"A tous vents": le film qui raconte comment l'aide aux migrants
s'improvise
Thibault Petit, publié le 19/07/2017
Le cinéaste Michel Toesca filme depuis deux ans l'arrivée des réfugiés dans la vallée de la Roya, à la frontière franco-italienne, et la solidarité parfois illégale qui s'y est mise en place.
Il a vu les choses évoluer. D'abord, les migrants tourner en rond à Vintimille en Italie, puis marcher vers la France avant de se faire accueillir par les habitants de la vallée de la Roya. Depuis le début, il y a deux ans, il a tout vu... Et surtout tout filmé. Le cinéaste Michel Toesca* prépare un film sur la solidarité avec les migrants dans cette petite vallée du sud-est de la France.
LIRE AUSSI >> A Nice, Cédric risque cinq ans de prison pour avoir aidé des migrants
Un film qui raconte des "tragédies", mais aussi des histoires d'hommes et de femmes qui ont décidé de se mettre dans l'illégalité pour secourir les migrants. Fin juin, il a créé une page KissKissBankBank pour le financement participatif de son film, ainsi qu'une page Facebook. "A tous vents" devrait sortir en salles au début de l'été 2018.
Interview de Michel Toesca et extrait inédit de son film.
Pour voir la vidéo cliquez ici : https://www.youtube.com/watch?v=7Z-tuxQ6RPI
M.T.: Tout a commencé à Vintimille (première ville italienne après la frontière), au printemps 2015. Je faisais des courses quand j'ai vu qu'il y avait des blacks, qui traînaient. J'ai pris ma caméra et j'ai commencé à filmer, sans idée de film. Au mois de juin quand la France a fermé sa frontière, j'ai commencé à passer plus de temps à Vintimille, j'ai recueilli des témoignages de migrants, puis très vite, quand ils ont commencé à remonter dans la Roya et que les habitants se sont mis à les aider, je me suis dit qu'il y avait quelque chose à raconter.
Au début, les gens le faisaient sans le dire, c'était chacun dans son coin. J'ai trouvé intéressant de montrer comment cette solidarité se mettait en place.
Justement, ça n'a pas été trop compliqué de filmer des gens qui finalement était dans l'illégalité ?
Au début, si. J'ai commencé avec quelques personnes seulement, une ou deux. Beaucoup ne voulaient pas être filmées, ils étaient méfiants et pourtant j'habite dans la vallée depuis de nombreuses années. Certains travaillent dans la fonction publique, c'est normal. Aux réunions, au début, je ne pouvais pas filmer. Puis après avoir passé du temps avec eux, certains sont carrément venus me chercher pour filmer des choses incroyables, des discussions avec les autorités en caméra planquée, des passages.
Vous semblez complètement acteur de cette solidarité. Où se situe la frontière entre le militant et le cinéaste ?
Je ne suis pas un militant. Je suis un type qui habite la vallée, qui voit ces pauvres gens arriver, je suis un type qui s'arrête, qui essaie de réagir, qui leur donne à bouffer, quelques habits. C'est une réaction humaine. Moi, mon métier c'est de regarder le monde, ce qu'il y a autour de moi, d'apporter ma vision sur ce que je traverse. J'ai juste réagi en décidant de faire un film.
LIRE AUSSI >> Cédric Herrou condamné pour aide aux migrants: "Mon cas fera jurisprudence"
Ce que font les journalistes est assez confus. Moi, je veux offrir une vision complète de ces deux années avec différents points de vue : ceux qui sont pour, ceux qui sont contre et celui des migrants. Je ne porte pas de regard critique sur cette solidarité. C'est un film acquis à leur cause, mais qui permettra à chacun de se faire un point de vue.
Qu'est-ce qui vous a le plus marqué pendant ces deux ans de tournage ?
Cette proximité et cette immersion m'ont permis de filmer des passages de nuit, d'obtenir des images qui n'ont été vues nulle part. Mais le plus marquant pour moi, ça reste le témoignage des réfugiés. Derrière chaque interview, il y a une tragédie. Ils ont tous perdu un père, une mère ou une soeur. Ils ont été malmenés. Il y a par exemple ce migrant qui a été torturé en Libye à l'électricité. Il a des traces partout, sur les jambes, les mains. Il raconte que ses tortionnaires le forçaient à appeler ses parents en visioconférence pour le torturer en direct et leur réclamer de l'argent.
Comment voyez-vous les choses évoluer dans la Roya ?
Moi, j'ai arrêté de filmer. Enfin, je vais arrêter définitivement le 8 août, jour du verdict du procès en appel de Cédric Hérou. Mais c'est une histoire loin d'être finie car il y a toujours des arrivées de migrants, encore en ce moment. C'est le début d'une vague de migration énorme. Et ça va s'amplifier dans la Roya si rien n'est fait au niveau français ou européen.
Pour voir la vidéo cliquez ici : https://www.youtube.com/watch?v=6SZqOi3bDos
*"A tous vents" est le cinquième long-métrage de Michel Toesca. Auparavant, il a réalisé "Dans un grand lit carré" (1994), "J'irai cracher sur vos tongs" (2004), "Per Sempre" (2009), "The Village" (2011) et "Démocratie zér06" (2012)
Plus d'actualité sur : L'accueil des migrants et réfugiés en France
- Migrants: le Défenseur des droits critique le plan "décevant" du gouvernement
- Des multinationales aident les réfugiés: social-washing ou conviction?
- Migrants économiques contre réfugiés: que vaut la distinction du gouvernement?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire