Mardi 19 septembre à 21H
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Synopsis :
Agnès Varda
et JR ont des points communs : passion et questionnement sur les images
en général et plus précisément sur les lieux et les dispositifs pour les
montrer, les partager, les exposer. Agnès a choisi le cinéma. JR a
choisi de créer des galeries de photographies en plein air. Quand Agnès
et JR se sont rencontrés en 2015, ils ont aussitôt eu envie de
travailler ensemble, tourner un film en France, loin des villes, en
voyage avec le camion photographique (et magique) de JR. Hasard des
rencontres ou projets préparés, ils sont allés vers les autres, les ont
écoutés, photographiés et parfois affichés. Le film raconte aussi
l’histoire de leur amitié qui a grandi au cours du tournage, entre
surprises et taquineries, en se riant des différences....
Bande annonce : https://www.youtube.com/watch?v=YlQ104-3XYs&feature=youtu.be
Critique TELERAMA :
Ce pourrait
être un post-scriptum aux Plages d'Agnès (2008), superbe autobiographie,
tout en inventions et bricolages, mais aussi aux Glaneurs et la
Glaneuse (2000), documentaire à succès, jalonné de rencontres insolites.
Comme dans ces films-là, Agnès Varda apparaît très souvent. La voilà de
nouveau sur la route avec ses caméras, mais, cette fois, accompagnée
par un coréalisateur et partenaire à l'image : le plasticien JR, connu
mondialement pour coller ses immenses photographies sur des maisons, des
ponts, des monuments. Principe de départ : l'octogénaire et le
trentenaire débarquent dans des villes ou des villages français et
conçoivent ensemble des installations pour rendre hommage à des gens du
coin et pour faire surgir de la beauté dans des lieux familiers ou, au
contraire, abandonnés. Les deux artistes, filmés comme les personnages
d'une comédie à tandem, se charrient gentiment. Il ironise sur sa coupe
au bol bicolore. Elle lui reproche de ne pas vouloir enlever son
chapeau, et, surtout, ses lunettes noires. Rien de grave. Cette légèreté
au bord de la futilité paraît d'abord fixer la limite de l'entreprise,
d'autant que l'une des premières installations du duo laisse perplexe :
les volontaires photographiés dans le camion de JR, une baguette de pain
entre les dents, se retrouvent en posters sur les murs de leur
commune... Par la suite, le film gagne en profondeur. Si JR semble le
plus occupé des deux (il participe activement au collage des images
géantes), Visages villages reste, avant tout, fidèle à la fantaisie
créatrice et à l'esprit « marabout-bout de ficelle » qui court à travers
l'oeuvre d'Agnès Varda — elle en a assuré le montage. Mais aussi à son
féminisme : quand JR s'intéresse à des dockers sur le port du Havre, la
cinéaste redirige son attention vers les épouses de ces messieurs. Deux
figures chères à la réalisatrice donnent d'ailleurs les plus beaux
moments : l'installation, encore plus éphémère que les autres (pour
cause de marée), sur le bunker d'une plage normande, d'un magnifique
portrait, signé Varda en 1954, de feu Guy Bourdin (son ami, le grand
photographe, qui habita là). Et l'étrange rendez-vous en Suisse avec
Jean-Luc Godard, ancien « poteau » de la Nouvelle Vague. L'allure de JR
et ses inamovibles lunettes rappellent à Varda la coquetterie, cinquante
ans plus tôt, de JLG, qui devient ainsi un discret fil rouge du film,
puis une ombre, presque un trou noir, dans les échanges entre les deux
artistes. Car, peu à peu, la différence d'âge apporte bien davantage
qu'une cocasserie surjouée. Le temps qui passe et le temps qui reste
deviennent des motifs récurrents. Il y a la réalité clinique des
injections oculaires désormais nécessaires à la vision de la cinéaste —
elle les rapproche du terrifiant plan d'oeil tranché dans Le Chien
andalou, de Luis Buñuel. Il y a la mélancolie déchirante d'un vieil
ouvrier interviewé dans son usine le tout dernier jour de sa vie
professionnelle, et qui se sent comme « au bord d'une falaise ». Il y a
ce vertige : Agnès Varda, 89 ans, à son aise dans un cimetière, plutôt
pressée, dit-elle, que ce soit « fini » et, à la fois, de plain-pied
avec son camarade de jeu, toute aux joies, indissociables chez elle, de
vivre et de créer. — Louis Guichard.
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