Entretien avec Christian Vélot, à Auxerre, mardi 18 octobre à 19h00, au Silex.
jeudi 25 août 2016
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Entretien réalisé par la Rédaction de Yonne Lautre le 22 aout 2016
Christian Vélot est Docteur en Biologie, généticien moléculaire à l’Université Paris-Sud 11, administrateur de la Fondation sciences citoyennes, membre du Conseil scientifique du Criigen.
Il sera l’invité du Collectif 89 Action Citoyenne OGM-Pesticides à Auxerre, mardi 18 octobre à 19h00 au Silex.
Christian Vélot, vous étiez venu le 24 septembre 2007 à Bléneau, canton où nous luttions contre un essai d’OGM en plein champs dans l’Yonne. Depuis vous demeurez un scientifique engagé. 9 ans plus tard, vous revenez à Auxerre. Pourriez-vous nous décrire rapidement ce qui est au centre de vos préoccupations ?
La démocratisation de la science, c’est-à-dire remettre la science au service du bien commun, des citoyens. On assiste depuis plusieurs décennies à une dérive technoscientifique au service d’intérêts mercantiles à court terme où les citoyens sont totalement exclus. Ils ne sont absolument pas considérés dans le choix des orientations de recherche et sont mis devant le fait accompli face au développement de technologies dont l’utilité sociale n’est jamais discutée ou expertisée en amont. La science ne peut se faire en vase clos en ignorant la société civile. Comment imaginer par exemple mener un projet de recherche agronomique sans interagir étroitement avec ceux-là même qui ont inventé l’agriculture, et qui ne sont pas les chercheurs ni même les agronomes mais les paysans ?
Une autre préoccupation majeure concerne la carence et l’opacité d’évaluation sanitaire et environnementale des technologies et de leurs produits. Le temps que demande une évaluation digne de ce nom n’est pas compatible avec l’urgence des brevets et des profits. De plus, les données des « évaluations » réglementaires — qui sont faites par des labos choisis par les firmes qui promeuvent les technologies et les produits en question — restent confidentielles pour des raisons de protection industrielle. C’est un scandale ! On prend clairement les citoyens pour des cobayes et la planète pour une paillasse de laboratoire. C’est bien sûr le cas avec les OGM agricoles et les pesticides, et je considère que c’est mon rôle à la fois de scientifique et de citoyen de le dénoncer et d’alerter.
Comment résumeriez-vous la situation des OGM en France ?
Il faut distinguer les OGM « classiques » dits transgéniques (c’est-à-dire ceux qui ont été génétiquement modifiés par introduction d’un ou plusieurs gènes d’une autre espèce) des OGM dits cachés (c’est-à-dire ceux obtenus par une autre technique que la transgenèse).
Pour les OGM transgéniques, il n’y en a pas de cultivés en France puisque le seul qui est autorisé au niveau de l’Europe a fait l’objet d’un moratoire puis d’une interdiction en France. Par contre il y en a beaucoup qui, bien que n’étant pas cultivés en France, sont autorisés à l’importation pour l’alimentation animale, voire humaine. Tous nos animaux d’élevage intensif sont nourris avec du soja (sous forme de tourteaux) qui nous vient du Brésil ou d’Argentine et qui est du soja transgénique tolérant le Roundup. La plupart des animaux que nous consommons sont donc nourris avec des OGM gavés de cet herbicide et dont les résidus vont donc se retrouver dans la chaîne alimentaire
Pour les OGM cachés, en revanche, il y en a beaucoup de cultivés. Il s’agit essentiellement de Tournesols et de Colzas génétiquement modifiés pour tolérer des herbicides à base de sulfonylurée. Comme la modification génétique a été obtenue par une technique qui ne fait pas appel à la transgenèse, ces plantes échappent à la législation OGM européenne, et sont alors considérées, d’un point de vue juridique, comme des plantes conventionnelles. Il y a donc aucun moyen de savoir où elles sont cultivées (puisque les cultivateurs ne sont pas tenus d’informer la mairie de la localisation des parcelles concernées), aucune traçabilité et aucune évaluation, tant sanitaire qu’environnementale (contrairement aux plantes transgéniques pour lesquelles les évaluations en question sont toutefois largement insuffisantes et non transparentes).
Qu’en est-il, selon vous, de la question des nouvelles plantes mises au point par transgénèse ?
Il s’agit toujours, pour l’essentiel, de plantes-pesticides, c’est-dire de plantes conçues pour accumuler un ou plusieurs pesticides dans leurs cellules. Il s’agit soit de plantes produisant un ou plusieurs insecticide(s) (leur permettant de lutter contre un ou plusieurs insectes dont elles sont la cible), soit de plantes tolérant un ou plusieurs herbicide(s) qu’elles vont alors pouvoir absorber sans mourir, soit de plantes cumulant les deux propriétés. Contrairement à ce qui a toujours été vanté par leurs promoteurs, non seulement ces plantes ne permettent pas de s’affranchir des pesticides, mais ne font qu’augmenter considérablement la présence de ces pesticides dans la chaîne alimentaire.
La question des OGM a-t-elle évolué face au péril du réchauffement/dérèglement climatique ?
Le problème du réchauffement climatique est bien sûr utilisé par les défenseurs inconditionnels des OGM comme un argument supplémentaire pour promouvoir ces plantes. On voit à nouveau resurgir les grandes promesses des plantes qui vont pouvoir pousser dans le désert, fixer l’azote de l’air, etc... Foutaise ! La réalité est toujours que plus de 99% des OGM agricoles sont des plantes-pesticides. On est dans la démarche classique de la fuite en avant technoscientifique qui consiste à faire croire que la technologie de demain va pouvoir surmonter les dégâts causés par les technologies d’hier et d’aujourd’hui
En fait, les OGM ne sont certainement pas une solution au réchauffement climatique mais une cause supplémentaire. Ils s’inscrivent dans une agriculture toujours plus hégémonique et productiviste, grande consommatrice d’intrants et d’énergies fossiles.
Avez-vous un projet de publication ?
Je n’ai pas de projet de nouveau livre grand public pour le moment, mais certainement de nouveaux DVD de conférences dans un avenir assez proche. En revanche, je vais dans les mois qui viennent publier de nouveaux articles scientifiques relatifs au projet de recherche que je coordonne et relatif aux effets du Roundup et des OGM sur un champignon que nous utilisons comme un indicateur de la santé des sols.
Quels seront les points que vous aborderez à Auxerre, invité par le collectif OGM Pesticides 89 ?
Après avoir expliqué de façon didactique ce que sont les OGM et la différence (et les ressemblances) entre les OGM transgéniques et les OGM cachés, je ferai un état des lieux de la situation de l’ensemble de ces OGM en France. J’aborderai également la question des nouveaux OGM, c’est-à-dire de ceux qui vont pouvoir être obtenu par des nouvelles techniques que les firmes et autres défenseurs inconditionnels des biotechnologies s’acharnent à faire sortir du champ d’application de la législation européenne sur les OGM (ce qui conduirait bien-sûr à une généralisation des OGM cachés). Et je parlerai bien sûr de la question des pesticides — et en particulier des herbicides Roundup —, étroitement liée à celle des OGM, des effets sur la santé, ainsi que des effets sur les sols, à travers notamment la dernière étude que j’ai publiée en avril dernier.
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- Christian Vélot, OGM : Tout s’explique, Athée, Goutte de sable, 2009, 239 p. (ISBN 978-2-917904-01-5)
- Christian Vélot, OGM, un choix de société, Éditions de l’Aube, 2010
Rédaction de Yonne Lautre
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