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mercredi 3 août 2016

Chronique des ZAD juillet 2016 - A Notre-Dame-Des-Landes, Sivens, Bure et ailleurs

Des infos, des liens, des photos pour tout savoir (ou presque) sur ce qu'il s'est passé en juillet 2016 autour des Zones A Défendre : on y parle de Notre-Dame-Des-Landes et de plein d'autres choses.

Merci à l'auteur, membre du Collectif de Soutien NDDL66, pour cette compilation mensuelle



PROJET D’AYRAULT–PORT de 

NOTRE DAME DES LANDES (44)

Source : ZAD.nadir.org et médias

Juillet 2016

Et ailleurs : Sivens (81) – Enquête sur la mort de Rémi Fraisse – CIGEO à Bure (55) – NO TAV à Val de Susa (Italie) et Tunnel Lyon-Turin (73) – Mort d'ADAMA TRAORE à Persan (95) – Golf de Villenave d'Ornon (33)

 
ZAD de NDDL - 44
 

   Infos du 1er au 10 juillet



Vendredi 1er juillet

Notre-Dame-des-Landes : 

les risques de l'évacuation 

La volonté politique martelée par le gouvernement d’évacuer la ZAD risque d’être longue à traduire dans les faits. Le souci affiché par Manuel Valls de respecter les procédures européennes n’est pas compatible avec le calendrier d’une intervention cet automne

Le gouvernement va-t-il évacuer la ZAD de Notre-Dame-des-Landes par la force ? Officiellement, ce n’est plus une question mais une affirmation. Les « personnes qui occupent illégalement le site du nouvel aéroport devront partir d’ici le début des travaux », a affirmé Manuel Valls dans un communiqué dimanche 26 juin. Mercredi, lors des questions au gouvernement, il a rappelé que le chantier devrait démarrer « cet automne ».

En réalité, la situation n’est pas si simple. Après la mort de Rémi Fraisse, tué par un gendarme lors d’un rassemblement contre le barrage de Sivens sur la ZAD du Testet (Tarn) en octobre 2014, la crainte d’un nouveau mort est dans tous les esprits. En 2012, d’octobre à novembre, l’opération César 44 a échoué à expulser la zone après des semaines de courses-poursuites et d’affrontements dans la boue du bocage. L’État mobilise alors quatre compagnies de CRS (320 hommes) et plus de dix escadrons de gendarmerie mobile (plus de 730 militaires). Mais pour certaines journées d’action, les effectifs sont doublés : jusqu’à 2 200 hommes lors des expulsions des maisons occupées, avait déclaré le syndicat de police Unité-SGP. Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 500 gendarmes mobiles et CRS ont pu participer simultanément aux opérations. Selon Le Télégramme, l’opération avait coûté plus d’un million d’euros pour les seuls frais des CRS affectés à la mission Notre-Dame-des-Landes (hébergement, restauration, transport, indemnités de déplacement et heures supplémentaires). Unité-SGP avait dénoncé les conditions d’intervention et la « gestion au coup par coup » sur sa page Facebook.

Cette fois-ci, combien de personnel faudrait-il mobiliser ? Au moins 2 500 hommes, a déclaré Bruno Retailleau, le président (LR) de la région Pays de la Loire, qui a déroulé une partie de sa campagne l’année dernière sur l’expulsion de la ZAD. Officiellement, personne ne confirme ce chiffre. Selon Frédéric Le Louette, président de GENDXXI, association professionnelle nationale de militaires, lui-même gendarme mobile, « il faudra des moyens considérables : de nombreux hommes pendant plusieurs semaines et plusieurs mois. Il faudra prendre toutes les précautions nécessaires. Le terrain est protégé. Les occupants ont installé des pièges. Il faudra les éviter et procéder doucement. Les gendarmes ne pourront pas intervenir par surprise. Il ne faut pas rêver d’une évacuation en deux heures. Ce n’est pas une scène de guerre mais l’opposition est très forte, les zadistes peuvent faire du harcèlement. Ce n’est pas un nouveau type de maintien de l’ordre mais l’adversaire a une détermination forte ».



Le nombre de personnes vivant sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est généralement estimé entre 200 et 300 personnes. Mais elles pourraient être plus nombreuses à s’y retrouver durant l’été, pour soutenir l’occupation après la victoire du “oui” à la consultation. Le rassemblement annuel des militants contre l’aéroport se tient du 8 au 10 juillet prochains. Il y a quatre ans, en résistance à l’évacuation, des dizaines de personnes avaient occupé des maisons, d’autres s’étaient suspendues en haut des arbres – nécessitant l’intervention de pelotons spécialisés pour les en faire descendre. Des dizaines d’autres personnes, dont des élus, avaient tenté de rejoindre la ZAD pour empêcher la progression des forces de l’ordre. Des barricades avaient été dressées sur les routes départementales et les chemins qui traversent le large périmètre de la ZAD (20 kilomètres de long et cinq de large).

Selon le lieutenant-colonel Emmanuel Gerber, du groupement III/3 de gendarmerie mobile de Nantes, auditionné par les députés en 2015 : « Cette topographie ne facilite pas l’action des forces de l’ordre, mais, à l’inverse, offre un cadre propice aux opposants. » Constitué en grande partie de bois et de bocages, le terrain de la ZAD n’est pas favorable aux manœuvres des véhicules de gendarmes. Il distingue trois types d’activistes : « les quelque 200 radicaux » qui « se montrent d’une grande violence » ; les associations,
notamment d’agriculteurs, qui « même s’ils peuvent faire preuve de violence et freiner l’action des forces de l’ordre, ne sont pas les plus virulents » et les « Robin des bois retranchés dans des constructions en bois dans les arbres, ce qui ne facilitait pas notre tâche ».

Il ajoute que « le climat humide la rendait plus difficile encore, de même que sa durée ». Lors de son audition devant les parlementaires, il n’hésite pas à parler de situation de « guérilla » : « À Notre-Dame-des-Landes, certains, parmi les opposants les plus radicaux, n’avaient qu’un leitmotiv : obtenir une victime. » Un gendarme avait été grièvement blessé, selon la cheffe d’escadron Mélisande Durier, lors de la même audition. Au total, une dizaine de blessés avaient été comptés parmi les gendarmes et six casques ont été mis hors service, « ce qui montre la violence des individus qui nous font face », a expliqué le chef d’escadron Aymeric Lenoble.

Du côté des occupants de la ZAD, de très nombreux blessés, parfois graves, ont été dénombrés. Une médecin avait écrit au préfet de région pour dénoncer la gravité des blessures qu’elle avait constatées sur deux jours seulement : onze blessures par Flash-Ball, six blessures par explosion de bombes assourdissantes, une plaie de crâne suturée par 15 points, et au total une centaine de blessés. « J’insiste sur la gravité de ces blessures par explosions, détaille-t-elle dans son courrier. Les débris pénètrent profondément dans les chairs risquant de léser des artères, nerfs ou organes vitaux. Nous avons retiré des débris de 0,5 à 1 cm de diamètre, d’aspect métallique ou plastique très rigide et coupant. D’autres, très profondément enfouis, ont été laissés en place et nécessiteront des soins ultérieurs. » Elle expliquait aussi que « les hospitalisations n’ont pas été simples. Mon collègue a contacté le SAMU et l’ambulance des pompiers a été retardée par les barrages des forces de l’ordre, ce qui est inadmissible ! J’ai donc amené moi-même un deuxième blessé devant être hospitalisé ».

 

Selon un décompte du ministère de l’Intérieur rendu public, à partir du 16 octobre 2012 et jusqu’à la fin de l’opération César 44, au total 104 grenades offensives (dites OF) ont été tirées par les gendarmes à Notre-Dame-des-Landes. L’usage de ces armes a été interdit par Bernard Cazeneuve après la mort de Rémi Fraisse en octobre 2014.


« Évacuer la ZAD, c’est faisable »

« Évacuer la ZAD, c’est faisable, affirme Frédéric Le Louette, président de GENDXXI. On sait faire. La gendarmerie est prête depuis des mois. Il faudra des moyens en hommes très importants car en plus de l’évacuation, il faudra protéger la zone le temps des travaux. Les moyens ont déjà été estimés par la gendarmerie locale. Le terrain n’a jamais été complètement lâché. » À Saint-Astier, le centre d’entraînement des gendarmes, un exercice de type Notre-Dame-des-Landes a été introduit « pour renouer avec un savoir-faire rural un peu perdu de vue », comme l’avait raconté notre collègue Louise Fessard. Au programme : techniques à mettre en œuvre face à des accrobranches, des sit-in, et désentravement de cordages. 


Près de deux ans après la mort de Rémi Fraisse, une offensive anti ZAD se déroulerait-elle différemment ? « C’est un drame, réagit Frédéric Le Louette. La mort de quelqu’un dans une opération de maintien de l’ordre n’est pas commune. Ce sera dans les esprits de tout le monde pendant l’intervention : les gendarmes, les zadistes, les médias. Cela n’a pas d’impact sur nos méthodes mais sur leur réalisation. Les gendarmes font le maximum pour que ça n’arrive pas mais il faut qu’ils puissent se défendre quand ils sont attaqués. »


Si une nouvelle opération d’évacuation de la ZAD est lancée en 2016, des CRS pourraient de nouveau intervenir en plus des gendarmes mobiles. Des militaires pourraient être requis avec des engins lourds de désenclavement, des grues, pour le bouclage de la zone, et empêcher qu’elle ne soit réoccupée une fois qu’elle sera évacuée, explique Frédéric Le Louette. Même si Manuel Valls a pris la main sur ce sujet, il ne pourra pas décider seul d’une intervention. Elle devra faire l’objet d’un arbitrage avec Bernard Cazeneuve, qui devra prendre la responsabilité de mobiliser des troupes à Notre-Dame-des-Landes pendant plusieurs mois afin de permettre le déroulement du chantier.

Cette décision sera politiquement très sensible, alors que le risque d’attaques terroristes reste élevé en France. Comment réagirait l’opinion publique si un attentat meurtrier se produisait, alors que des milliers de gendarmes sont affectés à la protection d’un chantier d’aérogare ? « Je crois que les discussions entre le Premier ministre [Manuel Valls] et le ministre de l'Intérieur [Bernard Cazeneuve] ont commencé pour savoir comment ils allaient procéder », a déclaré Ségolène Royal sur RTL lundi 27 juin. L'évacuation « a été promise par le Premier ministre, ceux qui ont voté “oui” l'attendent », a-t-elle ajouté, estimant que cette décision « relevait de la compétence » de Manuel Valls.


Bruno Retailleau, le président de la région Pays de la Loire, demande à Matignon une feuille de route très précise sur le début des travaux. Il souhaite qu’ils soient lancés le plus tôt possible dès l’automne. Mais l’État n’a pas les coudées franches. La Commission européenne exige de Paris une étude d’impact globale du projet d’aéroport, prenant en compte l’aérogare et les projets qui lui sont liés : tram-train, rubans routiers et échangeurs. Pour y répondre, un nouveau schéma de cohérence territoriale (Scot) doit être voté. Mais il doit faire l’objet d’une enquête publique. Elle devrait être organisée en septembre et durer un mois, à l’issue duquel les élus devrait le voter. Mais il n’est pas exécutoire immédiatement : la haute autorité environnementale doit l’approuver, et pendant deux mois, des recours peuvent être déposés.

Par ailleurs, avant d’intervenir, l’État devra obtenir l’autorisation de la justice car « les zadistes sont protégés par le code de l’habitat et de la construction », explique Erwan Lemoigne, l’un des avocats des opposants. « Si on revendique l’État de droit, il faut respecter le juge judiciaire. Pour évacuer des habitants, même sans droit ni titre, il faut obtenir une décision qui autorise à prendre possession du bien et à évacuer le cas échéant les occupants. » Pour toutes ces raisons, la volonté politique martelée par le gouvernement d’évacuer la ZAD risque d’être longue à traduire dans les faits. Le souci affiché par Manuel Valls de « respecter l'ensemble des procédures européennes et nationales » n’est pas compatible avec le calendrier d’une intervention cet automne. 

Jade Lindgaard - Médiapart


Samedi 2 juillet

Le grand bluff de Valls après la consultation


Un des objectifs essentiels du leurre démocratique de la consultation du 26 juin était de tenter de créer une brèche au sein du mouvement anti-aéroport. Il était nécessaire pour le gouvernement de fragiliser le front uni qui lui fait obstinément face afin d’espérer un jour expulser la zad et y mener de quelconques travaux. C’est au succès partiel de cette opération classique de dissociation que Valls a tenté de faire croire ce mercredi 29 juin à l’Assemblée nationale en déclarant : "Je vois que certains des opposants au projet acceptent le verdict, je m’étonne que d’autres le contestent alors qu’il était incontestable. Donc à partir de ce moment-là, et en respectant bien sûr l’ensemble des procédures européennes et nationales, les travaux doivent commencer cet automne".


En réalité, le butin est bien maigre. En cherchant un peu, on trouve bien quelques rares personnes à avoir contesté un jour publiquement le projet d’aéroport puis à avoir déclaré cette semaine qu’il faudrait respecter le « verdict » de la consultation. Mais elles se comptent sur les doigts d’une main. Qu’il s’agisse de Mme Royal, ministre et donc inféodée à M. Valls ; de M. Nicolas Hulot, figure médiatique qui tient à rester aussi lisse que possible ; ou encore de M. François de Rugy, politicien bien esseulé à force d’opportunisme éhonté, on ne voit de toute façon pas bien qui aurait pu miser sur leur fidélité ou sur leur engagement.


Pour le reste, contrairement à ce que cherche à affirmer le Premier ministre, ce ne sont non pas quelques « extrémistes » mais bien l’ensemble du mouvement anti-aéroport – associations, organisations, alliés syndicaux, comités locaux, élus et jusqu’aux représentants des Verts – qui contestent la légitimité de la consultation. Tous appellent en ce sens à poursuivre la lutte. C’est là le fait politique majeur à l’issue de ce scrutin pipé et l’affront dont M. Valls cherche à atténuer la portée. Et ce sont bien, aujourd’hui encore, non pas seulement les dits « zadistes » mais aussi les paysans et habitants historiques qui ont décidé de continuer à habiter, cultiver et défendre ce bocage. Il faudra que le gouvernement s’y fasse : les opposants dans toute leur diversité n’envisagent pas une seule seconde l’idée qu’une opération d’enfumage aussi grossière puisse leur faire baisser les bras. Elle n’entame en rien leur détermination à s’opposer à la marchandisation du monde et à la destruction du vivant. Ils l’ont réaffirmé ce dimanche soir à la Vacherit dans une ambiance joyeuse et combattive. Nous ne doutons pas un instant qu’ils seront des dizaines de milliers à en faire la démonstration en actes si nécessaire.


Il n’y aura jamais d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ! La zad continuera à fleurir !


Le groupe presse de la ZAD


Des super extraits de la lettre aux adhérents des Ailes pour l’Ouest : « [...] mais les zadistes sont fermement décidés à rester, épaulés et soutenus par des partis politiques et des opposants qui ont clairement affiché leur volonté d’en découdre. [...] Ensuite, dès la fin août, si les zadistes ne sont pas partis ce qui est probable, nous reprendrons les actions terrains afin de mettre la pression sur les autorités y compris s’il le faut une mobilisation de grande ampleur près de la ZAD ! Zadistes, préparez vos valises avant qu’on ne vous les amène ! » Vigilance donc !



Le Canard enchaîné : Notre Dame des Non ! Habitants de Notre-Dame-des-Landes, on ne vous dit pas bravo !

 

 
Ouest France : Notre-Dame-des-Landes. Le projet est « incontestable », selon Manuel Valls « L’évacuation de la ZAD (...) se préparera avec l’autorité nécessaire », a-t-il poursuivi. Et la défense de la ZAD se fera avec la solidarité et détermination necessaire !



Une émission bidon, plus ou moins bien anti-"zadiste", C dans l’air du 01-07-2016 « Notre-Dame-des-Landes : la résurrection ? »


En effet la même personne présente dans cette émission, l’économiste "Pascal Perri" ("écrivain" de : L’écologie contre la démocratie) nous donne sa rhétorique dans ce billet : Notre-Dame-des-Landes : une idéologie radicale derrière la ZAD http://www.libertepolitique.com/Actualite/Tribunes-et-documents/Notre-Dame-des-Landes-une-ideologie-radicale-derriere-la-ZAD 

Une perle : « Les militants écolos-zadistes de Notre Dame ne sont pas seulement opposés au nouvel aéroport, ils sont en réalité opposés à toute forme de transport aérien. Ils considèrent les déplacements aériens comme un outil du marché au service de sa domination sur les individus. »



Mardi 5 juillet


►A l’heure où se rédige ce flash infos, le premier sinistre se prépare à annoncer une nouvelle fois le recours au 49.3 pour faire passer la loi travail. Et dire qu’après ça, il veut nous donner des leçons de démocratie !

►En tout cas on est hyper déçu.es que le PS(S) ait annulé son université d’été par chez nous, l’idée nous plaisait beaucoup (voir le communiqué à ce propos)... Mais il semble que la "violence" qui pourrait se manifester à ce moment-là aurait refroidi le parti socialiste, qui avait quand même eu le culot d’appeler ces journées "La Belle Alliance Populaire". Marrant qu’ils se retrouvent maintenant à avoir peur du peuple...

►Sinon, manif en cours, ça se passe près de chez vous !


►Au milieu des tas de messages de soutien que l’on reçoit, des fois il y aussi des messages dessinés :



►Une analyse de Marianne sur la manipulation gouvernementale de la consultation

Samedi 9 juillet
 

 

Semailles de Démocratie...

Jamais la Démocratie n'a été une exigence plus impérieuse qu'en cette période où nous  lançons notre rassemblement 2016 !



Comme les années précédentes, la Coordination des Opposants* s’adresse à toute la population de la région, comme à tous les militants, toutes les organisations locales, nationales… et au-delà, engagés avec elle dans la lutte contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Elle les invite à partager ce moment fédérateur et convivial, démonstration et point d'appui d'une mobilisation intacte, et plus que jamais nécessaire, pour que vivent ce territoire et les alternatives qui se développent sur la ZAD.



Dans la période actuelle, le thème de la démocratie s'est imposé à nous de manière évidente, bien que nous travaillions sur cette exigence depuis plus de 15 ans maintenant.



Un déni constant de démocratie de la part des porteurs du projet : Mensonges, manipulations, faux semblants...!



Les citoyens ont mis à jour et démonté les différentes arnaques, sans que soient troublés le moins du monde les politiques porteurs du projet qui les fomentent (cf La fabrication d’un mensonge d’Etat – F Verchère – Editions Tim Buctu).



La loi sur l'eau est ouvertement bafouée par les propositions de « compensation » de la société Aéroports du Grand Ouest : la méthode a été retoquée par toutes les autorités scientifiques locales et nationales. Peu importe, ils n’en tiennent pas compte car ces avis sont purement consultatifs, mais alors pourquoi les avoir demandés ?



La Commission Européenne demande l'évaluation globale des conséquences environnementales du projet mais elle semble accepter de se contenter d'un document annexe au Schéma de Cohérence Territoriale (actuellement en révision) qui serait peu contraignant et qui relèverait de la préconisation....



La machine administrative continue à jouer son rôle de rouleau compresseur pour permettre, parait-il, les expulsions à l'automne, tandis qu'une improbable « consultation » surgie de nulle part court-circuiterait les procédures en cours, légitimerait le projet et exonérerait Hollande de tenir sa parole !



C'est le mouvement d'opposition qui porte l'exigence démocratique  : Alors STOP à leur « pseudo-démocratie » !



Comme répété mille fois, nous voulons pouvoir décider de nos véritables besoins, pas seulement locaux, des différentes alternatives capables de les satisfaire, de l'usage de nos fonds publics, de la préservation de nos cadres de vie. Nous en avons montré la capacité, nous avons fait des propositions d'alternatives, par le biais de l'Atelier Citoyen et d'autres manières.



La démocratie que nous voulons, nous la mettons déjà en œuvre lorsque nous travaillons sur les dossiers, lorsque nous faisons des propositions à la Commission Nationale de Transition Écologique pour l'amélioration des procédures de débat public, propositions louangées... et immédiatement ignorées.



Et plus largement, nous posons la question de nos Droits humains fondamentaux (Santé, Éducation, Logement, etc ), alors que la triste actualité nous démontre que leur déconstruction est en marche. La lutte de Notre-Dame-des-Landes, comme d'autres contre des Grands Projets Inutiles Imposés, sont autant de catalyseurs pour un retour aux valeurs de justice et de solidarité qui sont les nôtres.



Il y a cinq ans, à l'été 2011, nous avions placé notre rassemblement sous l'égide « Pour un autre choix de société ». C'est encore à mettre au présent.



Partageons nos travaux et réflexions sur l'avenir !



Tout ce que nous avons appris à partir de cette lutte, tout ce que nous avons découvert ensemble tels d'autres moyens de fonctionner, d'avancer, nous vous invitons à le partager et l'enrichir les 9 et 10 juillet



À nous de définir les alternatives que nous voulons mettre en place ! Imaginons collectivement et faisons le savoir ! C'est le moment de réinventer la démocratie que nous voulons, pas celle des actionnaires de Vinci et des politiques à leur service !



Ni expulsions, ni travaux, ni aéroport !


* La Coordination des Opposants est constituée de plus de 50 groupes : associations, collectifs, syndicats et mouvements politiques qui travaillent ensemble mensuellement.

Infos du 11 au 17 juillet




Lundi 11 juillet


NDDL : 25 000 personnes selon France inter ce matin


après deux jours de rencontre, discussions, fêtes det déterminations du we organisé par la coordination des opposants, 
 

très forte mobilisation pour ce 16ème rassemblement estival : "On ne pouvait espérer meilleure réponse à la consultation que cette mobilisation exceptionnelle et déterminée, avec la présence sur les 2 jours de plus de 25 000 personnes dont certaines venant à Notre-Dame-des-Landes pour la première fois. (...)


Parmi nos prochaines d’actions, rendez-vous est déjà pris le week-end du 8-9 octobre pour une journée de mobilisation sur la ZAD."

Un texte d’analyse sur la consultation, rédigé et diffusé par le comité de soutien Blaisois, Notre-Flamme-des-Landes

Notre-Dame-des-Landes : 

 

« Plus que mobilisés, dé-ter-mi-nés ! »

 

Grande affluence le week-end des 9 et 10 juillet à Notre-Dame-des-Landes : la détermination est plus forte que jamais face au projet d’aéroport.


 Notre-Dame-des-Landes, reportage


La petite bruine passagère qui a clôt les deux jours n’a pas réussi à doucher les ardeurs des plus de 25.000 personnes venues débattre démocratie et alternatives, manger de généreuses assiettes de légumes du cru, boire des bières indigènes, ou déguster sous une enseigne taguée "Pan ton patron, t’auras sa galette" des galettes de sarrazin quasiment nées dans le champs d’à côté.


 
Ambiance de festival et assemblées multiples, débats autour des notions actuelles de la démocratie. Les participants ont surtout beaucoup échangé autour de la défense à venir, sur le terrain, face à la volonté d’évacuation militaire évoquée par Manuel Valls pour octobre prochain. Un comptoir de bookmaker du bocage aurait bien pu ouvrir, pour prendre les paris et faire fructifier - à prix libre - les supputations. La phrase du week-end, aura été, sous toutes variantes, « Alors, toi, tu crois qu’ils vont attaquer, à la rentrée ? », ouvrant à des déroulés de scénarios hypothétiques et d’arguments, politiques et militaires, voire météorologiques, pour les récuser ou les juger plausibles.

    Une lutte symbole, comme le Larzac


« Peut être que l’Europe mettra son hola aux expulsions, imagine Michel, 64 ans, allocataire du RSA à Saint-Brieuc et pratiquement aide-familial pour sa mère et son amie, 89 et 94 ans. C’est bien une lutte contre l’aéroport et son monde. C’est important l’ajout "et son monde"... J’étais hippie dans les années 70. Depuis je m’arcboute contre ce monde. La consultation, dans mon coin, ça n’a pas affecté grand monde, on savait que c’était pipé. Ça n’a pas entamé la détermination. D’autant que Notre-Dame-des-Landes, comme Bure ou Sivens, est devenu une lutte hautement symbolique ; comme le Larzac à l’époque ».


A un jet de motte de terre de là, sous chapiteau, se tissent des liens chaleureux et solidaires avec les opposants à Bure, les Italiens du Val de Suze, avec le Chiapas et les luttes des Indiens mexicains d’Atenco contre un aéroport aussi, il y a dix ans.

 
Les organisateurs ont remarqué que certains visiteurs sont venus de Notre-Dame-des-Landes pour la première fois à un rassemblement, le seizième.

    « Une histoire en train de s’écrire »

     

D’autres sont venus de plus loin avec des amis, comme Amélie, étudiante à Paris en agronomie, originaire du Finistère, indécise mais à l’écoute : « Je ne suis pas opposante farouche à l’aéroport, ni convaincue que ce soit un bien. Il y a les arguments agricoles, l’artificialisation des terres, et environnementaux, la zone humide menacée... Mais des zones humides, il y en a ailleurs. Pourquoi se battre pour celle-ci ? Alors, ça m’intéresse de voir ici autre chose que ce qu’on lit dans les journaux. D’un autre côté il y a les arguments économiques, ceux qui lient l’aéroport au développement, même si ça pompe dans le budget des collectivités voisines. Aux dernières élections régionales, ça a été un enjeu entre les partisans de l’opposition et de l’approbation à ce projet d’aéroport. J’ai voté pour l’opposition... En venant ici, j’ai aussi vu que depuis le temps les opposants ont construit ici quelque chose de très intéressant. Il y a des paysans en conventionnel, en bio, des adeptes de la permaculture... C’est une histoire en train de s’écrire. Je me suis aussi renseignée ici sur la décroissance, dont les partisans n’emploient pas les même mots que les médias, ils ne se posent pas les question de la même manière. Pour être cohérente, il faudrait aussi que je m’informe sur un site de la FNSEA, voire sur un site de pro aéroport. » 

 Amélie : « Les opposants ont construit ici quelque chose de très intéressant »



Légaliste, elle pense qu’il faudrait suivre l’avis favorable sorti de la consultation « pas si biaisée que ça » du 26 juin, tout en concédant que les abstentionnistes posent problème et que le périmètre « pas clair » a exclu les citoyens bretons pourtant sollicités via le budget de leur région...


Mais ici, ses doutes sont minoritaires. Le Oui sorti des urnes de la consultation n’a pas émietté la mobilisation. Bien au contraire. « C’est clair, ça ne change rien de rien au rapport de force », assure un paysan du collectif Copain44 qui n’a pas pris part à la campagne pour le non et n’attendait rien de ce vote. Comme toutes les composantes de la lutte, il n’y a pas cru mais n’en veut pas à ceux qui ont saisi l’occasion pour faire valoir les arguments contre le projet en menant des réunions publique et en distribuant des tracts sur les marchés.


La cohésion du mouvement est renforcée par l’épreuve, des zadistes aux paysans historiques, de l’association citoyenne au syndicat CGT de Vinci, des Naturalistes en lutte aux collectifs de pilotes de ligne, d’élus, d’architectes, de juristes. en donnant le prochain rendez-vous, le week-end du 8-9 octobre pour une journée de mobilisation sur la Zad, Dominique Fresneau, le président de l’association citoyenne Acipa, résume le sentiment général : « On est plus que mobilisés, on est dé-té er-mi-nés ». « On est déter’, on est des terres », s’amusent des jeunes de Bure dans l’assistance, qui a eu aussi la surprise de voir passer Hugues Auffray venu en soutien.

Hugues Auffray soutient les opposants
 
Les cantines rivalisent de recettes végan ou végétariennes, de galettes de blé noir au pesto, de pâtisseries orientales vite dévalisées. Le café est en rupture de stock.


    Terres, légales ou non



Sous l’un des huit chapiteaux déclinant les questions de démocratie, une paysanne du Morbihan évoque les « installations agricoles légales ». Il aura fallu les occupations de terres de Notre-Dame-des-Landes et le collectif Sème ta Zad pour qu’une telle expression trouve sa raison d’être, à côté des récupérations de friches ensuite remises en cultures, comme l’ont fait les paysans sans terre du Brésil.


Le chapiteau voisin accueille les Italiens du Val de Suze dont les témoignages ont été recueillis par le collectif Mauvaise troupe et publié dans le bouquin Contrées, aux éditions de l’Eclat. Mais plus qu’une collecte de récits et un projet éditorial, c’est une histoire de chaleur humaine, d’amitiés, de complicités et de solidarités actives qui prend place avec les traductions de l’italien au français, ou à travers le français rocailleux de certains militants contre le train grande vitesse qui veut rayer leur vallée : « Nous sommes venus pour apprendre de votre lutte. On s’intéresse au partage des terres. Vous avez beaucoup de produits de la campagne, le blé, le pain, les confitures. Chez nous des jeunes filles ont commencé avec des cueillettes d’herbe pour faire des crèmes, de la bière... », dit une mamma toute en noir. « Merci de nous avoir invités, reprend un homme fumant cigarette sur cigarette. On a expérimenté à Turin les refus des contrôles judiciaires. Après les coups et la prison, la répression s’est diversifiée et durcie cherchant à nous diviser. Mais vous devez continuer à résister ici. Votre résistance nous sert à nous aussi. »




Hypothèses d’évacuation, évacuation d’hypothèses

 
Si les journalistes interrogent toujours sur les effets de la consultation sur la légitimité de la lutte, les militants se centrent sur l’avenir proche sans tenir compte de la péripétie de ce vote consultatif. Intervention à l’automne ou pas ? Quand, comment ? Dans le jeu de rôle entre Valls l’autoritaire et Hollande l’indécis, quelle ligne primera ? Après leur défaite en 2012 et l’échec de l’opération César visant à évacuer la zone de ses occupants, quelle solution serait choisie, la même stratégie, mais avec deux fois plus d’effectif de répression ? Faut-il craindre une manœuvre inédite pour prendre la Zad par surprise, par la date d’intervention inattendue, par la rapidité de destructions ? « Peu probable » ; « Franchement, ça m’étonnerait... » ; « Hmmm. Je les vois pas faire ça. » Chacun y va de son hypothèse, de l’argument qui démonte un scénario échafaudé. A vrai dire, ce petit jeu des pronostics dure depuis des années.

    La dimension humaine et la beauté du bocage


« Cette fois la position du gouvernement semble claire et déterminée : en finir en mettant les grands moyens, dit Fred étudiant en école supérieure de commerce et fidèle lecteur de Reporterre. Oui je sais, la contradiction fait facilement la largeur de la zad... En tous cas, face à l’intervention de l’Etat, il va falloir venir donner des coups de main, prendre des jours de congés pour çà en plus des vacances personnelles. Malheureusement, je ne serai pas en France à l’automne, mais en stage en Inde. Mais j’espère que l’an prochain en juillet, je serais à nouveau ici, à discuter. J’étais déjà venu pour des manifestations, sur la quatre voies, mais je n’avais jamais eu le temps de voir ce qu’était la Zad. Je suis arrivé vendredi pour avoir le temps de découvrir la beauté du bocage et des petites routes, la dimension humaine et celle du paysage. C’est très important pour mettre des images et mieux comprendre sur ce que j’avais lu. »

Fred : « Face à l’Etat, il va falloir venir donner des coups de main »


On évalue l’orgueil des états-majors militaires et policiers, la montée des systèmes répressifs depuis mars dernier et les mobilisations contre la loi Travail, la résolution des composantes à Notre-Dame-des-Landes, paysans et zadistes en tête. On envisage le secteur bouclé, les plans B. « Faut qu’on se remémore quoi faire en cas d’arrestation et de garde à vue, dit une mère de famille. Faut d’ailleurs que j’en reparle aussi à mes enfants. »


Notion de terrorisme élargie


Sous un chapiteau, avec Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, et un assigné à résidence lors de la C0P21, les évolutions délétères de la répression sont envisagées. « La loi Urvoas de 2 juin 2016 prévoit la possibilité d’assigner à résidence, pour l’instant fléchée vers des personnes qui reviennent d’un théâtre d’opération d’un groupement terroriste, en gros l’Irak ou la Syrie, détaille Laurence Blisson. Mais le problème est qu’il ne s’agit que de suspicion, pas de faits, et que la notion de terrorisme peut être appréciée au sens large, petit à petit utilisable contre des militants revenant de lieux de mobilisation. Si aujourd’hui, la répression des militants est à la marge, le dispositif a vocation à les viser à terme... Lors de la COP 21 en décembre, le pouvoir s’est senti légitime pour utiliser l’état d’urgence contre des militants mobilisés sur la question du climat. »


Chapeau cousu de boutons colorés, mitaines sur la manivelle de son orgue de barbarie, Xavier déroule une version de la Chanson de Mackie de l’Opéra de Quat Sous de Brecht, avec des paroles qu’il a réécrites, évoquant Notre-Dame-des-Landes. S’il lâche la complainte, c’est pour déclamer des vers de Maïakosvki qui font surgir au-dessus de l’orgue « un nuage en pantalon ». La météo n’a plus qu’à aller se rhabiller.

 
« Un nuage en pantalon »

 


A Notre-Dame-des-Landes: 

« On ne va pas rester les bras croisés à attendre Valls »


Environ 25 000 personnes se sont rassemblées ce week-end contre le projet d’aéroport. Les opposants commencent à s’organiser contre le risque d’une évacuation forcée de la ZAD. Au discours gouvernemental, ils opposent d’autres visions de la démocratie et de la liberté.

Chaque année depuis seize ans, les opposants au projet d’aéroport de NDDL se rassemblent sur un champ proche de la ZAD pour un week-end de débats et de concerts. Mais cette fois-ci, l’attente était particulière : après le référendum favorable à l’aérogare, combien de personnes continueraient-elles à se mobiliser ? La réponse rassure les organisateurs : environ 25 000 personnes sont passées par le lieu-dit Montjean les 9 et 10 juillet, selon leur estimation, contre 15 000 l’année dernière. C’est une « très forte mobilisation », selon l’Acipa, organisation historique des opposants, « on ne pouvait pas espérer meilleure réponse ». Sylvain Fresneau, un des agriculteurs condamnés à l’expulsion par la justice en début d’année, décrit des volontaires « encore plus nombreux que d’habitude ». Un habitant de la ZAD se réjouit : « Après la consultation, le mouvement se relève. C’est assez extraordinaire, le nombre qu’on est ce week-end. On est toujours aussi nombreux. » 


Au lieu-dit Montjean, le 10 juillet 2016 (JL)
 
Samedi en début d’après-midi, alors que les militants commencent à fouler l’herbe de la prairie où se dressent sept chapiteaux de débats, on ne compte plus les bénévoles en gilet jaune qui s’affairent sur le parking, sous les bâches des stands du QG d’organisation ou derrière les listes organisant le covoiturage. Une foule en t-shirts multicolores peuple le lieu. Beaucoup arborent l’autocollant ou le badge des opposants à l’aéroport, reconnaissable à son avion barré de rouge sur fond jaune. Des Nantais qui ont fait campagne pour le « non » à la consultation y croisent des membres de comités de soutien venus de Bretagne, du sud-est du pays ou de Paris. Les militants contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo, à Bure (Meuse), sont les invités d’honneur du week-end. Assis sur des rangées de chaises en plastique, des milliers de personnes écoutent les conférences sur la démocratie, la désobéissance ou les violences policières pendant que d’autres s’arrêtent aux stands associatifs et militants (La Confédération paysanne, France nature environnement, la CGT, Solidaires, journaux alternatifs…). Des repas sont servis par des restaurateurs commerciaux ou des cuisines autogérées de la ZAD, qui proposent à chacun de laver son assiette et ses couverts dans les bassines de l’« autowash ». Les occupants de la zone à défendre accueillent sous leur tente des militants contre le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin et diffusent tracts, livres, affiches et le journal ZAD News. Une banderole rose et noir flotte à l’entrée de leur espace : « Zone à défendre : résistance & sabotage ». Des enfants sillonnent le champ à bord d’une voiture rouge à pédales. Leurs rires et leurs cris égaient les débats qui s’enchaînent. 
 

Et maintenant que va-t-il se passer ? Dominique Fresneau, coprésident de l’Acipa, appelle à un nouveau week-end de rassemblement contre l’aéroport les 8 et 9 octobre. La date n’est pas choisie au hasard : le gouvernement a plusieurs fois annoncé vouloir évacuer les occupants de la ZAD à l’automne ou en octobre.
« Manuel Valls donne un rendez-vous en octobre, on ne va pas rester les bras croisés à l’attendre. » Plusieurs heures de discussions ont été consacrées à l’organisation de la résistance aux évacuations ce week-end. Des militants se demandent s’il vaut mieux prévoir de converger vers la ZAD en cas d’expulsion, ou privilégier des actions décentralisées visant le gouvernement ou Vinci, la multinationale concessionnaire du projet d’aéroport. Blocages des voies de circulation et de transport, soutien logistique extérieur, appel aux cheminots, manifestations communes avec les opposants à la loi travail : chacun y va de sa proposition lors de la réunion intercomités, pleine à craquer, samedi après-midi. En 2012, lors de la première tentative d’évacuation de la ZAD, des milliers de personnes étaient venues soutenir les opposants à l’aéroport. « Cette fois-ci, cela se passera peut-être très différemment, avec des assignations à résidence, des arrestations préventives », met en garde un occupant de la ZAD, du fait de l’état d’urgence et des méthodes répressives contre les militants opposés à la loi El Khomri.


 

Sur un chapiteau du rassemblement contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le 9 juillet 2016 (JL).


 
L’association Des ailes pour l’Ouest, favorable au projet d’aéroport, a déjà appelé le gouvernement à vider la zone de ses occupants et à commencer le chantier : « La participation massive à la consultation du 26 juin et le choix très clair, à plus de 55 %, ne laissent aucune alternative à l’État. » Pour eux, « ce vote fait force de loi et s’impose à tous, y compris les zadistes qui doivent partir d’eux-mêmes durant l’été ». L’association annonce vouloir « prendre des initiatives » pour que les habitants du département appellent au départ des occupants de la ZAD et soutiennent les forces de l’ordre.



Dimanche matin, durant deux heures, les principaux collectifs composant le mouvement contre l’aéroport ont défendu leur vision de la démocratie : contre le rouleau compresseur institutionnel, l’incapacité des pouvoirs publics à se remettre en cause, l’expertise officielle biaisée, le mépris des mobilisations citoyennes. Pour une démocratie directe, instruite des savoirs militants et de contre-expertise citoyenne, nourrie de solidarités, de volonté d’alternatives au monde marchand, de confiance dans la créativité contestataire et d’amour de son lieu de vie. Deux habitants de la ZAD ont expliqué leur désaccord avec l'« idéal de démocratie » car « on n’a aucune envie de gouvernement, même pas d’un gouvernement qui serait notre propre gouvernement et qui produirait des décisions qu’il faudrait respecter ». Ils lui préfèrent l’auto-organisation, le refus des oppressions et des dominations : « La critique de la démocratie va de pair avec les enjeux d’émancipation, de réappropriation populaire de la politique et du sens de nos vies. » Les naturalistes en lutte ont décrit leur travail d’« experts par passion pour la nature, pour l’équité et pour la vérité ». À leurs yeux, l’émergence d’une contre-expertise indépendante et sa réalisation autonome sont une expérience « démocratique » riche mais la confrontation de ces nouvelles connaissances avec le système en place « ne permet hélas que d’éclairer par un cas concret toutes les barrières qui garantissent actuellement la neutralisation d’une démocratie réelle ». 

Leur hommage à Rémi Fraisse, naturaliste tué par les gendarmes lors d’un rassemblement contre le barrage de Sivens en 2014 a été longuement applaudi.



Acipa, paysans, juristes, atelier citoyen, élus contre l’aéroport, Coordination des opposants : chaque porte-parole a affiché sa détermination à poursuivre la lutte. L’émotion était palpable, dans les mélodies jouées à la cornemuse par un militant musicien. Dans les paroles de Sylvie Thébault, agricultrice historique de la ZAD condamnée à l’expulsion : « Nous, agriculteurs, avons cru au bon sens, à l’intelligence des décideurs et avons été ridicules. »

Jade Lindgaard - Médiapart


un reportage au sein de la ZAD avec Politis : 3 reportages audio


Vous êtes invité à voir l'album photo du Café Repaire du Conflent (66) intitulé : Notre Dame Des Landes dimanche 10 juillet 2016


Forte mobilisation à Notre-Dame-des-Landes malgré la consultation locale défavorable






 
Ils sont près de 25 000 personnes à avoir fait le déplacement ces 9 et 10 juillet à Notre-Dame-des-Landes pour marquer leur détermination contre toute construction à un nouvel aéroport. Quinze jours après la consultation où une majorité d’électeurs de Loire-Atlantique ont approuvé le transfert de l’aéroport actuel (55,17 % ont dit oui), des riverains, paysans, occupants de la zone à défendre et citoyens venus de toute la France ont témoigné de leur volonté de « défendre la zone et sa beauté fragile ». « On ne pouvait espérer meilleure réponse à la consultation que cette mobilisation exceptionnelle et déterminée », se réjouissent les coordinateurs de ce seizième rassemblement estival.



Les participants voient dans la consultation voulue par François Hollande « une étape » dans leur combat contre l’aéroport. Voire même un « camouflet » pour le gouvernement estiment-ils, malgré le résultat défavorable aux opposants... D’une part, parce que le raz-de-marée en faveur du « oui » n’a pas eu lieu, alors même que le périmètre de la consultation choisi par le gouvernement pouvait le laisser redouter [1]. D’autre part, parce qu’en dépit de « la campagne ordurière du président de Région concernant les "zadistes" qu’il fallait "dégager" », le non l’emporte dans les communes entourant le site d’implantation de l’aéroport en projet [2]. 
 
Deux résultats marquent les esprits : ceux de la ville de Bouguenais, où se situe l’aéroport actuel, qui ne « souhaite pas autant qu’on veut bien le dire le départ de son aéroport », avec 50,65 % voix pour le transfert et 49,35 % contre. Mais aussi Nantes, où le vote s’est joué à cent voix d’écart sur 80 710 votes exprimés. De quoi inquiéter le Parti socialiste dont le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, a annoncé l’annulation de son université d’été, prévue fin août à Nantes...
 



  
Sous les chapiteaux placés sous le thème « Semailles de démocratie », la colère monte contre « ces élus qui détériorent le commun » et qui « abiment la politique ». Le sentiment de désillusion est prégnant. « On a cru au bon sens des décideurs », appuie Sylvie Thébault, paysanne sur la zone, menacée d’expulsion (son témoignage). « Notre démocratie est bien malade. Les dernières salves sont tirées pour tenir un système à bout de souffle. » Mais certains veulent encore croire en la démocratie représentative. « Nous sommes encore très nombreux à être avides d’honnêteté », souligne la conseillère régionale Geneviève Lebouteux, membre du Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport (CéDpa). « Il n’y a pas de démocratie basée sur les mensonges, et ces mensonges nous ne cesserons pas de les dénoncer. »


 
« L’action citoyenne et militante continuera de s’articuler avec l’occupation, le combat politique, juridique et l’expertise citoyenne », assure Thomas Dubreuil de la coordination juridique. « Nous ferons tout pour éviter une destruction irréversible du milieu alors que les juges n’ont toujours pas statué (le procès en appel relatif à la loi sur l’eau et la destruction des espèces est toujours en cours, NdlR). » Sur place, c’est aussi la pratique qui oriente le devenir de la zone, avec mille et un projets fourmillant aux quatre coins du bocage. 
 
Ces deux jours ont également été marqués par la convergence des luttes, en particulier avec les militants de Bure opposés au projet d’enfouissement de déchets nucléaires dans la Meuse (notre enquête). « Parmi les multiples manières de défendre la ZAD, nous devons travailler aux solidarités translocales », affirme Nicolas Haeringer, membre de l’ONG 350.org pour la justice climatique. Dès le week-end prochain, une manifestation de ré-occupation aura lieu dans le bois communal de Mandres-en-Barrois, près de Bure, pour empêcher les travaux initiés par l’Agence nationale de déchets radioactifs. Un appel à une nouvelle mobilisation les 8 et 9 octobre à Notre-Dame-des-Landes a également été lancée, face aux menaces d’évacuation à l’automne 2016 formulées par Manuel Valls.




texte et photos : Sophie Chapelle - Bastamag



des nouvelles de Greg et son procès :
Après l’audience du 29 juin, Grégoire a retrouvé l’air libre la semaine dernière. Placé sous contrôle judiciaire, il comparaîtra libre à son procès en appel le 31 août 2016 à Rennes.




Le 29 juin, le Collectif jurassien d’opposants à Center Parcs avait appelé à un rassemblement en solidarité à Grégoire et à tous les inculpés de la lutte anti-aéroport. 
 
Une trentaine de personnes se sont retrouvées devant le tribunal de Lons-le-Saunier en début d’après-midi, avec banderole, tracts, intervention au mégaphone et porteur de parole.

À Rennes, le procès en appel de Grégoire a été repoussé au 31 août, au motif ... des Soldes ! (Ou plutôt en punition de la présence des manifestants à la sortie de l’audience du 4 mai dernier ?) Nous manifesterons donc à nouveau notre solidarité depuis le Jura le 31 août.

Jeudi 14 juillet




Appel des occupant-e-s de la zad à rejoindre la manifestation de réoccupation du 16 juillet


Alors que Bure était l’invité d’honneur du grand rassemblement d’été anti-aéroport, les occupant-e-s de la zad appellent à rallier la manifestation de réoccupation du 16 juillet contre la poubelle nucléaire en projet et pour sauvegarder la forêt de Mandre. Des bus et co-voiturages s’organisent depuis Nantes et en divers autres points du territoire pour se rendre en ce sens à Bure ce samedi.

Nous relayons ci-dessous l’appel des résistant-e-s de Bure à reprendre dès ce samedi la forêt menacée de laquelle ils ont été expulsé il y a quinze jours :
[Bure] Manif de réoccupation - samedi 16 juillet, on reprend la forêt

Samedi 16 juillet



En quoi l’organisation de la vie 

et de la lutte sur la zad 

est-elle un laboratoire de démocratie ? »



Par des habitant-es de la zad – Texte rédigé pour le temps fort du 10 juillet 2016, aux rencontres « Semailles de démocratie ». Version revue et complétée le 15/07/2016.



Voir texte ci-joint :



Infos du 18 au 24 juillet


Mardi 19 juillet

►Pendant ce temps là, les politiciens adoptent en douce une "loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages" (berk !) qui instaure notamment les banques d’actifs naturels et la compensation de biodiversité en termes financiers.
A partir de Notre-Dame-des-Landes on alerte depuis longtemps sur les dangers de ce mensonge d’Etat : non il n’y a pas de mesures compensatoires, non on ne peut échanger des mares contre d’autres ou prétendre aux "déplacements des espèces". 
 

Pour suivre un peu le débat on peut lire des articles écrits notamment par nos camarades du collectif des Naturalistes en lutte, Le projet de loi sur la biodiversité organise la destruction de la nature et La loi contre la nature, tous deux sur Reporterre.



Samedi 23 juillet




Aujourd’hui circulait un appel à rassemblement à Nantes : à lire ici, un texte sur la mort d’Adama entre les mains de la police et un appel à réaction de la famille




Pour Adama, mais aussi pour Zyed, Bouna, Wissam, Amine, Ali, Rémi, et tous ceux qui ont perdu la vie entre les mains de la police. On n’oublie pas !

Infos du 25 au 31 juillet


Lundi 25 juillet

►L’autorité environnementale du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) a émis la semaine dernière des réserves sur la révision du schéma de cohérence territoriale (SCoT) de Nantes - Saint-Nazaire. Elle « relève le document d’orientation et d’objectifs reste d’un niveau d’encadrement relativement peu contraignant », « que l’évaluation n’apporte pas toujours les justifications nécessaires pour apprécier les impacts environnementaux et la portée des mesures prises pour les éviter, les réduire et les compenser » et que « L’examen des incidences pressenties des différents projets, dont les incidences cumulées, est relativement lacunaire ». Voir l’avis complet
 

Vendredi 29 juillet






 

ET AILLEURS



 

Infos du 1er au 10 juillet




Samedi 2 juillet

  

Sivens : 

la justice annule le projet initial de barrage





Ce vendredi 1er juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé trois arrêtés fondateurs du premier projet de barrage de Sivens. Une victoire juridique de taille qui remet en cause sur le fond l’utilité du projet de retenue d’eau de Sivens.


La décision était attendue dans quinze jours. c’est finalement vendredi 1er juillet, que les juges du tribunal administratif de Toulouse ont rendu cinq décisions concernant le projet de Sivens. Bilan : les trois arrêtés fondateurs du projet sont annulés. Ils avaient été attaqué en octobre 2013 par plusieurs associations environnementales opposées au barrage de Sivens, dont le collectif Testet. La justice suit ainsi les conclusions du rapporteur public présentées lors de l’audience du 24 juin dernier


Première et plus notable de ces annulations : la déclaration d’utilité publique, (DUP) du 2 octobre 2013. Elle avait donné le feu vert pour l’ensemble des travaux du barrage. Cette décision outrepassait déjà la loi puisqu’elle ne respectait pas les réserves des commissaires enquêteurs qui donnèrent un avis favorable au projet. Dans leurs conclusions sur cette DUP, les juges administratifs présentent une démonstration implacable contre le projet et donnent raison sur tous les points soulevés depuis le début par les opposants : un projet inutile, destructeur et surdimensionné.



Décision du tribunal administratif de Toulouse annulant la DUP du barrage de Sivens

 

D’abord, cet arrêté viole les préconisations régionales du SDAGE (schéma directeur de l’aménagement et de gestion de l’eau) du bassin Adour-Garonne qui précisait "qu’aucun financement public n’est accordé pour des opérations qui entraîneraient, directement ou indirectement, une atteinte ou une destruction des zones humides, notamment le drainage"

Les juges basent leur décision sur les avis défavorables rendus à la fois par les instances régionales (CSRPN et nationales (Conseil national de protection de la nature) du ministère de l’Ecologie qui estimaient dès 2013 que "les mesures compensatoires présentent un caractère hypothétique, ne compensent pas réellement la disparition de la seule zone humide majeure de la vallée". Autre élément essentiel : les juges reconnaissent le caractère surdimensionné du projet, (1,5 millions de mètres cubes), aspect longtemps nié par ses promoteurs.


Un fragment de la zone humide du Testet toujours intact, fin mai 2016.

Le second arrêté concerne la destruction des espèces protégées, daté du 16 octobre 2013. La conduite des études sur la faune avait été entachée d’irrégularités. Un point soulevé, là encore, par le Conseil national de protection de la nature qui précisait dans son avis défavorable d’août 2013 que « les inventaires faunistiques sont très insuffisants et ne couvrent pas un cycle biologique annuel ».


Le troisième arrêté concerne l’autorisation de défrichement, datée du 12 septembre 2014. Pour qui était sur place, la date peut surprend puisque le défrichement de la zone avait en fait commencé dès le 1er septembre, sans respecter les affichages obligatoires et les procédures légales. Saisi en urgence, le tribunal de grande instance d’Albi se déclarait incompétent le 16 septembre, et ce alors que les deux tiers de la zones humides étaient déjà détruits. Il condamnait même l’association FNE Midi Pyrénées à 4000 euros d’amende ! Le tribunal administratif de Toulouse rend finalement raison à l’association en annulant cet arrêté et demandant le versement de (seulement) 150 euros à l’association.


Le tribune a également examiné deux autres recours : l’un concernait la déclaration d’intérêt général, en lien avec la loi sur l’eau, pris le 2 octobre 2013. cet arrêté fondateur avait été déjà abrogé au mois de janvier dernier par les préfets du Tarn et du Tarn-et-Garonne. Les juges de Toulouse ont donc conclu qu’il n’y avait plus lieu de statuer. L’Etat est néanmoins condamné à versé 1.200 euros aux associations au titre des frais engagés. Enfin, dernier recours en date, concernant le protocole d’accord entre l’Etat et le département du Tarn, protocole qui soldait les dépenses déjà engagées dans le chantier (2 millions d’euros). La justice a débouté FNE Midi Pyrénées et le Collectif Testet et suivi les conclusions du rapporteur public qui estimait que l’association n’avait pas d’intérêt à agir.


 "Les zadistes avaient toute légitimité pour protéger la zone humide"



Christian Conrad, Roland Fourcard et Gilles Olivet avaient débuté leur grève de la faim pour montrer leur opposition au projet de barrage de Sivens en septembre 2014.
 

Si ces décisions ne changent rien à un chantier stoppé, soldé et abandonné, elles mettent un terme définitif au projet initial de barrage. Selon Alice Terrasse, avocate des associations requérantes, les trois décisions d’annulation sont "pleinement satisfaisantes". Et pour cause, "les juges sont rentrés dans le détail des points abordés par les associations. Ils reconnaissent pleinement l’absence d’utilité du publique du projet". Les travaux entrepris sont donc juridiquement illégaux, ce qui montre pour l’avocate que "les zadistes et les occupants avaient toute la légitimité pour protéger la zone humide et le site de Sivens". Rappelons que c’est seulement après la signature des arrêtés autorisant les travaux que des opposants locaux avaient entamé l’occupation au mois de novembre 2013, dernier recours devant le démarrage imminent des travaux.


Pour l’heure, les associations se concertent pour savoir si elles entreprennent ou non une action en responsabilité contre l’Etat pour la destruction de la zone humide et pour exiger la remise en état des parcelles. Elément juridique de poids : les juges ont choisi l’annulation pure et simple et non l’abrogation des trois arrêtés. Une simple abrogation aurait juste mis un coup d’arrêt à partir du rendu de la décision. Mais une annulation remet en cause la légalité de toutes les opérations conduites depuis la signature de l’arrêté, donc des travaux.

    Les opérations de maintien de l’ordre ont protégé un chantier illégal

En est-il de même pour les opérations de maintien de l’ordre entreprises pour protéger ce chantier "illégal" ? Pour Me Terrasse, les deux ne s’inscrivent pas nécessairement dans le même cadre, même si selon son analyse, "on peut considérer qu’il n’y avait pas lieu de déployer la forces publique"


Grande perdante de ce jugement, la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne. Elle avait produit les études justifiant le barrage et avait été chargée ensuite de le construire. Me Terrasse estime que "cela remet en cause la légitimité et le sérieux de cette entreprise". La CACG a été condamnée deux fois depuis le début de l’année, pour mauvaise gestion du barrage de la Gimone, dans le Tarn-et-Garonne, et pour des débits insuffisants sur le Midour, un cours d’eau dans le Gers.


Les décisions concernant le barrage de Sivens résonnent en écho avec celles d’une autre retenue du Tarn, le barrage de Fourgogues, construit par la CACG et déclaré illégal un an après son achèvement.


Autre perdant : le Conseil général du Tarn qui n’a désormais plus aucune base légale pour planifier un projet à Sivens. Il faudra pour un nouveau barrage redimensionné et déplacé une nouvelle déclaration d’utilité publique et une nouvelle enquête publique. "Sans la DUP tout s’effondre" , résume Ben Lefetey porte parole du collectif Testet. Le collectif mène désormais la bataille pour restaurer la zone humide là où elle a été détruite. Un comité de suivi a été mis en place le 17 juin dernier, une visite du site est prévue la semaine prochaine.

    "Si le dialogue environnemental avait été respecté, cette tragédie ne serait pas arrivée"


Mais pour M. Lefetey, la victoire reste amère : "Il est dommage que la justice ne nous ait pas entendu plus tôt, en 2013 et 2014 quand nous demandions à stopper le projet, le drame aurait pu être évité" souligne-t-il, référence à la fois à la destruction de la zone humide mais aussi au deuil de Rémi Fraisse que portent toujours les opposants au barrage. 


Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, Rémi Fraisse, a été tué par une grenade offensive lancée par les gendarmes mobiles. Le jeune homme de 21 ans était tout simplement venu participer à un rassemblement festif et militant organisé ce week-end là sur la ZAD de Sivens. La famille de Rémi Fraisse s’est exprimée vendredi 1 juillet en saluant ces décisions d’annulation. Elle "constate avec douleur que si les recours administratifs et le dialogue environnemental avaient été respectés, les travaux n’auraient pas démarré et cette tragédie ne serait jamais arrivée." Et de rappeler le Président de la République "à sa promesse de vérité formulée lors de son allocution du 6 novembre 2014, alors que l’enquête judiciaire peine toujours à avancer et ne s’intéresse pas aux décisionnaires publics aujourd’hui mis en cause par cette décision administrative ».


Le dossier sur l’homicide de Rémi Fraisse conserve de nombreuses zones d’ombres.


Lundi 4 juillet, Reporterre apportera des informations décisives révélant ce qui s’est réellement passé la nuit où est mort Rémi Fraisse.

Cette sculpture d’1,8 tonne et de 2 mètres de haut a été installée sur la Zad de Sivens dans la nuit du 19 au 20 octobre 2015. Des mots simples et justes sont gravés à côté d’une renoncule, la fleur étudiée par Rémi Fraisse : « Nous humains, enfants de la terre, continuons le combat pour la vie. »
 

  

Barrage de Sivens : la justice annule la déclaration d’utilité publique, voir l’article du Monde



Lundi 4 juillet

 

Rémi Fraisse : il y avait une équipe fantôme






Que s’est-il réellement passé dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, à Sivens (Tarn), lors de la mort de Rémi Fraisse ? À la lumière du dossier d’instruction et de nombreux témoignages, Reporterre révèle les faits. Ils contredisent la version officielle. Une équipe fantôme de gendarmes a agi cette nuit-là. Et n’avait pas pour seul but de défendre la zone.


Sur la mort de Rémi Fraisse, on croyait avoir tout lu. Voici le récit qui s’est imposé : le weekend des 25 et 26 octobre 2014, à Sivens, le rassemblement festif contre le projet de barrage dégénère. Les forces de l’ordre ont pour mission de défendre une « base de vie », sur le site même où le barrage est prévu. Sur cette base sont habituellement rangés les engins de chantier, mais cette nuit-là, il n’y en a aucun. Les heurts avec les manifestants s’étirent dans la nuit. À 1h45 du matin, une grenade offensive est lancée par les forces de l’ordre et tue, sur le coup, le jeune homme.


Plus d’un an et demi après le drame, l’enquête judiciaire, confiée aux juges toulousaines Anissa Oumohand et Élodie Billot, est toujours en instruction. Cette enquête a nourri un dossier de plusieurs milliers de pages. Or, Reporterre y a eu accès, et depuis des mois, en épluche les pièces en détail. On y trouve notamment une centaine d’auditions de gendarmes et de comptes-rendus techniques, que nous avons décortiqués, confrontés et mis en perspective avec les témoignages de manifestants et d’autres sources que nous avons interrogées.

Une fois le jargon militaire traduit et le dispositif déchiffré, on constate qu’apparaissent des contradictions manifestes, mais aussi des révélations : l’existence d’un cinquième peloton de gendarmes mobiles, jusqu’ici caché par la version officielle de l’action du dispositif de maintien de l’ordre dans la nuit du 25 au 26 octobre.


Reprenons tout dans le détail : non pas la version officielle jusqu’ici diffusée, mais celle que révèlent les auditions des gendarmes.

    Plus la soirée avance, plus les contradictions s’enchaînent dans les auditions


L’escadron de gendarmes mobiles 28/2 de La Réole est déployé à minuit, à l’endroit où se sont déroulés de violents affrontements durant l’après-midi du samedi. Dans la soirée, jusqu’à minuit, tout a été calme. A minuit, les 72 militaires de l’escadron se positionnent sur le flanc nord, à l’arrière et à l’intérieur de la « base vie ». C’est un espace grillagé, où sont normalement garées les machines de chantier. Les gendarmes font d’abord face à des manifestants calmes. Des brasiers sont allumés, les opposants se rapprochent. Puis, la tension monte, selon le gendarme chargé de filmer ce soir-là, qui commente à haute voix les événements : « Les sommations viennent d’être faites (...) Les cailloux commencent à pleuvoir sur les véhicules », indique la retranscription des vidéos réalisée par les enquêteurs. Les affrontements vont durer plus de quatre heures.

À minuit cinquante, toujours selon ces mêmes vidéos, le capitaine J., chef de l’escadron, s’écrie : « Pour lndia : tu te replies (...). On joue l’apaisement pour l’instant et on maintiendra le personnel tant que le 5e peloton n’est pas arrivé au niveau des véhicules. »

« Cinquième peloton » : d’où sort-il ? À cette époque, un escadron de gendarmerie mobile déployé pour le maintien de l’ordre est normalement divisé en quatre pelotons de marche (dénommés India, Alpha, Bravo et Charlie) [1]. Ces pelotons sont chacun divisés en deux groupes, 1 et 2. L’escadron comporte de surcroît un peloton de commandement qui, lui, n’est jamais considéré comme un cinquième peloton. Quel est donc le cinquième peloton dont parle le capitaine J. ?

La réponse ne se trouve nulle part dans le dossier d’instruction de l’« affaire Rémi Fraisse ». Plus étrange encore, cette mention du cinquième peloton n’est pas reprise dans la retranscription de la vidéo réalisée ultérieurement par l’IGGN (Inspection générale de la gendarmerie nationale). Ainsi, après recoupement de l’ensemble des auditions, ce cinquième peloton reste impossible à identifier au moment le plus intense des heurts.

Or, par ailleurs, un groupe de gendarmes apparaissant dans le dispositif déployé ce soir-là, le groupe Charlie 2, est particulièrement difficile à localiser. Il est composé de cinq militaires, quatre jeunes recrues alors âgées de 22 à 27 ans, et de l ’adjudant-chef C., plus expérimenté. Ce chef affirme dans son audition avoir placé son groupe « à l’arrière droit » de la zone de chantier. Problème : les gendarmes S. et B., membres de Charlie 2, indiquent, quant à eux, avoir « pris position sur la gauche du dispositif, face aux manifestants ». C’est-à-dire de l’autre côté. Les militaires des autres groupes ne sont pas plus clairs et ne parviennent pas à dire précisément où sont leurs collègues de Charlie 2. Et pour cause, plus la soirée avance, plus les contradictions s’enchaînent dans les auditions : déroulé imprécis, peu de détails, flou sur les actions menées, jusqu’à l’impossibilité totale de localiser le groupe Charlie 2 à partir d’une heure du matin.

Qui est cette équipe fantôme ? Charlie 2 ou le cinquième peloton ? Nous ne le savons pas. Mais il y avait bien ce soir-là un groupe de gendarmes hors de la « base vie » qui agissait de manière dissimulée. C’est ce que confirment le témoignage de manifestants.
 






    Un groupe hors-zone

Vers une heure du matin, Marc s’approche au plus près des gendarmes. Cet opposant de longue date au projet de barrage se trouve en face de la « base vie » défendue par les gendarmes : il est sur le terrain que le chantier des dernières semaines a transformé en une dalle d’argile. Depuis ce glacis, Marc voit deux véhicules, roulant « feux éteints » vers la rivière, le Tescou, traverser la zone humide. Là, « des gendarmes à pied traversent le Tescou et s’installent juste en face de nous. Je dirais qu’ils étaient huit, ils sont arrivés en petits groupes », déclare Marc aux juges d’instruction lors de son audition en février 2016. Sur le dessin ci-dessus, ils sont représentés comme « équipe fantôme ».


Cette position hors de la zone de vie est niée fermement par les militaires : « C’est impossible », affirme le maréchal des logis J, lors de son audition, quand les juges d’instruction lui demandent si un groupe se trouvait en-dehors de la zone de vie. Pourtant, cette équipe est attestée par d’autres manifestants. Ainsi Christian, que Reporterre a déjà rencontré, affirmait déjà, quelques heures après les faits, que des gendarmes étaient présents sur la gauche de la zone de vie. « Ils étaient sept ou huit, positionnés avec les boucliers devant et des lanceurs de LBD [lanceurs de balle de défense] derrière. Ils étaient protégés derrière une souche d’arbre. Ils essayaient d’avancer », précise Christian.

 
Ces gendarmes sortent de l’ombre avant d’être de nouveau avalés par l’obscurité. Et ce, à plusieurs reprises. Élisa (prénom modifié), une manifestante, a observé leurs mouvements : « Ils se cachaient, et quand on s’approchait, ils ressortaient. Ils nous attaquaient en passant le fossé. Ils étaient bien en dehors de la zone de vie », déclare-t-elle à Reporterre. Près de cette équipe fantôme, et au coin de grillage où sont retranchés d’autres gendarmes, Élisa remarque « une personne qui levait les mains, juste au bord du fossé. Elle est restée un petit moment dans cette position », assure-t-elle aux juges d’instruction en février 2016. Les militaires alors « ont commencé à tirer plus près de nous », poursuit-elle. Selon des témoignages concordants, le noir est complet lorsque des explosions retentissent. Rémi Fraisse, touché dans le dos par une grenade, tombe à terre, à proximité du fossé, et meurt sur le coup. Élisa, elle, ne voit plus la personne aux mains levées. Il est 1h45 du matin.


Quelques instants auparavant, une grenade offensive de type OF-F1 a été lancée dans cette direction depuis la zone de vie grillagée par le maréchal des logis J. Il est le chef de Charlie 1, et est le seul de son groupe habilité à utiliser cette arme. Très vite, les militaires qui l’accompagnent voient une « forme sombre » au sol, et ils le signalent à leur hiérarchie. C’est le moment où, dans le récit des gendarmes, Charlie 2 réapparaît. Il aurait reçu l’ordre de renforcer Charlie 1. Et alors que personne n’a encore formellement identifié un corps, l’adjudant C. de Charlie 2 affirme dans son audition : « Je suis intervenu à la radio pour confirmer qu’il s’agissait bien d’une personne. Je voyais son visage tourné vers nous, il avait les pieds en direction du ruisseau et la tête dirigée vers le portail. » Comment, alors que Charlie 2 arrive en appui de Charlie 1 et découvre la situation, peut-il être plus précis que les témoins de Charlie 1 eux-mêmes ? Cette précision est surprenante. Sauf si Charlie 2 était sur le terrain même, « aux premières loges ».


Mais à l’instant de la mort de Rémi Fraisse, le maréchal des logis J., dernier à lancer une grenade selon les gendarmes, ne fait pas de lien de cause à effet entre son geste et la personne à terre. Il estime même avoir lancé « plus à droite ». Ses coéquipiers de Charlie 1, eux, entendent l’explosion, mais déclarent « ne pas voir l’endroit où la grenade tombe ». Ce qui est en revanche certain, c’est que Rémi s’écroule après plusieurs explosions de grenades. Les témoins, proches ou lointains, sont unanimes sur ce point : « Ils nous ont canardé, on a entendu trois grenades explosives à ce moment », dit Christian. Il est alors à quelques mètres du jeune homme tombé à terre et le voit ensuite « être traîné comme un chien par les gendarmes ». Nicolas (prénom changé), posté sur une butte qui domine la scène d’affrontement, déclare de son côté entendre « trois explosions certaines » aux enquêteurs. Des déflagrations en rafale également attestées par Élisa : « À ce moment-là, il y avait 3 ou 4 grenades », affirme-t-elle.


    Une autre grenade qui aurait pu tuer



Parmi les nombreuses munitions utilisées par les forces de l’ordre, 23 grenades offensives auraient été lancées, cette nuit-là, à Sivens. On peut se demander si l’équipe fantôme en a utilisé. En tout cas, l’une de ces 23 grenades a causé la mort de Rémi Fraisse. Une autre aurait pu tuer Mélody (prénom modifié), une quinzaine de minutes seulement avant le décès de Rémi. Voici son histoire. Contactée par Reporterre, la jeune manifestante relate que, choquée par la violence des gendarmes, elle se plante face à eux. « Je lève les mains pour montrer que je n’ai pas de caillou. Je disais : "Arrêtez de tirer à hauteur humaine." Et là, je n’ai rien compris, j’ai volé et je me suis retrouvée au sol. J’étais complètement tétanisée. J’ai vraiment cru que j’étais en train de mourir. » Elle décrit « quelque chose qui explose à côté de moi, avec un bruit hyper puissant », un détail caractéristique des grenades offensives. La jeune femme raconte qu’elle est alors tirée brutalement par des gendarmes qui l’entraînent à l’intérieur de leur position et découvrent que c’est une jeune femme, avant de la frapper au visage.


Son récit est sensiblement différent de celui des gendarmes qui, eux, font état d’une « mission de secours » d’une manifestante « tombée suite à tir de LBD » puis « soignée ». Présentée à 1h28 du matin comme une « personne interpellée... expulsée à l’arrière du dispositif » dans la retranscription des vidéos, Mélody est finalement relâchée, durant la nuit, sans explication. Le commandant des opérations explique dans son audition l’avoir laissée partir car « nous n’avions pas d’OPJ avec nous ». Pourtant, dès 1h20, un OPJ (officier de police judiciaire), seul habilité à procéder à des arrestations, est sur place. Il réalise vite qu’il vient « pour prendre des mesures de garde à vue concernant des opposants qui auraient été interpellés », dit-il aux enquêteurs.


Les gendarmes spécialisés dans l’interpellation jouent un rôle confus ce soir-là. Il s’agit du PSIG local (Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie). Cette unité, équivalent militaire de la BAC (Brigade anticriminalité), était habituée à la ZAD de Sivens, et a d’ailleurs été responsable de plusieurs cas de violence les semaines précédentes. Des pelotons du PSIG sont présents ce weekend. L’un d’eux est censé être engagé à Sivens jusqu’à minuit, mais rien dans le dossier d’instruction n’indique qu’il quitte alors la zone. Un autre disparaît complètement des radars jusqu’à l’arrivée des enquêteurs sur place, une heure après la mort de Rémi Fraisse. Là encore, le PSIG aurait-il pu jouer le rôle d’équipe fantôme, comme Charlie 2 ou un cinquième peloton ? La question reste ouverte mais il est clair que les autorités ont tenté de masquer l’existence ce soir-là d’un petit groupe de gendarmes agissant en dehors de la « base vie ».


    Interpeller - et pas seulement défendre



La question des interpellations est essentielle. Car, à Sivens, ce weekend-là, le premier motif de la présence policière paraissait clair : éviter à tout prix que l’afflux de manifestants empêche la reprise des travaux du barrage le lundi matin. Il n’est pas question pour le gouvernement de laisser s’installer un deuxième Notre-Dame-des-Landes. Les gendarmes doivent tenir une « zone de vie » vide qui devient un symbole et un élément stratégique. Pour cela, il faut empêcher les incursions de toutes parts. Mais alors, pourquoi dissimuler, sur place, une équipe fantôme, et pourquoi, par la suite, tenter d’en effacer les traces dans le dossier d’instruction ? Y-a-t-il un objectif inavouable qu’ont tenté de cacher les forces de l’ordre ?


La réponse, les gendarmes peuvent la donner. Plus tôt dans la journée, le commandant de la gendarmerie du Tarn recevait un texto : « On est attendu sur les interpellations. » Il est envoyé par le directeur général de la Gendarmerie nationale. Celui-ci est sous les ordres directs du ministère de l’Intérieur. Telle semble la raison d’être de l’équipe fantôme : pour pouvoir interpeller des individus, il est plus aisé de contourner le dispositif grillagé et de se poster dans l’obscurité, hors de la base de vie, pour arrêter des manifestants isolés et/ou ciblés. Cette tactique de « discrétion dans l’exécution de certaines missions », avec « actions ciblées sur les meneurs » et « arrestations », est préconisée dans un manuel de formation de gendarmerie que Reporterre s’est procuré.


- Télécharger la page 87 du Manuel de gendarmerie « Formation théorique au maintien de l’ordre public » concernant ce type d’actions :



Page 87 du Manuel de gendarmerie « Formation théorique au maintien de l’ordre public ».


Ce mode opératoire est confirmé par une source proche de la gendarmerie que nous avons interrogée : « Si une équipe n’est pas localisable et qu’un officier de police judiciaire est sur place, c’est qu’il y a une volonté d’interpeller », estime-t-elle, avant de préciser que plusieurs personnes recherchées, dont certaines de nationalités étrangères, avaient été « repérées » à Sivens. On serait bien loin de la simple mission de protection de la « base vie » du chantier avancée par l’ensemble des militaires.


Mais ce qui n’était pas prévu cette nuit-là, c’est la présence de Rémi Fraisse à quelques mètres seulement de l’équipe fantôme. Il reçoit une ou plusieurs grenades offensives lancées depuis l’intérieur et/ou de l’extérieur de la zone de vie et meurt sur le coup.


Deux heures après son décès, les gendarmes reçoivent enfin l’ordre de « décrocher ». Soudain, un rideau opaque de gaz lacrymogène s’abat sur le lieu des affrontements. Les fourgons s’évanouissent dans la nuit. Les manifestants prennent possession de la « base vie » sans se douter du drame qui vient de se nouer.


Au petit matin, la préfecture du Tarn annonce, dans un communiqué laconique : « Cette nuit, vers 2 heures du matin, le corps d’un homme a été découvert par les gendarmes sur le site de Sivens », en omettant de mentionner le contexte d’affrontements pourtant déjà connu des autorités. Une tentative maladroite de minimiser la gravité des faits. Elle n’est que la première d’une longue série de manœuvres pour étouffer l’affaire.




 

Mardi 5 juillet


Rémi Fraisse : les gendarmes ont tenté de saboter 

l’enquête. Voici comment




La mort du jeune naturaliste à Sivens, en octobre 2014, est le résultat d’actions toutes différentes de la version officielle jusque-là diffusée, comme nous l’avons montré hier. Et dans les premières semaines de l’enquête, la gendarmerie a multiplié coups tordus et pressions sur les témoins pour tenter de cacher la vérité. Voici les faits.



Que s’est-il réellement passé dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, à Sivens (Tarn), lors de la mort de Rémi Fraisse ? À la lumière du dossier d’instruction et de nombreux témoignages, Reporterre l’a raconté dans le premier volet de notre enquête, révélant qu’une équipe fantôme de gendarmes a agi cette nuit-là. Et n’avait pas pour seul but de défendre la zone. Ensuite ? Nous le racontons maintenant.


Dès le lendemain de la mort de Rémi Fraisse, dans la nuit du samedi 25 octobre 2014 au dimanche 26, les coups tordus commencent : pendant près d’une semaine, les autorités vont tenter de minimiser l’affaire et d’instiller le doute. Leur but : réduire la responsabilité des gendarmes mobiles déployés à Sivens la nuit du drame.


D’abord avec la publication, à 10h30 le dimanche matin, de ce communiqué laconique de la préfecture du Tarn : « Vers 2h du matin, le corps d’un homme a été découvert par les gendarmes sur le site de Sivens. » Pourtant, la première autopsie réalisée au petit matin, le 26 octobre, révèle déjà la possibilité d’un décès causé par l’explosion d’une grenade offensive. Les médias ont les yeux rivés sur le Tarn. Il n’est plus possible d’étouffer l’affaire : dès le lundi 27, Reporterre dévoile que Rémi Fraisse est mort du fait d’un gendarme. Les manœuvres des autorités vont alors s’insinuer dans l’enquête pour tenter de l’orienter.



    Une grenade perdue et un sac à dos introuvable



Justement, une grenade offensive « égarée » par les gendarmes mobiles à Sivens fait son entrée dans le dossier. Une perte signalée en haut lieu, selon l’enquête de flagrance à laquelle Reporterre a eu accès. Si les munitions utilisées par les forces de l’ordre sont comptabilisées soigneusement au cours de leurs « opérations », celles qui sont perdues ne sont que très rarement signalées, en raison du risque de sanction. Ce qui pose question, c’est la chronologie de la perte de cette grenade.


Pour bien comprendre, il faut savoir qu’avant l’entrée en action de l’escadron La Réole, à minuit, d’autres unités de gendarmerie mobile ont été déployées sur le site de Sivens le samedi entre 16h55 et minuit et sont ensuite relevées par La Réole. Le chef L., qui appartient à l’escadron de Châteauroux, quitte donc la zone à minuit. Il se rend compte dimanche 26 octobre, dans l’après-midi, qu’il lui manque une grenade OF-F1. L’alerte est aussitôt donnée à son supérieur qui en réfère aux autorités. Interrogé pour l’enquête de flagrance deux jours après les faits, le chef L. assure aux enquêteurs qu’il pense être en possession de la totalité de son matériel au moment de la relève du samedi soir. Pour lui, il n’y a alors aucun doute : sa grenade a disparu « au moment du départ du site de Sivens. Dans la zone vie et à l’extérieur jusqu’au chemin en direction de la maison forestière ». Des endroits où les zadistes auraient pu accéder.


L’alerte sur la perte de cette grenade n’est donc donnée que le dimanche après-midi et elle tombe à point nommé. Car, à ce moment-là, il ne fait aucun doute que Rémi Fraisse a été tué par une grenade offensive de type OF-F1. « Faire disparaître du matériel pour se protéger, c’est une pratique courante », remarque une source policière qui a pris connaissance du dossier. « Au vu de la quantité de munitions balancées par les gendarmes ce week-end, ils n’étaient pas obligés de la signaler, surtout 24 heures après. » On peut émettre l’hypothèse que les gendarmes ont tenté de se ménager une porte de sortie en mettant de côté une preuve matérielle. Ceci afin de suggérer que le jeune homme aurait été tué par une grenade qu’il aurait récupérée lui-même ou qui aurait été trouvée par des zadistes.


Car le lendemain de la mort de Rémi, le lundi 27 octobre, son sac à dos entre en scène. En fin d’après-midi, à Albi, la préfecture du Tarn, les journalistes se pressent dans le petit bureau de Claude Dérens, procureur de la République. « La plaie importante située en haut du dos de Rémi Fraisse a été causée, selon toute vraisemblance, par une explosion », déclare-t-il, en précisant que « rien ne permet d’affirmer qu’une grenade lancée depuis la zone où les gendarmes étaient retranchés a pu être à l’origine de cette explosion ».

La scène du drame, en plein jour
 
Mardi 28, le procureur se rend sur le site de Sivens, où il assure, devant la presse, que les zadistes « ont toujours le sac à dos, mais nous espérons qu’ils vont le donner aux enquêteurs ». Quelques lambeaux ont été retrouvés sur les lieux du drame, mais il manque l’objet en entier, selon les médias. Et pour cause : l’explosion a en partie déchiqueté le sac à dos de Rémi. La partie du sac encore intacte a été récupérée par les gendarmes en même temps que le corps de Rémi. Elle figure parmi les premières pièces à conviction.


Le doute a été cependant insinué et journalistes et gendarmes posent la question : le sac à dos contenait-il des produits explosifs ?


Mais le 31 octobre, les analyses présentes dans le dossier confirment « une explosion due au TNT », un composant des grenades offensives militaires. Aucun autre élément chimique n’est découvert.


On assiste donc à l’échec du double mensonge : non, les zadistes n’avaient pas récupéré le sac, et non, le sac ne contenait pas d’explosif, tel que, par exemple, un cocktail Molotov.


Au demeurant, les cocktails Molotov, abondamment cités par les gendarmes à ce moment, restent presque introuvables le soir du drame. Si, dans l’après-midi, comme cela avait été filmé, deux de ces engins sont envoyés sur les forces de l’ordre, en revanche, durant la nuit, racontent les gendarmes aux enquêteurs, « nous n’avons pas été touchés par ces cocktails, ils sont tombés devant nous (...) ils étaient lancés de trop loin pour nous toucher ».




À Rodez : une histoire de fous



Pendant ce temps, une rumeur se propage dans les casernes du Sud-Ouest : la famille de Rémi aurait tenté d’attaquer une gendarmerie pour se venger. Un mensonge, bien sûr, mais un élément de plus dans la bataille de communication menée par le corps militaire. À l’origine : une histoire étrange, survenue le lundi soir 27 octobre, à Rodez, dans l’Aveyron, un département voisin du Tarn. Ce soir-là, deux hommes se présentent vers 20h devant la gendarmerie départementale pour « apporter, selon eux, des précisions concernant “le crime de Sivens” », indique un procès-verbal des enquêteurs.


Garés devant la caserne, ils « trépignent et s’impatientent ». Ils donnent leurs noms à l’interphone, en attendant qu’on leur ouvre le portail. Mais, le temps que le portier arrive pour leur ouvrir, ils sont repartis sans plus d’explication. Rapidement, par la plaque d’immatriculation filmée par la caméra de vidéosurveillance, les gendarmes de Rodez identifient la voiture : elle appartient à une certaine Clotilde Fraisse.


Or, les gendarmes chargés d’enquêter sur la mort de Rémi ont scruté les données du téléphone portable du jeune homme et n’y ont rien trouvé de particulier. Seulement des appels et des textos de ses amis et de ses proches. Parmi ces textos, plusieurs proviennent d’une dénommée « Clo ». Un nom source de confusion : il s’agit de sa sœur Chloé. Or, la voiture volée appartient à une quasi-homonyme, Clotilde Fraisse, qui demeure à Rodez.


Pour cette jeune femme, rencontrée par Reporterre, « il s’agit d’une coïncidence ». Elle n’a aucun lien de parenté avec Rémi Fraisse et s’étonne encore aujourd’hui qu’on se soit intéressé à sa voiture, « une vieille Honda de 1997, personne n’en voudrait ! » s’exclame-t-elle. Deux gendarmes de Rodez viennent chez elle le 28 octobre au matin pour lui apprendre que son véhicule a été dérobé … et retrouvé. Une fois au commissariat de police, on l’interroge sur ses liens avec la famille de Rémi. « Aucun », répond-elle. Surprise totale pour l’officier de police judiciaire, qui trouve la situation « insolite ». Après trois heures d’audition et sur les conseils du policier, elle porte plainte trois jours plus tard. Sauf que, sur le procès-verbal de la plainte, daté du 31 octobre, il n’y a qu’un seul nom. Pourtant, trois jours plus tôt, ce sont bien deux personnes qui sont repérées devant la caserne de Rodez.


Le premier de ces deux individus se fait appeler Nathanaël. Il est interpellé « le 28 octobre, à bord du véhicule volé ». Le second, qui a dit, à l’interphone de la gendarmerie, se prénommer Jérémy, est arrêté un jour plus tard à Rodez. Sur lui, on ne sait rien, ou presque. Dans un courrier aux enquêteurs, l’adjudant-chef de la gendarmerie de Rodez souligne : « Après vérifications, ces deux personnes présentent des troubles du comportement et les éléments qu’ils disaient détenir ne correspondent à rien de concret. Ils n’ont aucun lien avec tous les événements liés à Sivens. »


Nous avons fini par rencontrer ce « Nathanaël ». Âgé de 42 ans, il présente bien des troubles psychiques, mais il nous assure « avoir rencontré Jérémy à Sivens et être revenu de là-bas avec lui » quelques jours avant les faits. Sur le vol de voiture, son récit est embrouillé et confus : une crise de folie, des clefs trouvées comme « par providence » au centre médico-psychologique de Rodez où Clotilde Fraisse est également prise en charge, et puis... plus rien. Il nie avoir été devant la gendarmerie. Savait-il à qui appartient la voiture ? Là non plus, pas de réponse. Pas de détail sur les gardes à vue dans le dossier d’instruction, pas de poursuite. Le complice Jérémy s’est évanoui dans la nature. Voilà pour la version officielle de cet étrange épisode : une histoire de fous, et c’est tout.


Cependant, l’histoire reste trouble : rien dans la voiture de Clotilde Fraisse ne permet d’identifier sa propriétaire. Seul moyen de le savoir : avoir accès aux fichiers des forces de l’ordre, dans lesquels le véhicule est enregistré suite à une mésaventure passée de la jeune femme. Est-il possible que l’on ait tenté de discréditer la famille en utilisant deux personnes déséquilibrées ?


Si c’est le cas, nouvel échec. Car les médias dressent le portrait réel de Rémi et cassent l’image violente et belliqueuse véhiculée jusque-là. Suite à quoi, un enquêteur de la section de recherche de Toulouse reçoit un courriel, qui apparaît dans le dossier : « Il faudrait que tu fermes la porte sur les deux gars qui se sont présentés à Rodez le 27 octobre. Je sais qu’ils ont été interpellés et que ça n’a rien à voir avec notre histoire, juste un petit PV pour clore cette histoire. » Ce message est signé d’un responsable du bureau des enquêtes judiciaires de l’IGGN (Inspection générale de la gendarmerie nationale). À Paris, on s’intéresse donc de près au vol d’une voiture dans l’Aveyron…


Quand les enquêteurs tentent d’intimider les proches et les témoins



 

Le 29 octobre, une information judiciaire contre X pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner » est ouverte. Anissa Oumohand et Élodie Billot, les deux juges toulousaines en charge du dossier, délèguent leurs pouvoirs d’instruction à cette même IGGN et aux gendarmes de la section de recherches de Toulouse.


C’est une hérésie, selon une source proche de la gendarmerie : « Ils n’auraient jamais dû être désignés pour mener cette enquête. Les gendarmes de Haute-Garonne et du Tarn sont cousins, c’est comme si les faits s’étaient déroulés chez eux. » Par « esprit de famille » ou par volonté manifeste d’orienter l’enquête, les militaires de Toulouse s’échinent à trouver des éléments à charge contre Rémi. Son ordinateur est saisi. Au fil des semaines, ses proches sont auditionnés sous la pression : « On sait tout. Attention à ce que vous allez dire ! » déclare-t-on à un ami de Rémi Fraisse en guise de préambule à une audition.


Un camarade de la victime raconte que : « Les gendarmes n’arrêtaient pas de demander si Rémi fumait du shit. Tout l’entretien était mené comme si ils voulaient prouver que c’était un vilain garçon. » (Voir ici) Peine perdue : malgré toutes les pressions exercées sur l’entourage de Rémi Fraisse, les gendarmes ne trouvent rien de probant contre le jeune homme.

Les tentatives d’intimidation se déplacent alors sur les témoignages des opposants qui viendraient contredire la version des forces de l’ordre. Marc, l’opposant de longue date que nous avons déjà cité hier, est entendu par les gendarmes un mois après les faits. « Au début, l’entretien se déroule dans le calme », nous explique-t-il. C’est lorsqu’il en vient à la question épineuse de la position réelle des militaires que l’audition dérape : « Le capitaine en charge de l’enquête se met en colère quand je lui explique que, la nuit de la mort de Rémi, je vois arriver des gendarmes qui prennent position en dehors de la zone de vie du chantier. Il me cite un autre témoin qui n’aurait pas vu la même chose que moi. Le capitaine s’énerve en me précisant que lui aussi était à Sivens, qu’il a été victime de jets de pierre et qu’il y avait des cocktails Molotov. » Devant l’attitude de l’enquêteur, Marc refuse de signer le procès-verbal de l’audition, qui est versée au dossier. Procès-verbal dans lequel il n’est fait aucune mention de la question cruciale de l’équipe « hors-zone », évoquée par le témoin.


En revanche, l’enquêteur y ajoute que « ses déclarations présentent des invraisemblances par rapport aux faits qui se sont déroulés et qu’il dit avoir vécu. Ne sachant plus comment justifier ses dires, il s’emporte (…) L’intéressé semble particulièrement perturbé psychologiquement ».


Victime d’un tir de lanceur de balles de défense la nuit de la mort de Rémi Fraisse, Marc dépose plainte contre les forces de l’ordre quelques semaines plus tard, en Aveyron, où il vit. Au cours de cette deuxième audition, il réitère ses affirmations. Mais le procès-verbal où il est écrit noir sur blanc que des militaires sont positionnés hors de la zone de vie ne sera jamais versé au dossier d’instruction.

Les enquêteurs de la section de recherches de Toulouse continuent, quant à eux, d’intimider les témoins auditionnés. Faisant état à des journalistes, dès le lendemain de la mort de Rémi Fraisse, de « grenades lancées au milieu de groupes de manifestants », Marie (prénom changé) est invitée quelques semaines plus tard à se présenter devant les gendarmes. La jeune femme, que Reporterre a rencontrée, est encore aujourd’hui bouleversée par le déroulement de cette audition où elle fait face à « deux types menaçants ». Elle leur raconte la violence déployée par les forces de l’ordre cette nuit du drame, et évoque des « projectiles incandescents », peut-être lancés par les militaires. « Ils ne me croyaient pas », nous explique-t-elle. Les enquêteurs grondent avant de l’effrayer : « On va vous faire convoquer devant les juges puisque vous dites n’importe quoi ». À l’instar de Marc, Marie refuse de signer son procès-verbal d’audition et souhaite désormais laisser cette affaire derrière elle.


D’autres témoins livrant une version différente des faits sont victimes de ces méthodes douteuses. En octobre 2015, soit un an après la mort de Rémi Fraisse, un témoin direct de son décès nous affirmait que des gendarmes se situaient bien en dehors de la zone de vie. Dans cet article, Christian déclarait se tenir à la disposition de la justice.

Deux jours après la publication, la gendarmerie du Tarn dit aux enquêteurs de Toulouse avoir été contactée via Facebook par l’ex-compagne de Christian. Celle-ci affirme qu’il « tente de provoquer un chaos en évoquant une version différente des gardes mobiles ». La machine se met immédiatement en branle : l’ex-compagne est entendue par les enquêteurs de Toulouse. Elle évoque « une version qui a changé au cours de l’année ». Une réquisition officielle de la ligne téléphonique de Christian est demandée. Une fois localisé, il est sollicité par les enquêteurs mais refuse d’être entendu par « des gendarmes qui enquêtent sur des gendarmes » et demande à parler directement aux juges. Il est alors placé officiellement sur écoute pendant quelques semaines. Ses contacts sont minutieusement comptabilisés et ses conversations, archivées. Début 2016, il est enfin entendu par les juges, qui ne manquent pas de lui faire remarquer les assertions de son ex-compagne. Il leur répond : « Je ne sais pas pourquoi elle fait ça. J’assume ce que j’ai dit », en précisant que cette version a été livrée dès le lendemain des faits à des journalistes qui ont enregistré son témoignage.


Christian n’est pas le seul à avoir été entendu par les juges en ce début d’année. D’autres témoins ont pu enfin livrer leur version des faits sans subir les pressions des gendarmes. Reste maintenant à savoir si d’autres personnes se présenteront aux juges. Celles-ci doivent faire la lumière complète sur la mort de Rémi. Mais aussi établir quelles sont les responsabilités de la chaîne de commandement, du gendarme lanceur de grenade jusqu’au plus hautes autorités de l’État. Pour enfin savoir qui a tué Rémi Fraisse.

Mercredi 6 juillet

 

Mort de Rémi Fraisse : les responsables sont à Matignon et place Beauvau



A Sivens, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, la mort de Rémi Fraisse est le résultat d’une opération de gendarmerie toute différente de la version officielle, comme l’a révélé Reporterre. Mais les gendarmes n’ont pas agi spontanément : c’est toute une chaîne de commandement qui est en cause, et qui remonte jusqu’à Paris.


À la lumière des éléments du dossier d’instruction, il n’est plus possible de nier les défaillances dans la version officielle présentée par les gendarmes sur la mort de Rémi Fraisse. D’abord sur la question du dispositif de maintien de l’ordre, avec l’existence d’une équipe fantôme au moment du décès du jeune homme.


L’étude minutieuse des 2.500 pages de l’enquête corrobore les témoignages des manifestants. Ils se recoupent pour attester la présence d’une équipe hors-zone, à gauche de la « zone de vie ». Ces mêmes manifestants subissent menaces et tentatives d’intimidation lorsqu’ils tentent de faire part de ces éléments aux enquêteurs. Un témoin est même mis officiellement sur écoute pendant quelques semaines. Quant à Rémi Fraisse, tout est mis en œuvre pour le faire passer pour un activiste violent et travestir l’image de sa famille qui serait « avide de vengeance ». Mais pourquoi les enquêteurs cherchent-ils tant à renverser l’accusation ?


La mort de Rémi Fraisse n’est pas un simple accident et les événements de Sivens ne sont pas le fruit du hasard. Ils répondent à une logique militaire et policière qui trouve sa source dans la définition même du « maintien de l’ordre ». Car cette expression consacrée regroupe deux réalités différentes : le MO (maintien de l’ordre) et le RO (rétablissement de l’ordre). Un détail qui change tout : comme le précise une circulaire du ministère de l’Intérieur du 22 juillet 2011, « le maintien de l’ordre (MO) correspond à un engagement de faible intensité, visant à maintenir un ordre déjà établi ».


 Télécharger la circulaire du 22 juillet 2011 :



Circulaire du 22 juillet 2011


Sauf que les 25 et 26 octobre 2014, à Sivens, les unités de gendarmes mobiles sont déployées pour du « RO rural », du rétablissement de l’ordre en milieu rural. C’est en tout cas ce qui est indiqué dans les comptes-rendus d’intervention.

MO ou RO : qu’est-ce que ça change ? Tout. « Le rétablissement de l’ordre (RO), correspond à un engagement de moyenne ou haute intensité, (..) pouvant aller jusqu’à des situations particulièrement dégradées et nécessitant alors le recours à des moyens particuliers », stipule cette même circulaire. D’abord, cela permet l’usage d’armes de guerre, comme les grenades offensives. Mais aussi de nouveaux moyens, comme le précise un manuel de formation professionnelle de la gendarmerie, que Reporterre s’est procuré. Dans le cadre d’un RO en milieu rural, il est ainsi préconisé d’avoir recours à des « initiatives décentralisées au niveau du commandant de chaque peloton, voire au niveau du chef de groupe, en liaison permanente avec l’échelon hiérarchique supérieur ». Une « initiative décentralisée » qui pourrait, par exemple, correspondre au déploiement d’une équipe dédiée en vue d’interpeller des meneurs...

 Télécharger la page 87 du Manuel de formation :


Manuel de gendarmerie « Formation théorique au maintien de l’ordre public », p. 87

    Sivens, un terrain d’expérimentation


Ces méthodes ne sortent pas de nulle part. Le chercheur Mathieu Rigouste a étudié les mutations des doctrines de maintien de l’ordre dans la France contemporaine. Pour lui, ce qui se déploie à Sivens, comme aujourd’hui dans le mouvement social contre la loi Travail, c’est « un mode de pensée, une matrice idéologique structurée par et pour la “guerre dans la population”, qui s’inspire des dispositifs des répertoires militaires et coloniaux ». En somme, le manifestant qui proteste contre un projet économique ou une loi n’est plus considéré comme un citoyen, mais comme un « ennemi intérieur » à neutraliser par une démonstration de force. Encore faut-il expérimenter ces méthodes.


Qui dit expérimentation dit retour d’expérience. Comme nous l’apprend le dossier d’instruction, à la différence des autres escadrons de gendarmerie envoyés à Sivens, les militaires de La Réole, mis en cause dans la mort de Rémi Fraisse, envoient systématiquement leurs comptes-rendus au CNEFG, le Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie. C’est là, à Saint-Astier, en Dordogne, qu’est formée l’élite des gendarmes mobiles français.


Ces rapports sont particulièrement précis et détaillés. Avant même le weekend meurtrier des 25 et 26 octobre, cet escadron est déjà intervenu à plusieurs reprises sur la ZAD. Au cours des deux mois qui ont précédé la mort de Rémi Fraisse, les interventions des gendarmes étaient fréquentes et particulièrement violentes. Dans les « enseignements tirés de l’intervention », il est précisé notamment « qu’une unité de forces mobiles supplémentaire permettrait de manœuvrer plus aisément et en toute sécurité » tandis que « les PSIG [Pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie] font un travail remarquable mais ne disposent pas d’un équipement adapté pour le RO » (rétablissement de l’ordre). Des préconisations bien particulières dans un contexte d’affrontements. Quelle donc est la véritable mission de cet escadron à Sivens ?


Le terrain paraît en tout cas approprié à l’expérimentation de nouvelles techniques de rétablissement de l’ordre. Niché au creux d’une petite vallée du Tarn, la ZAD du Testet est à l’abri des radars médiatiques. De plus, le nombre d’occupants est beaucoup moins important qu’à Notre-Dame-des-Landes. Enfin, la zone a été contrôlée en continu par les forces de l’ordre pendant deux mois. De quoi laisser le temps de tester grandeur nature de nouveaux dispositifs. Mais si expérimentation il y a eu, cela n’a pas pu se faire sans l’aval de la hiérarchie.


Le militaire, quel qu’il soit, qui a lancé la grenade fatale n’est pas un mouton noir. On ne peut pas isoler la responsabilité d’un gendarme, car celui-ci agit sur ordre de la hiérarchie, qui intervient toujours pour lui dire ce qu’il doit faire ou, a minima, lui signifier une certaine liberté d’action. Le maréchal des logis (MDL) J., principal mis en cause jusqu’ici dans la mort de Rémi Fraisse, rappelle, dans son audition, qu’il a agi sur ordre : « Nous avons l’autorisation d’utiliser les grenades offensives depuis une heure du matin (...) autorisation qui m’est rappelée par le major A. et ce, cinq minutes auparavant. » Le major A. est à la tête des quinze gendarmes formant le peloton Charlie. Au-dessus de lui, le capitaine J. commande l’escadron de gendarmerie mobile de La Réole et ses 72 gendarmes déployés ce soir-là à Sivens (voir schéma ci-dessous, tiré du rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur le maintien de l’ordre de mai 2015).


 

À Sivens, les gendarmes mobiles doivent se coordonner à la fois avec les gendarmes locaux et avec les forces de police, notamment dans l’après-midi du 25 octobre. Toutes ces unités répondent à un commandement unique : il s’agit d’un groupement tactique de gendarmerie (GTG), supervisé par le commandant L. Celui-ci décide d’autoriser ou non l’emploi d’armes d’une intensité supérieure, comme les grenades offensives. Pourquoi un seul gendarme est-il accusé alors que la hiérarchie qui l’a autorisé à utiliser une grenade mortelle n’est pas inquiétée par la justice ? Les juges d’instruction chargées du dossier n’ont pas tranché la question, elles ont pour l’instant placé en mars dernier le maréchal des logis J. sous le statut de témoin assisté pour « homicide involontaire ». Cette décision pourrait aussi bien ouvrir la voie à un non-lieu qu’à la mise en cause de la chaîne de commandement. Mais les vrais responsables ne sont pas inquiétés.


Celui qui sait presque tout... exilé en Nouvelle-Calédonie

 
A Sivens, l’opération de maintien de l’ordre obéit, d’une part, à une autorité civile et, d’autre part, à la division locale de gendarmerie. Le Groupement tactique de gendarmerie déployé répond lui-même au commandant du Groupement de gendarmerie du Tarn, le lieutenant-colonel Sylvain Rénier. Celui-ci est présent durant la journée du 25 octobre, mais quitte les lieux à la tombée de la nuit et n’y revient qu’à partir de 3 heures du matin, après la mort de Rémi Fraisse.

Ce gradé, formé à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr, est arrivé dans le Tarn en août 2014, avant le début des travaux du barrage. Selon une source proche de la gendarmerie, il aurait « mis la pression » sur les troupes locales pour « faire évacuer le plus vite possible les occupants de la ZAD ». Son arrivée correspond au pic de violences exercées par les forces de l’ordre sur les zadistes et leurs soutiens en septembre et en octobre. Particulièrement peu apprécié des gendarmes locaux, selon cette même source, « Sylvain Rénier a été pointé du doigt après la mort de Rémi Fraisse, mais n’a jamais été limogé. Cela aurait été perçu comme un constat d’échec ».


Le principal responsable reste le représentant de l’État dans le département du Tarn : le préfet Thierry Gentilhomme. Auparavant haut fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, il débarque dans le Tarn à la fin août 2014. Le nouveau venu connait donc mal la situation.

Son directeur de cabinet, Yves Mathis, gère le dossier depuis le début. Il n’est donc pas étonnant de le retrouver en signature, par délégation du préfet, pour plusieurs demandes officielles d’envoi de forces mobiles du 10 octobre au 26 octobre, puis du 27 au 31 octobre. Quelques jours avant le décès de Rémi Fraisse, une rencontre est organisée entre la préfecture du Tarn, les députés Cécile Duflot et Noël Mamère, et plusieurs opposants locaux au projet. Un des participants, Ben Lefetey, porte parole du Collectif Testet, se souvient d’une scène surprenante : « Yves Mathis prend la parole pour annoncer que la préfecture soupçonne des convergences de mouvements sur la ZAD de Sivens. Lorsque je lui demande des précisions, il répond, en souriant : “On pense qu’il y a des convergences avec la mouvance islamiste.” » Une analyse fondée sur l’existence d’un lieu baptisé « Gazad », l’inscription de slogans de soutien à la cause palestinienne et l’emploi ponctuel d’expressions en arabe devant les charges policières. Mais, pour le témoin de cette scène, « Yves Mathis disait ça très sérieusement ». Devant les protestations des opposants et députés sur cet amalgame douteux, le préfet a précisé qu’« il ne s’agissait là que d’hypothèses ». L’anecdote pourrait prêter à sourire, mais elle traduit une conception biaisée de la part des autorités sur le mouvement d’occupation de Sivens.


La nuit du drame, il n’y a aucun représentant de l’État à Sivens. Yves Mathis, directeur de cabinet du préfet, gère les événements à distance, par téléphone. Dans son rapport, le lieutenant-colonel Rénier indique qu’à 21h31, le samedi, le commandant L., qui dirige les opérations ce soir-là, a informé Yves Mathis. Celui-ci « évoque la possibilité d’un désengagement si la sécurité des gendarmes est en cause. Le commandant de groupement demande un ordre écrit par SMS, qu’il ne recevra jamais ». Sur le rôle du préfet ou de son directeur de cabinet, rien d’autre ne figure dans le dossier. Ils ont tous deux toujours refusé de s’exprimer. Pis encore, Yves Mathis a depuis été muté comme directeur de cabinet du délégué de gouvernement, en Nouvelle-Calédonie. Loin, très loin des juges et de l’enquête sur la mort de Rémi Fraisse, dans laquelle, comme son supérieur hiérarchique, il n’a jamais été entendu.


A Paris, en tout cas, on suit avec la plus grande attention les événements durant le weekend tragique. Le général Denis Favier, directeur de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) envoie plusieurs messages aux responsables présents à Sivens. Notamment, ce texto déjà évoqué dans le premier volet de notre enquête : « On est attendu sur les interpellations. » Divers médias ont brossé un portrait flatteur de ce militaire « proche de ses hommes », qui n’ont jamais dit autre chose que le plus grand bien de ce « héros de la gendarmerie ». Il a aussi été conseiller en gendarmerie de juin 2012 à avril 2013 auprès de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur. Le général Favier a été recasé récemment « responsable de la sûreté » au sein du groupe Total.


Mais revenons à l’automne 2014. Denis Favier est encore à la tête de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et rend des comptes à Bernard Cazeneuve, qui a remplacé Manuel Valls au ministère de l’Intérieur. Devenu Premier ministre, Manuel Valls déclare la guerre aux ZAD. Dans sa ligne de mire : l’occupation de Notre-Dame-des-Landes, qualifiée de « kyste ». Pas question pour lui de voir une seconde ZAD se développer dans le sud-ouest de la France. De plus, Valls a toujours soutenu le projet de barrage de Sivens, notamment lors d’un discours emblématique le 6 septembre 2014 devant le congrès des Jeunes agriculteurs en Gironde, où il affirme avoir « tenu bon au barrage de Sivens. […] Ma politique est de débloquer ce pays ».

    La justice entendra-t-elle les responsables ?

     

Dès lors, une question se pose : le maintien de l’ordre à Sivens a-t-il été directement piloté par le Premier ministre et ses proches, dont le directeur général de la gendarmerie nationale, en liaison avec le ministère de l’Intérieur ?


L’enquête sur la mort de Rémi Fraisse est loin d’être terminée. Malgré des mois d’instruction, toutes les réponses n’ont pas été livrées sur les faits qui ont conduit au décès d’un jeune homme venu participer à un rassemblement militant le 25 octobre 2014, dans le Tarn.


Vendredi 1er juillet, le tribunal administratif de Toulouse a rendu ses décisions sur le projet du barrage de Sivens. La justice a annulé trois arrêtés fondateurs dont la déclaration d’utilité publique. Les travaux engagés étaient donc totalement illégaux. Rémi Fraisse a été tué sur le lieu d’un projet de barrage illégal. Que fera la justice pénale ?





Jeudi 7 juillet

 

jeudi 7 juillet : Expulsion en cours à Bure : appel à soutien



7 JUILLET : ALERTE ROUGE EXPULSION A BURE !!!!! Cette fois c’est pour de bon !! Besoin de soutiens massifs sur place, RDV à Bure puis ré-orientation en fonction de la situation !! Tels infos : 0758654889 et 0758131861.

suivi des actualités et rdv : http://vmc.camp/fil-info/

iles suréquipés en direction de Mandres, un véhicule bulldozer aurait été vu. Pas d’infos précises sur le nombre exact de fourgons pour l’instant mais apparemment dispositif énorme

 6h30 : Entrée côté bois de Mandres bouclée, pas d’infos sur la situation à l’entrée Ribeaucourt pour l’instant. Sur place tout le monde est réveillé et s’organise.

 6h30 : Les deux routes d’accès depuis le village de Mandres sont bloquées au niveau des carrefours et des exploitations agricoles par plusieurs véhicules de gendarmerie. En contre-bas du village de bure il y a aussi quelques fourgons qui, visiblement empêchent le passage (à reconfirmer).

 6h45 : Une demie-heure que les casqués sont là, l’assaut a commencé ! La charge a été ultra rapide, aucune volonté de temporisation. Après première sommation et une deuxième sommation ultra-rapide ils ont commencé à avancer, le dispositif est visiblement énorme. Le tracteur à l’entrée a pu sortir, les occupant-e-s reculent progressivement derrière les barricades enflammées. I-elles sont au niveau de la tranchée sur le chemin d’accès principal, après « La Rue Rale ». Les casqués passent également dans les bois. Il y a de nombreux tirs de gazs lacrymogènes, apparemment aussi le flashball est sorti. D’autres occupants, dont des enfants, ont pu se replier dès le début de l’arrivée.

 7h00 : les occupant-e-s sont repliés au niveau de la plateforme « Salle à Mandres », les bleus continuent d’avancer en masse, à la fois sur le chemin principal mais aussi par la forêt. L’air est saturé de gaz. Des occupant-e-s à la barricade de l’entrée nord (Ribeaucourt) ont pu revenir sur place, apparemment les flics sont également arrivés par cette entrée.

 7h05 : En réponse à l’expulsion un convoi d’opposant-e-s serait en route pour aller EXPULSER LA PREFECTURE et l’ANDRA, qui occupent le territoire à coup de pognons et de flics depuis plus de 20 ans ! Mardi 5 juillet à 13h une délégation de 3 opposant-e-s avait rencontré la directrice de cabinet du préfet de la Meuse qui les avait reçu en faisant mine de n’être au courant de rien. « Ah bon, vous venez parler de la forêt occupée ? Je croyais que vous veniez pour l’affaire des tags à Bar-le-Duc ? ». Les occupant-e-s ont mis la pression sur la Pref et l’ANDRA en expliquant que c’était cette dernière qui occupait illégalement le bois Lejuc, que de multiples procédures juridiques étaient en cours (recours contre la délibération de l’échange du bois depuis décembre 2015, plainte pour infraction au code forestier depuis le 22 juin 2016, assignation en référé pour contester l’ordonnance d’expulsion depuis début juillet 2016) que des personnes très différentes y passaient et y dormaient souvent, dont des enfants, et que par conséquent la Préfecture porterait toute la responsabilité en cas d’intervention. « Je prends des notes et je fais remonter » a conclu l’infâme Dircab’.

 7h15 : les casqués sont remontés jusqu’au niveau de la « Salle à Mandres » et l’occupent maintenant avec leur sale gueule de Robocop sur-armés, piétinent les arbres replantés lors des dernières semaines, etc… Les occupant-e-s sont repliés à proximité dans une parcelle de forêt.

 8h00 : les occupant-e-s se sont repliés à proximité de la forêt dans une parcelle sécurisée et soufflent un peu. A priori la plupart des gens sont là, pas de blessé-e-s (à reconfirmer). L’hélico tourne toujours. Les forces de l’ordre ont donc pris possession du bois…

= Conférence de presse appelée à 10h30 à la Maison de résistance à la poubelle nucléaire à Bure ; rdv dès demain 6h pour bloquer les travaux et reprendre la forêt ;
 on maintient le week-end « Forêts en résistance le 9 & 10 juillet », besoin d’un max de monde, et surtout 


 appel à ENORME MANIF’ DE REOCCUPATION SAMEDI 16 JUILLET !



8h30 : tentatives d’arrestation et d’intimidation par la police qui aurait débarqué chez un habitant de Mandres-en-Barrois ! L’avocat est sur le coup, confusion totale, plus d’infos.
 

9h10 : une personne blessée évacuée par des habitant.es de Mandres qui ont reçu la visite des flics. La plate-forme occupée réinvestie ainsi que tous les lieux de vie, saisie de tout le matériel non détruit par les occupant.es. Tout le monde serait à l’abri, pas d’arrestations à déplorer aux dernières nouvelles. Contrôles sur les routes autour de Bure.


9h17 : conférence de presse à la Maison de la résistance de Bure à 11h00
 

10h00 : les derniers opposant.es ont réussi à s’échapper du bois. En survolant une pâture l’hélico a fait s’échapper une troupeau de vaches de son enclos.


Zadist

A Bure, l’Etat expulse les occupants de la forêt de Mandres-en-Barrois

 

 

Les gendarmes sont intervenus jeudi 7 juillet au matin pour expulser les opposants au projet de déchets nucléaires qui occupaient la forêt de Mandres-en-Barrois. L’Andra veut y engager des travaux.


 Bure (Meuse), reportage

Jeudi 7 juilllet à 6 heures du matin, un important dispositif policier est intervenu dans la forêt occupée de Mandres-en-Barrois où,depuis plus de deux semaines, les opposants au projet Cigeo d’enfouissement des déchets nucléaires campaient. Dans le village, les accès au bois ont été bloqués par les gendarmes. Des habitants, soutiens de la lutte, ont été menacés de garde à vue ou obligés de rester à leur domicile. Le convoi comprenait un bulldozer à l’avant, des centaines de gardes mobiles et dans les airs, un hélicoptère qui tournait en rase motte autour de la forêt.


Il n’y a eu aucune volonté de temporisation ou de négociation de la part des autorités. Les sommations ont été faites en même temps que la charge des gendarmes. A l’entrée du bois, les occupants ont tenté de résister comme ils pouvaient. Les barricades ont pris feu, la police a lancé énormément de gaz lacrymogène. Au milieu des tirs, on entendait des chants, des cris, « Andra dégage ! », « La forêt elle est à qui ? Elle est à nous ! »


Les occupants se sont repliés rapidement, au bout d’une heure. Certains ont coupé à travers champs pour quitter la zone. Pour l’instant, il n’y a pas de blessé même si une ambulance est arrivée.


Plusieurs enfants dormaient sur place, comme c’était devenu l’habitude ces derniers jours. Ils ont réussi à s’échapper. En deux semaines de lutte, de nombreux habitants, paysans des alentours sont venus dans les bois. La journée, des banquets étaient organisés, ainsi que des projections de films en plein air et des chantiers collectifs. Il y avait régulièrement des personnes âgées qui dormaient sur les barricades. Comme Christian, de la Confédération paysanne, mardi 5 juillet. L’occupation s’inscrivait dans une lutte plus large de territoire. Face au danger de l’expulsion, les différentes composantes ont réaffirmé leur solidarité dans un communiqué de presse.

    « Une mascarade juridique »


« On savait qu’il y avait des menaces d’expulsion mais on n’imaginait pas qu’ils allaient arriver aussitôt », raconte une opposante à Cigeo. Les occupants accompagnés par leur avocat, Me Ambroselli, avaient rencontré la directrice du cabinet de la préfecture, mardi 5 juillet. Ils souhaitaient montrer que l’illégalité n’était pas de leur côté. « De multiples procédures juridiques sont toujours en cours : un recours contre la délibération de l’échange du bois par l’Andra depuis décembre 2015, elle s’est faite en catimini à 6 heure du matin à bulletin secret », observe Etienne Ambroselli, et une plainte pour infraction au code forestier depuis le 22 juin 2016, car l’Andra avait défriché illégalement 9 hectare de forêt ». Les réponses de la préfecture sont restées évasives : « Ils ont fait mine de ne pas connaitre le dossier. La directrice de cabinet a pris quatre pages de note et nous a dit : je ferai remonter ces informations », témoigne un membre de la délégation.


Pour Etienne Ambroselli, « c’est à se demander à quoi sert mon métier ? Alors qu’on s’attèle à être légaliste, l’Etat passe en force sans respecter la loi. Nous avions également fait une assignation en référé pour demander au tribunal de grande instance de rétracter l’ordonnance d’expulsion du 23 juin rendue non contradictoirement. Nous étions en pleine procédure juridique et ils ont décidé de nous expulser. C’est une violence institutionnelle ».

    « Appel à converger massivement vers Bure cet été »

     

L’expulsion n’est qu’une bataille dans la lutte contre le projet Cigeo. Les opposants appellent dès maintenant à « bloquer sur le terrain le début des travaux ». Plusieurs rendez-vous sont fixés cet été. Dès vendredi 8 juillet pour empêcher l’arrivée des vigiles et des engins de déforestation. Et samedi 16 juillet, « pour une énorme manifestation de réoccupation et des barricades mondiales contre la poubelle atomique et le nucléaire ». Pour les opposants, « c’est bien l’Andra qu’il faudra expulser du territoire par une diversité de moyens ».


 



Infos du 11 au 17 juillet



Mardi 12 juillet

A Bure, la loi sur le lancement de Cigeo ne désarme pas les opposants


Près de Bure, l’Etat veut implanter le site d’enfouissement des déchets nucléaires grâce à la loi votée le 11 juillet. Les travaux de défrichement de la forêt ont déjà commencé. Les opposants se préparent à un week-end de mobilisation.


 Bure (Meuse), correspondance


Sur le terrain, dans la forêt de Mandres-en-Barrois, après l’expulsion des opposants le jeudi 7 juillet, les pelleteuses et les bulldozers ont repris précipitamment les travaux, accompagnés par des vigiles privés et une dizaine de fourgons de gendarmes. A l’orée des bois, on entend à nouveau les débardeuses arracher les arbres. Leur bruit métallique couvre le chant des oiseaux. Les travailleurs mandatés par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) creusent des tranchées et vont poser des grilles aux allures de poste frontière.

L’Agence ne tient pas compte de la plainte déposée par les opposants pour défrichement illégal et infraction au Code forestier. Les recours ne sont pas suspensifs. Les travaux peuvent continuer. « La justice tranchera trop tard, comme à Sivens », regrette Michelle, une opposante. «  Il n’y aura plus d’arbre à couper lorsque le tribunal se prononcera ! ».


De l’ancien camp installé en juin par les opposants dans la forêt - le préau, la cuisine collective, les tentes -, il ne reste que des cendres. Les barricades ont brûlé lors de l’expulsion, les cabanes et les potagers ont été écrasés par les machines de l’armée. Sur la plate-forme, les arbres plantés chaque jour de l’occupation, symboles de la lutte, ont été déracinés, amputés comme des moignons tendus vers le ciel. « Même l’érable avec ses grandes feuilles rouges », soupire Jean Pierre, ancien maire du village de Bonnet, opposé au projet, qui a pu accéder à la plateforme, deux jours après l’évacuation.


Une rage profonde habite les anciens occupants, choqués et violentés par l’expulsion policière. A la Maison de la résistance où ils se sont regroupés, la tension monte. Un hélicoptère tourne régulièrement au dessus des lieux. Des voitures de gendarmes passent toutes les demi-heures. Ils notent les plaques d’immatriculation et filment les habitants de la maison, qui se couvrent de foulards.


Mais les opposants ne veulent pas perdre espoir. « La forêt est en nous  », disent-ils, déterminés à arracher ce morceau de territoire aux aménageurs. « l’Andra et ses milices ne pourront pas garder indéfiniment 220 hectares de bois, c’est incontrôlable », affirme Sylvestre. Les occupants imaginent différentes manières pour stopper les travaux, « on peut empêcher les machines d’accéder au lieu comme on peut les empêcher de fonctionner ». Tous les jours, ils font de rapides excursions dans les bois. Tapis dans les fougères, des ballades de repérage se déroulent avec d’anciens forestiers de l’Office national des forêts. Dimanche soir 10 juillet, pendant la finale de l’Euro, ils sont venus défier au football les gendarmes : l’équipe des masqués contre celle des casqués. Les forces de l’ordre ont moyennement apprécié l’humour.

« On opte pour une stratégie d’harcèlement, on les fatigue avant de reprendre la forêt pour de bon », assure un opposant.


Le week-end des 10 et 11 juillet, organisé par l’ACIPA à Notre-Dame-des-Landes, a d’ailleurs été un bon moment pour mesurer la popularité de cette lutte. « Ces rencontres nous ont fait énormément de bien, on sentait les gens émus, avec la volonté de nous aider », raconte un jeune militant. L’idée que Bure devienne un centre de ralliement contre les grands projets inutiles est aussi stratégique. « Alors que la Zad de Notre-Dame-des -Landes est menacée, il s’agit d’ouvrir un autre front à l’Est ».


Le week-end du 16 et 17 juillet, où est prévue une « manifestation de réoccupation de la forêt » sera déterminant pour la suite. Les opposants au projet Cigeo d’enfouissement des déchets nucléaires appellent à une forte mobilisation pour tenter de reprendre la forêt : « Des barricades mondiales et improvisées contre le nucléaire et son monde ». Ils espèrent rassembler des centaines de personnes et plusieurs tracteurs. Des bus sont affrétés pour l’occasion à Nantes et à Paris. Un info-tour est lancé cette semaine, à Metz, Nancy, Paris. La lutte peu à peu s’organise.


 

20 députés votent l’engagement du site Cigéo de déchets nucléaires


 

La position du gouvernement sur le sujet est depuis longtemps connu. Il a tenté à maintes reprises, depuis deux ans, de faire passer ce projet dans différentes lois : « Le gouvernement soutient pleinement ce texte », a confirmé André Vallini à la tribune. Mais l’absence de la ministre de l’Ecologie n’en reste pas moins symbolique d’un mépris à l’égard des débats de la représentation nationale. « La ministre aurait eu toute sa place à l’hémicycle plutôt que de faire des selfies avec les footballeurs » a lancé au micro la député écologiste Cécile Duflot.


Avec Laurence Abeille, Michèle Bonneton et François-Michel Lambert, les quatre députés de tendance écologiste – ils appartenaient auparavant au même groupe parlementaire issu d’EELV avant que la moitié d’entre eux ne claque la porte – n’ont eu de cesse de dénoncer la « mascarade » d’un débat parlementaire organisé un lundi après-midi, la semaine du 14 juillet, au lendemain de la finale de l’Euro, dans le cadre d’une session extraordinaire. « C’est une mauvaise méthode, pas digne des enjeux », tançait Mme Duflot, citant Aimé Césaire et ses « bâtisseurs de pestilence ». Ironie de l’histoire, un ex-EELV, François de Rugy, s’est retrouvé président de séance, ne pouvant pas ainsi participer au vote.


Le débat était de toute façon pipé, toutes les propositions défendues par les écologistes étant automatiquement rejetées. Ainsi de la motion de rejet préalable de Cécile Duflot ou de la motion de renvoi en commission de Michèle Bonneton, comme des 22 amendements déposés sur les deux articles du texte dont une grande majorité par les députés écologistes. « Il serait temps de voir la loi adoptée conforme », s’impatientait le député socialiste Jean-Louis Dumont. « Une nouvelle navette parlementaire coûterait de l’argent public », osait même le député Les Républicains Julien Aubert, pour justifier l’adoption la plus rapide possible de cette loi qui entérine une phase-pilote évaluée... à près de 6 milliards d’euros.


Les accusations de passage en force ne faisaient pas le poids. « De qui vous moquez-vous ?, haranguait Bertrand Pancher, député UDI de la Meuse. Ce n’est pas une loi en catimini, ça fait 25 ans qu’on travaille sur le sujet, on a fait des lois et des débats publics ! » Farouche défenseur du projet, il a salué dans cette loi « la réconciliation avec une certaine forme d’intelligence collective » Une référence au large consensus politique qui entoure ce dossier : des communistes aux Républicains, en passant par le centre et le PS, Cigéo casse « les barrières politiques » comme le remarquait Bernard Accoyer (Les Républicains), venu en éclair dans l’hémicycle afin de « saluer le travail et la convergence de vues sur le sujet ».


Les quatre heures du débat parlementaire n’auront servi qu’à ressasser les mêmes arguments, sans véritable interrogation sur les enjeux du projet : « Un souci de responsabilité vis-à-vis des générations futures en ne leur laissant pas les déchets nucléaires comme héritage », selon Jacques Krabal, député PRG, qui voyait dans cette proposition de loi « une nécessité d’intérêt général ». Pour Patrice Carvalho, député communiste, « c’est un état de fait : l’enfouissement est la seule solution possible actuellement », tandis que Anne-Yvonne Le Dain, députée PS, affirmait que Cigéo, « c’est la modernité, c’est l’avenir ».


Difficile, dans ce contexte, de faire entendre une contre-argumentation basée sur les incertitudes techniques, l’impact économique et le manque d’informations sur le sujet : « Ni les coûts ni les risques ne sont portés à notre connaissance », a souligné Cécile Duflot. François-Michel Lambert rappelait qu’il existe d’autres solutions que l’enfouissement souterrain : « Le stockage en sub-surface reste aujourd’hui le meilleur garant de la mémoire des lieux ». Et si le gouvernement se défend de vouloir accélérer le projet de construction de Cigéo – « ce n’est en rien une autorisation », assurait André Vallini, puisque la décision ultime d’exploitation du centre reviendra aux pouvoirs publics, vers...20125 – les écologistes dénoncent la politique du fait accompli et le maquillage du lancement des travaux : « C’est la tactique de l’engrenage, on enclenche un nouveau cran et le retour en arrière devient ensuite impossible », explique Michèle Bonneton.


L’histoire retiendra que c’est dans la plus grande discrétion, un soir de juillet, que le projet Cigéo s’est vu conforter par une vingtaine de députés. Qui n’ont pas assumé publiquement leur vote, qui ne s’est pas fait sous scrutin public : le compte-rendu ne fera pas motion du nombre de votants, ni de leur nom… La procédure imposant la publication des noms des votants « n’est obligatoire que pour quelques textes importants qui demandent des quorums. Pour le reste, il faut la demander. En l’occurrence, aucun groupe politique ne l’a fait… », indique François De Rugy, président de la séance. Tout un symbole.


 



Soutien à la lutte de Bure, contre le nucléaire et son monde !



En ce jour où l’assemblée doit se prononcer au sein de la ZAD sur le projet CIGEO, voilà un texte écrit lors de la dernière réunion d’occupant.e.s de la ZAD de NDDL :


A Bure comme ici à Notre-dame-des-Landes, des gens résistent aux projets qui électrisent nos représentants mais nous enfouissent sous des montagnes de mépris qui irradient ce monde. Ce matin (7 juillet), les milices de l’état ont expulsé le bois de Mandres qui avait été repris à l’ANDRA. Mais comme le courant passe bien entre la ZAD et Bure, l’assemblée hebdomadaire des occupant.e.s de la ZAD appelle à rejoindre la manifestation de réoccupation du samedi 16 juillet à Bure.


La réunion des occupant.e.s de la ZAD du jeudi 7 juillet 2016



Et après ces deux jours où la lutte de Bure était à l’honneur, on relaie aussi l’information du réseau Sortir du Nucléaire Pays Nantais qui organise un bus pour aller à Bure pour la manif de réoccupation du 16 juillet :
 départ du bus à Nantes prévu pour vendredi soir, et un départ de Bure le samedi soir :
 pour s’inscrire ou avoir des infos : sortirdunucleairepaysnantais(at)laposte.net ( plus il y a de monde inscrit rapidement, plus c’est simple à organiser...)



nouvelles des No TAV  :
Arrestations, assignations à résidence, infractions collectives et publiques de ces assignations... le Val Susa connaît un début d’été agité.

Pour les non-italophones, le collectif Mauvaise Troupe vient de publier un résumé de la situation ainsi qu’un nouvel entretien/brochure, celui de Nicoletta 70 ans, l’une des assignées de ce début d’été :
« Ce matin ma maison a été perquisitionnée pour une manifestation que nous avions faite contre le chantier du TAV. Désormais j’ai l’obligation d’aller signer chaque jour chez les carabiniers de Susa. Alors, que ce soit clair, moi je n’accepte pas d’aller chaque jour demander pardon aux carabiniers, je n’accepterai pas que ma maison devienne ma prison, et par conséquent, c’est eux qui décideront... »


Samedi 16 juillet

À Bure, les paysans se mobilisent contre la poubelle nucléaire

 



Le projet de centre industriel de stockage géologique profond (Cigéo) des déchets radioactifs, à Bure, en Meuse, a des conséquences considérables sur le monde agricole et les territoires ruraux. Paysans et paysannes se retrouvent en première ligne, aux côtés des antinucléaires. Reporterre leur donne la parole, alors que ce samedi 16 juillet, se déroule une « manifestation de réoccupation ».


 Bure (Meuse), reportage


Mobilisés de longue date aux côtés des militants antinucléaires contre les visées de l’Andra (l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), paysans et paysannes ont participé à l’occupation du bois Lejuc, il y a trois semaines, près de Bure (Meuse). Certains fournissaient des légumes, du matériel de construction, d’autres dormaient sur les barricades et repartaient à quatre heures du matin pour la traite. Samedi 16 juillet et dimanche, il se retrouvent pour la manifestation de réoccupation de la forêt de Mandres-en-Barrois.




Romain : « Le désert agro-industriel a conduit à la poubelle nucléaire »


À une des entrées du bois Lejuc.

Ce qui me pousse à la révolte ici à Bure, c’est la résignation. Le besoin de me lever face à l’indifférence. Ce projet titanesque nous écrase et nous dépasse : 130 ans d’exploitation, un coût estimé à 35 milliards d’euros, des déchets radioactifs pour des dizaines de milliers d’années. On se sent impuissant devant tant de démesure.


Cela fait écho à l’histoire de la paysannerie, marquée par les humiliations et le renoncement. On est victime de grands projets industriels — aéroports, autoroutes — souvent inutiles et imposés, et par les directives productivistes de la politique agricole commune. Tout a été fait pour que les paysans disparaissent ou qu’ils soient transformés en « agrimanager ». Quand tu ne rentres pas dans le cadre, tu es considéré comme un petit, "tu manques d’ambition".


Avec l’Andra, c’est la même chose. Si tu ne suis pas le chemin qu’elle trace, on te met la pression. On te harcèle. L’Andra fait circuler des rumeurs. Elle attise les tensions. Un jour, elle appelle les agriculteurs pour dire que les opposants à Cigéo vont brûler leurs ballots de pailles. Un autre moment, elle menace un agriculteur impliqué dans la lutte en lui faisant comprendre que la Safer [l’organisme chargé de veiller au foncier agricole] ne renouvellera pas ses baux précaires.


Les paysans sont isolés dans leurs tractations avec l’Andra, qui colonise peu à peu le territoire. Son appétit est sans limite. Elle détient maintenant 1.000 ha de foncier agricole et 2.000 ha de forêt. Depuis septembre, 300 ha ont été retirés de l’usage agricole pour faire des fouilles archéologiques préventives, sans autorisation légale. Ce sont désormais des friches.


Cigéo n’aurait pas pu s’implanter ailleurs. C’est le désert agro-industriel qui a conduit à la poubelle nucléaire. Dans la région, les agriculteurs sont seuls, dépendants de filières longues, surendettés. Ils ont perdu leur autonomie et sont incapables de protester.

 
L’Andra joue les grands seigneurs et cherche à se rendre indispensable, avec des velléités centralisatrices. Tout doit désormais passer par elle. Les villages se meurent, mais elle veut créer une supérette au sein de son laboratoire.


On pourrait imaginer un autre avenir : pas de mornes monocultures céréalières mais des productions locales, pas de système de distribution standardisé mais des circuits courts. L’agriculture ne se résume pas à des boîtes de conserve ou à des produits industriels, elle peut être vivante et permettre la rencontre autour d’un étal, de la confiance, du lien social.


C’est le sens de notre action ici, retrouver du collectif. On a fait des semis sur les terres appropriées par l’Andra cette année. On souhaite aussi organiser des marchés. L’occupation de la forêt est le prolongement de ces mobilisations pour montrer que le territoire reste toujours en vie. »


    Christian et Marie-Jeanne : « Ici, on défend la terre nourricière contre le béton »



Cela fait cinq ans que l’on vient en Meuse pour s’opposer au projet Cigéo. Nous sommes faucheurs volontaires et syndicalistes à la Confédération paysanne. On a participé en 2010 à la grève de la faim lors de l’occupation de la Maison du lait, à Paris, et en 2014 pour défendre les petites fermes. Nous habitons en Alsace, dans les Vosges, sur le plateau des Hautes-Huttes. Notre fille a repris l’exploitation. Dans notre vie, on s’est toujours battu. Avec notre petit élevage de montagne, nous étions hors norme.


C’est important pour nous de montrer que la lutte à Bure est liée aux questions paysannes. Ici, on défend la terre nourricière contre le béton. Une fois que c’est bétonné, c’est fini, on ne peut plus revenir en arrière. Tant que la terre reste de la terre, il y a un espoir. Dans la région, elle est aux mains des grands céréaliers, mais elle pourra revenir un jour aux paysans.


Si le projet Cigéo aboutissait, des centaines d’hectares de terres agricoles disparaitraient et les derniers céréaliers seraient eux-mêmes condamnés : qui voudrait acheter un grain susceptible d’être empoisonné ? Le territoire risque de se transformer en désert.

Voir la forêt de Mandres-en-Barrois grillagée et surveillée par des vigiles nous a beaucoup heurtés le mois dernier. On ne pouvait imaginer qu’elle devienne « la zone des puits » qui aérerait les galeries souterraines remplies de déchets radioactifs. La forêt est un lieu vivant, un bien commun utilisé depuis toujours par les paysans : elle sert de vaine pâture pour les cochons et les vaches. On y ramasse le bois. C’est autant un complément de revenu pour les agriculteurs qu’un espace de liberté.

Avec l’occupation de la forêt, on avait l’impression de participer à une nouvelle forme de résistance. On a apporté notre aide à notre manière. Les paysans assurent d’abord un soutien logistique et matériel. Il faut bien que les occupants mangent ! On a collecté de la nourriture auprès des réseaux agricoles, des caisses de courgettes, de choux rouges, de concombres. Un copain paysan-boulanger fournissait les invendus de son marché, un autre, maraîcher, ses excédents. Chacun donne en fonction de ses moyens.

C’est drôle comment ces moments de solidarité nous ramènent à notre rôle premier. Les paysans existent pour faire à manger, pas pour vendre. Beaucoup de personnes que les occupants n’imaginent même pas sont derrière eux. Ils ne peuvent pas se déplacer sur le terrain mais ils nourrissent la lutte.

Nous, les paysans, on n’abandonnera pas ce combat. Quand on commence un travail, on le finit. Tu ne fauches pas ton champ sans ensuite le faner et stocker le foin. Ça ne veut pas dire que tu auras forcément un gain au bout, mais tu le fais par respect pour la nature.

Pendant ces trois semaines d’occupation, grâce aux fêtes, aux banquets, on a planté des graines, on a ancré la résistance. Mais nous ne pouvons pas forcer les saisons. Il faudra être patient, on récoltera ce que l’on a semé dans les prochains mois. La lutte contre Cigéo va s’inscrire dans la durée. »

 
 

    Jean-Pierre : « Les paysans sont les premières cibles de la répression »



Jean-Pierre et Romain (à l’arrière-plan), à Notre-Dame-des-Landes, lors du rassemblement des 9 et 10 juillet qui a accueilli les opposants à la poubelle nucléaire.


Je suis né à Cirfontaine, à dix kilomètres de Bure. Mes parents étaient éleveurs, 730 traites et 365 jours par an. Je suis devenu céréalier à cause de la conjoncture, même si l’élevage me manque. Les trains qui transporteront les déchets nucléaires passeront à quelques centaines de mètres de la ferme familiale.

Ici, l’Andra agit comme un rouleau compresseur. Elle a accentué la désertification du territoire. Pour l’agence, c’est plus facile de négocier avec dix personnes qu’avec cent. Elle favorise les restructurations et les agrandissements. Son but est de nettoyer et pacifier le terrain avec des échanges à l’amiable pour éviter les procédures longues d’expropriation, comme à Notre-Dame-des-Landes. Elle favorise les grands exploitants.

En 2012, ils ont voulu amputer ma ferme. J’étais en location. Ils ont proposé d’acheter la terre au propriétaire, j’ai eu 60 jours pour purger mon droit de préemption : soit je perdais la moitié de ma surface, 70 hectares, soit je la rachetais, mais à la valeur fixé par l’Andra. Le double du prix du marché.

Dans la région, avant leur politique d’acquisition, le prix tournait autour de 2.500 euros l’hectare. Maintenant, il dépasse les 5.000 euros. Certains en ont profité, et sont partis.

J’ai décidé de garder ma ferme. Je voulais rester maître de la situation, ne pas casser mon outil de travail. Mais ça a été dur. Ces affaires minent le moral, affectent ton intimité. Je suis divorcé depuis 2014.

Je n’ai plus grand-chose à perdre. Je suis complètement solidaire de l’occupation du bois Lejuc. J’ai apporté ma bétaillère et garé mon tracteur à la lisière pour bloquer l’accès de la forêt. Après l’expulsion, jeudi 7 juillet, mon matériel a été saisi par le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc. Les paysans sont les premières cibles de la répression. En tant qu’habitant, je suis facilement identifiable et suis susceptible de poursuites. Mais j’assume cette situation. Je dis tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Je vais prendre mon bâton de pèlerin pour porter cette parole auprès des agriculteurs. »

Une bétaillère contrôlée par les gendarmes, près du bois Lejuc.

Aujourd’hui, grosse journée de manif de réoccupation à Bure, soyons nombreu.ses dans la forêt de Mandres ! Plus d’infos sur http://vmc.camp/fil-info/, et à venir dans le flash info

13h00 : tentative d’entrer dans la forêt de Mandres, les flics envoient du gaz et des grenades assourdissantes
 
14h40 : l’occupation de la forêt se prépare, les quelques 150 flics présents se sont repliés, ainsi que les vigiles protégés par les flics, et la cantine se prépare à servir sa popote ! Peut-être quelques arrestations, à confirmer... Mais la forêt est réinvestie et libérée !
 
16h00 : *Les occupants appellent à rejoindre massivement le bois libéré dès ce soir, demain et dans les jours à venir.* 
 
vers 18h00 : affrontements près de la barricade sud, les vigiles ont attaqué. Une personne arrêtée et un blessé léger.
 
18h45 : les affrontements se poursuivent. Plusieurs blessés et plusieurs arrêtés. 
 
21h00 : 7 fourgons de gardes mobiles sont arrivés à la barricade sud. 
 
21h45 : neuf nouveaux fourgons arrivés, attaque en cours à priori... 
 
21h50 : la police est en train de charger violemment au niveau de la barricade sud et les occupant.e.s essaient de s’enfuir. Beaucoup de de lacrymos.
 
22h00 : Il y a au moins 4 garde à vue. (GAV) A Ligny-en-Barrois, à Bar-le-Duc, à Void-Vacon. Des personnes se sont déjà rassemblées. 

APPEL A SOUTIEN ET A SE RASSEMBLER DEVANT LES GENDARMERIES. 
 
22h20 : 5 fourgons sont à priori partis. Paraîtrait que ça se calme, et que même ça va manger du couscous !

Infos du 18 au 24 juillet

Lundi 18 juillet

Un retour plutôt correct dans le Monde sur le weekend à Bure.
La forêt a été reprise, au prix de nombreux affrontements avec la police mais surtout les miliciens engagés par l’ANDRA.

Un site ami où trouver des infos sur ce qui se passe là bas : Manif’Est



A Bure, les opposants aux déchets nucléaires ont gagné leur pari et réoccupé la forêt


 
Sous le soleil, près de 500 manifestants ont réussi à Bure à occuper samedi 16 juillet la forêt où l’Andra veut commencer des travaux. Lundi matin, la forêt restait occupée.


 Bure (Meuse), reportage

La Maison de la résistance, à Bure, n’avait sans doute jamais vu autant de monde. Samedi matin 16 juillet, c’est près de 500 personnes qui s’y retrouvaient. Objectif : aller occuper le bois Lejuc, situé sur la commune voisine de Mandres-en-Barrois, où l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) veut commencer des travaux préparatoires au complexe Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires.

Sous un soleil radieux, la colonne de manifestants gravissait la colline à travers champs, parvenant au bois Chaufour d’où l’on surplombe le bois Lejuc. En bas du chemin, un barrage de policiers. La colonne descendait sereinement.

 
La confrontation avec les gendarmes - un escadron de la gendarmerie mobile de Strasbourg - s’engage, jets de projectiles par des manifestants cagoulés contre tirs de grenades lacrymogènes. Disposés à la lisière du bois, les gendarmes cherchaient à empêcher les manifestants de pénétrer le bois, où se trouve une plate-forme de chantier installée par l’Andra.


 
Mais le bois fait plusieurs centaines de mètres de long, et peu à peu, les manifestants s’égaillaient tout au long de la lisière. La ligne des gendarmes s’étirait, mais les 72 hommes ne pouvaient contenir l’entrée dans le bois.



La foule pénétrait dans le bois, les gendarmes se retiraient sur leur position initiale, contrôlant la petite route d’entrée conduisant à la plate-forme. A leur propre surprise, les occupants avaient atteint leur objectif : réoccuper la forêt ! Dans l’après-midi, leur centre d’information, vmc.camp envoyait un message : « A Bure, bois de Mandres partiellement reconquis !! Besoin de monde à nouveau, de matos, de bouffe, que les gens viennent construire et dormir cette nuit et toute la semaine. »


Mais entre les arbres, la bataille s’engageait, la vingtaine de vigiles engagés par l’Andra pour protéger sa plate-forme attaquant les occupants à coups de battes de base-ball ou de manches de pioche. Les gendarmes semblaient les laisser agir pour intervenir ensuite. Des tirs de grenades et de lanceurs de balle de défense s’échangeant avec des jets de pierre. Selon vmc.camp, six manifestants ont été blessés par les vigiles et trois autres par les flash-balls. Quatre personnes ont de surcroît été interpellées et gardées à vue.

La situation se stabilisait cependant, gendarmes et vigiles ne parvenant pas à reprendre le contrôle du bois. Les manifestants s’organisaient dans la forêt, aménageant une clairière, installant des postes en hauteur sur quelques arbres, édifiant des barricades de branchage et rassemblant des pierres.


 
La soirée se déroulait calmement, une cantine mobile vegan (et délicieuse !) venant ravitailler la centaine de personnes restées pour la nuit. Une nuit anxieuse, cependant, puisque l’on pouvait penser que les gendarmes interviendraient à l’aube du dimanche. Mais rien ne se passait alors, et la matinée s’écoulait dans une attente indécise.

 
En début d’après-midi, alors que l’assemblée générale se tenait, les gendarmes rentraient dans le bois. Leur but : faire entrer un engin de chantier pour dégager les barricades. Les affrontements reprenaient, dans le bois et en lisière de forêt, sous un soleil éblouissant.

 
Mais face à des opposants déterminés, comportant des « autonomes » ne reculant pas devant la confrontation, la situation semblait indécise, avant que les gendarmes ne finissent par reculer et revenir à l’entrée du bois, jugeant sans doute que leur nombre - un escadron compte 72 hommes - était insuffisant.


La forêt restait occupée dans la nuit de dimanche à lundi. Lundi matin 18 juillet, le bois Lejuc restait occupé. Les opposants au projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires ont gagné une bataille. Et elle n’est pas que symbolique.



Les antinucléaire de Bure entrent en résistance dans le bois Lejuc



Un bras de fer s’est engagé entre les opposants à l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure et l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), durant deux jours de mobilisation destinés à « reprendre » le bois Lejuc, où l’Andra a débuté des travaux. La lutte contre la « poubelle nucléaire » semble trouver un nouveau souffle.

Bure (Meuse), de notre envoyée spéciale. - Après un dimanche sous tension dans la forêt, les militants antinucléaire de Bure, opposés au projet Cigéo d’enfouissement des déchets, sont sur le point de se faire expulser du bois Lejuc – ils ne semblent pas vouloir opposer une résistance farouche sur le long terme. « Ce qui compte, c'est d'avoir repris le bois lors d'une belle journée samedi. Cela ne sert à rien de s'acharner, de s'épuiser, de prendre des risques. Maintenant, on réfléchit au coup d'après. Mais ce qui est sûr, c'est qu'on est au début de quelque chose d'un peu plus grand et un peu plus fort », se félicitait Sylvestre (prénom d'emprunt) dimanche soir.


Les manifestants devant le bois Lejuc, le 16 juillet 2016 © AD

Samedi 16 juillet, c'est en criant « Et la forêt elle est à qui ? Elle est à nous ! » que plusieurs centaines de manifestants – 400 selon les organisateurs – se sont avancés vers le bois de la discorde, dans la forêt de Mandres-en-Barrois, tout près de Bure. Ces quelque 220 hectares sont l'objet d'une bataille juridique mais surtout symbolique entre l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) et les militants contre le nucléaire. 

Le bois en question a fait l'objet d'un échange avec la mairie de Mandres-en-Barrois après un vote à bulletin secret du conseil municipal contesté par des habitants. Les opposants estiment que l'Andra n'a pas à y faire de travaux tant que la justice ne s'est pas prononcée sur le sort de ce qui reste à leurs yeux « un bien commun ». Ils sont persuadés que les opérations de déboisement qui ont été menées sont les prémices de l'installation du centre industriel de stockage géologique des déchets radioactifs. 

C'est autour de la Maison de la résistance de Bure, qui existe depuis dix ans pour lutter contre l'enfouissement à grande profondeur des déchets nucléaires hautement radioactifs, que la lutte se réorganise. BureStop, la Confédération paysanne, Sortir du nucléaire… de nombreuses organisations soutiennent cet élan collectif contre le stockage, à 500 mètres sous la surface, des rebuts de haute activité et à vie longue de toute la production nucléaire française. Après plus de 20 ans, la lutte contre la « poubelle nucléaire » semble trouver un nouveau souffle. Le bois Lejuc a été occupé une première fois pendant plusieurs semaines au mois de juin. Les occupants ont été expulsés le 7 juillet, au petit matin, avant que le tribunal ait pu statuer sur leur expulsion. Ils ont finalement été déboutés de leur contestation… mais le 15 juillet, plus d'une semaine après les faits. 

Entre-temps, les antinucléaire avaient promis de revenir, et appelé des renforts lors du festival de Notre-Dame-des-Landes les 9 et 10 juillet, afin d'ouvrir un « été d'urgence ». Rendez-vous fut pris ce samedi 16, pour « réoccuper le bois ». Des manifestants venus d'un peu partout en France, et des représentants d'associations locales se sont réunis derrière les habitants de la Maison. En colère d'avoir vu une vingtaine de députés adopter presque en catimini le lancement d'une phase pilote de Cigéo le 11 juillet, ils voulaient que la journée de manifestation « soit une fête ».


Des voitures aux plaques dissimulées, par crainte du fichage, sont garées dans le village « qui n'a jamais été aussi animé », aux dires d'un local, et un bus a été affrété spécialement depuis Nantes. Martial Chateau, administrateur du réseau Sortir du nucléaire, fait partie de ceux qui ont voyagé toute la nuit pour soutenir les opposants du cru. « Tout ce qui s'est fait dans le nucléaire s'est fait sur la base du mensonge », tranche-t-il, pointant le « mythe » de la réversibilité votée par les députés, qui permettrait de changer d'avis sur le sort des déchets de Bure pendant 100 ans. Comme le laboratoire de recherche installé ici depuis 2011, il s'agit pour Laura, porte-parole du réseau, « d'arguments mis en avant pour favoriser l'acceptabilité sociale du projet ». Autrement dit, pour faire passer la pilule progressivement.


La tête du cortège, équipée de casques, cagoules et protections, s'est retrouvée face à la ligne de gendarmes mobiles déployée le long du bois Lejuc en début d'après-midi ce samedi. Jets de projectiles et tirs de lacrymogènes se sont répondu une heure durant, alors que le gros des manifestants est resté en arrière, dans une ambiance plus festive. « On a regardé de loin, c'était vachement beau. Les enfants ont cru que c'était des feux d'artifice », s'amuse une famille venue des Vosges. Une Parisienne « anarchiste et antinucléaire de longue date », habituée des manifestations contre la loi sur le travail, se réjouit de pouvoir manifester en plein champ, « au moins ils ne pourront pas nous nasser », rigole-t-elle. 
 
C'est finalement en longeant le bois qu'une cinquantaine de militants effectue une percée, provoquant une brèche dans le cordon de gendarmes, et rentre dans le bois. Après quelques tirs de grenades lacrymogènes supplémentaires, les gendarmes se replient. Mais en pénétrant dans le bois pour lancer le pique-nique, les manifestants tombent nez à nez avec des forces de sécurité sans matricule, casquées, équipées de boucliers et de matraques. Il s'agit vraisemblablement de vigiles de l'Andra, qui s'en prennent violemment à quelques opposants avant de s'éloigner à leur tour (voir la vidéo de France 3, à partir de 1'20). « C'est la milice de l'Andra ! » crient certains. « Qui êtes-vous ? », interrogent d'autres. Plus tard dans l'après-midi et en début de soirée, de nouvelles échauffourées ont lieu avec ces mêmes vigiles.

Les équipes médicale et juridique du mouvement d'occupation font état de cinq personnes blessées par les vigiles, au dos, aux membres et à la tête, dont une aurait temporairement perdu connaissance. Les victimes auraient été « molestées à coups de bâtons et de matraques, de coups de pieds et de poings, elles ont reçu des jets de pierre, ont été gazées directement dans le visage et, pour certaines d’entre elles, se sont fait enfoncer la tête dans le sol, taper sur le crâne et rouer de coups ». Le communiqué fait aussi état de trois manifestants blessés par des tirs de flash-ball et de grenades de désencerclement. Les organisateurs accusent également les forces de l'ordre d'avoir « entretenu un rapport ambivalent » avec ces vigiles qui auraient été laissés libres de commettre des violences. 

Dimanche, la journée a de nouveau été houleuse. Côté préfecture, on se borne à expliquer que « tout comme hier [samedi – ndlr] les forces de l'ordre adoptent une réponse maîtrisée face à des agresseurs casqués et cagoulés qui envoient des projectiles. Il n'y a pas d'action, que des réactions ». Quatre personnes ont été placées en garde à vue samedi et entendues dans la journée de dimanche puis laissées libres sans poursuites.

Malgré ces tensions, dans la forêt, la cantine, les tentes et cabanes ont été installées, et protégées par des barricades de bois mort. Les ZIRAdiés, comme ils se baptisent en référence à la Zone d'Intérêt pour la Reconnaissance Approfondie de l'Andra, savent que leur retour dans la forêt n'est que temporaire. Mais s'ils doivent abandonner le bois, ils entendent « prolonger la mobilisation autrement ».

« C'est le désert qui avance »

Dans ces grands espaces de culture céréalière, un des enjeux à venir est de mobiliser le monde paysan pour que la contestation reste ancrée localement. Certains agriculteurs, souvent proches de la Confédération paysanne, sont déjà acquis à la cause de longue date, notamment en raison des nombreuses acquisitions foncières de l'Andra qui provoqueraient une forte hausse des prix des terres. « On essaie d'être présents à chaque fois qu'il y a des projets qui accaparent les terres », explique Michèle Roux, membre du bureau national de la Conf', le syndicat d'agriculteurs qui s'engage contre « un projet inutile et dangereux ». « Je suis mère et grand-mère, je sais ce que cela veut dire “génération future” », regrette-t-elle en faisant allusion à la durée de vie des déchets radioactifs.


À la sortie de Bure, un panneau chaussée "iradiée"© AD

 
Parmi les paysans du coin, Jean-Pierre habite Cirfontaines, à une dizaine de kilomètres de Bure. Face à la pression foncière « chacun croit qu'il va s'en sortir en grossissant, mais c'est le désert qui avance », regrette ce céréalier de 56 ans. Depuis son hangar, on distingue nettement la ligne de chemin de fer par laquelle deux trains hebdomadaires devraient, à terme, acheminer les déchets nucléaires vers le site Cigéo.

« Localement, il n'y a jamais eu d'opposition farouche, tout a été calmé avec les mesures d'accompagnement et cette idée géniale du labo », déplore ce militant de la première heure. L'Andra verse en effet 30 millions par an aux départements de la Meuse et de la Haute-Marne, de quoi calmer les esprits. Pour Jean-Pierre, l'action des « jeunes » de Bure, venus d'horizons divers, est indispensable et il n'hésite pas à leur prêter du matériel. Son tracteur et sa bétaillère ont d'ailleurs été saisis par les forces de l'ordre après l'expulsion du 7 juillet. « Ici, on n'a pas de densité démographique, il faut que ces jeunes viennent, sinon on ne peut rien faire. Et il faut parler de ce projet à l'extérieur, le problème n'est absolument pas local. Et je ne réagis pas ainsi parce que ça se passe chez moi », alerte-t-il.

Sur place en effet, la contestation ne dépasse guère le périmètre associatif. Michel Marie, porte-parole du Cedra52, se félicite que « le monde paysan commence à bouger, c'est un bon baromètre ». « L'adversaire, ce n'est pas l'Andra, ce n'est pas l’État, c'est le fatalisme et la résignation. Il s'agit de notre problème de citoyens », développe celui qui compte sur « une convergence des résistances contre les grands projets imposés dans toute la France ».


Les élus locaux sont tous officiellement favorables à Cigéo depuis que Jean-Pierre Remmele a perdu son siège en 2014. Celui qui fut maire de Bonnet n'était pas un opposant « avant d'être confronté à l'Andra et à ses méthodes », peste-t-il. « Ailleurs, sur des projets comme ça, il n'y a pas d'argent versé. Ce n'est qu'un labo pour l'instant ! », s'étonne-t-il. Lorsqu'il était maire, son conseil municipal a été le seul à voter contre l'enfouissement des déchets dans le sous-sol de la commune. Jusqu'à son départ, il a multiplié les réunions d'information sur le nucléaire : débats, projection de films, invités... « mais sur les 70 à 100 personnes que nous parvenions à réunir, 90 % étaient déjà des militants antinucléaire ». Depuis le campement « anti-autoritaire et anticapitaliste contre le nucléaire et son monde » organisé à l'été 2015 à Bure, « il y a un nouveau mouvement », assure-t-il. Et d'affirmer : « Oui, je suis content qu'ils soient là, les jeunes. »


La Maison de la résistance, à Bure © AD


 
Michel a suivi de près la première occupation du bois. « Je connais des gens d'ici qui rendaient visite aux jeunes tous les jours dans la forêt », explique-t-il. Sans jamais se départir de son sourire, cet ancien conseiller municipal de Mandres-en-Barrois raconte qu'avec l'avancée du projet, et celle de la contestation, la pression s'accroît sur les populations. « Les gendarmes passent toutes les 20 minutes, il y a régulièrement un hélicoptère qui nous survole, on se sent épiés, il faut qu'ils arrêtent d'opprimer les gens, ils attisent la haine », explique-t-il. Avant même la manifestation et les affrontements du week-end, Michel pointait « le service de sécurité de l'Andra qui agace lui aussi tout le monde, y compris ceux qui sont favorables au projet ». Le vendredi précédant la manifestation, même les journalistes devaient présenter leur carte de presse et être escortés par des gendarmes pour avancer sur le chemin communal qui longe le bois Lejuc.

Quoi qu'il advienne dans les jours suivants dans le bois de Mandres, les antinucléaire de la Meuse et d'ailleurs estiment avoir marqué un point en « reprenant » le bois, et ils annoncent d'ores et déjà de nouvelles actions. Pour Sylvestre, habitant de la maison, « les territoires ruraux deviennent les poubelles de la ville. Les villages se désertifient malgré les ravalements et les lampadaires tout neufs. Une économie rurale ne se re-dynamise pas à travers un gros projet industriel ». « On n'est qu'au début d'un été qui va être chaud », veut-il croire, persuadé que le « renouveau de la lutte est enclenché » depuis que les opposants ont « enfin l'impression d'avoir une prise sur le projet ».
 
Aurélie Delmas - Médiapart


Mercredi 20 juillet

 

Street Medic Paris: plus Bure sera leur chute...


Le 20 juil. 2016 

 

Ce samedi 16 juillet 2016, des habitant.e.s, des paysan.ne.s, des militant.e.s, des familles et des soutiens internationaux, ont participé à la manifestation de réoccupation de la forêt de Mandres-en-Barrois. Ce bois tricentenaire, ayant déjà subi les dégâts causés par les premiers travaux illégaux de l’ANDRA, est voué à disparaître pour laisser place au projet insensé d’enfouissement des déchets nucléaires CIGEO.

Ce cortège d’au moins 400 personnes, unies par le désir de défendre ce bois et d’empêcher la poursuite de ce projet et de ces travaux illégaux, a convergé vers la forêt. Cette manifestation joyeuse et déterminée s’est achevée par un grand repas et par une nuit au sein du bois Lejuc.

Au lendemain de cet événement, les équipes médicale et juridique du mouvement, ayant pris en charge les personnes blessées et

recueilli de nombreux témoignages, en tirent un constat alarmant.


Tout au long de la journée du 16 juillet, les participant.e.s ont rapporté les innombrables agressions commises par le service de sécurité privé de l’ANDRA. Equipés de boucliers transparents, de casques, de matraques, de sprays lacrymogènes, de manches de pioches et de frondes, ces soi-disant « vigiles » chargés de la sécurisation du site se sont en réalité constitués en une véritable milice mobile, allant au contact et pourchassant dans les champs et dans les bois les manifestant.e.s pour les passer à tabac et voler leurs affaires.

Les personnes agressées ont été molestées à coups de bâtons et de matraques, de coups de pieds et de poings, ont reçu des jets de pierre, ont été gazées directement dans le visage et, pour certaines d’entre elles, se sont fait enfoncer la tête dans le sol, taper sur le crâne et rouer de coups.

Suite à ces faits, l’équipe médicale fait état d’au moins 5 personnes blessé.e.s, présentant des traumatismes et blessures ouvertes à la tête, ainsi que de multiples blessures au dos et aux membres. Une de ces personnes a perdu connaissance pendant quelques instants. De nombreuses personnes sont en état de choc suite à ces violences.

En outre, 3 manifestants ont été blessés par des tirs de Flash-Ball et de grenades de désencerclement effectués par les gardes mobiles. Ils présentent diverses lésions aux jambes et au bras. Plusieurs participant.e.s témoignent également de jets de pierre non seulement par les vigiles mais aussi par les gendarmes.

En effet, ces derniers ont constamment entretenu un rapport ambivalent concernant les actes de la milice de l’ANDRA. Comptant sur ces mercenaires pour faire le « sale boulot », les forces de gendarmerie se sont à plusieurs reprises retirées afin de laisser les groupes de vigiles agir librement puis sont intervenues pour arrêter des manifestant.e.s agressé.e.s. Quatre participant.e.s ont été placé.e.s en garde-à-vue.

Par ce communiqué, nous tenons à dénoncer le caractère insupportable des ces violences graves infligées par la milice privée de l’ANDRA et de la connivence à peine cachée de ces dernières avec les forces de gendarmerie. Nous condamnons la présence de groupes armés et violents distillant un tel climat de terreur pour le compte de l’ANDRA.

Infos : vmc.camp/fil-info / vmc.camp / burestop.eu / burezonelibre.noblogs.org

Contact : sauvonslaforet@riseup.net / Tel. (médias) : 07 58 65 48 89 / Tel. (infos relais urgence) : 07 58 13 18 61

Dimanche 17 juillet, Bure.


 

Des nouvelles du Kurdistan à travers l’excellent n°6 du journal Merhaba hevalno, disponible en ligne.

Les numéros précédents sont trouvables ici.

Mardi 19 juillet

On apprend la naissance d’une nouvelle zad, dans le Tarn contre un projet d’implantation d’éoliennes. Ca en parle dans la Dépêche
 

On appréciera le commentaire du responsable de la société qui dit se sentir proche de "ces gens là" et imaginer qu’ils sont "probablement mal informés". Comme quoi le lobby de l’éolienne industriel nous prend pour des con.nes, heureusement que les riverain.es se mobilisent, courage à vous !

Mercredi 20 juillet

Après un week-end et un début de semaine particulièrement intense à Bure, retrouvons-nous SAMEDI 23 juillet à 10h30 à Bure pour une balade tranquille dans la forêt de Mandres et aux alentours et un repas partagé !


Profitons du lancement de l’initiative de naturalistes en lutte sillonant les environs pour, nous aussi, faire des "Découvertes en forêt", ainsi que le propose l’ANDRA dans son exposition de propagande sur les écosystèmes forestiers.


Ramenez des bonnes chaussures de marche, de quoi boire et de quoi manger ! Il n’y a aucune raison pour qu’ils nous empêchent de rentrer dans ce bois !


Et la forêt elle est à qui ? Elle est à nous !


Faites tourner !

PLus d’infos très vite : 

 Le programme des temps collectifs à venir : http://vmc.camp/programme-a-venir/
 vmc.camp / 07 58 65 48 89 / sauvonslaforet@riseup.net




Vendredi 22 juillet

M. Valls a inauguré le tunnelier qui va forer le Lyon Turin

 



Le premier ministre a inauguré le 21 juillet le tunnelier géant qui va commencer, côté français, le creusement d’un tunnel du Lyon Turin. Toutes les critiques de ce projet de 26 milliards, dont celle de la Cour des comptes, restent ignorées.
 

 


Saint-Martin-de-la-Porte (Savoie), reportage

Le tunnelier qui va creuser une partie de la ligne ferroviaire entre Lyon et Turin a été inauguré jeudi 21 juillet en présence de Manuel Valls. Dans quelques jours, cette gigantesque machine de 135 mètres de long, 11 mètres de diamètre et 2.400 tonnes, « d’une puissance équivalente à huit moteurs de Formule 1 », comme le précise le communiqué de presse de l’événement, commencera à creuser la montagne au niveau de Saint-Martin-de-La-Porte pour aboutir aux vallées du Piémont, en Italie.

L’excavation de cette galerie de 9 kilomètres de long n’est que la première étape d’un chantier pharaonique. En effet, le projet Lyon-Turin prévoit la construction d’un tunnel de 58 kilomètres, et de 270 kilomètres de lignes nouvelles.

Quelque 300 personnes ont été conviées à ce raout avec visite guidée, amuses-bouches, et discours du premier ministre. Des élus, des fonctionnaires de collectivités locales, et des professionnels du secteur des transports, pour la plupart convaincus de la pertinence de ces travaux.

Pourtant, les organisations ou partis politiques qui dénoncent ce grand chantier ne manquent pas. Il y a, entre autres, France Nature Environnement, Sud-Rail, Vivre en Maurienne, le Parti de gauche, ou Europe-Ecologie Les Verts.

Supposé désengorger les tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus – 1.200.000 camions de marchandises y circulent chaque année -, cette ligne s’est révélée très complexe à réaliser. En plus de provoquer la destruction d’espèces protégées et de tarir les sources et les massifs, elle coûterait extrêmement cher : 26,1 milliards d’euros selon un référé de la Cour des comptes publié le 5 novembre 2012.

« C’est un projet absurde, démesuré et inutile, puisque des liaisons ferroviaires existent déjà, y compris pour le fret, et qu’elles sont pour le moment largement sous exploitées », a indiqué Europe Ecologie-Les Verts dans un communiqué publié le 20 juillet.

Tout ceci sur fond de conflits d’intérêt et de grandes vagues de contestation en Italie.

Jeudi 21 juillet, une dizaine d’opposants à la ligne essaient de sensibiliser journalistes et invités sur le parvis de la gare de Chambéry, où des navettes étaient affrétées pour l’événement. « On voudrait qu’ils entendent un autre son de cloche », explique Jean-Paul Richard, un militant.

Raté. Les personnes accréditées rejoignent rapidement le bus. Ils ne verront plus d’opposants, puisque des barrages de gendarmes sont installés sur les routes aux alentours du site.
 

 

L’arrivée de Manuel Valls : inauguration sans opposants

Une fois sur place, l’opération séduction de la Tunnel Euralpin Lyon-Turin (Telt) commence. Cette société a été créée le 23 février 2015, au moment de l’annonce du lancement des travaux par François Hollande et Matteo Renzi, Premier ministre italien. Composée de six groupes du BTP dont Spie batignolles et Eiffage, elle est en charge de la construction et de la gestion de la future ligne.
Un « Storybook » de 46 pages dédié notamment à l’histoire du Lyon-Turin est distribué, ainsi que des casques de chantier en plastique.

    Transparence : « Manuel Valls ne répondra à aucune question »

Puis la cérémonie d’inauguration de « Federica » (le doux nom du tunnelier) démarre dans la galerie souterraine où est installé l’engin. Manuel Valls, entouré d’une poignée de VIP, regarde un film de promotion projeté sur la voûte du tunnel : « … un réseau qui rendra les citoyens européens encore plus citoyens du monde », conclut une voix féminine. Puis une violoniste joue l’Ode à la joie, l’hymne européen.

Et pas question de plomber l’ambiance. « Manuel Valls ne répondra à aucune question », nous prévient le conseiller en communication de l’événement.

La majorité de l’assemblée et les journalistes, restés en surface, peut ensuite descendre par petits groupes dans la galerie. Dans un minibus, notre groupe entame une descente de 9 kilomètres, dans les tunnels de service construits entre 2002 et 2010.

Le véhicule s’arrête à l’entrée du tunnelier, à 700 mètres sous terre. Nous montons sur la passerelle qui encadre le long cylindre pour remonter vers sa « tête ».

Dans la passerelle du tunnelier, qui conduit vers sa tête
 
La gigantesque machine a été fabriquée au Creusot, puis démontée pour être transportée. 34 convois exceptionnels ont été nécessaires pour acheminer l’engin jusqu’à Saint-Martin-la-Porte.


Des lumières, oscillant entre le bleu et le vert, donnent un look futuriste à Federica. Des ouvriers – tous ont moins de 30 ans et un sourire ultra brillant – veillent à ce que les visiteurs ne se blessent pas.


Carole, employée de la Telt et guide improvisée, nous explique comment fonctionne la machine. « Sa tête broie la roche en tournant sur elle-même. Les matériaux sont immédiatement évacués sur une bande transporteuse. » Ces sortes de tapis roulants remontent la galerie jusqu’à la surface, puis empruntent des tubes métalliques qui courent à travers le paysage des Alpes pour cracher les gravats deux kilomètres plus loin.

Cette installation longue de 2 kilomètres sert à évacuer les gravats...

La machine devrait ainsi creuser le mont Cenis d’une dizaine de mètres par jour environ, fonctionnant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Une perspective qui enthousiasme Hubert du Mesnil, le président du Telt. « De manière symbolique, nous aurons désormais deux tunneliers qui creusent des deux côtés de notre montagne, déclare-t-il pendant son discours. Federica, nous venons de le voir, est prête à se mettre au travail alors que sa cousine, Maddalena, le fait déjà depuis quatre ans. » Le tunnelier italien a déjà creusé 5,5 kilomètres sur les 7,5 prévus pour cette partie de l’ouvrage.

Puis, Manuel Valls le remplace au micro. « Il y a urgence à agir pour le ’report modal’ de la route vers le rail, affirme le Premier ministre. Il permettra de réduire les émissions de gaz à effet de serre, en particulier dans les vallées de l’Arve et de la Maurienne. Ce projet participe ainsi de notre effort pour respecter les engagements pris en matière de réchauffement climatique lors de la COP21. »

« Sur le rapport du conseil d’administration de 2015, la date de mise en service est estimée à 2031, commente Daniel Ibanez, membre de la Coordination des opposants au projet Lyon-Turin, joint après l’événement. Pendant 15 ans, les habitants des vallées alpines vont donc continuer de subir la pollution, alors qu’il serait possible de rénover la ligne ferroviaire existante pour attirer les transporteurs routiers. »

Un détail pour Manuel Valls, qui parle d’un « ouvrage qui vaudra pour les générations à venir qui dans 20, 30, 40 ans profiteront de ce que nous entamons aujourd’hui », et pour son auditoire qui l’applaudit à tout rompre.


Fiers de gaspiller l’argent public. De gauche à droite Jean-Pierre Bernard, maire de Saint-Martin-de-la-Porte, Hervé Gaymard, président du Conseil départemental de Savoie, Emilie Bonnivard, vice-présidente à l’agriculture du Conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, Paolo Foietta, commissaire du gouvernement italien chargé du Lyon-Turin, Michel Destot, député de l’Isère, Jean-Pierre Vial, sénateur de Savoie, Bernadette Laclais, députée de Savoie, Manuel Valls, et Béatrice Santais, députée de Savoie.
 


Infos du 25 au 31 juillet


Lundi 25 juillet

La répression gouvernementale commence à se servir de vigiles privés armés


Lors des manifestations de réoccupation du bois Lejuc, près de Bure, les 16 et 17 juillet derniers, les forces de l’ordre ont utilisé une nouvelle méthode, consistant à s’appuyer délibérément sur des milices privées armées et dénuées de fonction officielle, témoignent les auteurs de ce texte.


Lors de la manifestation pour la réoccupation du bois Lejuc à Mandres-en-Barrois, samedi 16 juillet, les vigiles de l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) ont multiplié les agissements extrêmement agressifs et violents à l’encontre des manifestant-e-s, et ce sous l’œil bienveillant, voire avec la collaboration, de la gendarmerie nationale.


Il est nécessaire de souligner que ces « vigiles » sont en fait de véritables mercenaires, des nervis à la solde de l’Andra, dont le rôle n’est bien sûr pas d’assurer la protection du bois Lejuc, mais bel et bien de terroriser les manifestant-e-s et l’opposition populaire au saccage de ce bois par l’emploi de méthodes paramilitaires d’intimidation et d’agression.

En témoigne ainsi leur équipement, complètement hétéroclite, mélange de matériel militaire, de boucliers en plexiglas, de protections sportives, de lunettes de ski, etc. On est bien loin de la tenue particulière que doivent revêtir les agents de sécurité privée. On pourra notamment remarquer sur les photos prises ce week-end par divers journalistes l’absence totale d’identification ou d’insigne, pourtant obligatoire.


Mais, outre leur accoutrement, le plus frappant est probablement leur armement, comprenant bombes lacrymogènes d’importante capacité, gants plombés, voire manches de pioches et bâtons de fortune en guise de matraques. Les gendarmes sont à peine mieux équipés !

Et si, lorsque les caméras de France 3 filment les débordements violents de ces vigiles contre des manifestant-e-s pacifiques, les gendarmes ont tôt fait d’endosser le beau rôle et de s’interposer, il ne faut pas se leurrer : les hommes de main de l’Andra constituent pour les gendarmes mobiles un appui incontestable, prêts qu’ils sont à faire toute la sale besogne que les forces de l’ordre « officielles », bridées par leur « code de déontologie », ne peuvent se permettre.

 

Pour preuve, on pourra par exemple constater la présence de ces nervis de l’Andra au beau milieu des gendarmes mobiles sur les photos ci-dessus, prises samedi midi sur la Voie Romaine (une voie publique, donc, située hors du bois Lejuc), équipés et armés de bâtons, sans le moindre insigne ou brassard, avec la bénédiction du commandant de gendarmerie, positionné seulement à quelques mètres d’eux. Peu de temps après que ces images ont été prises, ces vigiles ont même été jusqu’à frapper des personnes assises à terre, comme l’attestent les images explicites diffusées par France 3.

Le samedi après-midi, ce sont des charges très violentes, indéniablement concertées et coordonnées entre gendarmes mobiles et vigiles, qui ont été menées contre les manifestant-e-s qui souhaitaient s’approcher de l’imposant mur d’enceinte en béton que l’Andra est en train d’ériger tout autour du bois Lejuc. À plusieurs reprises, les manifestant-e-s, pris-es sous une pluie de grenades lacrymogènes, furent attaqué-e-s sur le flanc par des groupes de vigiles frappant aveuglément tou-te-s celles et ceux qui passaient à leur portée.


Les personnes qui furent attrapées par les vigiles lors de ces charges ont alors été exfiltrées derrière leur position puis, maintenues au sol, elles ont été rouées de coups (pieds, poings, bâtons, etc.) et aspergées de gel lacrymogène à bout portant en plein visage. Plusieurs interminables minutes plus tard, leur supplice enfin achevé, ces personnes furent remises aux gendarmes, bien contents d’avoir pour une fois le beau rôle dans cette tactique éculée de manipulation psychologique du « good cop / bad cop ».


Les témoignages recueillis par l’équipe juridique, et les nombreuses blessures qui ont dû être soignées sur le terrain par les équipes médicales, attestent tou-te-s de l’extrême violence déployée par les mercenaires de l’Andra, et de l’impunité que les gendarmes leur accordaient.

 
Dimanche 17 juillet lors de l’après-midi, l’assaut de la barricade sud fut à nouveau une opération concertée et coordonnée entre forces de gendarmerie et miliciens de l’ANDRA, comme en témoigne la photo publiée le lendemain par l’Est Républicain (voir ci-dessus). Encore une fois, les vigiles (situés sur la droite de la photo) ne portent aucun insigne ni brassard, mais sont bel et bien armés : un imposant gourdin en bois est très nettement visible, par exemple.

Dans un contexte électrique où la seule réponse du pouvoir aux mouvements sociaux massifs qui traversent le pays est une répression policière et judiciaire violente et systématique, sans cesse renforcée par un état d’urgence prolongé jusqu’à la nausée ; dans un contexte où l’opinion publique face à l’atome tend à s’inverser, et où le nucléaire civil ne pourra bientôt plus servir de cache-sexe aux intérêts militaires, économiques, industriels, et néo-coloniaux de la France ; nous ne pouvons que nous inquiéter de voir l’État et l’Andra recourir à des milices privées, formées de mercenaires armés et violents, agissant en toute impunité et hors de tout cadre légal. Nous dénonçons la présence de tels groupes paramilitaires au sein du bois Lejuc, ainsi que la connivence des forces de l’ordre qui profitent bien de cette situation.


vmc.camp - Reporterre


Mercredi 27 juillet



Bure : Demain, ça se bouge dans le bois Lejuc ! "Les travaux pour CIGEO continuent dans le bois Lejuc. N’attendons pas le week-end pour agir !

Nous vous proposons donc une action contre les travaux de la poubelle nucléaire ce Jeudi 28 à 5h. Nous avons les grandes lignes en tête, et nous vous invitons à un rendez-vous à la maison de la résistance Mercredi à 20h pour régler les derniers détails.

N’hésitez pas à venir passer la nuit à la maison, avant une matinée joyeuse et rageuse.


Vendredi 29 juillet



Golf de Villenave d'Ornon (33) :

Reporterre : A Bordeaux, la justice poursuit l’opposant au golf, mais pas son agresseur conducteur d’engin










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