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samedi 3 juin 2017

Chronique des ZAD - Mai 2017

La voici, la voilà, la chronique de ce mois de mai  2017.

Des infos, des liens, des photos pour tout savoir (ou presque) sur ce qu'il s'est passé dans ou autour des ZAD (Zones A Défendre) : on y parle de Notre Dame Des Landes, de Bure, d'EuropaCity et de plein d'autres sujets.

Merci à l'auteur, membre du Collectif de Soutien NDDL66, pour cette compilation mensuelle précieuse.





PROJET D’AYRAULT – PORT de 


NOTRE DAME DES LANDES (44) 


Source : ZAD.nadir.org et médias 

Mai 2017 

Et ailleurs :  - Bure (55) anti EuropaCity à Gonesse (95) – Errekaleor à Vitoria (Pays basque espagnol) - Aulnay sous Bois (93) - Mort de Rémi Fraisse à Sivens (81) 



ZAD de NDDL - 44

Infos du 1er au 7 mai

Lundi 1er mai



A Nantes : «Ni avion, ni béton ! Ni patrie, ni patron»


Un cortège syndical contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes a réuni le plus grand nombre de manifestants du défilé traditionnel du 1er Mai à Nantes. En pleines tensions de l’entre-deux-tours, les manifestants voient dans la rue le seul espace d’expression politique. 


Nantes (Loire-Atlantique), envoyée spéciale.

– Un pied, puis l’autre, et inversement, à un rythme intermittent. Elle se danse en ligne et en frappant le sol d’un bâton. C’est la plinn, danse traditionnelle bretonne revisitée par des occupant.es de la Zad de Notre-Dame-des-Landes en s’inspirant de pas de luttes venues d’ailleurs dans le monde. Lundi 1er mai, des dizaines d’opposant.es à l’aéroport du Grand Ouest l’ont étrennée dans le centre-ville de Nantes, derrière les tracteurs de paysans et en tête d’un cortège historique : le premier défilé du collectif intersyndical contre l’aéroport, au sein de la traditionnelle marche pour les droits des travailleurs. À vue d’œil, c’est la présence la plus importante de la manifestation, où défilent entre averses et rayons de soleil des militant.es de la CGT, FSU, Solidaires – FO ne participe qu’au rassemblement. C’est aussi la plus joyeuse et la plus jeune – avec le bloc tout de noir vêtu qui proclame « Soyons ingouvernables » et « Refusons les élections, faisons la révolution » quelques dizaines de mètres devant eux. 

Les organisateurs annoncent 6 000 participants en tout, la préfecture 4 000. En tête de manifestation, les syndicats appellent à « en finir avec les reculs sociaux qui font le terreau de l’extrême droite ». Les rangs sont plus fournis qu’en 2016, mais on y compte près de dix fois moins de manifestants qu’en 2002. À l’époque, près de 40 000 personnes avaient marché pour dire non à l’élection de Jean-Marie Le Pen. « Ce n’est pas le raz-de-marée de 2002, la banalisation du Front national s’est produite entretemps », décrit Jean Brunacci, porte-parole de Solidaires 44.

Cortège contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes dans la manifestation syndicale du 1er mai, à Nantes (JL) 


Contre le FN, mais pas pour Macron : en pleines tensions de l’entre-deux-tours, les militants cherchent à faire entendre des voix combatives, autonomes vis-à-vis de l’issue du scrutin du 7 mai. « On ne donne pas de consigne de vote, les gens font ce qu’ils veulent. Blanc, abstention ou pour Macron, chaque expression est respectable, explique Laurent, un militant CGT. Le Pen ou Macron, c’est du pareil au même. Ce seront les luttes sociales qui décideront. » Une militante CGT affirme que « le 1er Mai, c’est pour dire à Macron que s’il est élu, on sera là, et on sera pas dupes ». Pour Fabrice David, secrétaire général de l’Union départementale de la CGT en Loire-Atlantique : « Pas une seule voix ne doit aller à Marine Le Pen. Ce parti est un danger mortel pour le monde salarié et syndical. Mais on dénonce aussi le programme de Macron, ses attaques contre le monde du travail et la protection sociale. C’est dans la droite ligne de la politique de Hollande que nous avons combattue pendant cinq ans. » 


Sono dansante, cuisine vegan roulante, quatre tracteurs et une bétaillère : le cortège contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes détonne dans le défilé nantais. Ses drapeaux noirs claquent au vent : on y voit un poing blanc écraser un avion. Tout autour, une ronde de lettres : « Collectif intersyndical contre l’aéroport à NDDL et son monde ». Le slogan de la Zad, « contre l’aéroport et son monde », a été modifié pour convenir aux militants syndicaux qui défendent le maintien de leur actuel lieu de travail, l’aéroport de Nantes Atlantique. Peinte en larges lettres blanches sur fond noir, la banderole du cortège résume la prouesse politique accomplie par le jeune collectif intersyndical : « Maintien de Nantes Atlantique, Non aux expulsions sur la Zad ». Ou comment figurer l’alliance politique inattendue entre travailleurs aéroportuaires et militants anticapitalistes et anti-hiérarchies. Pour Steeve, militant de la CGT AGO qui réunit des salariés de l’actuelle plateforme aéroportuaire de Nantes Atlantique : « Le système économique nous divise tous. La convergence des luttes paysannes et ouvrières avait disparu à Nantes. Mais aujourd’hui la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et celle pour le garder là où il est se rapprochent. »

Militants de CGT-AGO, qui regroupe des travailleurs de l'actuel aéroport, le 1er mai à Nantes (JL). 


Cheville ouvrière du collectif, Tristan porte haut dans les airs un drapeau barré d’un avion. « Avec le mouvement contre l’aéroport, on se retrouve dans la lutte. On a les mêmes revendications. Ils nous soutiennent dans notre lutte. Et nous on les soutient dans la leur. » Une petite dizaine de travailleurs de Nantes Atlantique sont présents. Difficile de mobiliser, alors que la saison bat son plein sur l’aérogare et que la journée de travail est payée double en ce jour férié. Pour Camille, membre du collectif et habitant de la Zad, « on souhaite s’adresser au monde des salariés et syndiqués et faire passer le message que les arguments pro-NDDL au nom de l’emploi sont mensongers. On voudrait aussi faire connaître aux salariés dépossédés de leur travail ce qui se vit sur la Zad : on peut repenser la production, sans patron et sans hiérarchie ». Militant de l’union locale CGT de Carquefou, Jean-Luc considère qu’« il faut affirmer qu’il existe au sein du mouvement syndical une composante opposée à l’aéroport. Cette dimension existe mais ne s’était jamais complètement exprimée jusqu’ici. C’est une façon de combattre la réduction de Notre-Dame-des-Landes à un combat écologique. L’enjeu fondamental c’est la convergence des luttes sociales et des luttes écologistes ». Autour d’eux, la foule chante : « Ni avion, ni béton ! Ni patrie, ni patron ! »

« La transversalité dans les luttes »

Né lors des manifestations de 2016 contre la loi sur le travail où, pour la première fois, habitant.es de la Zad et travailleurs de l’aéroport ont appris à se connaître, le collectif intersyndical se compose des unions départementales de Solidaires, la CNT, et de la CGT Travail-Emploi Fonction publique, de la CGT AGO, du collectif national des syndicats CGT de Vinci, de la CGT Caisse des dépôts et consignations et d’autres militant.es. Ils dénoncent les « fortes dégradations des conditions de travail » depuis la reprise de la concession de Nantes Atlantique par Vinci à cause d'un manque d’investissements et de ses conséquences : turn-over, précarité, climat anxiogène. À leurs yeux, la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, au nord du département, serait une « délocalisation » imposée et se traduirait par des suppressions d’emploi, notamment à cause de l’automatisation de certaines tâches aujourd’hui assurées par des personnes. Sur l’actuelle plateforme aéroportuaire, CGT AGO comprend 90 adhérents – sur un total d’environ 1 000 salariés, dont beaucoup d’intérimaires –, employés dans six ou sept entreprises différentes.

Les militants affirment aussi vouloir défendre « les habitant.es de la ZAD qui vivent l’expérience d’un monde plus humain, plus libre » et « ont toute notre solidarité, car ce monde d’exploitation et d’aliénation qu’ils et elles combattent c’est aussi celui contre lequel nous luttons quotidiennement ». Fin 2016, alors qu’une expulsion de la zone semblait imminente, la CGT Vinci avait publiquement refusé de travailler « sur tout chantier en lien avec le projet de transfert de l’aéroport » et appelé ses salariés à exercer leur droit de retrait.

Sylvie, militante de la CGT Finistère, à Nantes, le 1er mai (JL) 

Secrétaire général de SUD PTT, Nicolas Galépides est venu manifester à Nantes car « quelle que soit l’alternance au pouvoir, Notre-Dame-des-Landes va être le premier lieu de cristallisation de la lutte. Le sens de notre présence dans ce cortège, c’est pour donner une réalité à la transversalité dans les luttes. L’unitaire, ce n’est pas qu’avec les autres syndicats. Même si la Zad est souvent compliquée à comprendre, c’est là que ça va commencer à frotter avec le nouveau gouvernement. S’il y a un endroit symbolique où il faut être, c’est celui-là ». Théo et Manu, militants à la CNT, veulent faire traduire le tract de l’intersyndical contre l’aéroport en turc et en polonais pour le diffuser aux travailleurs détachés qui pourraient se retrouver sur le chantier en cas d’expulsion de la Zad. Ils rappellent que la charte d’Amiens de 1906 appelle à défendre l’intérêt des travailleurs et à mener des grèves générales. « Dans le monde syndical, on est contre l’exploitation et la hiérarchie, explique une militante de la CGT. C’est ce qu’ils essaient d’expérimenter sur la Zad. Ils font de la boulangerie, des soins, une filière bois. Une façon de travailler sans être un pion. » Une femme promet d’être de toutes les manifestations à venir : « J’ai une petite-fille antillaise, des petits-enfants dont le père est marocain. J’aimerais vivre dans une France multicolore. On habite dans un petit village. Le monde meilleur commence par l’entraide entre voisins. Sur la Zad, on trouve toutes ces valeurs. » Un homme, membre du comité de soutien de Saumur-Chinon, explique qu’il « va falloir faire du sabotage et pas seulement crier dans les meetings de Mélenchon ». Les Insoumis sont présents en nombre dans la marche.

Un tract des habitant.es de la Zad explique qu’elles et ils manifestent en ce 1er Mai par « solidarité entre précaires, révoltés, travailleuses et travailleurs du monde entier et avec tou-te-s celleux qui ne travaillent pas, pas encore, pas en ce moment, plus maintenant, jamais... ». Et ajoute : « Beaucoup d'entre nous ont choisi la grève en CDI, pour chercher d'autres formes d'organisation de la production et des échanges, mais on se sent solidaires de celles et ceux qui ont besoin de gagner leur vie et d'y donner du sens sans pour autant se laisser exploiter. » 

Un collectif syndical contre l’aéroport est en train de se créer à Rennes. Pour Françoise Verchère, porte-parole du collectif des élus contre l’aéroport, « ce mouvement syndical contre l’aéroport est très important car il montre que le combat dépasse la défense des terres agricoles et répond aussi aux luttes sociales ».

Dans le cortège contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes dans la manifestation syndicale du 1er mai, à Nantes (JL) 

Mais en Loire-Atlantique, le monde syndical reste divisé sur la question. La CGT 44 a adopté une position en faveur du maintien de l’actuel aéroport, sans se prononcer frontalement contre le projet de nouvelle aérogare. Une partie de ses membres adhère au PCF 44, favorable au projet. La présence du cortège anti-aéroport dans le défilé du 1er Mai gêne le responsable département de la CGT, Fabrice David : « C’est un sujet qui fait polémique. Le 1er Mai, ce n’est pas une manifestation contre l’aéroport. Pourquoi mettre en avant cette lutte plus que les autres ? Ils mettent en difficulté notre unité syndicale. » Mais pour Sylvie, militante de la CGT Finistère : « Chaque fois que je vais sur la Zad, ça me donne la pêche. Alors que si j’avais défilé là où j’habite, à Pont-l’Abbé, j’aurais été la plus jeune et ça ne m’aurait pas donné la pêche. Les gens ont tellement pris de coups, ont tellement perdu de combats qu’ils en perdent confiance en eux. Ils ont peur d’abandonner la grande histoire des luttes sociales. Alors que la Zad, c’est la relève. Il ne faut pas en avoir peur. »

Dimanche soir, la bibliothèque de la Zad, le Taslu, accueillait un après-midi de lectures sur les luttes ouvrières et paysannes. Plusieurs dizaines de personnes ont partagé à haute voix des récits depuis le XIXe siècle. Émile Pouget sur l’action directe et contre « le démocratisme », Jacques Prévert, Simone Weil sur la joie de la grève « contre la tendance invisible à se soumettre corps et âmes », l’histoire de la commune de Nantes pendant Mai-68. Un couple a témoigné de l’occupation d’une ferme par le mouvement des Paysans travailleurs en 1975. Une femme a narré l’histoire des fleurs du 1er Mai et appelé chacun.e à cueillir des aubépines de la Zad plutôt que d’acheter des brins de muguet dans le commerce. Le lendemain, des mèches de fleurs cueillies sur la zone fleurissent aux poitrines de bien des manifestant.es.
Jade LindgaardMédiapart


Un chouette texte reçu aujourd’hui : « Merci Jean-Marc » : « on peut continuer de "s’amuser" et de "se débrouiller" tout seul sur la ZAD de NDDL et qu’avant de partir avec l’ensemble du présent gouvernement, tu pourrais proposer de résilier le projet, pas vrai ? 

Ce 1er mai, la cantine de la ZAD un tracteur de la CURCUMA et de nombreux camarades ont répondu à l’appel du collectif syndical contre l’aéroport et son monde pour défiler dans les rues de Nantes avec les travailleur-euse-s en luttes.






Jeudi 4 mai

Pendant ce temps, sur la Zad : 

« Agir nous-même pour changer le monde »



Sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes, on ne parle pas politique, on fait la politique : au quotidien, dans les actes communs. Tout en observant ce qui se passe sur la scène officielle. Avec une conviction : il faut agir plutôt que déléguer.

  • Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), reportage
Parle-t-on de politique sur la Zad ? Ou plutôt, parle-t-on de l’élection présidentielle sur la « Zone à défendre » de Notre-Dame-des-Landes ? Il y a bien d’autres choses à penser. Rien que le week-end dernier, un Festnoz célébrait la fin de la construction d’un hangar tout de bois et d’ardoises flambant neuf, et la manif’ du Premier mai faisait danser ensemble les opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et les syndicats de salariés de l’actuel aéroport de Nantes-Atlantique.

« Ce qui change ici, c’est la façon de discuter des élections : il y a moins de fatalisme. On sait qu’ici on peut reprendre notre vie en main sans attendre la prochaine échéance électorale », avance Louise (pseudonyme, comme tous les prénoms de cet article). Chacun y va tout de même de sa théorie, de son ressenti. Certains reconnaissent qu’ils auraient été tentés de voter pour Jean-Luc Mélenchon, ou Philippe Poutou. D’autres avouent leur trouille que Marine Le Pen passe. Tellement qu’ils auraient peut-être été capables de mettre un bulletin Emmanuel Macron dans l’urne. A l’inverse, il y en a qui auraient peut-être donné une voix à Marine Le Pen, afin de précipiter l’effondrement du système et un « sursaut social ». « Mais c’est jouer avec le feu », admet l’un d’entre eux. Il paraît même qu’il y en a qui votent, assurent-ils tous à Reporterre. On a cherché, on n’a pas trouvé. La Zad semble surtout peuplée de ceux que l’on appelle les « abstentionnistes ».

« Selon une idée anarchiste, 
celui qui donne sa voix n’a plus rien à dire. »


« Je n’ai jamais voté de ma vie à des élections nationales. Je ne veux pas nourrir l’État, cette machine extrêmement violente et destructrice, qui sera toujours dans les mains du capitalisme », explique Jet, à La Rolandière. « Quand j’ai reçu ma première carte électorale, je l’ai fumée », raconte Fanny, à Bellevue. « Les gens qui vivent ici sont plutôt dans le rejet du théâtre électoral et de la démocratie telle qu’elle est aujourd’hui », ajoute Camille, du groupe presse. « En fait, on aurait aimé un grand mouvement social juste avant les élections, car dans ce contexte, il aurait été impossible de les organiser », regrette Paul, depuis sa maison de bois des Cent Noms – ou cette jolie maison serait-elle celle des trois ours de Boucle d’Or ?

Impossible, quand on vit dans ce territoire arraché à l’autorité de l’État, où l’on tente de repenser la politique et les rapports sociaux de façon horizontale, d’attendre quoi que ce soit de cette institution qu’est le vote. « Voter, c’est comme accepter d’être dépossédés de nos vies, adhérer à un système qui nous exploite, explique Paul. À l’échelle de la France, un gouvernement ne peut être proche du terrain. Il a forcément une approche technicienne des problèmes, alors que les solutions sont philosophiques, existentielles, affectives. Il y a une idée anarchiste qui dit que celui qui donne sa voix n’a plus rien à dire. »

Inciter les gens à mettre un bulletin dans l’urne, cela pourrait même être dangereux. « Voter pour des gens qui ne font rien pour toi, cela nourrit le désespoir », estime Pierrot, qui observe la montée du FN. « Et pour paraphraser un film de mon enfance [L’Histoire sans fin, NDLR] : les gens qui ont perdu l’espoir sont faciles à soumettre », ajoute-t-il.

Alors, voter ou ne pas voter ? Cela n’a pas tant d’importance que cela, finalement. « Ce n’est pas là que se trouve le champ politique », estime Camille. Sur le Zad, le mot abstentionniste semble perdre son sens, tellement la politique imprègne chaque geste du quotidien. Les zadistes seraient plutôt « des activistes, car nous faisons sans cesse de l’action directe », corrige Paul. « Le vote ou les pétitions, c’est demander aux politiciens de faire quelque chose pour nous, c’est de l’action indirecte. Alors que l’action directe, c’est agir par nous-même pour changer le monde. » Quelques exemples : bloquer une route, faucher des OGM, participer aux chantiers collectifs de la Zad, ou repartir d’un supermarché les caddys pleins sans payer après avoir bloqué les caisses. « Il faut assumer un certain degré de conflictualité et d’illégalité, or nous recevons une éducation qui nous pousse à éviter, pacifier les conflits. Le pas n’est pas toujours facile à franchir », poursuit-il.

« Ici, on se défend en construisant. »


Vivre sur ce territoire qui se veut hors de la République, l’occuper et s’en occuper, est déjà une action directe et continue. Un nouveau grand projet sur la Zad a pris forme à l’hiver, avec le nom de processus « Abracadabois ». Camille détaille : « On a entre 300 et 400 hectares de haies, forêts et bois sur la Zad. On s’est dit que l’on allait assumer de prendre en charge la question des forêts. Tout l’hiver, on a rencontré des charpentiers, des naturalistes, des sylviculteurs, des bûcherons, pour apprendre à les gérer sans les exploiter. Le hangar de l’avenir, à Bellevue, sera l’atelier bois. Alors que l’on risque l’expulsion, on se projette sur 50, 100 ans ! »

Cette ressource locale permettra de mieux gérer le bois de chauffage, et de créer des matériaux de construction. « Ici, on se défend en construisant. Des trucs en dur, en solide, pour montrer qu’on est là pour longtemps », insiste Jet. Il a lancé la folle idée du phare, dont la solide structure de métal s’élève au-dessus de la ferme de pierres de la Rolandière : « Il y a la sirène, pour lancer l’alerte en cas d’arrivée de la police pour les expulsions, et la possibilité d’être des dizaines de personnes à s’attacher à la structure pour éviter la destruction du phare et donc de la maison. » 

Le phare de la Zad, à La Rolandière.

On construit aussi en cultivant des champs et des jardins qui s’éveillent tranquillement avec le printemps, ou en alimentant la lutte. Les cantines mobiles, désormais rodées, savent comment nourrir trois cent personnes à la fois. La Black Plouc Kitchen, mini restaurant installé dans une roulotte, propose des repas à prix libre composés d’aliments locaux. Déjà deux fournils et leurs fours respectifs tournent sur la Zad. Nourrir la lutte, une donnée essentielle car « quand on n’a pas à penser à ce que l’on va manger, on peut faire autre chose », souligne Fanny.

Autant d’activités politiques, parce qu’émancipatrices et génératrices d’autonomie. « Quand je fais du pain ici, je donne mon énergie en dehors d’un système marchand », explique Arnaud, l’un des boulangers. « Car le pain est à prix libre. » Ce faisant, il détaille sa façon de faire aux apprentis du jour. Le but : qu’ils puissent faire marcher le fournil sans lui, et que les boulangers se multiplient tels les petits pains. « Même les outils du four ont été pensés pour que tout le monde puisse les utiliser. Il n’y a pas besoin de force. On appelle cela un four grand-mère. »

Ce n’est pas pour autant que dans le bocage, on fait totalement fi des considérations électorales. Tout d’abord parce que la période est propice pour peser sur les décideurs politiques. « En 2012, on voyait que Hollande pouvait être élu, que l’on pouvait avoir une influence sur le PS. Avant le premier tour, les composantes du mouvement anti-aéroport ont organisé la première grosse manifestation unitaire, et dans la foulée une grève de la faim. On a obtenu de Hollande l’engagement qu’il n’y aurait pas d’expulsions des habitants historiques avant l’épuisement des procédures juridiques », se rappelle Camille.

Ensuite parce que, quel que soit le résultat de la présidentielle puis des législatives, cela aura une incidence sur la Zad. Si Marine Le Pen était élue ? On n’y pense pas trop. Avec les mouvements sociaux nantais, plusieurs personnes de la Zad se sont impliquées dans l’organisation de la plus grosse manifestation anti-FN de cette période électorale, à l’occasion de la venue de Marine Le Pen à Nantes. La présidente du FN a indiqué qu’elle respecterait le résultat du référendum qui a dit oui à la construction de l’aéroport et n’a pas de mots assez durs pour qualifier les occupants de la Zad.

Du côté d’Emmanuel Macron, la recension de ses déclarations sur le sujet fait plutôt rire, ici. Notamment celle de nommer un médiateur qui « calmera les choses », afin d’éviter une intervention de la police ou de l’armée pour évacuer les occupants de la zone. On se demande bien qui aurait ce pouvoir magique. Alors que la perspective d’une expulsion s’était éloignée avec l’arrivée de la période électorale, le nouveau pouvoir pourrait décider d’agir rapidement. D’autant plus que l’Union Européenne vient de donner son feu vert au projet d’aéroport. Bref, tout nouveau gouvernement sera forcément « un ennemi », soulignent plusieurs habitants.


« Et puis, le regard porte plus loin que la lutte contre l’aéroport. On sait, que ce soit Macron ou Le Pen, que ce sera le saccage, notamment sur les questions de travail et d’émigration », rappelle Louise. Du coup on s’inquiète et on espère à la fois. Les mouvements sociaux, les militants, les activistes, sauront-ils faire face au nouveau pouvoir ? « Il me semble qu’il y a une forme d’abattement au sein des mouvements sociaux, estime-t-elle. Mais c’est leur nature, d’être imprévisibles. Une semaine avant Mai 68, il y avait des gens pour dire qu’il ne se passerait jamais rien en France. »


Un texte envoyé depuis le Haut Fay et la Noé Verte à propos d’une tentative des Ailes pour l’ouest qui s’essayent au blocage


Vendredi 5 mai


En posture de favori pour hériter de l’urne funéraire du PS dimanche, Macron entend nommer un « médiateur » et se donne jusqu’à l’automne pour trouver de quoi convaincre les opposant-es au projet : «  Je crois au dialogue. Je pense qu’on peut les apaiser en six mois. Et si je n’y arrive pas, je prendrai mes responsabilités et je ferai évacuer la zone. » Une fanfaronnade électorale à l’arrière goût de déjà vu, qui permet de rappeler qu’ apaisé-es ou enragé-es, on sera nombreux-ses à s’accocher au bocage et à ne rien lâcher !


Infos du 8 au 14 mai


Mardi 9 mai


AntiRep :


Bilan Street Medics à Nantes après la manifestation du 07/05/2017, suite au deuxième tour des élections présidentielles https://nantes.indymedia.org/articles/37684

On peut lire dans ouest-torche, que le pauvre Emmanuel, à peine élu président de la France, se fait prendre à la gorge par le syndicat mixte aéroportuaire. Il le prie de démarrer "une nouvelle étape vers l’évacuation des occupants illégaux" en affirmant qu’ils sont à la disposition du président pour mettre en œuvre ses engagements. On espère quand même de pouvoir récolter ce qu’on a semé avant qu’ils viennent patauger dans les champs... faut quand même qu’on puise nourrir nos luttes - http://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nddl-le-syndicat-aeroportuaire-demande-l-evacuation-du-site-macron-4977795



Jeudi 11 mai


Pour celleux qui ne l’on pas encore vue, une critique très bien argumentée de la consultation sur le projet de tranfert de l’aéroport a été publiée par le Collectif d’élu-e-s Doutant de la pertinence de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes : Une consultation démocratique ?


Le rapport du sénat « Sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi », qui a étudié notamment le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes est sorti aujourd’hui.

Selon Le Monde >http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/05/11/notre-dame-des-landes-l-impossible-compensation-ecologique-de-l-aeroport_5126046_3244.html
« Ce travail établit de fait la quasi-impossibilité de compenser les pertes de terres agricoles et de zones humides là où doit être construit le futur aéroport, au nord de Nantes. ».



Infos du 15 au 21 mai


Lundi 15 mai


On nous signale la publication d’une brochure rassemblant des textes sur la manif du 22 février 2014 à Nantes, à lire ici.


Mercredi 17 mai


Jean-Pierre Petit, un des moteurs de la lutte NDDL sur Paris, est décédé le 10 mai dernier. Il étais aussi membre de la Coordination pour la Solidarité d’Ile de France et contre le Grand Paris (COSTIF). Il était également un des fondateurs du FRAP, le Festival des Résistances et des Alternatives à Paris. https://souriez.info/Jean-Pierre-Petit


Vendredi 19 mai


Petit rappel : demain, semis collectif de sarrasin, sous du (presque) soleil. RDV 13h à St Antoine pour partager un pic-nique et semer le sarrasin à la main ! et dimanche, c’est Journée Portes Grandes Ouvertes.


Infos du 22 au 28 mai


Lundi 22 mai


"Dossier exposif" :

A la ZAD, comme le relate fRanceinfos, « on ne s’emballe pas », malgré la fébrilité et l’agitation policienne : "... on n’a pas peur, on attend de voir ce qui se passera vraiment (...)". En attendant le déluge de feu sur la zone humide, on s’active sous le soleil et on crée des moments de rencontre.



Jeudi 25 mai


Notre-Dame-des-Landes : la compensation écologique du projet d’aéroport serait très compliquée



La compensation écologique des projets d’infrastructure est présentée comme une solution à la destruction des milieux. Un rapport sénatorial montre qu’elle est difficile à mettre en oeuvre. Et particulièrement à Notre-Dame-des-Landes, comme le souligne le rapporteur Ronan Dantec.

Si l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes se construisait, il faudrait « compenser », c’est à dire recréer des espaces de biodiversité équivalents dans une zone voisine. Est-ce possible ? Cela va être très, très, compliqué. C’est la conclusion à laquelle est arrivé Ronan Dantec, sénateur EELV de Loire-Atlantique, à la suite de la commission sur les « mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures ». Il en était le rapporteur. Outre les cas analysés dans le rapport publié le 11 mai dernier, ce travail d’enquête lui a donné l’occasion d’étudier en profondeur celui du projet de Notre-Dame-des-Landes.


« Le sujet est très complexe, explique-t-il à Reporterre, tellement que même les opposants ne sont pas allés jusque là dans leurs analyses ». « La complexité de la méthode de compensation empêche ainsi toute vérification de l’adéquation des mesures de compensation aux besoins », souligne-t-il encore dans son recueil de remarques personnelles sur le dossier.

Pour tenter de clarifier l’affaire, les calculs du sénateur se sont appuyés sur les documents produits par l’État et AGO (Aéroport du Grand Ouest) lors des multiples procédures autour du projet d’aéroport. Ainsi, la compensation nécessiterait de trouver au moins 2.600 hectares de terres. Sur ce total, 300 sont déjà inclus dans la ZAD (zone d’aménagement différé). Le problème porte sur les 2.300 hectares restants.


Car ces hectares doivent être trouvés dans un périmètre précis, non loin de l’emplacement du projet d’aéroport. En tout, 7.000 hectares ont été recensés comme pouvant accueillir ces compensations. Les agriculteurs qui les cultivent s’engageraient alors, par exemple, à replanter et entretenir des haies, ou à ne pas retourner leurs prairies. « Mais déjà 55 % des agriculteurs de la zone ont fait savoir qu’ils ne voulaient pas participer aux mesures de compensation. Il ne reste donc que 3.000 hectares qui pourraient potentiellement accueillir ces mesures de compensation. Cela rentre dans un chausse-pied », explique Ronan Dantec.

Ronan Dantec : « Il n’a pas été fait d’avant-projet détaillé de compensation. »


Une surface qui a de bonnes chances d’être insuffisante. Tout d’abord, le chiffre de 2.300 hectares est une hypothèse basse. « Il n’a encore été fait aucun avant-projet détaillé de compensation. Tous les acteurs ne sont pas d’accord sur le nombre d’hectares nécessaires, il pourrait augmenter », note le sénateur. Certaines prairies particulièrement importantes pour la biodiversité pourraient faire monter la mise. Le chiffre pourrait rapidement passer à 3.000 ou 4.000 hectares.

Par ailleurs, « le monde agricole est très peu coopératif », note-t-il. Seule la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique a bien voulu définir un cadre avec les porteurs du projet d’aéroport. Et elle a posé de sérieuses limites. « Ainsi, une exploitation ne pourra pas consacrer plus de 40 hectares environ à la compensation », poursuit-il. Cela implique de multiplier les agriculteurs, et les contrats. « Mais ils n’ont pour l’instant contractualisé avec aucun agriculteur », assure l’élu.

Les mesures pourraient aussi coûter plus cher que prévu, les agriculteurs demandant pour être convaincus un effort financier supplémentaire. Le manque à gagner dû à ce surcoût pourrait être, toujours selon les calculs du sénateur et de son équipe, de 140 à 400 millions d’euros étalés sur les 55 ans de la concession : « C’est énorme sur un projet comme celui-ci. »



Enfin, « au moins 20 % des mesures de compensation doivent avoir été réalisées avant le début des travaux », rappelle-t-il. « Faute de quoi il pourrait y avoir une contestation immédiate devant le tribunal, qui pourrait suspendre les travaux. »

Cette situation expliquerait, selon Ronan Dantec, pourquoi l’État et AGO n’ont pas proposé d’augmenter les surfaces de compensation afin d’obtenir un compromis, comme cela a déjà été souvent fait dans des dossiers de constructions d’infrastructures : les promoteurs de l’aéroport savent qu’ils n’ont pas les terres disponibles.

La complexité de cette compensation apparaît donc comme un nouveau frein pour le projet d’aéroport. Une pièce à ajouter au dossier qui sera posé sur le bureau du futur médiateur annoncé par le Président de la République Emmanuel Macron. Il devrait être rapidement nommé afin de tenter de trouver une solution d’ici à février 2018, date à laquelle la déclaration d’utilité publique pour le projet sera épuisée.

    LA BELLE NATURE DE NOTRE-DAME-DES-LANDES MONTREE PAR UN FILM

En 2016, un court documentaire a été réalisé par Léo Leibovici et produit par Lizzie Brocheré en partenariat avec l’Association Yemanja (regroupement de créateurs, producteurs et diffuseurs de projets visant à promouvoir la sauvegarde de l’environnement). Il montre le caractère devenu exceptionnel de la zone à défendre de Notre-Dame-des-Landes.




Un petit message nous a été envoyé par le Zad Social Rap, suite à l’atelier de mardi dernier : /"Premier sinistre", instru : LaZone/ "Ca rentre pas dans les formats, encore moins dans les urnes ! Cette spéciale dédicace à la nouvelle équipe au pouvoir et à son « premier sinistre » est une production de l’atelier hebdomadaire du Zad Social Rap, enregistrée 16/05/2017 à la Grée. "
Pour mémoire, tous les sons des ateliers rap sont diffusés ici !

Egalement, un petit article dédicacé au nouveau ministre de "l’environnement" (lequel, on ne sait pas), trouvable sur Reporterre, on peut y lire : "Ajoutons encore par cruauté que Hulot ne s’est jamais mouillé pour le loup ou l’ours en France, dont la survie tient à un fil. Qu’il n’a jamais, alors que c’était à sa portée, défendu l’idée d’une rupture globale avec le système agricole. Que sa Fondation, ceci expliquant en partie cela, a comme partenaire le groupe Avril cité plus haut, cœur de réacteur de l’agro-industrie. Que sa Fondation, bis repetita, a pour partenaire Vinci, le groupe de BTP derrière Notre-Dame-des-Landes. Bref.

Pourquoi tout cela ? J’ai bien une explication, mais elle est psychologique, et je la garde. Hulot est un homme d’une rare naïveté, pour rester poli. Il a été l’ami et le confident de Chirac — des dizaines d’heures de tête-à-tête —, sans résultat. Il a marché dans la si lourde combine du Grenelle de l’Environnement de Sarkozy, en 2007. Il a été l’Envoyé spécial pour le climat de Hollande, s’enorgueillissant du dérisoire Accord de Paris, signé en clôture de la funeste COP21. Le comique de répétition a ses limites, place à la tristesse. Tout bien considéré, il ne dépare pas dans le gouvernement d’un lobbyiste — Édouard Philippe — du nucléaire." 


Enfin, on relaie un appel à soutien pour le jardin de plantes médicinales de la zad, pour construire un peu plus notre autonomie du soin !

Dimanche 28 mai

Contre les violences d’Etat, soutien à Hadama Traoré, et à celles et ceux qui résistent à Aulnay-sous-bois


Quatre mois après avoir violé un habitant en toute impunité, la police continue de mettre la pression à Aulnay-sous-Bois.

Samedi 20 mai, dans le quartier de la Rose des vents, c’est sous prétexte de dégradation (1) que la police a procédé à des interpellations et des gardes à vues au terme d’une intervention violente à base de gaz lacrymogènes et flashball. Parmi les personnes ciblées, Hadama Traoré, co-fondateur d’un mouvement de lutte sociale « la révolution est en marche » a été blessé par 3 tirs de LBD dans le dos après avoir essayé d’arranger la situation. Le lendemain, sa tentative de dépôt de plainte au commissariat d’Aulnay pour violence lui a valu une journée de garde à vue .

Cet acharnement devient malheureusement habituel contre les personnes qui résistent, et qui tentent d’organiser une vie un peu plus collective dans une "république" qui ne les reconnait pas, avec des élus qui ne les représentent pas. Les habitant-es d’Aulnay sont dépossédées de leurs quartiers par l’aménagement du territoire via la mise en oeuvre de politiques excluantes et discriminantes : harcèlement de la police, surveillance généralisée, gentrification ; éviction des commerces locaux, délabrement des logements…

Dans ce contexte, Hadama Traoré est visé parce qu’il se bat avec énergie et courage, parce qu’il s’oppose à la résignation générale, face à un état qui refuse le respect aux habitant-es de quartiers qu’il traite en inférieurs.

Comment ne pas le penser alors que tant de personnes visées par la police subissent au quotidien le racisme d’état, alors que les idées du Front national sont largement répandues dans les commissariats et peuvent s’exprimer pleinement dans les rues d’Aulnay ? Et comme d’habitude la police met en cause les personnes qui subissent et dénoncent ces violences.

Cet acharnement vise une nouvelle fois à faire taire et criminaliser les voix contestataires, à Aulnay-sous-Bois comme ailleurs.

Face à la répression policière et aux violences d’état, nous soutenons Hadama Traoré, ainsi que les personnes qui s’organisent et résistent à Aulnay.

Des occupant-es de la ZAD.




Infos du 29 au 31 mai

Lundi 29 mai

Dans une interview, le nouveau ministre de la « transition écologique » a promis de « Nous allons remettre les choses à plat. Il y aura un temps – six mois – pour une médiation. Je suis intimement convaincu qu’il y a de possibles alternatives à Notre-Dame-des-Landes qui peuvent nous permettre, à tous, de sortir par le haut. ». On attend de voir…



AILLEURS



Infos du 1er au 7 mai

Mardi 2 mai


À Bure, l’Andra veut étouffer la lutte paysanne




Pour s’assurer la maîtrise de la zone de la « poubelle nucléaire » de Bure, l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs s’est constitué une immense réserve foncière. Si de nombreux paysans ont cédé aux conditions de l’Agence, ce n’est pas le cas de Jean-Pierre Simon, jugé ce mardi pour « complicité » avec les antinucléaires. La Confédération paysanne le soutient.

Mardi 2 mai, Jean-Pierre Simon doit comparaître devant le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc (Meuse), pour « complicité du délit d’installation en réunion sur le terrain d’autrui sans autorisation en vue d’y habiter ». Son crime ? À l’été 2016, ce paysan a mis à disposition des opposants au projet de poubelle nucléaire de Bure son tracteur et sa bétaillère. Pour les gendarmes et pour l’Andra — l’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs, partie civile dans le procès —, il aurait ainsi « favorisé l’occupation du bois Lejuc » par les manifestants, et « fait obstacle à une issue du site ».

Joint par Reporterre, Jean-Pierre Simon raconte une version de l’histoire sensiblement différente. Début juin 2016, les opposants ont organisé une manifestation pour protester contre le début des travaux de l’Andra dans le bois Lejuc. « Je suis venu avec mon tracteur pour porter le matériel pour le pique-nique, raconte-t-il. Quand on s’est rendu compte que l’Andra menait là-bas des travaux illégaux, l’occupation a été décidée. Je ne suis pas resté sur place, mais j’ai laissé mon tracteur, pour aider à la logistique : transporter les tentes par exemple. »

Lors de l’expulsion du bois, début juillet, Jean-Pierre s’est précipité pour récupérer son tracteur, mais il était trop tard : l’engin avait été saisi et emporté par les forces de l’ordre à la fourrière. À l’intérieur de la remorque, les enquêteurs trouveront des tentes, des vêtements, des sacs de couchage, quelques téléphones portables. « Je suis allé aux convocations, j’ai répondu aux questions de la gendarmerie, mais ils n’ont pas voulu me rendre mon tracteur, alors que c’est un outil de travail indispensable ! » Il a protesté auprès du procureur, mais ses lettres sont restées sans réponse, jusqu’à ce 3 février, où il a reçu une convocation au tribunal.

    « Depuis le départ, l’Andra fait en sorte qu’il n’y ait pas de lutte paysanne à Bure » 

Pourquoi lui ? Pourquoi se focaliser sur cet agriculteur qui n’était pas présent lors de l’évacuation du bois, et qui n’a fait que prêter son tracteur aux manifestants ? La plupart des opposants au projet Cigéo agissent de manière collective ou anonyme, de manière à ne pas être identifiés par les forces de l’ordre. Au contraire, Jean-Pierre Simon est installé à Cirfontaines-en-Ornois, à quelques kilomètres de Bure, depuis plusieurs décennies, et il est bien connu dans le coin. 
« Je suis facilement identifiable, donc facilement attaquable, admet-il. Mais à travers moi, c’est le procès du bois Lejuc que l’Andra veut faire. » Il avance une autre piste de réponse : « Comme je suis à peu près le seul paysan à m’investir dans la lutte, c’est peut-être une manière de mettre la pression et de dire aux autres agriculteurs : ne bougez pas. » Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne, syndicat qui soutient Jean-Pierre Simon, abonde dans ce sens : « L’Andra a fait de lui un grand criminel, ils ne l’ont pas loupé et ont frappé fort, comme s’ils avaient voulu scinder la lutte et décourager les habitants locaux de s’engager. Depuis le départ, l’Andra fait en sorte qu’il n’y ait pas de lutte paysanne à Bure. »

Jean-Pierre Simon à Notre-Dame-des-Landes, en juillet 2016.

Le témoignage de Jean-Pierre Simon fait écho à une autre histoire : celle de l’appropriation progressive du foncier agricole et forestier par l’Andra, en Meuse et en Haute-Marne, et qui est dénoncée par la Confédération paysanne comme « un accaparement de terres ». Installé depuis 1982 sur l’exploitation familiale, le paysan produit aujourd’hui orge, colza, blé, tournesol. Il décrit une région agricole en difficulté, avec des sols difficiles à travailler.

Pourtant, l’arrivée de l’Andra sur le territoire, dans les années 1990, a donné une nouvelle valeur à ces terres délaissées. « À partir de 2007, ils ont commencé à acheter tout le foncier disponible. Ils se rendaient dans les villages, prospectaient pour savoir si des successions ou des reprises allaient avoir lieu. » Il se rappelle de son voisin, propriétaire de 100 ha, démarché par l’Agence. « Ils lui ont tout acheté, les terres, les bâtiments, le cheptel. » Le prix du foncier a flambé : l’hectare est passé de 2.500 à 5.000 € en quelques années. « L’Andra paye, quel que soit le prix, donc ça en motive plus d’un ! » estime l’agriculteur.

Malgré les propositions alléchantes, il a décidé de garder sa ferme, « pour rester maître de la situation et ne pas casser [son] outil de travail ». Il a cependant dû débourser plusieurs centaines de milliers d’euros afin de racheter la moitié de ces terres qui étaient en location et convoitées par l’Andra. « C’est pour ça que je suis libre de parler, explique-t-il. La plupart des paysans louent une partie de leurs surfaces, ou sont sur des parcelles que l’Andra leur met à disposition via des baux précaires. » 

Les terres agricoles du plateau de Bure.
La carotte et le bâton. Pour « calmer le jeu et acheter le silence », comme le dit Jean-Pierre Simon, l’Andra dispose d’un patrimoine foncier important : 3.115 ha, d’après les chiffres fournis fin 2015 par l’Agence (2.270 ha en propriété directe et 845 ha mis en réserve par les Safer), alors que le projet Cigéo ne s’étendra, au maximum, que sur 650 ha. Cette réserve foncière permet à l’Andra de prévoir des compensations environnementales nécessaires lors de la réalisation du projet, mais aussi de « procéder à des échanges de parcelles » avec les agriculteurs. « C’est une sorte de jeu d’échecs qui permet à l’Andra de s’assurer la maîtrise de la zone d’implantation de Cigéo », décrit Jean-Pierre Simon. Cette stratégie, tout à fait légale, mène aussi à des redistributions de terres de la part de l’Andra, via des conventions d’occupation précaire et provisoire (Copp) : « Mais cette redistribution favorise en priorité ceux qui ont des casquettes : élus, syndicalistes, jeunes… tout ça pour tenir la population », note Jean-Pierre Simon.

    « Dans ces grands projets comme Cigéo, l’agriculture est toujours considérée comme la variable d’ajustement » 

Dans un rapport publié en 2016, le collectif d’opposants Terres de Bure n’hésite pas à parler d’un « harcèlement » : « Les négociations foncières de l’Andra sont menées depuis les dernières années par Emmanuel Hance, “responsable des activités humaines et de la biodiversité”. Les agriculteurs ayant eu affaire à lui préfèrent parler de harcèlement plutôt que de négociation à l’amiable. » Appels téléphoniques répétés et visites incessantes, allusion à la possibilité d’expropriation, démarchage individuel… « Beaucoup d’agriculteurs se retrouvent ainsi dans une position difficile, tiraillés entre l’envie de rester sur leurs terres et de résister à la poubelle, la résignation face à la peur des contrôles et des expropriations, et la recherche de leur intérêt économique individuel », écrivent-ils.

Résultat, la lutte paysanne à Bure est embryonnaire. « Nous avons peu d’adhérents en Meuse et Haute-Marne, ce n’est pas facile de mobiliser là-bas », constate Laurent Pinatel. C’est pourquoi la Confédération paysanne a décidé de mettre le paquet mardi 2 mai à Bar-le-Duc, lors de l’audience de M. Simon. Prises de parole, banquet paysan, rassemblement de soutien relayé au niveau national. « Dans ces grands projets comme Cigéo, l’agriculture est toujours considérée comme la variable d’ajustement, colère Laurent Pinatel. Les terres agricoles ne sont que des réservoirs fonciers, et il y a une négation de notre rôle et de notre activité économique, c’est humiliant. » Pour lui, ce qui se joue à travers l’affaire de M. Simon, c’est un projet de société : « L’agriculture paysanne ne peut s’épanouir dans une société hypernucléarisée, avec un dogme productiviste et techniciste. Le dogme du développement à tout prix touche à ses limites. »


La bétaillère saisie par les gendarmes aux abords du bois Lejuc.

À 57 ans, Jean-Pierre Simon se dit aujourd’hui à la fois « déterminé » à s’opposer et « pessimiste » pour la suite : « Bien sûr que j’assume tout ce que j’ai fait au bois Lejuc, dit-il. Je m’oppose depuis plus de vingt ans au nucléaire, parce que cette technologie opaque n’est pas bonne, mais aussi parce que Cigéo signe l’arrêt de mort de l’agriculture dans la zone. L’Andra est en train de créer un désert rural et agricole, en sacrifiant nos villages et nos terres. »


Jeudi 4 mai


Quelques nouvelles suite au procès d’hier d’un agriculteur accusé de complicité dans la première occupation du Bois Lejuc et de l’ambiance par là bas : la justice renonce à se prononcer pour le moment.
 
On relaie aussi un appel à dons lancés depuis là-bas pour les obsèques d’une copine qui passait sur les zad. on pense à elle ici aussi.


Infos du 8 au 14 mai

Jeudi 11 mai

Bure :


L’enquête publique sur le défrichage du Bois Lejuc se termine samedi. Pour leur écrire : ddt-se-foret@meuse.gouv.fr ou Direction Départementale des Territoires de la Meuse - Service Environnement - 14 rue Antoine Durenne CS 10501 - 55012 Bar le Duc CEDEX.

Meuse Nature Environnement propose à celleux qui n’ont pas le courage ou le temps de faire leur propre argumentaire de dire qu’illes ne veulent pas voir détruire cette forêt et que ce défrichement est clairement le début de Cigéo, projet démentiel qui n’a obtenu encore aucune autorisation. Alors pourquoi déjà autoriser le saccage de ce magnifique bois avec sa faune et sa flore qui abrite en plus des espèces protégées ?

Vendredi 12 mai

Ces ultimes terres agricoles qui résistent encore 

à la bétonisation du « grand Paris »



Ils cultivent du blé, du colza, du thym, vivent au rythme des saisons, se plient aux caprices de la nature. Mais leur horizon, c’est les avions, l’autoroute et Leroy-Merlin. Au nord-est de Paris, 700 hectares ont miraculeusement échappé à un demi-siècle de bétonisation. Dernier projet en date : EuropaCity. Ce gigantesque centre commercial et de loisirs signera-t-il la fin du grenier à blé parisien ? Le Collectif pour le Triangle de Gonesse refuse de s’y résoudre et organise le 21 mai un grand rassemblement à l’endroit où les travaux sont censés débuter dans quelques mois.

De larges balafres traversent le champ de blé sur plusieurs dizaines de mètres. Des traces de roues profondes laissées par un camion servant à faire des relevés géologiques. Le ballet des engins de chantiers a commencé début novembre sur les terres cultivées par Jacques Proix. « Oh l’chantier, oh là là… J’vais m’amuser pour reprendre ça au printemps ! » L’agriculteur de 58 ans n’était pas retourné sur cette parcelle depuis plusieurs jours. Casquette à rayures sur le crâne et veste polaire grande ouverte, il observe, incrédule, cette scène de désolation. Il sait pourtant qu’il n’est plus chez lui ici depuis cet avis d’expropriation trouvé dans sa boîte aux lettres il y a quelques mois. Maigre consolation, il pourra continuer à cultiver cette terre jusqu’au lancement des travaux. Alors, en cette fraîche matinée de février, cet homme placide et réservé laisse éclater sa colère. « Regardez ! Ils ont laissé du plastique partout, c’est dégueulasse ! »



    L’OVNI EuropaCity


Sur cette parcelle située au milieu du Triangle de Gonesse – 700 hectares de terres agricoles au nord-est de Paris –, une nouvelle gare de métro et de RER doit voir le jour. Pas n’importe laquelle : celle où est censée affluer, en 2024, une partie des 31 millions de visiteurs – deux fois plus que Disneyland Paris – attendus chaque année à EuropaCity. A la fois centre commercial et parc de loisirs, EuropaCity est un concept « unique au monde », s’enorgueillit son promoteur Immochan, filiale du groupe Auchan. Autour de cet espace aux allures futuristes graviteront un quartier d’affaires et des hôtels. Présenté comme un modèle d’architecture « écoresponsable », le projet de 3,1 milliards d’euros s’inscrit dans un vaste plan d’aménagement du Triangle de Gonesse porté par le Grand Paris. Un plan qui détruirait au total 280 hectares de terres parmi les plus fertiles d’Ile-de-France.



Immochan assure vouloir « concilier projet urbain et agricole ». Une « ferme urbaine » de 7 hectares est prévue. Et un « carré agricole » de 400 hectares formant la partie nord du Triangle de Gonesse doit également être sanctuarisé. C’est-à-dire réservé à l’agriculture pour les trente années à venir. De la poudre aux yeux, selon Jacques Proix. « La ferme urbaine ? C’est le cirque ! », lâche-t-il d’un ton sarcastique. « Il va y avoir des rambardes, tu vas être au milieu et on va te regarder travailler. Moi, je ne suis pas un clown ! » Quant au carré agricole sur lequel l’agriculteur possède également des parcelles, « il appartient en bonne partie à Axa. Ils peuvent nous dire de partir à tout moment ».  


Jacques Proix ne possède que 10% des terres qu’il cultive. Le temps des paysans-propriétaires est bel et bien révolu. « Mon père avait plus de 80 hectares et mon grand-père une bonne centaine. Moi, j’en ai 45, dont une vingtaine en précaire. Ça veut dire que je n’ai aucun droit dessus car j’ai été exproprié. » Dans la maison familiale, Jacques Proix ouvre la porte d’un petit bureau éclairé par une lumière blafarde. « Là, il n’y a que des papiers d’expropriation », lance-t-il en montrant une pile de documents jaunis haute de 50 centimètres. « Je passe devant les tribunaux au moins deux ou trois fois par an », explique-t-il. En jeu : le prix de la terre et du patrimoine familial. « Je vais perdre 2,4 hectares cette année. On me les paye à un prix inférieur au prix auquel je les ai achetés il y a 10 ans », peste l’homme, fataliste. Avant de se reprendre : « Si j’étais aigri à chaque fois que suis exproprié, je ne vivrais plus ! »

EuropaCity n’est que le prolongement d’un phénomène d’urbanisation vieux comme le béton. Mais ce projet aux dimensions inédites interpelle aussi par le choix du site : Gonesse et ses environs sont déjà saturés en centres commerciaux.
Vidéo © Service reproduction/documentation d’Europa City :


Coincé entre les aéroport du Bourget et de Roissy et l’autoroute A1, le Triangle de Gonesse a contribué à faire du Val d’Oise le grenier à blé de la région parisienne. « Déjà sous l’Ancien Régime, Gonesse produisait le pain pour Paris », rappelle Jacques Proix, entre fierté et nostalgie. Aujourd’hui, ce sol calcaire très riche en limon constitue la dernière grande réserve de terres arables de la région parisienne. Cet espace tant convoité est devenu, avec Notre-Dame-des-Landes, l’un des symboles d’une France agricole grignotée par l’urbanisation incontrôlée. Routes, parkings, aéroports, centres commerciaux, zones industrielles, quartiers résidentiels…



Dans l’Hexagone, l’équivalent d’un département comme l’Aube disparaît sous le béton tous les dix ans. Soit vingt mètres carrés par seconde. Une destruction silencieuse encouragée par l’État et les collectivités locales au nom du développement territorial et de l’emploi.

    L’expropriation au quotidien


Ce mercredi 8 février, c’est jour de récolte. D’un geste sûr, Jacques Proix rassemble les touffes de thym, les coupe à la base et en fait des petite bottes. « Vingt-cinq centimes l’unité. Quand je suis courageux, j’en fais 1 500 par jour. A la fin de la journée, on a mal partout ! » Métier pénible ? Sans doute. Mais le Gonessien préférerait mille fois continuer à se briser les reins que de perdre cette terre qui lui rappelle tant de souvenirs. « Quand j’avais dix ans, je venais déjà ici avec mon grand-père. On semait avec les chevaux ». Il est désormais le dernier cultivateur de thym et de légumes à Gonesse. « Dans la famille, on est maraîchers de père en fils depuis quatre générations », précise-t-il. Au fil des années, l’homme au visage buriné et aux ongles noircis a vu le domaine familial progressivement raboté par l’urbanisation : « La ville a totalement grignoté ces terres de marais spécifiques à la culture légumière. »



A la fois céréalier et maraîcher, Jacques Proix multiplie les aller-retour entre le Triangle de Gonesse, le bourg et les communes alentour. Dans le centre-ville de Gonesse, il ne lui reste plus qu’un bout de terrain d’1,8 hectare cerné par Leroy-Merlin, KFC et La Pataterie. Un joyau aujourd’hui en sursis. « L’expropriation est imminente », prévient-il d’une voix blanche. Cette fois-ci, EuropaCity n’est pas en cause. Le fossoyeur s’appelle le Syndicat intercommunal de l’assainissement. Il veut creuser sur ce champ de thym des bassins de retenue anti-inondation devenus nécessaires en raison de l’urbanisation rampante. Car quand la terre disparait, l’eau n’est plus absorbée. « Que ce soit EuropaCity ou des bassins de retenue d’eau, c’est le développement de la ville qui fait qu’on perd des terres », constate Jacques Proix. En attendant l’heure de la retraite, il doit s’habituer à la précarité.



Maraîchers, arboriculteurs, céréaliers. Ici personne n’échappe à l’incertitude causée par les expropriations en cascade. A peine remis d’une récolte 2016 calamiteuse, Jean-Louis Griset prépare son tracteur et son pulvérisateur avant l’arrivée des beaux jours.

Cet homme de 42 ans est à la tête d’une exploitation de 155 hectares héritée de son père et de son oncle. Il connait bien Jacques Proix, de seize ans son aîné. Ils ont la même avocate. Producteurs de blé, maïs et colza originaires de Sarcelles, les Griset ont réussi à conserver leur surface agricole. Il y a trente ans, voyant l’étau urbain se resserrer autour de Sarcelles et de Gonesse, ils ont acheté plusieurs dizaines d’hectares dans la Somme. Là où les betteraves et les pommes de terres poussent plus vite que le béton.

    « On est face à un rouleau compresseur »


Un pied à Gonesse, l’autre dans les Hauts-de-France : le modèle fait de plus en plus recette chez les agriculteurs franciliens. « Ensuite, j’ai pu m’agrandir en reprenant les terres de plusieurs collègues », explique Jean-Louis Griset. Mais ce bel édifice ne résistera pas aux projets du Grand Paris. « Dans les dix prochaines années, affirme-t-il, je vais perdre 50 hectares. Un tiers de ma surface totale. » En cause, l’aménagement du Triangle de Gonesse, dont EuropaCity est la tête de pont. Sur ce sujet, l’homme est intarissable. Il ne comprend pas qu’on puisse déclarer d’utilité publique un projet privé de cette ampleur. « Pour un hôpital ou un stade, je veux bien l’entendre, mais pour un supermarché, ça me parait un petit peu scandaleux, assène-t-il. L’objectif des expropriants, c’est d’acquérir le foncier à moindre coût. » Sur le Triangle de Gonesse, les agriculteurs ne recevront qu’un euro d’indemnisation par mètre carré. Cinq euros s’ils sont propriétaires. « C’est de la spoliation ! », dénonce le céréalier.

« On est face à un rouleau-compresseur », renchérit son oncle. Plus loquace encore que son neveu, Claude Griset est resté très proche de lui. « Je viens dès qu’il a besoin de moi », confirme l’homme de 73 ans à la carrure imposante, mélange de gravité et de jovialité. Ancien responsable syndical à la Chambre d’agriculture, il aime évoquer la vie de ses ancêtres paysans. « Ici, au début de l’agriculture moderne, il y avait des fermes imposantes. Et autour de ces fermes, plusieurs centaines d’hectares de terres. Donc énormément de personnel à loger. Et énormément d’animaux à nourrir et à entretenir. » Pour le retraité né à Sarcelles, l’agonie de l’agriculture dans le bassin parisien est un crève-cœur.


    Une résistance en rangs dispersés


Si la bétonisation du Triangle de Gonesse suscite la colère des gardiens de la terre, la résistance s’organise en grande partie sans eux. Les défenseurs d’une agriculture biologique et de proximité sont majoritaires au sein du Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG), principal mouvement d’opposition à EuropaCity. Mais ils sont très minoritaires parmi les cultivateurs de la région, céréaliers à plus de 90%. « En Ile-de-France, c’est aux citoyens de se mettre en première ligne pour défendre les espaces agricole », tranche Bernard Loup, président du CPTG. Soucieux de renforcer le front de résistance, ce professeur de mathématiques à la retraite tente de rassembler ses troupes. Son ambition : « Faire échouer EuropaCity » afin que « ces espaces menacés puissent un jour être de nouveau destinés à des cultures maraîchères ou à de l’arboriculture. »


L’enjeu agricole d’un des plus grands projets d’aménagement urbain de France semble également échapper à la population résidant autour du Triangle de Gonesse. Habitante de la commune voisine de Deuil-la-Barre, Sophie Charconnet est l’une des rares à avoir participé activement au débat public qui s’est déroulé l’an dernier entre mars et juillet. « Il faut absolument empêcher EuropaCity » de voir le jour, estime cette citoyenne engagée qui aimerait ouvrir une épicerie bio. Son leitmotiv : l’autonomie alimentaire. Aujourd’hui, « on doit presque aller à Rungis pour trouver une salade », regrette-t-elle. Un comble, en effet, pour une région qui a vu des générations de paysans cultiver du cresson, de la laitue et du persil. « Si EuropaCity voyait le jour, ce serait un point de non retour, estime-t-elle. Ces terres doivent rester agricoles. » Mais si le projet du groupe Auchan tombait à l’eau, la route de la reconquête serait encore longue.


    La fin d’un monde


La lutte est inégale entre, d’un côté, les derniers descendants des maraichers franciliens, et de l’autre, les promoteurs immobiliers soutenus par l’État et les collectivités locales. Le 21 septembre dernier, le préfet du Val d’Oise a validé la création de la ZAC (zone d’aménagement concerté) du Triangle de Gonesse. Une étape clé pour l’avenir d’EuropaCity. « L’un des plus importants projets d’aménagement de France va pouvoir démarrer », se félicitait quelques jours plus tard l’Établissement public d’aménagement Plaine de France. Mais les opposants n’ont pas l’intention de regarder le ballet des bulldozers les bras croisés. Ils organisent le 21 mai un grand rassemblement sur le site du projet.

Jacques Proix, lui, reste perplexe face à la créativité des planteurs de béton. «  Je ne sais pas ce qu’il faut faire... Pour eux, la terre ce n’est que du foncier. Moi, c’est toute ma vie ». Le regard vide, il peine à trouver ses mots. « Je me demande comment il y a des mecs qui peuvent penser des trucs comme ça », finit-il par lâcher. Lui, le « dinosaure » qui « travaille comme il y a cinquante ans » n’est pas vraiment en phase avec l’idée de progrès et de développement que sous-tendent tous ces grands projets. Après plus d’un demi-siècle passé à entendre les Boeing et les Airbus se croiser au-dessus de sa tête, il a des envies d’évasion. Son horizon, aujourd’hui, c’est la retraite et sa petite maison à la campagne. En Normandie. Loin de Gonesse, de Roissy et de ses avions.

Samy Archimède - Photos et vidéos Ian Dalipagic et Jérôme Fourcade - Bastamag


Infos du 15 au 21 mai

Jeudi 18 mai

À Bure, un vote décisif ce soir dans la bataille contre les déchets nucléaires



Les conseillers municipaux de Mandre-en-Barrois, dans la Meuse, doivent voter ce jeudi la cession ou non du bois Lejuc à l’Andra, l’agence chargée de mettre en place la poubelle nucléaire Cigéo. Ce vote, capital pour l’avenir du projet.

Ce jeudi 18 mai autour de 18 h, sous l’œil des journalistes et la surveillance de la gendarmerie, les onze conseillers municipaux du village de Mandres-en-Barrois (Meuse) devront se prononcer sur l’avenir du projet d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo. Rien de moins. À la demande du maire de la commune, Xavier Levet, les élus devront voter afin de valider la cession du bois Lejuc à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Sans cette délibération cruciale, l’Andra ne pourra pas entrer en possession de ce bois stratégique, dans lequel elle prévoit d’implanter les puits d’accès et d’aération de la poubelle nucléaire.

Ce conseil municipal n’est qu’une énième péripétie d’une longue série qui voit s’affronter l’Agence aux opposants à Cigéo. Si vous les avez ratées, voici les principaux épisodes :
  • le 13 janvier 2013, les habitants de Mandres-en-Barrois ont exprimé leur opposition à la cession du bois communal à 50 voix contre 35, lors d’une première consultation populaire ;

  • le 2 juillet 2015, le conseil municipal a voté à 7 voix contre 4 la cession de la forêt, dans des conditions jugées irrégulières par plusieurs habitants, qui ont porté plainte pour contester cette décision ;

  • le 28 juin 2016, les opposants au projet Cigéo ont occupé le bois Lejuc afin de bloquer les défrichements lancés par l’Andra de manière illégale. Depuis cette date, ils ont construit des cabanes et monté des barricades. Ils seraient actuellement plusieurs dizaines à vivre au quotidien dans la forêt ;

  • le 28 février 2017, le tribunal administratif de Nancy leur a donné raison, en annulant la délibération municipale en raison d’irrégularités dans le déroulement du scrutin. Une décision de justice contestée par l’Agence nationale des déchets radioactifs. Dans un communiqué du 28 avril, elle a rappelé qu’elle reste « propriétaire des lieux ». Les juges ont donné quatre mois à la commune pour revoter, faute de quoi le bois redeviendra communal.

    « L’Andra s’est installée en Meuse grâce à l’achat des consciences » 


L’enjeu du conseil municipal de ce jeudi 18 mai est donc de taille. Et rien ne semble joué. « Nous sommes certains que quatre élus voteront contre la cession, mais d’autres pourraient suivre, ou s’abstenir », estime Michel Labat, un habitant de Mandres et farouche opposant. Mais pour lui, quelle que soit l’issue du scrutin, « il n’est pas question de céder face à l’Andra ». Avec deux autres habitants, il a décidé de porter plainte pour faux et usage de faux contre le maire.

En cause, le contrat d’échange signé entre la mairie et l’Andra le 6 janvier 2016 devant notaire. « Le maire y déclarait que la délibération du conseil municipal n’avait pas fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif. Or, un tel recours avait été déposé moins de trois semaines auparavant et lui avait été notifié par voie d’huissier, le maire ne pouvait pas l’ignorer », explique Me Samuel Delalande, l’un des avocats des habitants.



Un détail qui n’en est pas un puisque « le notaire aurait pu refuser de valider le contrat d’échange s’il avait eu connaissance de ces recours ». Et le bois ne serait pas devenu propriété de l’Andra.

Avec cette nouvelle plainte, Michel Labat espère montrer que « certains de nos élus, dont notre maire, sont irresponsables ». Car au-delà du cas symbolique du maire, les opposants dénoncent des situations récurrentes de conflits d’intérêts entre l’Andra et plusieurs conseillers. Depuis la Maison des résistances de Bure, Sylvestre [un nom d’emprunt] pointe « une série de petites magouilles pour réaliser un grand projet inutile et imposé ». Certains, comme le maire, ont des proches employés par l’Andra. D’autres bénéficient de baux de chasse accordés par l’Agence. D’autres encore ont obtenu des terres agricoles via des redistributions foncières orchestrées par l’Andra et la Safer.

« L’Andra s’est installée en Meuse grâce à l’achat des consciences », estime Sylvestre. Le Groupement d’intérêt public (GIP), qui distribue chaque année 60 millions d’euros de subventions aux départements de la Meuse et de la Haute-Marne, a ainsi largement participé à l’acceptabilité sociale du projet. « C’est une politique insidieuse : plutôt que de passer en force ou d’assumer ses responsabilités, l’État préfère développer un système clientéliste, et pousse les habitants à participer à la destruction de leur propre territoire », s’indigne l’opposant. Pourtant, ça et là dans les environs, des voix s’élèvent pour contester Cigéo : mi-mai, les habitants de Doulaincourt (Haute-Marne) se sont prononcés à 90 % contre la nucléarisation de leur territoire. « Cette délibération montre bien comment l’État fait reposer sur les épaules de onze élus d’une commune rurale le choix d’un projet démesuré », poursuit Sylvestre.

    « Nous vivons sous occupation policière, c’est insupportable et démesuré pour un village de 120 habitants ! » 

À Mandres-en-Barrois, où les trottoirs ont été refaits et où les lampadaires paraissent flambants neufs grâce au GIP, Michel Labat constate tous les jours les résultats de cette politique : « Le fatalisme prédomine, les gens se disent qu’on n’y peut rien, qu’il faut bien mettre les déchets quelque part, que ce n’est pas si terrible. » Même si, depuis quelques semaines, le bal incessant des camions de gendarmerie et les contrôles d’identité récurrents ont réveillé le ras-le-bol des citoyens. « On peut être contrôlé trois fois en moins d’une demi-heure, nous vivons sous occupation policière, c’est insupportable et démesuré pour un village de 120 habitants ! » s’emporte M. Labat.


Alors, pour échapper à l’ambiance tendue dans sa commune, il se réfugie régulièrement dans le bois Lejuc. « Cela me fait plaisir de voir ces jeunes vivre dans les arbres, il faut du courage pour tenir la forêt. » Dans une lettre publique, il apporte avec d’autres habitants des environs son soutien à l’occupation illégale du bois : « Nous réaffirmons notre totale solidarité face à la défense légitime de cette forêt que nous aimons, dans laquelle nous nous promenons, nous chassons et nous faisons notre affouage. Cette forêt regorge de souvenirs, elle est le dernier de nos espaces communs et nous ne voulons pas la voir se transformer en dépotoir radioactif. Ce bois n’est pas à l’Andra, c’est notre bois communal ! »

Les occupants du bois vivent sous la menace d’une expulsion depuis le 26 avril dernier. Mais ils n’entendent pas se laisser intimider, et multiplient les actions : défilé de « l’Andrastik Circus » dans les rues de Mandres, manifestation des 300.000 pas ce samedi 20 mai à Saint-Dizier, chantiers collectifs du 19 au 26 juin.

Une détermination partagée par certains habitants de Mandres, qui le rappellent dans leur communiqué : « Nous continuerons de résister face à l’injustice, à l’achat des consciences et des élus, et l’accaparement de notre territoire par l’Andra. Si l’État décide d’expulser notre forêt, c’est le village de Mandres-en-Barrois qu’elle expulse. Nous ne resterons pas les bras croisés ! »


Vendredi 19 mai

Vote tendu à Mandres-en-Barrois pour abandonner un bois aux déchets nucléaires



Jeudi 18 mai, le village de Mandres-en-Barrois, dans la Meuse, était en ébullition : sous forte présence de gendarmes, le conseil municipal a voté, à une voix près, la cession du bois Lejuc à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

 Mandres-en-Barrois (Meuse), reportage

Après une semaine émaillée par différentes manifestations sur place, il y avait bien jeudi soir 18 mai plus de gendarmes mobiles dans les rues de Mandres que d’habitants du village. Des barrages aux différentes extrémités, empêchant tout le monde de circuler, y compris les paysans, des grilles bloquant l’accès des ruelles, des nuages de gaz lacrymogènes et du sang lors des charges : voilà pour le décor de ce qui s’est joué lors du nouveau vote de cession du bois Lejuc, en réunion publique.

Les conseillers municipaux avaient en effet été invités par le maire à redonner leur avis sur cette forêt où l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) veut implanter des puits d’accès vers les galeries où s’entasseraient des déchets nucléaires. Un pique-nique festif avait réuni 150 personnes à une centaine de mètres de la mairie, bien gardée pour l’occasion. Plusieurs moments de tension ont émaillé la journée, d’abord lorsque les opposants ont tenté de franchir certains barrages, en dénonçant « une démocratie sous surveillance policière ». Vers 19 h 30, alors qu’un hommage était rendu au militant parisien Jean-Pierre Petit récemment décédé, et dont l’enterrement avait lieu le jour même, le mégaphone de la gendarmerie a résonné, provoquant la colère des manifestants. « Vous ne respectez rien ! », ont crié les opposants, avant de faire quelques pas puis de se faire charger violemment par les forces de l’ordre.



Quelques minutes plus tard, les élus réussissaient à franchir les obstacles pour rejoindre la mairie, sous les huées. « On ne fera rentrer que 42 personnes, pas plus », prévenait Xavier Levet, le premier magistrat, avant de faire le décompte. Dans une salle des délibérations remplie de journalistes, d’élus locaux proches de l’Andra, et d’habitants du secteur, la réunion a pu débuter. « Pensez à nos enfants, à vos enfants », « Vous allez engager des milliers de générations sur votre décision de ce soir », « Tous les projets d’enfouissement se sont soldés par des catastrophes », « C’est complètement déloyal de faire peser sur onze personnes un tel engagement », « Ton père n’aurait pas aimé que tu vendes ta terre et ta forêt comme ça » : le public a su mettre la pression aux conseillers, et les placer face à leurs responsabilités. Et a rappelé également la consultation de 2013, qui n’avait pas été écoutée par le maire.

Ce dernier s’est défendu : « Les termes de l’échange n’étaient pas les mêmes, et les bois qu’on récupérerait ne sont pas les mêmes ! » Après le rappel de l’annulation de la délibération par le tribunal administratif de Nancy, le vote à bulletin secret a été demandé, dans un isoloir. « Et les personnes qui ont des liens avec l’Andra, interpelle un assistant, comme par exemple leurs enfants qui travaillent là-bas, vont voter ? Une nouvelle procédure judiciaire est en cours et pointe les conflits d’intérêt, donc ce vous faites aujourd’hui sera de nouveau déclaré illégal. »

La pression n’est pas redescendue durant les quarante minutes qu’a duré la séance. Et les quelques blagues de certains élus, comme certaines de leurs remarques, ne sont pas passées. Il fallait voir cet homme expliquer qu’« on n’a pas le choix » pour prendre la mesure de ce qui pesait sur ses épaules au moment de voter.

Par six voix pour et cinq contre, la cession du bois Lejuc contre un autre bois a de nouveau été validée, après un suspense intenable. « Il faut féliciter ceux qui ont eu le courage de dire non », ont commenté les spectateurs, avant de réserver une haie de « déshonneur » aux conseillers municipaux de Mandres.
Juste devant la mairie, plusieurs habitants étaient venus dire leur façon de penser à ceux « qui sacrifient notre village. Vous avez divisé, et ce n’est qu’un début. Le climat va continuer à se tendre ici ». Xavier Levet a quant à lui listé les « intimidations » dont il aurait été victime ces derniers jours, avant de partir sous bonne escorte.

En soirée, plusieurs charges de la gendarmerie, souhaitant disperser les opposants, se sont terminées par des nuages de gaz lacrymogènes étouffants. Et les manifestants ont été aidés par les habitants. « C’est devenu irrespirable ici », commentait une dame, native de la commune, avant de rentrer chez elle et de fermer ses volets.

« Le premier grand événement environnemental du nouveau gouvernement s’est donc conclu par l’envahissement d’un tout petit village par des dizaines de gendarmes », selon un opposant à l’enfouissement des déchets radioactifs.



Samedi 20 mai

Plutôt que le béton à Gonesse, une belle alternative est possible


Les opposants au projet de mégacomplexe commercial EuropaCity, dans le Val-d’Oise, portent une alternative ambitieuse : faire du triangle de Gonesse un pôle d’excellence de l’agroécologie périurbaine. En guise de « première pierre » de leur projet, ils organisent ce dimanche 21 mai des semis collectifs dans les champs de Gonesse.

« Nous ne pouvons pas seulement nous opposer, il faut proposer : porter une alternative fait partie de la résistance. » Attablé dans un café du sud parisien, Cyril de Koning revient sur la genèse du groupement Carma (Coopération pour une ambition rurale métropolitaine et agricole), qui a conçu un projet alternatif à EuropaCity, le mégacomplexe touristico-commercial aux portes de Paris, dans le triangle de Gonesse (Val-d’Oise).

Pourtant, pas question aujourd’hui de disserter sur les méfaits sociaux et écologiques du projet d’Auchan. « Pour le moment, EuropaCity n’existe que sur le papier, ce sont des images de synthèse et un modèle économique, rien de plus », balaie Robert Spizzichino, pilote du projet Carma et ingénieur-urbaniste chevronné. Il préfère se tourner vers un autre avenir possible. « La persistance de terres agricoles au nord de la métropole est une opportunité immense. Il faut non seulement les préserver, mais aussi se saisir de cette chance : faire du triangle de Gonesse un hub de l’agriculture périurbaine, un technopôle de l’agroécologie », s’enthousiasme-t-il.

En gestation dans la tête des opposants à EuropaCity depuis le début, le projet Carma s’est cristallisé fin 2016, en réponse à l’appel à projets « Inventons la métropole du Grand Paris », qui proposait sur certains terrains métropolitains — dont 15 hectares du triangle de Gonesse — d’imaginer des innovations urbanistiques.

    « La demande pour une alimentation de proximité n’a jamais été aussi grande » 

Pour porter ce « projet phare consacré à l’agriculture urbaine et périurbaine et aux territoires en transitions », Robert Spizzichino, Cyril de Koning et d’autres ont fait appel à Terre de liens Ile-de-France, qui devient le maître d’ouvrage. Biocoop, France nature environnement, Fermes d’avenir, Les Champs des possibles, le réseau Amap se sont greffés à l’initiative. Résultat, Carma regroupe aujourd’hui tout ce que la région compte comme acteurs de l’agriculture et du développement rural.

Sur le papier, Carma ne manque ni d’ambition ni d’innovation. Sur les 700 ha du triangle, il prévoit — outre des cultures céréalières bio — une ferme maraîchère solidaire « permettant d’alimenter les cantines scolaires, les banques alimentaires et des circuits courts », un « Farm Lab » pour former à différents métiers agricoles, un centre d’échanges autour des enjeux de sécurité alimentaire, un atelier artisanal et participatif de transformation (conserves, boissons), un espace santé lié à l’alimentation et à la naturopathie, un forum permanent des arts de vivre, des écovillages en bordure des champs.


« Nous nous inscrivons en faux contre la vision prédominante selon laquelle les espaces agricoles sont des espaces vides, insiste Robert Spizzichino. Aujourd’hui, le rural est une source d’inspiration pour les urbains. » « L’Ile-de-France perd 1.400 hectares de terres agricoles par an, et ce depuis 10 ans, alors que la demande locale pour une alimentation de proximité n’a jamais été aussi grande », rappelle également leur dossier d’intention.

Côté viabilité économique, les promoteurs mettent en avant un mix de financement participatif, de mécénat et de subventions, tout en indiquant que certains « modules » du projet devraient « trouver leur équilibre d’exploitation du fait de leur activité, par exemple l’atelier artisanal ».

    « Y’a-t-il eu un veto politique du maire de Gonesse ? » 

Mais ce « projet béton » est écarté début mars 2017 par le jury de l’appel à projets, qui leur indique toutefois que leur initiative est « excellente », et « intéressante à réaliser ». « Y’a-t-il eu un veto politique du maire de Gonesse, ardent défenseur d’EuropaCity, pour écarter Carma ? » s’interroge Robert Spizzichino. Le projet fait en revanche partie des trois nominés du Grand Prix Convergences, qui récompense « les partenariats innovants pour la réduction de la pauvreté à travers des projets innovants et viables ».

Sur place, dans le Val-d’Oise et la Seine-Saint-Denis, « plus on parle de Carma, plus les gens estiment qu’il est nécessaire, note Cyril de Koning. EuropaCity a séduit avant tout grâce à l’argument de l’emploi, or les gens déchantent car ils se rendent compte que les chiffres avancés [11.800 emplois à l’origine] sont exagérés, que ces postes sont précaires, dégradés, ou inaccessibles pour les populations locales. » Que propose Carma pour répondre au problème du chômage et de l’inégalité ? « Nous nous gardons bien d’avancer des chiffres, car notre projet est un projet de territoire, qui vise à impulser une dynamique de transition écologique, avance Robert Spizzichino. Mais les emplois créés, dans l’agriculture, les commerces de proximité, le compostage, la santé, l’écoconstruction seront durables, utiles et adaptés aux besoins locaux. » Le dispositif de formation et d’aide aux porteurs de projets agricoles fait ainsi partie intégrante de Carma.


« Le défi est immense, reconnaît Cyril de Koning. Le modèle de développement à Gonesse a toujours été celui de l’étalement urbain et commercial. Et c’est justement pour ça qu’il est vital de tester un autre modèle ! » Mais comment transformer cette ébauche utopiste en une alternative crédible au géant EuropaCity ? Les promoteurs de Carma veulent y croire, et comptent bien interpeller Nicolas Hulot, le nouveau ministre de l’Écologie, à ce sujet. Il est certain que le vent de l’urbanisation galopante commence à tourner. De nombreuses métropoles, d’Ottawa à Milan en passant par Détroit, développent des projets similaires — ceinture verte, jardins collectifs : « environ 800 millions de personnes pratiqueraient l’agriculture urbaine dans le monde, qui produirait ainsi 15 % des denrées alimentaires mondiales », indique le dossier du groupement.

Le projet Carma pour le triangle de Gonesse :


Se réapproprier les terres nourricières, gagner en autonomie alimentaire, énergétique. Pour marquer leur « indignation » face à la destruction programmée des surfaces agricoles du triangle, les opposants organisent ce dimanche 21 mai des semis collectifs dans les champs de Gonesse. De 10 h à 18 h, plantations collectives, bal paysan et manifestation devraient marquer une nouvelle étape dans la mobilisation contre EuropaCity : une étape tournée vers un autre avenir possible pour ce territoire.



EuropaCity: les nouveaux visages d’une mobilisation


Si la notion de transition écologique et solidaire mise en avant par le ministre d'État Nicolas Hulot a un sens, c’est ici qu’elle doit s’éprouver : sur le triangle de Gonesse, territoire déshérité de la banlieue nord de Paris, où Immochan veut construire un méga centre commercial sur des terres agricoles. Une manifestation a lieu dimanche 21 mai.

Du vert, du rouge, du jaune, du violet, du bleu et du blanc. La cacophonie chromatique dans la bande de logos au bas de l’appel à manifester contre le projet EuropaCity, dimanche 21 mai, porte un sens politique : l’élargissement du front de mobilisation contre l’énorme centre commercial qu’Immochan, la filiale immobilière du groupe Auchan, veut construire dans le triangle de Gonesse (Val-d'Oise), entre les aéroports de Roissy et du Bourget.

Autour des opposants de longue date, le Collectif pour le triangle de Gonesse (CPTG), qui refuse le bétonnage des 80 hectares de terres agricoles convoitées par EuropaCity, s’agrègent désormais des agriculteurs de la Confédération paysanne et du réseau d’Amap d’Île-de-France, leurs abonnés, la chaîne de magasins Biocoop, la Confédération des commerçants de France, les architectes et urbanistes de l’Atelier citoyen, des opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA), les ONG écolos France nature environnement et les Amis de la terre.

La CGT Île-de-France a pris position contre le projet et la chambre d’agriculture régionale s’oppose à la destruction programmée de ces sols. Bernard Loup, le coprésident du CPTG, a été reçu avec une délégation par Chantal Jouanno, deuxième vice-présidente UDI de la région Île-de-France. Des visages et des banderoles que l’on n’a pas l’habitude de voir côte à côte.

Le débat public sur EuropaCity s’était ouvert en avril 2016 par une séance cruelle pour les écologistes : des jeunes de Gonesse avaient manifesté leur intérêt pour le projet, ses 3 milliards d’euros d’investissements et ses emplois promis. Tandis que les voix critiques provenaient essentiellement de retraités, n’habitant pas toujours le territoire (voir notre reportage). S’écoulant sur plusieurs mois dans plusieurs communes du Val-d’Oise, de la Seine-Saint-Denis et un soir à Paris, la concertation a permis la publication de cahiers d’acteurs critiques du projet. Petit à petit, les uns et les autres se rencontrent. Face au rouleau compresseur narratif d’EuropaCity et à la pluie d’argent que le géant de la grande distribution promet sur ce coin précarisé de l’Île-de-France, la mise en cause de l’utilité du futur centre commercial ne suffit pas. Il faut une alternative.

Parallèlement aux recours juridiques, des opposants se constituent en groupement pour répondre à l’appel à projet Inventons la métropole du Grand Paris. Il prend le nom de CARMA (Coopération pour une ambition rurale métropolitaine et agricole). Il propose de transformer le triangle de Gonesse, soit près de 700 hectares en tout – EuropaCity n’occupe qu’une partie du vaste plan d’aménagement envisagé autour d’une ZAC dédiée –, en hub de l’agriculture périurbaine. Avec une ferme maraîchère solidaire, un farm lab, un centre d’échanges sur la sécurité alimentaire, une couveuse et de la formation pour le développement de l’emploi local.

L’idée est aussi d’inciter les quelques agriculteurs encore en activité sur place à réduire leur monoculture céréalière pour passer à du maraîchage bio, sans pesticide ni engrais.
Le projet est piloté par Robert Spizzichino, un ingénieur urbaniste, avec l’appui financier de MiiMOSA, la plateforme de financement participatif associée au Crédit agricole. La maîtrise d’ouvrage du projet est confiée à Terre de Liens, qui aide des paysan.nes à accéder aux terres agricoles, notamment en achetant des terres. « Nous voulons agir pour avoir plus de terres nourricières et utiles localement, explique Anne Gellé, administratrice de l’association. Quel est l’intérêt de prendre des terres agricoles pour y construire des bureaux et des routes ?, demande-t-elle. C’est un modèle vieillot, alors que nous vivons à l’époque du changement climatique et que l’autonomie alimentaire de la région francilienne est beaucoup trop faible. Se nourrir, c’est important ! »

Pour ces professionnels de la transition écologique et des alternatives, le triangle de Gonesse devient un enjeu symbolique très fort. Il est situé dans une zone urbanisée, près de villes frappées par un fort taux de chômage et de pauvreté, encore sous le choc de la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay. L’ancien site automobile est aujourd’hui une friche polluée en cours de vente à la découpe. « Notre projet répond aux enjeux d’aujourd’hui : pourquoi ne pas proposer des emplois qualitatifs, fiables, locaux et utiles ? », insiste Anne Gellé.
Selon un expert impliqué dans Carma, qui requiert l’anonymat pour ne pas se brouiller avec les acteurs institutionnels du dossier, « le grand Roissy est l’un des territoires de l’aire urbaine qui produit le plus d’emplois mais ils ne vont pas aux populations en difficulté. Pourquoi ? Ils sont très durs, précaires et mal payés. Et la gouvernance économique entre organismes publics et acteurs privés est mauvaise. Notre principal atout est d’élargir la gamme des métiers non qualifiés offerts aux habitants ».

Pour les acteurs de Carma, la transition écologique implique des formes d’agriculture et des exigences de santé alimentaire qui vont nécessiter de nouveaux emplois. « Ce projet est nécessaire au Grand Paris. Tout le monde se rend compte qu’on consomme trop de terres et que l’insécurité alimentaire s’aggrave. On a besoin de protéger les terres agricoles d’Île-de-France, comme le tentent aujourd’hui les grandes métropoles internationales : Barcelone, Milan, Turin, Aarhus, Montréal », poursuit le spécialiste.

Contre le bétonnage des sols qui fait disparaître en France l’équivalent d’un département tous les dix ans environ, Carma défend l’idée d’un « étalement rural ». Pour Ivan Fouquet, architecte au sein de l’agence Fair et cheville ouvrière de l’atelier citoyen contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, impliqué lui aussi dans Carma : « La métropole parisienne est hyper étalée. Le triangle de Gonesse a échappé à l’urbanisation puisqu’il est pris entre les aéroports de Roissy et du Bourget. C’est aberrant de vouloir y construire des commerces et des bureaux ! Il faut densifier plutôt qu’urbaniser et préserver les terres agricoles. On peut sensibiliser les jeunes de banlieue à l’importance du respect de la terre et de l’alimentation. »
Selon une première estimation, l’investissement total du projet défendu par Carma pourrait représenter 15 millions d’euros, en incluant une unité de méthanisation et de compostage.

Mais face à cette innovation sociale, les résistances institutionnelles s'affirment. Le dossier n’a pas été retenu par le Grand Paris. Les projets d’Eiffage, LinkCity (Bouygues Immobilier) et Bopro (une agence belge) sont sortis vainqueurs de la présélection. Une fois de plus, les géants du BTP balaient une alternative citoyenne. Mais Carma est distingué par le prix Convergence, spécialisé en économie sociale et solidaire, qui sera remis début juin. Quelques élus locaux opposés à EuropaCity s’y intéressent.

En 2014, une manifestation contre EuropaCity, inscrite dans le mouvement pourtant dynamique des Alternatiba, avait réuni très peu de monde. Difficile de mobiliser des riverain.es éloigné.es du militantisme et d'attirer les Parisien.nes au-delà de la barrière du périphérique.

L’entrée de Nicolas Hulot au gouvernement motivera-t-elle plus de personnes à venir planter des courges et des céréales – offertes par des paysans du plateau du Larzac – et à marcher contre EuropaCity ce dimanche ? Si la notion de transition écologique et solidaire a un sens, c’est sur le triangle de Gonesse qu’elle doit s’éprouver.

Jade Lindgaard - Médiapart


Infos du 22 au 28 mai

Lundi 22 mai

Contre les grands projets  « Urbanistes, aménageurs, pendez-vous ! »

La gentrification et le bétonnage sont en marche, mais la mobilisation s’enracine contre Europacity et son monde délirant.

A Bure, les arbres s’agitent apres la validation de la vente du bois Lejuc à l’Andra. Soutien et solidarité avec la résistance sur place ! Une version de la presse quotidienne régionale ici.


Les nucléocrates de tout poil se sentent pousser des ailes, après la pose d’une enseigne de leur bizness à la tête du gouvernement, sous la forme d’ un lobyiste d’ Areva. Miam...


Mardi 23 mai

VIDEO - Pas de tire-fesse à Gonesse !



Bataille pour sauver les meilleures terres d’Ile-de-France, à Gonesse. Le géant Auchan veut les bétonner pour implanter un énorme centre commercial. Les écologistes proposent une alternative vivante. Dimanche 21 mai, ils étaient là pour affirmer la nécessité de préserver l’agriculture. Reportage en vidéo.

Des centaines de personnes ont manifesté dimanche 21 mai à Gonesse (Val-d’Oise), sur les champs occupant le site dit du « triangle de Gonesse » où Auchan veut implanter un immense centre commercial.

A l’invitation du Collectif pour le Triangle de Gonesse, elles ont planté sur les terres réputées parmi les meilleures d’Ile-de-France, et défendu le projet alternatif porté par le collectif.

Reporterre était là, avec sa caméra. Voir la vidéo : https://youtu.be/RmlMVO9QK7Q

Mercredi 24 mai

Bure : Communiqué : Vote illégitime, débâcle juridique, escalade policière : l’inexorable fuite en avant de Cigéo ! A lire ici


Jeudi 25 mai

Squats-espaces autogérés :


On relaie une demande de soutien de la part de camarades du Pays Basque, texte à trouver ici. Et une petite invitation dans la foulée : "Nous appelons à une manifestation internationale pour le 3 Juin prochain, une manifestation pleine de petites manifestations en faveur d’Errekaleor. Nous avons pour devise : « On y voit clair, vive le peuple ! », et nous voudrions demander aux gens qu’ils l’enrichissent de contenu avec leurs luttes, leurs mots, leurs mondes. Nous avons le squelette et nous vous invitons à ajouter le muscle. C’est pour cela que nous demandons aux camarades qui peuvent s’approcher, de venir manifester avec nous avec leurs devises et leurs revendications. Aux camarades du reste du monde nous voudrions demander une petite contribution : une photo, un texte, une vidéo ou n’importe quel autre signe de soutien… »


Infos du 29 au 31 mai

Mardi 30 mai

Derrière le clash Mélenchon-Cazeneuve, une affaire Rémi Fraisse étouffée


La polémique entre Jean-Luc Mélenchon et Bernard Cazeneuve ravive les souffrances de la famille de Rémi Fraisse, alors que toutes leurs demandes auprès de la justice sont rejetées, la dernière voici quelques jours seulement.

« Le meurtre commis avec préméditation ou guet-apens constitue un assassinat. Il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité », lit-on dans le code pénal (article 221-3). Lors d’une réunion publique à Montreuil, le 24 mai, le candidat Jean-Luc Mélenchon, leader de La France insoumise, a accusé l’ex-ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve non seulement d’être responsable de la mort de Rémi Fraisse, mais de s’être « occupé de son assassinat » (selon des propos diffusés dimanche 28 mai dans l’émission « C politique » sur France 5). « Cazeneuve, le gars qui s’est occupé de l’assassinat de Rémi Fraisse. Le gars qui a fait gazer, matraquer toutes les manifestations et qui prend maintenant sa tête de petite sainte-nitouche pour dire que c’est moi qui ne sais pas choisir entre le Front national et je sais pas qui », avait notamment lancé Jean-Luc Mélenchon.


Jean-Luc Mélenchon a également utilisé le terme « assassin » dans un tweet sur la même affaire, ce 24 mai, ce qui exclut a priori tout lapsus ou maladresse chez un homme qui connaît si bien le poids des mots.


À la suite de cette sortie violente, Bernard Cazeneuve a annoncé dimanche le dépôt d’une plainte en diffamation contre le chef de La France insoumise (FI), assurant ensuite (mardi 30 sur France Inter) qu’il la retirerait si celui-ci présentait des excuses. Quelques heures après, lors d'un discours en soutien à la candidate de FI Sarah Legrain, dans le XIXe arrondissement de Paris, Mélenchon a admis « un mot mal calibré », un extrait selon lui de « trois secondes » parmi « onze interventions » rythmant une journée où il s'est exprimé « cinq heures trente durant ». Mais il a aussi estimé qu'un procès face à Cazeneuve ne serait « finalement pas un mal », car ce serait l'occasion de faire « le procès des décisions prises à ce moment-là ». Des propos similaires à ceux tenus lors d'une conférence de presse en fin de matinée.


En l’état du dossier, et même si les campagnes électorales sont propices à l’outrance verbale, la condamnation de Jean-Luc Mélenchon pour diffamation publique semble probable si l’affaire vient un jour devant le tribunal correctionnel. Excessifs à dessein, les propos du candidat aux législatives méritent toutefois que l’on revienne sur les responsabilités des uns et des autres dans l’affaire Rémi Fraisse, ce jeune pacifiste tué à 21 ans par la grenade offensive d’un gendarme mobile, le 26 octobre 2014 à Sivens (Tarn), une affaire d’État à laquelle Mediapart a consacré plusieurs enquêtes documentées. À ce stade, l'enquête judiciaire ne permet pas d'imputer une quelconque responsabilité pénale à Bernard Cazeneuve, même si sa responsabilité politique est engagée.

Dans un premier temps, en tout cas, la joute verbale enclenchée depuis dimanche a pour conséquence de raviver les souffrances des proches de Rémi Fraisse. « La famille a toujours refusé l'instrumentalisation politique du décès de Rémi Fraisse. Jean-Pierre Fraisse, son père, a été choqué par la polémique », déclare Arié Alimi, l'avocat de la famille, sollicité par Mediapart. Selon lui, « les propos qui ont été tenus desservent la défense des victimes, dans la mesure où la notion d'assassinat a une définition juridique très précise qui est assez éloignée de la réalité du dossier. Il aurait été préférable d'évoquer le traitement judiciaire arbitraire, s'agissant de la recherche des responsabilités hiérarchiques », conclut Me Alimi.

De fait, la justice met un point d'honneur à ne pas pousser trop loin les investigations dans cette affaire, et ce depuis près de trois ans. Pendant 48 heures après la mort du jeune homme, les pouvoirs publics (préfecture du Tarn, parquet d'Albi, Direction générale de la gendarmerie nationale, ministère de l'intérieur) feignent d'abord d'ignorer les circonstances de la mort de Rémi Fraisse et multiplient des déclarations tendancieuses, alors que les premières constatations effectuées sur place ne laissent aucun doute sur le jet d'une grenade offensive vers le jeune manifestant et l'explosion mortelle de l'engin qui l'a tué à bout touchant.

Le 29 octobre 2014, soit trois jours après le décès de Rémi Fraisse, deux juges d’instruction toulousaines, Anissa Oumohand et Élodie Billot, sont chargées d’une information judiciaire contre X pour « violences par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Mais une fois saisi, le tribunal de grande instance de Toulouse (compétent pour les affaires militaires) s'illustre par sa volonté de ne pas se fâcher avec la gendarmerie, la préfectorale ou le gouvernement Valls. Pourtant, dès les premières heures de l'enquête, une possible direction est montrée par un lieutenant-colonel de gendarmerie, qui déclare sur procès-verbal : « Le préfet du Tarn nous avait demandé de faire preuve d’une extrême fermeté », comme le révèle Mediapart le 12 novembre 2014. Les deux juges d'instruction s'abstiendront de s'engouffrer dans cette voie et le ministère de l'intérieur se retranchera derrière des démentis répétés, Bernard Cazeneuve jurant avoir donné des consignes de prudence.


L'impartialité du tribunal de Toulouse mise en cause


Depuis près de trois ans, les avocats de la famille Fraisse ont demandé aux deux juges d'instruction de remonter la chaîne de responsabilités. Mais les magistrates ont confié les investigations à des gendarmes, qui ne bousculent pas trop leurs collègues et officiers supérieurs (ce qui peut se comprendre), alors qu'ils se montrent parfois désagréables – voire menaçants – avec certains témoins. Sans surprise, l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) dédouane ses hommes, qui n'auraient commis aucune faute pendant cette nuit de violences à Sivens, même si le tir en cloche d'une grenade offensive n'est pas réglementaire. L'usage de cette arme de guerre, qui a déjà tué Vital Michalon en 1977, est tout de même interdit par Bernard Cazeneuve. Un minimum.

Debout sur les freins, les juges toulousaines refusent d'organiser une reconstitution sur les lieux du drame, puis d'entendre le préfet du Tarn. La partie civile avait sollicité l’audition de Thierry Gentilhomme, alors préfet du Tarn, ainsi que la transmission de ses communications écrites avec les gendarmes et l’exécutif national la nuit du 25 au 26 octobre 2014, en ciblant Beauvau, Matignon et l’Élysée. Cela aurait permis de retracer heure par heure les ordres donnés cette nuit-là (dont les consignes de fermeté évoquées par un officier), ainsi que les informations dont disposaient les autorités avant et après la mort de Rémi Fraisse. Quant aux demandes d'actes sur la légalité de l'usage des grenades offensives, ou le caractère privé des terrains de Sivens où les forces de l'ordre ont été déployées en masse, elles sont également rejetées, comme toutes les questions qui fâchent.


En revanche, magistrats et gendarmes font preuve d'un zèle étonnant pour décortiquer le passé, la vie privée et les relations du jeune Rémi Fraisse, ce qui heurte profondément ses proches. On ne trouvera, dans ce volet de l'enquête, que des témoignages de ses engagements écologiques et citoyens, mais rien à reprocher à celui qui est – faut-il le rappeler – la victime. Quant aux alertes sur l'extrême tension qui régnait sur place, notamment les violences exercées par des agriculteurs et par des membres des forces de l'ordre sur des zadistes, elles figurent au dossier d'instruction, mais sans que les juges n’en tirent des conséquences particulières sur les responsabilités du préfet, des officiers de gendarmerie et du ministère de l'intérieur.

L'État s'est braqué sur un projet de barrage très controversé pour montrer sa puissance et il a fait usage d'une force redoutable, de violence froide, pour défendre un bout de terrain. Certes, cette nuit-là à Sivens, des jeunes ont bombardé les forces de l'ordre avec divers projectiles, mais aucun gendarme mobile n'a été blessé. Et selon le décompte officiel, le nombre d’engins tirés par les militaires est impressionnant : plus de 700 grenades en tout genre. À savoir 312 grenades lacrymogènes MP7, 261 grenades lacrymogènes CM6, 78 grenades explosives assourdissantes F4, 10 grenades lacrymogènes instantanées GLI, 42 grenades offensives OF, ainsi que 74 balles en caoutchouc LBD 40 mm. Les grenades offensives OF, les plus dangereuses, sont lancées à la main, à 10 ou 15 mètres maximum (lire ici les récits des gendarmes présents sur place).


De nouveaux témoins se manifestent auprès des enquêteurs, pour mettre en cause le rôle des gendarmes mobiles la nuit du drame, et l'un d'eux déclare sur procès-verbal que Rémi Fraisse s'avançait pacifiquement vers les gendarmes, les mains en l'air, quand il a été tué, comme le révèle Mediapart le 25 mars 2016.

Dans un rapport du 1er décembre 2016, le Défenseur des droits pointe la responsabilité du préfet du Tarn, dont les ordres n'étaient pas clairs. Il « constate le manque de clarté et les incompréhensions entourant les instructions données aux forces de l’ordre par l’autorité civile, préfet et commandant du groupement de gendarmerie départementale, ainsi que les incertitudes sur l’état d’esprit dans lequel elles devaient assurer leur mission : fermeté ou apaisement, entre défense de la zone ou riposte ou retrait des militaires ».


Le Défenseur des droits constate également « qu’en l’absence de l‘autorité civile, à partir de 21 h 30, le choix de l’adaptation des objectifs et du dispositif à mettre en œuvre, malgré ce flou, a été laissé à la seule appréciation de la hiérarchie opérationnelle sur le terrain ». En clair, les gendarmes ont été placés dans une situation où ils ont fait usage de la force pour défendre une « zone de vie » qui ne présentait pas grand intérêt, jusqu’au drame.

Les juges d'instruction n'en tiennent aucun compte : le préfet ne sera pas inquiété. Elles ne cherchent pas plus à savoir si le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve ou le premier ministre Manuel Valls, dont plusieurs hommes de confiance sont restés en poste après son départ de la place Beauvau, ont pu jouer un rôle dans cette démonstration de force fatale. Le premier manifestant tué sous un gouvernement socialiste depuis Guy Mollet. Aucune mise en examen n'a été prononcée et les juges s'acheminent tranquillement vers une ordonnance de non-lieu. Pour relancer l'enquête, les avocats de la famille Fraisse déposent une plainte pour faux témoignages contre les gendarmes et une autre pour subornation de témoins, le 18 janvier 2017. Quelques jours plus tôt, les juges ont fait savoir qu'elles avaient achevé leurs investigations.


De guerre lasse, la partie civile finit par demander le dessaisissement de la juridiction toulousaine en mettant en cause son impartialité, dans une requête en suspicion légitime déposée le 27 mars à la Cour de cassation. Cette requête vient d'être rejetée sèchement par la chambre criminelle le 16 mai, selon des informations obtenues par Mediapart.

Michel Deléan - Médiapart

Mercredi 31 mai

La polémique entre Mélenchon et Cazeneuve 

sur Rémi Fraisse : 7 réponses pour comprendre




Dimanche 28 mai, le porte-parole de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a mis en cause la responsabilité de Bernard Cazeneuve, ex-ministre de l’Intérieur, dans la mort de Rémi Fraisse.
Reporterre fait le point sur l’enquête et les responsabilités judiciaires et politiques.

    1. Où en est l’enquête judiciaire ?


Le 11 janvier, les juges d’instruction toulousaines Anissa Oumohand et Élodie Billot ont transmis le dossier au procureur, signe de la clôture de leur enquête. Elles n’ont demandé aucune mise en examen, le gendarme principalement mis en cause ayant été placé sous le statut de témoin assisté depuis déjà un an. On peut donc s’attendre à un non-lieu sur le volet pénal. Mais auparavant, le procureur de la République de Toulouse doit rendre ses réquisitions, attendues après les législatives. Selon nos informations, il s’orienterait lui aussi vers un non-lieu.

2. Quels sont les recours des parties civiles ?

Le 18 janvier, face au risque de la clôture rapide de l’affaire, les parties civiles ont décidé avec leurs avocats de lancer une contre-offensive juridique : d’une part, une plainte pour « faux témoignage » contre les gendarmes ayant été interrogés ; d’autre part, une seconde plainte pour « subornation de témoin » qui vise un des gendarmes-enquêteurs de la section de recherche de Toulouse. Déjà, l’été dernier, nous révélions les pressions qu’avaient reçus plusieurs témoins-clefs lors de leur audition par les gendarmes-enquêteurs.

Ainsi, Marc, qui décrivait ainsi son audition : « Le capitaine s’est mis en colère quand je lui ai expliqué que, la nuit de la mort de Rémi, j’ai vu arriver des gendarmes qui prenaient position en dehors de la zone de vie du chantier. » Cet élément-clef qui remettait en cause les circonstances de la mort du jeune Rémi Fraisse, l’enquêteur refusa tout bonnement de l’intégrer au procès-verbal de l’audition dans lequel il prenait par ailleurs soin d’ajouter des éléments pour discréditer le témoignage.

À ce jour, les deux plaintes lancées par les parties civiles n’ont pas avancé d’un pouce.


3. Pourquoi mettre en cause les juges elles-mêmes ?

En plus des problèmes sur les témoignages recueillis par des gendarmes dès le départ, c’est au tout au long de la procédure, commencée en novembre 2014, que les avocats des parties civiles ont fait face à un refus quasi systématique des juges d’entendre leurs demandes d’actes, continuellement refusées : reconstitution des évènements, expertises complémentaires sur les armes utilisées, audition d’autres manifestants témoins de la scène, et surtout audition des responsables civils au moment de l’affaire, à savoir le préfet du Tarn de l’époque, Thierry Gentilhomme, et son directeur de cabinet, Rémi Mathis, depuis muté en Nouvelle-Calédonie.

Devant ces refus des juges d’instruction, des procédures d’appel en interne ont bien été tentées explique Arié Alimi, l’un des avocats de la famille, mais à chaque fois « cela passe par le filtre du président de la chambre d’instruction de Toulouse ». Comme celui-ci ne donne pas suite, impossible d’étudier de manière contradictoire les demandes. « Dans une affaire pareille, c’est du jamais vu », s’indigne l’avocat. D’où la requête « en renvoi pour suspicion légitime » contre les juges pour dépayser l’affaire dans une autre juridiction. La Cour de cassation a rejeté ce recours le 16 mai dernier jugeant qu’il n’y avait « pas de motif de renvoi ». En revanche, on attend toujours la réponse de la même Cour qui doit s’exprimer sur les positions tranchées du président de chambre d’instruction de Toulouse.

4. Pourquoi Jean-Luc Mélenchon a-t-il pointé la responsabilité de Bernard Cazeneuve ?

Bernard Cazeneuve était ministre de l’Intérieur au moment du drame. Une conclusion de la grande enquête menée par Reporterre sur la mort de Rémi Fraisse était que la responsabilité du ministère de l’Intérieur et de Matignon était engagée. Le drame de Sivens est avant tout lié au déploiement d’opérations de « rétablissement de l’ordre », dans un contexte civil avec l’usage d’armes de guerre, comme la grenade offensive F1 qui a tué Rémi Fraisse. L’arme, dont l’utilisation a été ultérieurement suspendue par Bernard Cazeneuve, est interdite depuis le 11 mai dernier. Mais il est faux de dire qu’on ignorait auparavant sa dangerosité, puisque c’était déjà ce type de grenade qui avait tué Vital Michalon, à Creys-Malville, en 1977. Nous avions mis en évidence autres éléments de responsabilité, que le défenseur des Droits, Jacques Toubon, a confirmé dans son rapport sur le maintien de l’ordre publié en décembre 2016.



Il y fait état d’un « manque de clarté et les incompréhensions entourant les instructions données aux forces de l’ordre par l’autorité civile » et considérait que l’absence de cette autorité civile le soir des évènements, dans « une situation tendue et violente, n’est pas admissible ». On ne sait toujours pas à ce jour si les consignes données étaient celles de la « fermeté » ou « de l’apaisement ».

L’autorité civile, ce sont en premier lieu les responsables locaux, le préfet et son directeur de cabinet, absents ce soir-là de la zone. Mais ils rendent compte au directeur général de la Gendarmerie nationale (DGGN), Denis Favier, qui est sous les ordres du ministre de l’Intérieur. Or, plusieurs éléments attestent que des informations du terrain parvenaient directement à Paris au cours de la journée du 25 octobre. Bernard Cazeneuve et même Manuel Valls, pour qui le barrage de Sivens était très important, ne pouvait donc ignorer le déroulement des opérations à Sivens. Surtout, au-delà de la seule nuit du 25 octobre, le ministre de l’Intérieur ne pouvaient pas ignorer le déroulement des opérations engagées durant les mois de septembre et d’octobre, comportant de nombreuses exactions injustifiées de gendarmes mobiles sur des manifestants, comme en témoigne l’affaire de la caravane dans laquelle avait été lancée une grenade assourdissante.


5. Rémi Fraisse a-t-il été assassiné ?

Pour qu’il y ait assassinat, il faut qu’il y ait meurtre avec préméditation. Or, rien ne permet d’affirmer que les gendarmes avaient l’intention de tuer un manifestant ce jour-là, ceux-ci affirmant qu’il s’agit d’un accident. Mardi 30 mai, dans la conférence de presse qu’il a tenue, Jean-Luc Mélenchon a d’ailleurs accepté de retirer le mot d’assassinat, « mal calibré », pour choisir celui « d’homicide », qui n’inclut pas la préméditation. Il précise : « Je n’accuse pas M. Cazeneuve d’être venu lui-même assassiner quelqu’un. »

Ce n’est pas pour autant que le terme d’assassinat, même s’il peut être mal choisi, n’a pas de sens politique. Dans les manifestations de réaction à la mort de Rémi Fraisse, comme dans celles, plus récentes, suivant la mort d’Adama Traoré ou dans le cortège de tête contre la loi Travail, le mot d’ordre « d’assassin » est revenu régulièrement, scandé et en slogan. Pour les manifestants, c’est une manière de remettre au premier plan les responsabilités politiques dans l’organisation du maintien de l’ordre et de considérer que l’usage de la violence par les forces de l’ordre n’était, à ce moment-là, pas légitime. Dans cette logique, il ne s’agit pas d’un « accident », si l’on considère les moyens déployés en maintien de l’ordre sur place pendant des semaines, qui faisaient craindre à des militants que « tout cela va finir par un mort ».

C’est sur ce terrain politique que le candidat insoumis tente de porter le débat : « Si monsieur Cazeneuve estime qu’il est juste de me faire un procès en diffamation, je l’invite à le faire. De cette façon, nous pourrons, devant un prétoire, enfin prendre tous les éléments, toutes les pièces, du dossier, des conditions dans lesquelles Rémi Fraisse est mort ».

La France insoumise est par ailleurs bien placée pour comprendre les enjeux du dossier puisque Claire Dujardin, l’une des avocates des familles, est la candidate aux législatives pour la France insoumise dans la 1re circonscription de Haute-Garonne.



6. L’affaire Fraisse est-elle close ?

La probabilité de voir une quelconque condamnation sur le volet pénal est aujourd’hui très mince, mais l’affaire Fraisse pourrait rebondir devant le tribunal administratif. C’est lui qui pourra, une fois purgées les questions pénales, établir les responsabilités de l’État en tant que dépositaire de l’ordre public. Mais les familles envisagent également de porter la question devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). En effet, dans une affaire qui a fait jurisprudence, la CEDH avait estimé nécessaire de « prendre en considération non seulement les actes des agents de l’État qui y ont eu recours, mais également l’ensemble des circonstances de l’affaire, notamment la préparation et le contrôle des actes en question », des actes et ordres qui restent toujours introuvables malgré les 2.000 pages du dossier d’enquête.

Par ailleurs, outre la menace de Bernard Cazeneuve en réaction à la déclaration de Jean-Luc Mélenchon, l’avocat du gendarme encore mis en cause, Me Jean Tamalet, a déclaré au Parisien, lundi 29 mai, qu’il envisageait de porter plainte pour diffamation lui aussi si M. Mélenchon ne retirait pas ses propos. À voir si, au regard des dernières déclarations, celle-ci sera suivie ou non.

7. Et dans le Tarn, que devient le barrage de Sivens ?

Après la mort de Rémi Fraisse, les travaux ont été suspendus puis définitivement arrêtés à l’expulsion de la ZAD au printemps 2015. La zone humide du Testet, détruite par le chantier initial, n’est à ce jour toujours pas réhabilitée, mais les rencontres ont débuté pour élaborer un projet de territoire. Un nouveau volet dans l’histoire de Sivens, qui tente d’associer tous les acteurs, y compris avec un collège de 14 citoyens tirés au sort au sein des habitants du bassin versant du Tescou. Si les élus du Tarn se veulent rassurants sur la volonté de prendre en compte l’ensemble des besoins locaux, le contexte reste tendu, avec des menaces régulières sur des opposants au projet de barrage. Le projet de territoire, nom de cette nouvelle démarche, sera encadré par des facilitateurs de l’école d’ingénieurs Aderprina/API AgroParisTech. Une première réunion s’est déroulée le 10 mars avec une nouveauté : contrairement au silence et à la discrétion qui régnaient pendant toute la procédure du projet initial, un compte-rendu est disponible en ligne publiquement sur le site du conseil général.






Photos :
. chapô : Sur le site du projet de barrage de Sivens, en septembre 2014. Flickr (Metronews Toulouse/CC BY-NC-ND 2.0)
. Rémi Fraisse : Flickr (thierry ehrmann/CC BY 2.0)
. Vital Michalon : Wikipedia (Yann Forget/CC-BY-SA-3.0)
. Gendarmes assassins : Flickr (guy masavi/CC BY-SA 2.0)
. Gazad : Flickr (guy masavi/CC BY-SA 2.0)
. Aujourd’hui : © Grégoire Souchay/Reporterre








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