pas chère et facile permet d’avoir une prévalence au niveau mondial selon Catharina Wesseling, une experte de santé au Karolinska Institute à Stockholm. Wesseling étudie le CKDnT en Amérique Centrale qui a payé un tribut plus lourd que l’Inde. Regardez les chiffres des morts selon Jason Glaser de La Isla. En Chichigalpa et en Nicaragua, 46 % des morts des hommes sont provoqués par le CKD. 75 % des morts d’hommes de 35 à 55 ans sont dus à cette maladie rénale chronique. Selon des chiffres préliminaires, cette maladie a déjà provoqué 20 000 morts dans cette région.


Une piste vers la déshydratation chronique


Si c’est la même maladie qui frappe l’Inde, alors la recherche en Amérique Centrale pourrait préciser la chasse de la cause. Des études récentes ont montré que le CKDu est provoqué par de longues heures de travail sous la chaleur avec une faible consommation d’eau ce qui provoque une déshydratation chronique. L’année dernière, une étude de Wesseling et ses collègues ont montré que la maladie existait au Costa Rica dès les années 1970. Mais le nombre de morts dans la province Guanacaste est passé de 4,4 pour 100 000 de 1970 à 1972 à 38,5 pour 100 000 de 2008 à 2012 à cause de l’augmentation exponentielle des fermes de cannes à sucre industrielles. Dans une autre étude, le même groupe a montré que les reins des coupeurs de cannes dans une communauté du Nicaragua se sont dégradés de façon drastique en une seule saison de récolte.

Une carte des régions touchées par cette maladie chronique des reins

Une étude pilote de Wesseling et ses collègues l’année dernière a associé la déshydratation chronique aux dommages rénaux. Ils ont trouvé des niveaux élevés de cristaux d’acide urique dans l’urine des coupeurs de canne, notamment à la fin de leur saison de travail. Ces cristaux doivent endommager les reins. C’est un mécanisme important auquel nous n’avions pas pensé selon Richard Johnson, un néphrologue de l’université du Colorado. Mais le problème est loin d’être résolu. Je ne pense pas que la chaleur et la déshydratation soient la seule cause selon Glaser. Vous voyez des niveaux différents de sévérité de la maladie dans différents endroits. Il y a d’autres facteurs en jeu, c’est une certitude.

« Il faut bien travailler »


Mais avant même que les scientifiques découvrent les causes, Taduri estime que les communautés peuvent réduire les risques. L’accès à de l’eau propre pour la consommation, inciter les gens à boire plus d’eau pendant le travail et leur conseiller d’éviter les analgésiques. Pendant ce temps, la frustration et la peur augmentent dans les communautés affectées par cette maladie rénale chronique dans le sud de l’Inde. Désormais, les villageois dans l’Andhra Pradesh refusent de venir pour les tests, car ils ont peur de devenir des parias. Quand un homme est diagnostiqué avec cette maladie des reins, alors toute sa famille le voit comme un poids mort selon Dolai, le chef du village de Balliputtuga.

Dans une ferme voisine, un groupe d’homme en cercle épluche des noix de coco. La plupart transpirent sous la chaleur écrasante. Chacun épluche les noix de coco avec une machette faisant la taille d’un bras. Une montagne de noix de coco se trouve à côté d’eux et les coups de machette pleuvent avec les épluchures qui jonchent le sol. Et les hommes parlent pendant qu’ils travaillent et la conversation tourne autour de leur niveau de créatinine. Le mien est de 1,4 lance un jeune homme de 30 ans. Le mien est 1,3. Je suis à 1,9. J’ai dépassé le 2 ! Pour la moitié des hommes, le niveau est supérieur ou à l’extrême limite de la normale. La plupart de ces hommes travaillent de 14 à 18 heures par jour et une grande partie dans une chaleur extrême. Ils ont peu d’eau et leur dos et leurs jambes sont en miettes lorsqu’ils retournent chez eux. Ils avalent des analgésiques comme des bonbons pour oublier la douleur sans oublier un abus d’alcool. Ils savent tous que ces 2 substances sont dévastatrices pour leurs reins, mais c’est leur seule option. Nous savons que nous sommes malades et que nous allons peut-être en mourir, mais il faut bien travailler. Le repos n’est pas une option pour nous.


Source : https://actualite.housseniawriting.com/sante/2016/04/04/mysterieuse-maladie-reins-devient-mondiale/14917/

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