Merci à l'auteur, membre du Collectif de Soutien NDDL66, pour cette compilation mensuelle
PROJET D’AYRAULT–PORT de
NOTRE DAME DES LANDES (44)
Juillet 2016
Vendredi 1er juillet
Le gouvernement va-t-il évacuer la ZAD de Notre-Dame-des-Landes par la force ? Officiellement, ce n’est plus une question mais une affirmation. Les « personnes qui occupent illégalement le site du nouvel aéroport devront partir d’ici le début des travaux », a affirmé Manuel Valls dans un communiqué dimanche 26 juin. Mercredi, lors des questions au gouvernement, il a rappelé que le chantier devrait démarrer « cet automne ».
En réalité, la situation n’est pas si simple. Après la mort de Rémi Fraisse, tué par un gendarme lors d’un rassemblement contre le barrage de Sivens sur la ZAD du Testet (Tarn) en octobre 2014, la crainte d’un nouveau mort est dans tous les esprits. En 2012, d’octobre à novembre, l’opération César 44 a échoué à expulser la zone après des semaines de courses-poursuites et d’affrontements dans la boue du bocage. L’État mobilise alors quatre compagnies de CRS (320 hommes) et plus de dix escadrons de gendarmerie mobile (plus de 730 militaires). Mais pour certaines journées d’action, les effectifs sont doublés : jusqu’à 2 200 hommes lors des expulsions des maisons occupées, avait déclaré le syndicat de police Unité-SGP. Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 500 gendarmes mobiles et CRS ont pu participer simultanément aux opérations. Selon Le Télégramme, l’opération avait coûté plus d’un million d’euros pour les seuls frais des CRS affectés à la mission Notre-Dame-des-Landes (hébergement, restauration, transport, indemnités de déplacement et heures supplémentaires). Unité-SGP avait dénoncé les conditions d’intervention et la « gestion au coup par coup » sur sa page Facebook.
Cette fois-ci, combien de personnel faudrait-il mobiliser ? Au moins 2 500 hommes, a déclaré Bruno Retailleau, le président (LR) de la région Pays de la Loire, qui a déroulé une partie de sa campagne l’année dernière sur l’expulsion de la ZAD. Officiellement, personne ne confirme ce chiffre. Selon Frédéric Le Louette, président de GENDXXI, association professionnelle nationale de militaires, lui-même gendarme mobile, « il faudra des moyens considérables : de nombreux hommes pendant plusieurs semaines et plusieurs mois. Il faudra prendre toutes les précautions nécessaires. Le terrain est protégé. Les occupants ont installé des pièges. Il faudra les éviter et procéder doucement. Les gendarmes ne pourront pas intervenir par surprise. Il ne faut pas rêver d’une évacuation en deux heures. Ce n’est pas une scène de guerre mais l’opposition est très forte, les zadistes peuvent faire du harcèlement. Ce n’est pas un nouveau type de maintien de l’ordre mais l’adversaire a une détermination forte ».
Il ajoute que « le
climat humide la rendait plus difficile encore, de même que sa
durée ». Lors de son audition devant
les parlementaires, il n’hésite pas à parler de situation de
« guérilla » :
« À Notre-Dame-des-Landes, certains,
parmi les opposants les plus radicaux, n’avaient qu’un
leitmotiv : obtenir une victime. »
Un gendarme avait été grièvement blessé, selon la cheffe
d’escadron Mélisande Durier, lors de la même audition. Au total,
une dizaine de blessés avaient été comptés parmi les gendarmes et
six casques ont été mis hors service, « ce
qui montre la violence des individus qui nous font face »,
a expliqué le chef d’escadron Aymeric Lenoble.
Du côté des occupants de la ZAD, de très nombreux blessés, parfois graves, ont été dénombrés. Une médecin avait écrit au préfet de région pour dénoncer la gravité des blessures qu’elle avait constatées sur deux jours seulement : onze blessures par Flash-Ball, six blessures par explosion de bombes assourdissantes, une plaie de crâne suturée par 15 points, et au total une centaine de blessés. « J’insiste sur la gravité de ces blessures par explosions, détaille-t-elle dans son courrier. Les débris pénètrent profondément dans les chairs risquant de léser des artères, nerfs ou organes vitaux. Nous avons retiré des débris de 0,5 à 1 cm de diamètre, d’aspect métallique ou plastique très rigide et coupant. D’autres, très profondément enfouis, ont été laissés en place et nécessiteront des soins ultérieurs. » Elle expliquait aussi que « les hospitalisations n’ont pas été simples. Mon collègue a contacté le SAMU et l’ambulance des pompiers a été retardée par les barrages des forces de l’ordre, ce qui est inadmissible ! J’ai donc amené moi-même un deuxième blessé devant être hospitalisé ».
Selon un décompte du ministère de l’Intérieur rendu public, à partir du 16 octobre 2012 et jusqu’à la fin de l’opération César 44, au total 104 grenades offensives (dites OF) ont été tirées par les gendarmes à Notre-Dame-des-Landes. L’usage de ces armes a été interdit par Bernard Cazeneuve après la mort de Rémi Fraisse en octobre 2014.
Près de deux ans après la mort de Rémi Fraisse, une offensive anti ZAD se déroulerait-elle différemment ? « C’est un drame, réagit Frédéric Le Louette. La mort de quelqu’un dans une opération de maintien de l’ordre n’est pas commune. Ce sera dans les esprits de tout le monde pendant l’intervention : les gendarmes, les zadistes, les médias. Cela n’a pas d’impact sur nos méthodes mais sur leur réalisation. Les gendarmes font le maximum pour que ça n’arrive pas mais il faut qu’ils puissent se défendre quand ils sont attaqués. »
Si une nouvelle opération d’évacuation de la ZAD est lancée en 2016, des CRS pourraient de nouveau intervenir en plus des gendarmes mobiles. Des militaires pourraient être requis avec des engins lourds de désenclavement, des grues, pour le bouclage de la zone, et empêcher qu’elle ne soit réoccupée une fois qu’elle sera évacuée, explique Frédéric Le Louette. Même si Manuel Valls a pris la main sur ce sujet, il ne pourra pas décider seul d’une intervention. Elle devra faire l’objet d’un arbitrage avec Bernard Cazeneuve, qui devra prendre la responsabilité de mobiliser des troupes à Notre-Dame-des-Landes pendant plusieurs mois afin de permettre le déroulement du chantier.
Cette décision sera politiquement très sensible, alors que le risque d’attaques terroristes reste élevé en France. Comment réagirait l’opinion publique si un attentat meurtrier se produisait, alors que des milliers de gendarmes sont affectés à la protection d’un chantier d’aérogare ? « Je crois que les discussions entre le Premier ministre [Manuel Valls] et le ministre de l'Intérieur [Bernard Cazeneuve] ont commencé pour savoir comment ils allaient procéder », a déclaré Ségolène Royal sur RTL lundi 27 juin. L'évacuation « a été promise par le Premier ministre, ceux qui ont voté “oui” l'attendent », a-t-elle ajouté, estimant que cette décision « relevait de la compétence » de Manuel Valls.
Un des objectifs essentiels du leurre démocratique
de la consultation du 26 juin était de tenter de créer une brèche
au sein du mouvement anti-aéroport. Il était nécessaire pour le
gouvernement de fragiliser le front uni qui lui fait obstinément
face afin d’espérer un jour expulser la zad et y mener de
quelconques travaux. C’est au succès partiel de cette opération
classique de dissociation que Valls a tenté de faire croire ce
mercredi 29 juin à l’Assemblée nationale en déclarant : "Je
vois que certains des opposants au projet acceptent le verdict, je
m’étonne que d’autres le contestent alors qu’il était
incontestable. Donc à partir de ce moment-là, et en respectant bien
sûr l’ensemble des procédures européennes et nationales, les
travaux doivent commencer cet automne".
En réalité, le butin est bien maigre. En cherchant un peu, on trouve bien quelques rares personnes à avoir contesté un jour publiquement le projet d’aéroport puis à avoir déclaré cette semaine qu’il faudrait respecter le « verdict » de la consultation. Mais elles se comptent sur les doigts d’une main. Qu’il s’agisse de Mme Royal, ministre et donc inféodée à M. Valls ; de M. Nicolas Hulot, figure médiatique qui tient à rester aussi lisse que possible ; ou encore de M. François de Rugy, politicien bien esseulé à force d’opportunisme éhonté, on ne voit de toute façon pas bien qui aurait pu miser sur leur fidélité ou sur leur engagement.
Pour le reste, contrairement à ce que cherche à affirmer le Premier ministre, ce ne sont non pas quelques « extrémistes » mais bien l’ensemble du mouvement anti-aéroport – associations, organisations, alliés syndicaux, comités locaux, élus et jusqu’aux représentants des Verts – qui contestent la légitimité de la consultation. Tous appellent en ce sens à poursuivre la lutte. C’est là le fait politique majeur à l’issue de ce scrutin pipé et l’affront dont M. Valls cherche à atténuer la portée. Et ce sont bien, aujourd’hui encore, non pas seulement les dits « zadistes » mais aussi les paysans et habitants historiques qui ont décidé de continuer à habiter, cultiver et défendre ce bocage. Il faudra que le gouvernement s’y fasse : les opposants dans toute leur diversité n’envisagent pas une seule seconde l’idée qu’une opération d’enfumage aussi grossière puisse leur faire baisser les bras. Elle n’entame en rien leur détermination à s’opposer à la marchandisation du monde et à la destruction du vivant. Ils l’ont réaffirmé ce dimanche soir à la Vacherit dans une ambiance joyeuse et combattive. Nous ne doutons pas un instant qu’ils seront des dizaines de milliers à en faire la démonstration en actes si nécessaire.
►A l’heure où se rédige ce flash infos, le
premier sinistre se prépare à annoncer
une nouvelle fois le recours au 49.3 pour faire passer la loi
travail. Et dire qu’après ça, il veut nous donner des leçons de
démocratie !
►En tout cas on est hyper déçu.es que le PS(S) ait annulé son université d’été par chez nous, l’idée nous plaisait beaucoup (voir le communiqué à ce propos)... Mais il semble que la "violence" qui pourrait se manifester à ce moment-là aurait refroidi le parti socialiste, qui avait quand même eu le culot d’appeler ces journées "La Belle Alliance Populaire". Marrant qu’ils se retrouvent maintenant à avoir peur du peuple...
►Sinon, manif en cours, ça se passe près de chez vous !
►Une analyse
de Marianne sur la manipulation gouvernementale de la
consultation
Environ 25 000 personnes se sont rassemblées ce
week-end contre le projet d’aéroport. Les opposants commencent à
s’organiser contre le risque d’une évacuation forcée de la ZAD.
Au discours gouvernemental, ils opposent d’autres visions de la
démocratie et de la liberté.
Chaque année depuis seize ans, les opposants au projet d’aéroport de NDDL se rassemblent sur un champ proche de la ZAD pour un week-end de débats et de concerts. Mais cette fois-ci, l’attente était particulière : après le référendum favorable à l’aérogare, combien de personnes continueraient-elles à se mobiliser ? La réponse rassure les organisateurs : environ 25 000 personnes sont passées par le lieu-dit Montjean les 9 et 10 juillet, selon leur estimation, contre 15 000 l’année dernière. C’est une « très forte mobilisation », selon l’Acipa, organisation historique des opposants, « on ne pouvait pas espérer meilleure réponse ». Sylvain Fresneau, un des agriculteurs condamnés à l’expulsion par la justice en début d’année, décrit des volontaires « encore plus nombreux que d’habitude ». Un habitant de la ZAD se réjouit : « Après la consultation, le mouvement se relève. C’est assez extraordinaire, le nombre qu’on est ce week-end. On est toujours aussi nombreux. »
Et maintenant que va-t-il se passer ? Dominique Fresneau, coprésident de l’Acipa, appelle à un nouveau week-end de rassemblement contre l’aéroport les 8 et 9 octobre. La date n’est pas choisie au hasard : le gouvernement a plusieurs fois annoncé vouloir évacuer les occupants de la ZAD à l’automne ou en octobre. « Manuel Valls donne un rendez-vous en octobre, on ne va pas rester les bras croisés à l’attendre. » Plusieurs heures de discussions ont été consacrées à l’organisation de la résistance aux évacuations ce week-end. Des militants se demandent s’il vaut mieux prévoir de converger vers la ZAD en cas d’expulsion, ou privilégier des actions décentralisées visant le gouvernement ou Vinci, la multinationale concessionnaire du projet d’aéroport. Blocages des voies de circulation et de transport, soutien logistique extérieur, appel aux cheminots, manifestations communes avec les opposants à la loi travail : chacun y va de sa proposition lors de la réunion intercomités, pleine à craquer, samedi après-midi. En 2012, lors de la première tentative d’évacuation de la ZAD, des milliers de personnes étaient venues soutenir les opposants à l’aéroport. « Cette fois-ci, cela se passera peut-être très différemment, avec des assignations à résidence, des arrestations préventives », met en garde un occupant de la ZAD, du fait de l’état d’urgence et des méthodes répressives contre les militants opposés à la loi El Khomri.
Ils sont près de 25 000 personnes à avoir fait
le déplacement ces 9 et 10 juillet à Notre-Dame-des-Landes pour
marquer leur détermination contre toute construction à un nouvel
aéroport. Quinze jours après la consultation
où une majorité d’électeurs de Loire-Atlantique ont approuvé le
transfert de l’aéroport actuel (55,17 % ont dit oui), des
riverains, paysans, occupants de la zone à défendre et citoyens
venus de toute la France ont témoigné de leur volonté de
« défendre la zone et sa beauté
fragile ». « On
ne pouvait espérer meilleure réponse à la consultation que cette
mobilisation exceptionnelle et déterminée »,
se réjouissent les coordinateurs de ce seizième rassemblement
estival.
Deux résultats marquent les esprits : ceux de
la ville de Bouguenais, où se situe l’aéroport actuel, qui ne
« souhaite pas autant qu’on veut bien le dire le départ
de son aéroport », avec 50,65 % voix pour le
transfert et 49,35 % contre. Mais aussi Nantes, où le vote
s’est joué à cent voix d’écart sur 80 710 votes exprimés. De
quoi inquiéter le Parti socialiste dont le premier secrétaire,
Jean-Christophe Cambadélis, a annoncé l’annulation de son
université d’été, prévue fin août à Nantes...
Sous les chapiteaux placés sous le thème « Semailles de démocratie », la colère monte contre « ces élus qui détériorent le commun » et qui « abiment la politique ». Le sentiment de désillusion est prégnant. « On a cru au bon sens des décideurs », appuie Sylvie Thébault, paysanne sur la zone, menacée d’expulsion (son témoignage). « Notre démocratie est bien malade. Les dernières salves sont tirées pour tenir un système à bout de souffle. » Mais certains veulent encore croire en la démocratie représentative. « Nous sommes encore très nombreux à être avides d’honnêteté », souligne la conseillère régionale Geneviève Lebouteux, membre du Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport (CéDpa). « Il n’y a pas de démocratie basée sur les mensonges, et ces mensonges nous ne cesserons pas de les dénoncer. »
« L’action citoyenne et militante continuera de s’articuler avec l’occupation, le combat politique, juridique et l’expertise citoyenne », assure Thomas Dubreuil de la coordination juridique. « Nous ferons tout pour éviter une destruction irréversible du milieu alors que les juges n’ont toujours pas statué (le procès en appel relatif à la loi sur l’eau et la destruction des espèces est toujours en cours, NdlR). » Sur place, c’est aussi la pratique qui oriente le devenir de la zone, avec mille et un projets fourmillant aux quatre coins du bocage.
Ces deux jours ont également été marqués par la convergence des luttes, en particulier avec les militants de Bure opposés au projet d’enfouissement de déchets nucléaires dans la Meuse (notre enquête). « Parmi les multiples manières de défendre la ZAD, nous devons travailler aux solidarités translocales », affirme Nicolas Haeringer, membre de l’ONG 350.org pour la justice climatique. Dès le week-end prochain, une manifestation de ré-occupation aura lieu dans le bois communal de Mandres-en-Barrois, près de Bure, pour empêcher les travaux initiés par l’Agence nationale de déchets radioactifs. Un appel à une nouvelle mobilisation les 8 et 9 octobre à Notre-Dame-des-Landes a également été lancée, face aux menaces d’évacuation à l’automne 2016 formulées par Manuel Valls.
Le 29 juin, le Collectif jurassien d’opposants à Center Parcs avait appelé à un rassemblement en solidarité à Grégoire et à tous les inculpés de la lutte anti-aéroport.
Une trentaine de personnes se sont retrouvées devant le tribunal de Lons-le-Saunier en début d’après-midi, avec banderole, tracts, intervention au mégaphone et porteur de parole.
À Rennes, le procès en appel de Grégoire a été repoussé au 31 août, au motif ... des Soldes ! (Ou plutôt en punition de la présence des manifestants à la sortie de l’audience du 4 mai dernier ?) Nous manifesterons donc à nouveau notre solidarité depuis le Jura le 31 août.
Alors que Bure était l’invité d’honneur du
grand rassemblement d’été anti-aéroport, les occupant-e-s de la
zad appellent à rallier la manifestation de réoccupation du 16
juillet contre la poubelle nucléaire en projet et pour sauvegarder
la forêt de Mandre. Des bus et co-voiturages s’organisent depuis
Nantes et en divers autres points du territoire pour se rendre en ce
sens à Bure ce samedi.
Nous relayons ci-dessous l’appel des résistant-e-s de Bure à reprendre dès ce samedi la forêt menacée de laquelle ils ont été expulsé il y a quinze jours :
[Bure] Manif de réoccupation - samedi 16 juillet, on reprend la forêt
Par des habitant-es de la zad – Texte rédigé
pour le temps fort du 10 juillet 2016, aux rencontres « Semailles
de démocratie ». Version revue et complétée le 15/07/2016.
Voir texte ci-joint :
7 JUILLET : ALERTE ROUGE EXPULSION A BURE !!!!!
Cette fois c’est pour de bon !! Besoin de soutiens massifs sur
place, RDV à Bure puis ré-orientation en fonction de la
situation !! Tels infos : 0758654889 et 0758131861.
suivi des actualités et rdv : http://vmc.camp/fil-info/
iles suréquipés en direction de Mandres, un véhicule bulldozer aurait été vu. Pas d’infos précises sur le nombre exact de fourgons pour l’instant mais apparemment dispositif énorme
6h30 : Entrée côté bois de Mandres bouclée, pas d’infos sur la situation à l’entrée Ribeaucourt pour l’instant. Sur place tout le monde est réveillé et s’organise.
6h30 : Les deux routes d’accès depuis le village de Mandres sont bloquées au niveau des carrefours et des exploitations agricoles par plusieurs véhicules de gendarmerie. En contre-bas du village de bure il y a aussi quelques fourgons qui, visiblement empêchent le passage (à reconfirmer).
6h45 : Une demie-heure que les casqués sont là, l’assaut a commencé ! La charge a été ultra rapide, aucune volonté de temporisation. Après première sommation et une deuxième sommation ultra-rapide ils ont commencé à avancer, le dispositif est visiblement énorme. Le tracteur à l’entrée a pu sortir, les occupant-e-s reculent progressivement derrière les barricades enflammées. I-elles sont au niveau de la tranchée sur le chemin d’accès principal, après « La Rue Rale ». Les casqués passent également dans les bois. Il y a de nombreux tirs de gazs lacrymogènes, apparemment aussi le flashball est sorti. D’autres occupants, dont des enfants, ont pu se replier dès le début de l’arrivée.
7h00 : les occupant-e-s sont repliés au niveau de la plateforme « Salle à Mandres », les bleus continuent d’avancer en masse, à la fois sur le chemin principal mais aussi par la forêt. L’air est saturé de gaz. Des occupant-e-s à la barricade de l’entrée nord (Ribeaucourt) ont pu revenir sur place, apparemment les flics sont également arrivés par cette entrée.
7h05 : En réponse à l’expulsion un convoi d’opposant-e-s serait en route pour aller EXPULSER LA PREFECTURE et l’ANDRA, qui occupent le territoire à coup de pognons et de flics depuis plus de 20 ans ! Mardi 5 juillet à 13h une délégation de 3 opposant-e-s avait rencontré la directrice de cabinet du préfet de la Meuse qui les avait reçu en faisant mine de n’être au courant de rien. « Ah bon, vous venez parler de la forêt occupée ? Je croyais que vous veniez pour l’affaire des tags à Bar-le-Duc ? ». Les occupant-e-s ont mis la pression sur la Pref et l’ANDRA en expliquant que c’était cette dernière qui occupait illégalement le bois Lejuc, que de multiples procédures juridiques étaient en cours (recours contre la délibération de l’échange du bois depuis décembre 2015, plainte pour infraction au code forestier depuis le 22 juin 2016, assignation en référé pour contester l’ordonnance d’expulsion depuis début juillet 2016) que des personnes très différentes y passaient et y dormaient souvent, dont des enfants, et que par conséquent la Préfecture porterait toute la responsabilité en cas d’intervention. « Je prends des notes et je fais remonter » a conclu l’infâme Dircab’.
7h15 : les casqués sont remontés jusqu’au niveau de la « Salle à Mandres » et l’occupent maintenant avec leur sale gueule de Robocop sur-armés, piétinent les arbres replantés lors des dernières semaines, etc… Les occupant-e-s sont repliés à proximité dans une parcelle de forêt.
8h00 : les occupant-e-s se sont repliés à proximité de la forêt dans une parcelle sécurisée et soufflent un peu. A priori la plupart des gens sont là, pas de blessé-e-s (à reconfirmer). L’hélico tourne toujours. Les forces de l’ordre ont donc pris possession du bois…
= Conférence de presse appelée à 10h30 à la Maison de résistance à la poubelle nucléaire à Bure ; rdv dès demain 6h pour bloquer les travaux et reprendre la forêt ;
on maintient le week-end « Forêts en résistance le 9 & 10 juillet », besoin d’un max de monde, et surtout
appel à ENORME MANIF’ DE REOCCUPATION SAMEDI 16 JUILLET !
En ce jour où l’assemblée doit se prononcer au
sein de la ZAD sur le projet CIGEO, voilà un texte écrit lors de la
dernière réunion d’occupant.e.s de la ZAD de NDDL :
►Et
après ces deux jours où la lutte de Bure était à l’honneur, on
relaie aussi l’information du réseau Sortir
du Nucléaire Pays Nantais qui organise un bus pour aller à Bure
pour la manif de réoccupation du 16 juillet :
départ du bus à Nantes prévu pour vendredi soir, et un départ de Bure le samedi soir :
pour s’inscrire ou avoir des infos : sortirdunucleairepaysnantais(at)laposte.net ( plus il y a de monde inscrit rapidement, plus c’est simple à organiser...)
Pour les non-italophones, le collectif Mauvaise Troupe vient de publier un résumé de la situation ainsi qu’un nouvel entretien/brochure, celui de Nicoletta 70 ans, l’une des assignées de ce début d’été :
« Ce matin ma maison a été perquisitionnée pour une manifestation que nous avions faite contre le chantier du TAV. Désormais j’ai l’obligation d’aller signer chaque jour chez les carabiniers de Susa. Alors, que ce soit clair, moi je n’accepte pas d’aller chaque jour demander pardon aux carabiniers, je n’accepterai pas que ma maison devienne ma prison, et par conséquent, c’est eux qui décideront... »
Un bras de fer s’est engagé entre les opposants à
l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure et l’Agence
nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), durant
deux jours de mobilisation destinés à « reprendre »
le bois Lejuc, où l’Andra a débuté des travaux. La lutte contre
la « poubelle nucléaire » semble trouver un
nouveau souffle.
Bure (Meuse), de notre envoyée spéciale. - Après un dimanche sous tension dans la forêt, les militants antinucléaire de Bure, opposés au projet Cigéo d’enfouissement des déchets, sont sur le point de se faire expulser du bois Lejuc – ils ne semblent pas vouloir opposer une résistance farouche sur le long terme. « Ce qui compte, c'est d'avoir repris le bois lors d'une belle journée samedi. Cela ne sert à rien de s'acharner, de s'épuiser, de prendre des risques. Maintenant, on réfléchit au coup d'après. Mais ce qui est sûr, c'est qu'on est au début de quelque chose d'un peu plus grand et un peu plus fort », se félicitait Sylvestre (prénom d'emprunt) dimanche soir.
Le bois en question
a fait l'objet d'un échange avec la mairie de Mandres-en-Barrois
après un vote à bulletin secret du conseil municipal contesté
par des habitants. Les opposants estiment que l'Andra n'a pas à
y faire de travaux tant que la justice ne s'est pas prononcée sur le
sort de ce qui reste à leurs yeux « un
bien commun ».
Ils sont persuadés que les opérations de déboisement qui ont été
menées sont les prémices de l'installation du centre industriel de
stockage géologique des déchets radioactifs.
C'est autour de la Maison de la résistance de Bure, qui existe depuis dix ans pour lutter contre l'enfouissement à grande profondeur des déchets nucléaires hautement radioactifs, que la lutte se réorganise. BureStop, la Confédération paysanne, Sortir du nucléaire… de nombreuses organisations soutiennent cet élan collectif contre le stockage, à 500 mètres sous la surface, des rebuts de haute activité et à vie longue de toute la production nucléaire française. Après plus de 20 ans, la lutte contre la « poubelle nucléaire » semble trouver un nouveau souffle. Le bois Lejuc a été occupé une première fois pendant plusieurs semaines au mois de juin. Les occupants ont été expulsés le 7 juillet, au petit matin, avant que le tribunal ait pu statuer sur leur expulsion. Ils ont finalement été déboutés de leur contestation… mais le 15 juillet, plus d'une semaine après les faits.
Entre-temps, les antinucléaire avaient promis de revenir, et appelé des renforts lors du festival de Notre-Dame-des-Landes les 9 et 10 juillet, afin d'ouvrir un « été d'urgence ». Rendez-vous fut pris ce samedi 16, pour « réoccuper le bois ». Des manifestants venus d'un peu partout en France, et des représentants d'associations locales se sont réunis derrière les habitants de la Maison. En colère d'avoir vu une vingtaine de députés adopter presque en catimini le lancement d'une phase pilote de Cigéo le 11 juillet, ils voulaient que la journée de manifestation « soit une fête ».
C'est finalement en
longeant le bois qu'une cinquantaine de militants effectue une
percée, provoquant une brèche dans le cordon de gendarmes, et
rentre dans le bois. Après quelques tirs de grenades lacrymogènes
supplémentaires, les gendarmes se replient. Mais en pénétrant
dans le bois pour lancer le pique-nique, les manifestants tombent nez
à nez avec des forces de sécurité sans matricule, casquées,
équipées de boucliers et de matraques. Il s'agit vraisemblablement
de vigiles de l'Andra, qui s'en prennent violemment à quelques
opposants avant de s'éloigner à leur tour (voir la
vidéo de France 3, à partir de 1'20). « C'est
la milice de l'Andra ! »
crient certains. « Qui
êtes-vous ? »,
interrogent d'autres. Plus tard dans l'après-midi et en début de
soirée, de nouvelles échauffourées ont lieu avec ces mêmes
vigiles.
Dans ces grands espaces de culture céréalière, un des enjeux à venir est de mobiliser le monde paysan pour que la contestation reste ancrée localement. Certains agriculteurs, souvent proches de la Confédération paysanne, sont déjà acquis à la cause de longue date, notamment en raison des nombreuses acquisitions foncières de l'Andra qui provoqueraient une forte hausse des prix des terres. « On essaie d'être présents à chaque fois qu'il y a des projets qui accaparent les terres », explique Michèle Roux, membre du bureau national de la Conf', le syndicat d'agriculteurs qui s'engage contre « un projet inutile et dangereux ». « Je suis mère et grand-mère, je sais ce que cela veut dire “génération future” », regrette-t-elle en faisant allusion à la durée de vie des déchets radioactifs.
« Localement,
il n'y a jamais eu d'opposition farouche, tout a été calmé avec
les mesures d'accompagnement et cette idée géniale du labo »,
déplore ce militant de la première heure. L'Andra verse en effet
30 millions par an aux départements de la Meuse et de la
Haute-Marne, de quoi calmer les esprits. Pour Jean-Pierre,
l'action des « jeunes »
de Bure, venus d'horizons divers, est indispensable et il n'hésite
pas à leur prêter du matériel. Son tracteur et sa bétaillère ont
d'ailleurs été saisis par les forces de l'ordre après l'expulsion
du 7 juillet. « Ici,
on n'a pas de densité démographique, il faut que ces jeunes
viennent, sinon on ne peut rien faire. Et il faut parler de ce projet
à l'extérieur, le problème n'est absolument pas local. Et je ne
réagis pas ainsi parce que ça se passe chez moi »,
alerte-t-il.
Sur place en effet, la contestation ne dépasse guère le périmètre associatif. Michel Marie, porte-parole du Cedra52, se félicite que « le monde paysan commence à bouger, c'est un bon baromètre ». « L'adversaire, ce n'est pas l'Andra, ce n'est pas l’État, c'est le fatalisme et la résignation. Il s'agit de notre problème de citoyens », développe celui qui compte sur « une convergence des résistances contre les grands projets imposés dans toute la France ».
PLus
d’infos très vite :
Le programme des temps collectifs à venir : http://vmc.camp/programme-a-venir/
vmc.camp / 07 58 65 48 89 / sauvonslaforet@riseup.net
Source : ZAD.nadir.org et médias
Juillet 2016
Et ailleurs : Sivens (81) – Enquête sur la mort de Rémi Fraisse – CIGEO à Bure (55) – NO TAV à Val de Susa (Italie) et Tunnel Lyon-Turin (73) – Mort d'ADAMA TRAORE à Persan (95) – Golf de Villenave d'Ornon (33)
ZAD
de NDDL - 44
Infos du 1er au 10 juillet
Vendredi 1er juillet
Notre-Dame-des-Landes :
les risques de l'évacuation
La volonté politique martelée par le gouvernement d’évacuer la ZAD risque d’être longue à traduire dans les faits. Le souci affiché par Manuel Valls de respecter les procédures européennes n’est pas compatible avec le calendrier d’une intervention cet automneLe gouvernement va-t-il évacuer la ZAD de Notre-Dame-des-Landes par la force ? Officiellement, ce n’est plus une question mais une affirmation. Les « personnes qui occupent illégalement le site du nouvel aéroport devront partir d’ici le début des travaux », a affirmé Manuel Valls dans un communiqué dimanche 26 juin. Mercredi, lors des questions au gouvernement, il a rappelé que le chantier devrait démarrer « cet automne ».
En réalité, la situation n’est pas si simple. Après la mort de Rémi Fraisse, tué par un gendarme lors d’un rassemblement contre le barrage de Sivens sur la ZAD du Testet (Tarn) en octobre 2014, la crainte d’un nouveau mort est dans tous les esprits. En 2012, d’octobre à novembre, l’opération César 44 a échoué à expulser la zone après des semaines de courses-poursuites et d’affrontements dans la boue du bocage. L’État mobilise alors quatre compagnies de CRS (320 hommes) et plus de dix escadrons de gendarmerie mobile (plus de 730 militaires). Mais pour certaines journées d’action, les effectifs sont doublés : jusqu’à 2 200 hommes lors des expulsions des maisons occupées, avait déclaré le syndicat de police Unité-SGP. Selon le ministère de l’Intérieur, plus de 500 gendarmes mobiles et CRS ont pu participer simultanément aux opérations. Selon Le Télégramme, l’opération avait coûté plus d’un million d’euros pour les seuls frais des CRS affectés à la mission Notre-Dame-des-Landes (hébergement, restauration, transport, indemnités de déplacement et heures supplémentaires). Unité-SGP avait dénoncé les conditions d’intervention et la « gestion au coup par coup » sur sa page Facebook.
Cette fois-ci, combien de personnel faudrait-il mobiliser ? Au moins 2 500 hommes, a déclaré Bruno Retailleau, le président (LR) de la région Pays de la Loire, qui a déroulé une partie de sa campagne l’année dernière sur l’expulsion de la ZAD. Officiellement, personne ne confirme ce chiffre. Selon Frédéric Le Louette, président de GENDXXI, association professionnelle nationale de militaires, lui-même gendarme mobile, « il faudra des moyens considérables : de nombreux hommes pendant plusieurs semaines et plusieurs mois. Il faudra prendre toutes les précautions nécessaires. Le terrain est protégé. Les occupants ont installé des pièges. Il faudra les éviter et procéder doucement. Les gendarmes ne pourront pas intervenir par surprise. Il ne faut pas rêver d’une évacuation en deux heures. Ce n’est pas une scène de guerre mais l’opposition est très forte, les zadistes peuvent faire du harcèlement. Ce n’est pas un nouveau type de maintien de l’ordre mais l’adversaire a une détermination forte ».
Le nombre de personnes vivant sur la ZAD de
Notre-Dame-des-Landes est généralement estimé entre 200 et 300
personnes. Mais elles pourraient être plus nombreuses à s’y
retrouver durant l’été, pour soutenir l’occupation après la
victoire du “oui” à la consultation. Le rassemblement annuel des
militants contre l’aéroport se tient du 8 au 10 juillet prochains.
Il y a quatre ans, en résistance à l’évacuation, des dizaines de
personnes avaient occupé des maisons, d’autres s’étaient
suspendues en haut des arbres – nécessitant l’intervention de
pelotons spécialisés pour les en faire descendre. Des dizaines
d’autres personnes, dont des élus, avaient tenté de rejoindre la
ZAD pour empêcher la progression des forces de l’ordre. Des
barricades avaient été dressées sur les routes départementales et
les chemins qui traversent le large périmètre de la ZAD (20
kilomètres de long et cinq de large).
Selon le lieutenant-colonel Emmanuel Gerber, du groupement III/3 de gendarmerie mobile de Nantes, auditionné par les députés en 2015 : « Cette topographie ne facilite pas l’action des forces de l’ordre, mais, à l’inverse, offre un cadre propice aux opposants. » Constitué en grande partie de bois et de bocages, le terrain de la ZAD n’est pas favorable aux manœuvres des véhicules de gendarmes. Il distingue trois types d’activistes : « les quelque 200 radicaux » qui « se montrent d’une grande violence » ; les associations, notamment d’agriculteurs, qui « même s’ils peuvent faire preuve de violence et freiner l’action des forces de l’ordre, ne sont pas les plus virulents » et les « Robin des bois retranchés dans des constructions en bois dans les arbres, ce qui ne facilitait pas notre tâche ».
Selon le lieutenant-colonel Emmanuel Gerber, du groupement III/3 de gendarmerie mobile de Nantes, auditionné par les députés en 2015 : « Cette topographie ne facilite pas l’action des forces de l’ordre, mais, à l’inverse, offre un cadre propice aux opposants. » Constitué en grande partie de bois et de bocages, le terrain de la ZAD n’est pas favorable aux manœuvres des véhicules de gendarmes. Il distingue trois types d’activistes : « les quelque 200 radicaux » qui « se montrent d’une grande violence » ; les associations, notamment d’agriculteurs, qui « même s’ils peuvent faire preuve de violence et freiner l’action des forces de l’ordre, ne sont pas les plus virulents » et les « Robin des bois retranchés dans des constructions en bois dans les arbres, ce qui ne facilitait pas notre tâche ».
Du côté des occupants de la ZAD, de très nombreux blessés, parfois graves, ont été dénombrés. Une médecin avait écrit au préfet de région pour dénoncer la gravité des blessures qu’elle avait constatées sur deux jours seulement : onze blessures par Flash-Ball, six blessures par explosion de bombes assourdissantes, une plaie de crâne suturée par 15 points, et au total une centaine de blessés. « J’insiste sur la gravité de ces blessures par explosions, détaille-t-elle dans son courrier. Les débris pénètrent profondément dans les chairs risquant de léser des artères, nerfs ou organes vitaux. Nous avons retiré des débris de 0,5 à 1 cm de diamètre, d’aspect métallique ou plastique très rigide et coupant. D’autres, très profondément enfouis, ont été laissés en place et nécessiteront des soins ultérieurs. » Elle expliquait aussi que « les hospitalisations n’ont pas été simples. Mon collègue a contacté le SAMU et l’ambulance des pompiers a été retardée par les barrages des forces de l’ordre, ce qui est inadmissible ! J’ai donc amené moi-même un deuxième blessé devant être hospitalisé ».
Selon un décompte du ministère de l’Intérieur rendu public, à partir du 16 octobre 2012 et jusqu’à la fin de l’opération César 44, au total 104 grenades offensives (dites OF) ont été tirées par les gendarmes à Notre-Dame-des-Landes. L’usage de ces armes a été interdit par Bernard Cazeneuve après la mort de Rémi Fraisse en octobre 2014.
« Évacuer la ZAD, c’est faisable »
« Évacuer la ZAD, c’est faisable, affirme Frédéric Le Louette, président de GENDXXI. On sait faire. La gendarmerie est prête depuis des mois. Il faudra des moyens en hommes très importants car en plus de l’évacuation, il faudra protéger la zone le temps des travaux. Les moyens ont déjà été estimés par la gendarmerie locale. Le terrain n’a jamais été complètement lâché. » À Saint-Astier, le centre d’entraînement des gendarmes, un exercice de type Notre-Dame-des-Landes a été introduit « pour renouer avec un savoir-faire rural un peu perdu de vue », comme l’avait raconté notre collègue Louise Fessard. Au programme : techniques à mettre en œuvre face à des accrobranches, des sit-in, et désentravement de cordages.Près de deux ans après la mort de Rémi Fraisse, une offensive anti ZAD se déroulerait-elle différemment ? « C’est un drame, réagit Frédéric Le Louette. La mort de quelqu’un dans une opération de maintien de l’ordre n’est pas commune. Ce sera dans les esprits de tout le monde pendant l’intervention : les gendarmes, les zadistes, les médias. Cela n’a pas d’impact sur nos méthodes mais sur leur réalisation. Les gendarmes font le maximum pour que ça n’arrive pas mais il faut qu’ils puissent se défendre quand ils sont attaqués. »
Si une nouvelle opération d’évacuation de la ZAD est lancée en 2016, des CRS pourraient de nouveau intervenir en plus des gendarmes mobiles. Des militaires pourraient être requis avec des engins lourds de désenclavement, des grues, pour le bouclage de la zone, et empêcher qu’elle ne soit réoccupée une fois qu’elle sera évacuée, explique Frédéric Le Louette. Même si Manuel Valls a pris la main sur ce sujet, il ne pourra pas décider seul d’une intervention. Elle devra faire l’objet d’un arbitrage avec Bernard Cazeneuve, qui devra prendre la responsabilité de mobiliser des troupes à Notre-Dame-des-Landes pendant plusieurs mois afin de permettre le déroulement du chantier.
Cette décision sera politiquement très sensible, alors que le risque d’attaques terroristes reste élevé en France. Comment réagirait l’opinion publique si un attentat meurtrier se produisait, alors que des milliers de gendarmes sont affectés à la protection d’un chantier d’aérogare ? « Je crois que les discussions entre le Premier ministre [Manuel Valls] et le ministre de l'Intérieur [Bernard Cazeneuve] ont commencé pour savoir comment ils allaient procéder », a déclaré Ségolène Royal sur RTL lundi 27 juin. L'évacuation « a été promise par le Premier ministre, ceux qui ont voté “oui” l'attendent », a-t-elle ajouté, estimant que cette décision « relevait de la compétence » de Manuel Valls.
Bruno Retailleau, le
président de la région Pays de la Loire, demande à Matignon une
feuille de route très précise sur le début des travaux. Il
souhaite qu’ils soient lancés le plus tôt possible dès
l’automne. Mais l’État n’a pas les coudées franches. La
Commission européenne exige
de Paris une étude d’impact globale du projet d’aéroport,
prenant en compte l’aérogare et les projets qui lui sont
liés : tram-train, rubans routiers et échangeurs. Pour y
répondre, un nouveau schéma de cohérence territoriale (Scot) doit
être voté. Mais il doit faire l’objet d’une enquête publique.
Elle devrait être organisée en septembre et durer un mois, à
l’issue duquel les élus devrait le voter. Mais il n’est pas
exécutoire immédiatement : la haute autorité environnementale
doit l’approuver, et pendant deux mois, des recours peuvent être
déposés.
Par
ailleurs, avant d’intervenir, l’État devra obtenir
l’autorisation de la justice car « les
zadistes sont protégés par le code de l’habitat et de la
construction », explique Erwan
Lemoigne, l’un des avocats des opposants. « Si
on revendique l’État de droit, il faut respecter le juge
judiciaire. Pour évacuer des habitants, même sans droit ni titre,
il faut obtenir une décision qui autorise à prendre possession du
bien et à évacuer le cas échéant les occupants. »
Pour toutes ces raisons, la volonté politique martelée par le
gouvernement d’évacuer la ZAD risque d’être longue à traduire
dans les faits. Le souci affiché par Manuel Valls de « respecter
l'ensemble des procédures européennes et nationales »
n’est pas compatible avec le calendrier d’une intervention cet
automne.
Jade
Lindgaard -
Médiapart
Samedi
2 juillet
Le grand bluff de Valls après la consultation
En réalité, le butin est bien maigre. En cherchant un peu, on trouve bien quelques rares personnes à avoir contesté un jour publiquement le projet d’aéroport puis à avoir déclaré cette semaine qu’il faudrait respecter le « verdict » de la consultation. Mais elles se comptent sur les doigts d’une main. Qu’il s’agisse de Mme Royal, ministre et donc inféodée à M. Valls ; de M. Nicolas Hulot, figure médiatique qui tient à rester aussi lisse que possible ; ou encore de M. François de Rugy, politicien bien esseulé à force d’opportunisme éhonté, on ne voit de toute façon pas bien qui aurait pu miser sur leur fidélité ou sur leur engagement.
Pour le reste, contrairement à ce que cherche à affirmer le Premier ministre, ce ne sont non pas quelques « extrémistes » mais bien l’ensemble du mouvement anti-aéroport – associations, organisations, alliés syndicaux, comités locaux, élus et jusqu’aux représentants des Verts – qui contestent la légitimité de la consultation. Tous appellent en ce sens à poursuivre la lutte. C’est là le fait politique majeur à l’issue de ce scrutin pipé et l’affront dont M. Valls cherche à atténuer la portée. Et ce sont bien, aujourd’hui encore, non pas seulement les dits « zadistes » mais aussi les paysans et habitants historiques qui ont décidé de continuer à habiter, cultiver et défendre ce bocage. Il faudra que le gouvernement s’y fasse : les opposants dans toute leur diversité n’envisagent pas une seule seconde l’idée qu’une opération d’enfumage aussi grossière puisse leur faire baisser les bras. Elle n’entame en rien leur détermination à s’opposer à la marchandisation du monde et à la destruction du vivant. Ils l’ont réaffirmé ce dimanche soir à la Vacherit dans une ambiance joyeuse et combattive. Nous ne doutons pas un instant qu’ils seront des dizaines de milliers à en faire la démonstration en actes si nécessaire.
Il n’y aura jamais
d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ! La zad continuera à
fleurir !
Le groupe presse de la ZAD
►Des
super extraits de la lettre aux adhérents des Ailes pour l’Ouest :
« [...] mais les zadistes sont fermement décidés à rester,
épaulés et soutenus par des partis politiques et des opposants qui
ont clairement affiché leur volonté d’en découdre. [...]
Ensuite, dès la fin août, si les zadistes ne sont pas partis ce qui
est probable, nous reprendrons les actions terrains afin de mettre la
pression sur les autorités y compris s’il le faut une mobilisation
de grande ampleur près de la ZAD ! Zadistes, préparez vos
valises avant qu’on ne vous les amène ! » Vigilance
donc !
►Le
Canard enchaîné :
Notre Dame des Non ! Habitants de Notre-Dame-des-Landes, on ne
vous dit pas bravo !
►Ouest
France :
Notre-Dame-des-Landes.
Le projet est « incontestable »,
selon Manuel Valls « L’évacuation de la ZAD (...) se
préparera avec l’autorité nécessaire », a-t-il poursuivi.
Et
la défense de la ZAD se fera avec la solidarité et détermination
necessaire !
►Une
émission bidon,
plus ou
moins bien anti-"zadiste", C
dans l’air du 01-07-2016
« Notre-Dame-des-Landes : la résurrection ? »
En effet la même personne
présente dans cette émission, l’économiste "Pascal Perri"
("écrivain" de : L’écologie contre la démocratie)
nous donne sa rhétorique dans ce billet :
Notre-Dame-des-Landes : une
idéologie radicale derrière la ZAD
http://www.libertepolitique.com/Actualite/Tribunes-et-documents/Notre-Dame-des-Landes-une-ideologie-radicale-derriere-la-ZAD
Une perle :
« Les militants écolos-zadistes de Notre Dame ne sont pas
seulement opposés au nouvel aéroport, ils sont en réalité opposés
à toute forme de transport aérien. Ils considèrent les
déplacements aériens comme un outil du marché au service de sa
domination sur les individus. »
Mardi
5
juillet
►En tout cas on est hyper déçu.es que le PS(S) ait annulé son université d’été par chez nous, l’idée nous plaisait beaucoup (voir le communiqué à ce propos)... Mais il semble que la "violence" qui pourrait se manifester à ce moment-là aurait refroidi le parti socialiste, qui avait quand même eu le culot d’appeler ces journées "La Belle Alliance Populaire". Marrant qu’ils se retrouvent maintenant à avoir peur du peuple...
►Sinon, manif en cours, ça se passe près de chez vous !
►Au milieu des tas de
messages de soutien que l’on reçoit, des fois il y aussi des
messages dessinés :
►Une analyse
de Marianne sur la manipulation gouvernementale de la
consultation
Samedi
9 juillet
Semailles de Démocratie...
Jamais
la Démocratie n'a été une exigence plus impérieuse qu'en cette
période où nous lançons notre rassemblement 2016 !
Comme les
années précédentes, la Coordination des Opposants* s’adresse à
toute la population de la région, comme à tous les militants,
toutes les organisations locales, nationales… et au-delà, engagés
avec elle dans la lutte contre le projet d’aéroport de
Notre-Dame-des-Landes. Elle les invite à partager ce moment
fédérateur et convivial, démonstration et point d'appui d'une
mobilisation intacte, et plus que jamais nécessaire, pour que vivent
ce territoire et les alternatives qui se développent sur la ZAD.
Dans la période
actuelle, le thème de la démocratie s'est imposé à nous de
manière évidente, bien que nous travaillions sur cette exigence
depuis plus de 15 ans maintenant.
Un
déni constant de démocratie de la part des porteurs du projet :
Mensonges, manipulations, faux semblants...!
Les
citoyens ont mis à jour et démonté les différentes arnaques, sans
que soient troublés le moins du monde les politiques porteurs du
projet qui les fomentent (cf La fabrication d’un mensonge d’Etat
– F Verchère – Editions Tim Buctu).
La
loi sur l'eau est ouvertement bafouée par les propositions de «
compensation » de la société Aéroports du Grand Ouest : la
méthode a été retoquée par toutes les autorités scientifiques
locales et nationales. Peu importe, ils n’en tiennent pas compte
car ces avis sont purement consultatifs, mais alors pourquoi les
avoir demandés ?
La
Commission Européenne demande l'évaluation globale des conséquences
environnementales du projet mais elle semble accepter de se contenter
d'un document annexe au Schéma de Cohérence Territoriale
(actuellement en révision) qui serait peu contraignant et qui
relèverait de la préconisation....
La
machine administrative continue à jouer son rôle de rouleau
compresseur pour permettre, parait-il, les expulsions à l'automne,
tandis qu'une improbable « consultation » surgie de nulle part
court-circuiterait les procédures en cours, légitimerait le projet
et exonérerait Hollande de tenir sa parole !
C'est
le mouvement d'opposition qui porte l'exigence démocratique :
Alors STOP à leur « pseudo-démocratie » !
Comme
répété mille fois, nous voulons pouvoir décider de nos véritables
besoins, pas seulement locaux, des différentes alternatives capables
de les satisfaire, de l'usage de nos fonds publics, de la
préservation de nos cadres de vie. Nous en avons montré la
capacité, nous avons fait des propositions d'alternatives, par le
biais de l'Atelier Citoyen et d'autres manières.
La
démocratie que nous voulons, nous la mettons déjà en œuvre
lorsque nous travaillons sur les dossiers, lorsque nous faisons des
propositions à la Commission Nationale de Transition Écologique
pour l'amélioration des procédures de débat public, propositions
louangées... et immédiatement ignorées.
Et
plus largement, nous posons la question de nos Droits humains
fondamentaux (Santé, Éducation, Logement, etc ), alors que la
triste actualité nous démontre que leur déconstruction est en
marche. La lutte de Notre-Dame-des-Landes, comme d'autres contre des
Grands Projets Inutiles Imposés, sont autant de catalyseurs pour un
retour aux valeurs de justice et de solidarité qui sont les nôtres.
Il
y a cinq ans, à l'été 2011, nous avions placé notre rassemblement
sous l'égide « Pour un autre choix de société ». C'est encore à
mettre au présent.
Partageons
nos travaux et réflexions sur l'avenir !
Tout
ce que nous avons appris à partir de cette lutte, tout ce que nous
avons découvert ensemble tels d'autres moyens de fonctionner,
d'avancer, nous vous invitons à le partager et l'enrichir les 9 et
10 juillet
À
nous de définir les alternatives que nous voulons mettre en place !
Imaginons collectivement et faisons le savoir ! C'est le moment de
réinventer la démocratie que nous voulons, pas celle des
actionnaires de Vinci et des politiques à leur service !
Ni
expulsions, ni travaux, ni aéroport !
*
La Coordination des Opposants est constituée de plus de 50 groupes :
associations, collectifs, syndicats et mouvements politiques qui
travaillent ensemble mensuellement.
Infos
du 11 au 17 juillet
Lundi
11 juillet
NDDL :
25 000 personnes selon France inter ce matin
après deux jours de rencontre, discussions, fêtes det déterminations du we organisé par la coordination des opposants,
très forte mobilisation pour ce 16ème rassemblement estival : "On ne pouvait espérer meilleure réponse à la consultation que cette mobilisation exceptionnelle et déterminée, avec la présence sur les 2 jours de plus de 25 000 personnes dont certaines venant à Notre-Dame-des-Landes pour la première fois. (...)
Lundi 11 juillet
après deux jours de rencontre, discussions, fêtes det déterminations du we organisé par la coordination des opposants,
Parmi nos prochaines d’actions, rendez-vous est déjà pris le week-end du 8-9 octobre pour une journée de mobilisation sur la ZAD."
►Un
texte d’analyse sur la consultation, rédigé et diffusé par le
comité de soutien Blaisois, Notre-Flamme-des-Landes
Notre-Dame-des-Landes :
« Plus que mobilisés, dé-ter-mi-nés ! »
Grande
affluence le week-end des 9 et 10 juillet à
Notre-Dame-des-Landes : la détermination est plus forte que
jamais face au projet d’aéroport.
Notre-Dame-des-Landes,
reportage
La
petite bruine passagère qui a clôt les deux jours n’a pas réussi
à doucher les ardeurs des plus de 25.000 personnes venues débattre
démocratie et alternatives, manger de généreuses assiettes de
légumes du cru, boire des bières indigènes, ou déguster sous une
enseigne taguée "Pan ton patron, t’auras sa galette"
des galettes de sarrazin quasiment nées dans le champs d’à côté.
Ambiance
de festival et assemblées multiples, débats autour des notions
actuelles de la démocratie. Les participants ont surtout beaucoup
échangé autour de la défense à venir, sur le terrain, face à la
volonté d’évacuation militaire évoquée par Manuel Valls pour
octobre prochain. Un comptoir de bookmaker du bocage aurait bien pu
ouvrir, pour prendre les paris et faire fructifier - à prix libre -
les supputations. La phrase du week-end, aura été, sous toutes
variantes, « Alors, toi, tu crois qu’ils vont attaquer, à
la rentrée ? », ouvrant à des déroulés de
scénarios hypothétiques et d’arguments, politiques et militaires,
voire météorologiques, pour les récuser ou les juger plausibles.
Une lutte symbole, comme le Larzac
« Peut
être que l’Europe mettra son hola aux expulsions, imagine
Michel, 64 ans, allocataire du RSA à Saint-Brieuc et pratiquement
aide-familial pour sa mère et son amie, 89 et 94 ans. C’est
bien une lutte contre l’aéroport et son monde. C’est important
l’ajout "et son monde"... J’étais hippie dans
les années 70. Depuis je m’arcboute contre ce monde. La
consultation, dans mon coin, ça n’a pas affecté grand monde, on
savait que c’était pipé. Ça n’a pas entamé la détermination.
D’autant que Notre-Dame-des-Landes, comme Bure ou Sivens, est
devenu une lutte hautement symbolique ; comme le Larzac à
l’époque ».
A
un jet de motte de terre de là, sous chapiteau, se tissent des liens
chaleureux et solidaires avec les opposants à Bure, les Italiens du
Val de Suze, avec le Chiapas et les luttes des Indiens
mexicains d’Atenco contre un aéroport aussi, il y a dix ans.
Les
organisateurs ont remarqué que certains visiteurs sont venus de
Notre-Dame-des-Landes pour la première fois à un rassemblement, le
seizième.
« Une histoire en train de s’écrire »
D’autres
sont venus de plus loin avec des amis, comme Amélie, étudiante à
Paris en agronomie, originaire du Finistère, indécise mais à
l’écoute : « Je ne suis pas
opposante farouche à l’aéroport, ni convaincue que ce soit un
bien. Il y a les arguments agricoles, l’artificialisation des
terres, et environnementaux, la zone humide menacée... Mais des
zones humides, il y en a ailleurs. Pourquoi se battre pour celle-ci ?
Alors, ça m’intéresse de voir ici autre chose que ce qu’on lit
dans les journaux. D’un autre côté il y a les arguments
économiques, ceux qui lient l’aéroport au développement, même
si ça pompe dans le budget des collectivités voisines. Aux
dernières élections régionales, ça a été un enjeu entre les
partisans de l’opposition et de l’approbation à ce projet
d’aéroport. J’ai voté pour l’opposition... En venant ici,
j’ai aussi vu que depuis le temps les opposants ont construit ici
quelque chose de très intéressant. Il y a des paysans en
conventionnel, en bio, des adeptes de la permaculture... C’est une
histoire en train de s’écrire. Je me suis aussi renseignée ici
sur la décroissance, dont les partisans n’emploient pas les même
mots que les médias, ils ne se posent pas les question de la même
manière. Pour être cohérente, il faudrait aussi que je m’informe
sur un site de la FNSEA, voire sur un site de pro aéroport. »
Amélie : « Les opposants ont construit ici quelque chose de très intéressant »
Amélie : « Les opposants ont construit ici quelque chose de très intéressant »
Légaliste, elle pense qu’il faudrait suivre l’avis
favorable sorti de la consultation « pas si biaisée que
ça » du 26 juin, tout en concédant que les
abstentionnistes posent problème et que le périmètre « pas
clair » a exclu les citoyens bretons pourtant sollicités
via le budget de leur région...
Mais ici, ses doutes sont minoritaires.
Le Oui sorti des urnes de la consultation n’a pas émietté la
mobilisation. Bien au contraire. « C’est clair, ça ne
change rien de rien au rapport de force », assure un paysan
du collectif Copain44 qui n’a pas pris part à la campagne pour le
non et n’attendait rien de ce vote. Comme toutes les composantes de
la lutte, il n’y a pas cru mais n’en veut pas à ceux qui ont
saisi l’occasion pour faire valoir les arguments contre le projet
en menant des réunions publique et en distribuant des tracts sur les
marchés.
La cohésion du mouvement est renforcée
par l’épreuve, des zadistes aux paysans historiques, de
l’association citoyenne au syndicat CGT de Vinci, des Naturalistes
en lutte aux collectifs de pilotes de ligne, d’élus,
d’architectes, de juristes. en donnant le prochain rendez-vous, le
week-end du 8-9 octobre pour une journée de mobilisation sur la
Zad, Dominique Fresneau, le président de l’association citoyenne
Acipa, résume le sentiment général : « On est plus
que mobilisés, on est dé-té er-mi-nés ». « On est
déter’, on est des terres », s’amusent des jeunes de
Bure dans l’assistance, qui a eu aussi la surprise de voir passer
Hugues Auffray venu en soutien.
|
Les cantines
rivalisent de recettes végan ou végétariennes, de galettes de blé
noir au pesto, de pâtisseries orientales vite dévalisées. Le café
est en rupture de stock.
Terres, légales ou non
Sous l’un des huit chapiteaux
déclinant les questions de démocratie, une paysanne du Morbihan
évoque les « installations agricoles légales ».
Il aura fallu les occupations de terres de Notre-Dame-des-Landes et
le collectif Sème ta Zad pour qu’une telle expression trouve sa
raison d’être, à côté des récupérations de friches ensuite
remises en cultures, comme l’ont fait les paysans sans terre du
Brésil.
Le chapiteau
voisin accueille les Italiens du Val de Suze dont les témoignages
ont été recueillis par le collectif Mauvaise troupe et publié dans
le bouquin Contrées,
aux éditions de l’Eclat. Mais plus qu’une collecte de récits
et un projet éditorial, c’est une histoire de chaleur humaine,
d’amitiés, de complicités et de solidarités actives qui prend
place avec les traductions de l’italien au français, ou à travers
le français rocailleux de certains militants contre le train grande
vitesse qui veut rayer leur vallée : « Nous
sommes venus pour apprendre de votre lutte. On s’intéresse au
partage des terres. Vous avez beaucoup de produits de la campagne, le
blé, le pain, les confitures. Chez nous des jeunes filles ont
commencé avec des cueillettes d’herbe pour faire des crèmes, de
la bière... », dit une mamma toute en
noir. « Merci de nous avoir invités,
reprend un homme fumant cigarette sur
cigarette. On a expérimenté à Turin les
refus des contrôles judiciaires. Après les coups et la prison, la
répression s’est diversifiée et durcie cherchant à nous diviser.
Mais vous devez continuer à résister ici. Votre résistance nous
sert à nous aussi. »
Hypothèses
d’évacuation, évacuation d’hypothèses
Si les journalistes interrogent
toujours sur les effets de la consultation sur la légitimité de la
lutte, les militants se centrent sur l’avenir proche sans tenir
compte de la péripétie de ce vote consultatif. Intervention à
l’automne ou pas ? Quand, comment ? Dans le jeu de rôle
entre Valls l’autoritaire et Hollande l’indécis, quelle ligne
primera ? Après leur défaite en 2012 et l’échec de
l’opération César visant à évacuer la zone de ses occupants,
quelle solution serait choisie, la même stratégie, mais avec deux
fois plus d’effectif de répression ? Faut-il craindre une
manœuvre inédite pour prendre la Zad par surprise, par la date
d’intervention inattendue, par la rapidité de destructions ?
« Peu probable » ; « Franchement, ça
m’étonnerait... » ; « Hmmm. Je les vois pas faire
ça. » Chacun y va de son hypothèse, de l’argument qui
démonte un scénario échafaudé. A vrai dire, ce petit jeu des
pronostics dure depuis des années.
La dimension humaine et la beauté du bocage
« Cette fois la position du
gouvernement semble claire et déterminée : en finir en mettant
les grands moyens, dit Fred étudiant en école supérieure de
commerce et fidèle lecteur de Reporterre.
Oui je sais, la contradiction fait facilement la largeur de la
zad... En tous cas, face à l’intervention de l’Etat, il va
falloir venir donner des coups de main, prendre des jours de congés
pour çà en plus des vacances personnelles. Malheureusement, je ne
serai pas en France à l’automne, mais en stage en Inde. Mais
j’espère que l’an prochain en juillet, je serais à nouveau ici,
à discuter. J’étais déjà venu pour des manifestations, sur la
quatre voies, mais je n’avais jamais eu le temps de voir ce
qu’était la Zad. Je suis arrivé vendredi pour avoir le temps de
découvrir la beauté du bocage et des petites routes, la dimension
humaine et celle du paysage. C’est très important pour mettre des
images et mieux comprendre sur ce que j’avais lu. »
|
On évalue l’orgueil des états-majors
militaires et policiers, la montée
des systèmes répressifs depuis mars dernier et les
mobilisations contre la loi Travail, la résolution des composantes à
Notre-Dame-des-Landes, paysans et zadistes en tête. On envisage le
secteur bouclé, les plans B. « Faut
qu’on se remémore quoi faire en cas d’arrestation et de garde à
vue, dit une mère de famille. Faut
d’ailleurs que j’en reparle aussi à mes enfants. »
Notion
de terrorisme élargie
Sous un chapiteau, avec Laurence
Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature,
et un assigné à résidence lors de la C0P21, les évolutions
délétères de la répression sont envisagées. « La
loi Urvoas de 2 juin 2016 prévoit la possibilité d’assigner
à résidence, pour l’instant fléchée vers des personnes qui
reviennent d’un théâtre d’opération d’un groupement
terroriste, en gros l’Irak ou la Syrie, détaille
Laurence Blisson. Mais le problème est qu’il
ne s’agit que de suspicion, pas de faits, et que la notion de
terrorisme peut être appréciée au sens large, petit à petit
utilisable contre des militants revenant de lieux de mobilisation. Si
aujourd’hui, la répression des militants est à la marge, le
dispositif a vocation à les viser à terme... Lors de la COP 21 en
décembre, le pouvoir s’est senti légitime pour utiliser l’état
d’urgence contre des militants mobilisés sur la question du
climat. »
Chapeau cousu de boutons colorés,
mitaines sur la manivelle de son orgue de barbarie, Xavier déroule
une version de la Chanson de Mackie de l’Opéra de Quat Sous
de Brecht, avec des paroles qu’il a réécrites, évoquant
Notre-Dame-des-Landes. S’il lâche la complainte, c’est pour
déclamer des vers de Maïakosvki qui font surgir au-dessus de
l’orgue « un nuage en pantalon ». La météo n’a
plus qu’à aller se rhabiller.
|
A Notre-Dame-des-Landes:
« On ne va pas rester les bras croisés à attendre Valls »
Chaque année depuis seize ans, les opposants au projet d’aéroport de NDDL se rassemblent sur un champ proche de la ZAD pour un week-end de débats et de concerts. Mais cette fois-ci, l’attente était particulière : après le référendum favorable à l’aérogare, combien de personnes continueraient-elles à se mobiliser ? La réponse rassure les organisateurs : environ 25 000 personnes sont passées par le lieu-dit Montjean les 9 et 10 juillet, selon leur estimation, contre 15 000 l’année dernière. C’est une « très forte mobilisation », selon l’Acipa, organisation historique des opposants, « on ne pouvait pas espérer meilleure réponse ». Sylvain Fresneau, un des agriculteurs condamnés à l’expulsion par la justice en début d’année, décrit des volontaires « encore plus nombreux que d’habitude ». Un habitant de la ZAD se réjouit : « Après la consultation, le mouvement se relève. C’est assez extraordinaire, le nombre qu’on est ce week-end. On est toujours aussi nombreux. »
Au
lieu-dit Montjean, le 10 juillet 2016 (JL)
|
Samedi en début
d’après-midi, alors que les militants commencent à fouler l’herbe
de la prairie où se dressent sept chapiteaux de débats, on ne
compte plus les bénévoles en gilet jaune qui s’affairent sur le
parking, sous les bâches des stands du QG d’organisation ou
derrière les listes organisant le covoiturage. Une foule en t-shirts
multicolores peuple le lieu. Beaucoup arborent l’autocollant ou le
badge des opposants à l’aéroport, reconnaissable à son avion
barré de rouge sur fond jaune. Des Nantais qui ont fait campagne
pour le « non » à la consultation y croisent des membres
de comités de soutien venus de Bretagne, du sud-est du pays ou de
Paris. Les militants contre le projet d’enfouissement de déchets
nucléaires Cigéo, à Bure (Meuse), sont les invités d’honneur du
week-end. Assis sur des rangées de chaises en plastique, des
milliers de personnes écoutent les conférences sur la démocratie,
la désobéissance ou les violences policières pendant que d’autres
s’arrêtent aux stands associatifs et militants (La Confédération
paysanne, France nature environnement, la CGT, Solidaires, journaux
alternatifs…). Des repas sont servis par des restaurateurs
commerciaux ou des cuisines autogérées de la ZAD, qui proposent à
chacun de laver son assiette et ses couverts dans les bassines de
l’« autowash ». Les occupants de la zone à défendre
accueillent sous leur tente des militants contre le projet de liaison
ferroviaire Lyon-Turin et diffusent tracts, livres, affiches et le
journal ZAD News. Une
banderole rose et noir flotte à l’entrée de leur espace :
« Zone à défendre : résistance &
sabotage ». Des enfants sillonnent le
champ à bord d’une voiture rouge à pédales. Leurs rires et leurs
cris égaient les débats qui s’enchaînent.
Et maintenant que va-t-il se passer ? Dominique Fresneau, coprésident de l’Acipa, appelle à un nouveau week-end de rassemblement contre l’aéroport les 8 et 9 octobre. La date n’est pas choisie au hasard : le gouvernement a plusieurs fois annoncé vouloir évacuer les occupants de la ZAD à l’automne ou en octobre. « Manuel Valls donne un rendez-vous en octobre, on ne va pas rester les bras croisés à l’attendre. » Plusieurs heures de discussions ont été consacrées à l’organisation de la résistance aux évacuations ce week-end. Des militants se demandent s’il vaut mieux prévoir de converger vers la ZAD en cas d’expulsion, ou privilégier des actions décentralisées visant le gouvernement ou Vinci, la multinationale concessionnaire du projet d’aéroport. Blocages des voies de circulation et de transport, soutien logistique extérieur, appel aux cheminots, manifestations communes avec les opposants à la loi travail : chacun y va de sa proposition lors de la réunion intercomités, pleine à craquer, samedi après-midi. En 2012, lors de la première tentative d’évacuation de la ZAD, des milliers de personnes étaient venues soutenir les opposants à l’aéroport. « Cette fois-ci, cela se passera peut-être très différemment, avec des assignations à résidence, des arrestations préventives », met en garde un occupant de la ZAD, du fait de l’état d’urgence et des méthodes répressives contre les militants opposés à la loi El Khomri.
Sur un
chapiteau du rassemblement contre l'aéroport de
Notre-Dame-des-Landes, le 9 juillet 2016 (JL).
|
L’association
Des ailes pour l’Ouest, favorable au projet d’aéroport, a déjà
appelé le gouvernement à vider la zone de ses occupants et à
commencer le chantier : « La
participation massive à la consultation du 26 juin et le choix très
clair, à plus de 55 %, ne laissent aucune alternative à
l’État. » Pour eux, « ce
vote fait force de loi et s’impose à tous, y compris les zadistes
qui doivent partir d’eux-mêmes durant l’été ».
L’association annonce vouloir « prendre
des initiatives » pour que les
habitants du département appellent au départ des occupants de la
ZAD et soutiennent les forces de l’ordre.
Dimanche matin, durant deux heures, les principaux
collectifs composant le mouvement contre l’aéroport ont défendu
leur vision de la démocratie : contre le rouleau compresseur
institutionnel, l’incapacité des pouvoirs publics à se remettre
en cause, l’expertise officielle biaisée, le mépris des
mobilisations citoyennes. Pour une démocratie directe, instruite des
savoirs militants et de contre-expertise citoyenne, nourrie de
solidarités, de volonté d’alternatives au monde marchand, de
confiance dans la créativité contestataire et d’amour de son lieu
de vie. Deux habitants de la ZAD ont expliqué leur désaccord avec
l'« idéal de démocratie » car « on n’a
aucune envie de gouvernement, même pas d’un gouvernement qui
serait notre propre gouvernement et qui produirait des décisions
qu’il faudrait respecter ». Ils lui préfèrent
l’auto-organisation, le refus des oppressions et des dominations :
« La critique de la démocratie va de pair avec les enjeux
d’émancipation, de réappropriation populaire de la politique et
du sens de nos vies. » Les naturalistes en lutte ont décrit
leur travail d’« experts par passion pour la nature,
pour l’équité et pour la vérité ». À leurs yeux,
l’émergence d’une contre-expertise indépendante et sa
réalisation autonome sont une expérience « démocratique »
riche mais la confrontation de ces nouvelles connaissances avec le
système en place « ne permet hélas que d’éclairer par
un cas concret toutes les barrières qui garantissent actuellement la
neutralisation d’une démocratie réelle ».
Leur hommage
à Rémi Fraisse, naturaliste tué par les gendarmes lors d’un
rassemblement
contre le barrage de Sivens en 2014 a été longuement applaudi.
Acipa, paysans, juristes,
atelier citoyen, élus contre l’aéroport, Coordination des
opposants : chaque porte-parole a affiché sa détermination à
poursuivre la lutte. L’émotion était palpable, dans les mélodies
jouées à la cornemuse par un militant musicien. Dans les paroles de
Sylvie Thébault, agricultrice historique de la ZAD condamnée à
l’expulsion : « Nous, agriculteurs, avons cru au bon
sens, à l’intelligence des décideurs et avons été ridicules. »
Jade
Lindgaard
- Médiapart
►
un reportage
au sein de la ZAD avec Politis :
3 reportages audio
- ► Vous êtes invité à voir l'album photo du Café Repaire du Conflent (66) intitulé : Notre Dame Des Landes dimanche 10 juillet 2016
Forte mobilisation à Notre-Dame-des-Landes malgré la consultation locale défavorable
Les
participants voient dans la consultation voulue par François
Hollande « une étape »
dans leur combat contre l’aéroport. Voire même un « camouflet »
pour le gouvernement estiment-ils, malgré le résultat défavorable
aux opposants... D’une part, parce que le raz-de-marée en faveur
du « oui » n’a pas eu lieu, alors même que le
périmètre de la consultation choisi par le gouvernement pouvait le
laisser redouter [1].
D’autre part, parce qu’en dépit de « la
campagne ordurière du président de Région concernant les
"zadistes" qu’il fallait "dégager" »,
le non l’emporte dans les communes entourant le site d’implantation
de l’aéroport en projet [2].
Sous les chapiteaux placés sous le thème « Semailles de démocratie », la colère monte contre « ces élus qui détériorent le commun » et qui « abiment la politique ». Le sentiment de désillusion est prégnant. « On a cru au bon sens des décideurs », appuie Sylvie Thébault, paysanne sur la zone, menacée d’expulsion (son témoignage). « Notre démocratie est bien malade. Les dernières salves sont tirées pour tenir un système à bout de souffle. » Mais certains veulent encore croire en la démocratie représentative. « Nous sommes encore très nombreux à être avides d’honnêteté », souligne la conseillère régionale Geneviève Lebouteux, membre du Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport (CéDpa). « Il n’y a pas de démocratie basée sur les mensonges, et ces mensonges nous ne cesserons pas de les dénoncer. »
« L’action citoyenne et militante continuera de s’articuler avec l’occupation, le combat politique, juridique et l’expertise citoyenne », assure Thomas Dubreuil de la coordination juridique. « Nous ferons tout pour éviter une destruction irréversible du milieu alors que les juges n’ont toujours pas statué (le procès en appel relatif à la loi sur l’eau et la destruction des espèces est toujours en cours, NdlR). » Sur place, c’est aussi la pratique qui oriente le devenir de la zone, avec mille et un projets fourmillant aux quatre coins du bocage.
Ces deux jours ont également été marqués par la convergence des luttes, en particulier avec les militants de Bure opposés au projet d’enfouissement de déchets nucléaires dans la Meuse (notre enquête). « Parmi les multiples manières de défendre la ZAD, nous devons travailler aux solidarités translocales », affirme Nicolas Haeringer, membre de l’ONG 350.org pour la justice climatique. Dès le week-end prochain, une manifestation de ré-occupation aura lieu dans le bois communal de Mandres-en-Barrois, près de Bure, pour empêcher les travaux initiés par l’Agence nationale de déchets radioactifs. Un appel à une nouvelle mobilisation les 8 et 9 octobre à Notre-Dame-des-Landes a également été lancée, face aux menaces d’évacuation à l’automne 2016 formulées par Manuel Valls.
texte et
photos : Sophie Chapelle - Bastamag
►des
nouvelles de Greg et son procès :
Après l’audience du 29 juin, Grégoire a retrouvé l’air libre la semaine dernière. Placé sous contrôle judiciaire, il comparaîtra libre à son procès en appel le 31 août 2016 à Rennes.
Après l’audience du 29 juin, Grégoire a retrouvé l’air libre la semaine dernière. Placé sous contrôle judiciaire, il comparaîtra libre à son procès en appel le 31 août 2016 à Rennes.
Le 29 juin, le Collectif jurassien d’opposants à Center Parcs avait appelé à un rassemblement en solidarité à Grégoire et à tous les inculpés de la lutte anti-aéroport.
Une trentaine de personnes se sont retrouvées devant le tribunal de Lons-le-Saunier en début d’après-midi, avec banderole, tracts, intervention au mégaphone et porteur de parole.
À Rennes, le procès en appel de Grégoire a été repoussé au 31 août, au motif ... des Soldes ! (Ou plutôt en punition de la présence des manifestants à la sortie de l’audience du 4 mai dernier ?) Nous manifesterons donc à nouveau notre solidarité depuis le Jura le 31 août.
Jeudi
14 juillet
Appel
des occupant-e-s de la zad à rejoindre la manifestation de
réoccupation du 16 juillet
Nous relayons ci-dessous l’appel des résistant-e-s de Bure à reprendre dès ce samedi la forêt menacée de laquelle ils ont été expulsé il y a quinze jours :
[Bure] Manif de réoccupation - samedi 16 juillet, on reprend la forêt
Samedi
16 juillet
En quoi l’organisation de la vie
et de la lutte sur la zad
est-elle un laboratoire de démocratie ? »
Voir texte ci-joint :
Infos du 18 au 24 juillet
Mardi
19 juillet
- ►Pendant ce temps là, les politiciens adoptent en douce une "loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages" (berk !) qui instaure notamment les banques d’actifs naturels et la compensation de biodiversité en termes financiers.
- A partir de Notre-Dame-des-Landes on alerte depuis longtemps sur les dangers de ce mensonge d’Etat : non il n’y a pas de mesures compensatoires, non on ne peut échanger des mares contre d’autres ou prétendre aux "déplacements des espèces".
- Pour suivre un peu le débat on peut lire des articles écrits notamment par nos camarades du collectif des Naturalistes en lutte, Le projet de loi sur la biodiversité organise la destruction de la nature et La loi contre la nature, tous deux sur Reporterre.
Samedi
23 juillet
►Aujourd’hui
circulait un appel à rassemblement à Nantes :
à lire ici, un texte sur la mort
d’Adama entre les mains de la police et un appel
à réaction de la famille
Pour
Adama, mais aussi pour Zyed, Bouna, Wissam, Amine, Ali, Rémi, et
tous ceux qui ont perdu la vie entre les mains de la police. On
n’oublie pas !
Infos du 25 au 31 juillet
Lundi
25 juillet
- ►L’autorité environnementale du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) a émis la semaine dernière des réserves sur la révision du schéma de cohérence territoriale (SCoT) de Nantes - Saint-Nazaire. Elle « relève le document d’orientation et d’objectifs reste d’un niveau d’encadrement relativement peu contraignant », « que l’évaluation n’apporte pas toujours les justifications nécessaires pour apprécier les impacts environnementaux et la portée des mesures prises pour les éviter, les réduire et les compenser » et que « L’examen des incidences pressenties des différents projets, dont les incidences cumulées, est relativement lacunaire ». Voir l’avis complet
Vendredi
29 juillet
►Un
article plutôt chouette : À
Notre-Dame-des-Landes, les opposants ne désarment pas
ET
AILLEURS
Infos du 1er au 10 juillet
Samedi
2 juillet
Sivens :
la justice annule le projet initial de barrage
Ce
vendredi 1er juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse
a annulé trois arrêtés fondateurs du premier projet de barrage de
Sivens. Une victoire juridique de taille qui remet en cause sur le
fond l’utilité du projet de retenue d’eau de Sivens.
La
décision était attendue dans quinze jours. c’est finalement
vendredi 1er juillet, que les juges du tribunal administratif de
Toulouse ont rendu cinq décisions concernant le projet de Sivens.
Bilan : les trois arrêtés fondateurs du projet sont annulés.
Ils avaient été attaqué en octobre 2013 par plusieurs associations
environnementales opposées au barrage de Sivens, dont le collectif
Testet. La justice suit ainsi les conclusions du rapporteur public
présentées lors de l’audience du 24 juin dernier
Première
et plus notable de ces annulations : la déclaration d’utilité
publique, (DUP) du 2 octobre 2013. Elle avait donné le feu vert
pour l’ensemble des travaux du barrage. Cette décision
outrepassait déjà la loi puisqu’elle ne respectait pas les
réserves des commissaires enquêteurs qui
donnèrent un avis favorable au projet. Dans leurs conclusions
sur cette DUP, les juges administratifs présentent une démonstration
implacable contre le projet et donnent raison sur tous les points
soulevés depuis le début par les opposants : un
projet inutile, destructeur et surdimensionné.
- Décision du tribunal administratif de Toulouse annulant la DUP du barrage de Sivens
D’abord,
cet arrêté viole les préconisations régionales du SDAGE (schéma
directeur de l’aménagement et de gestion de l’eau) du bassin
Adour-Garonne qui précisait "qu’aucun financement public
n’est accordé pour des opérations qui entraîneraient,
directement ou indirectement, une atteinte ou une destruction des
zones humides, notamment le drainage".
Les
juges basent leur décision sur les avis défavorables rendus à la
fois par les instances régionales (CSRPN et
nationales (Conseil
national de protection de la nature) du ministère de
l’Ecologie qui estimaient dès 2013 que "les
mesures compensatoires présentent un caractère hypothétique, ne
compensent pas réellement la disparition de la seule zone humide
majeure de la vallée".
Autre élément essentiel : les juges reconnaissent le caractère
surdimensionné du projet, (1,5 millions de mètres cubes), aspect
longtemps nié par ses promoteurs.
|
Le
second arrêté concerne la destruction des espèces protégées,
daté du 16 octobre 2013. La conduite des études sur la faune
avait été entachée
d’irrégularités. Un point soulevé, là encore, par le
Conseil national de protection de la nature qui précisait dans son
avis défavorable d’août 2013 que « les
inventaires faunistiques sont très insuffisants et ne couvrent pas
un cycle biologique annuel ».
Le
troisième arrêté concerne l’autorisation de défrichement, datée
du 12 septembre 2014. Pour qui était sur place, la date peut
surprend puisque le défrichement de la zone avait en fait commencé
dès le 1er septembre, sans respecter les affichages
obligatoires et les
procédures légales. Saisi en urgence, le tribunal de grande
instance d’Albi se déclarait incompétent le 16 septembre, et
ce alors que les deux tiers de la zones humides étaient déjà
détruits. Il condamnait même l’association FNE Midi Pyrénées à
4000 euros d’amende ! Le tribunal administratif de Toulouse
rend finalement raison à l’association en annulant cet arrêté et
demandant le versement de (seulement) 150 euros à l’association.
Le
tribune a également examiné deux autres recours : l’un
concernait la déclaration d’intérêt général, en lien avec la
loi sur l’eau, pris le 2 octobre 2013. cet arrêté fondateur
avait été déjà abrogé au
mois de janvier dernier par les préfets du Tarn et du
Tarn-et-Garonne. Les juges de Toulouse ont donc conclu qu’il n’y
avait plus lieu de statuer. L’Etat est néanmoins condamné à
versé 1.200 euros aux associations au titre des frais engagés.
Enfin, dernier recours en date, concernant le protocole d’accord
entre l’Etat et le département du Tarn, protocole qui soldait les
dépenses déjà engagées dans le chantier (2 millions d’euros).
La justice a débouté FNE Midi Pyrénées et le Collectif Testet et
suivi les conclusions du rapporteur public qui estimait que
l’association n’avait pas d’intérêt à agir.
"Les
zadistes avaient toute légitimité pour protéger la zone humide"
|
Si
ces décisions ne changent rien à un chantier stoppé, soldé et
abandonné, elles mettent un terme définitif au projet initial de
barrage. Selon Alice Terrasse, avocate des associations requérantes,
les trois décisions d’annulation sont "pleinement
satisfaisantes".
Et pour cause, "les
juges sont rentrés dans le détail des points abordés par les
associations. Ils reconnaissent pleinement l’absence d’utilité
du publique du projet".
Les travaux entrepris sont donc juridiquement illégaux, ce qui
montre pour l’avocate que "les
zadistes et les occupants avaient toute la légitimité pour protéger
la zone humide et le site de Sivens". Rappelons
que c’est seulement après la signature des arrêtés autorisant
les travaux que des opposants locaux avaient entamé l’occupation
au mois de novembre 2013, dernier recours devant le démarrage
imminent des travaux.
Pour
l’heure, les associations se concertent pour savoir si elles
entreprennent ou non une action en responsabilité contre l’Etat
pour la destruction de la zone humide et pour exiger
la remise en état des parcelles. Elément juridique de poids :
les juges ont choisi l’annulation pure et simple et non
l’abrogation des trois arrêtés. Une simple abrogation aurait
juste mis un coup d’arrêt à partir du rendu de la décision. Mais
une annulation remet en cause la légalité de toutes les opérations
conduites depuis la signature de l’arrêté, donc des travaux.
Les opérations de maintien de l’ordre ont protégé un chantier illégal
En
est-il de même pour les opérations de maintien de l’ordre
entreprises pour protéger ce chantier "illégal" ?
Pour Me Terrasse, les deux ne s’inscrivent pas nécessairement dans
le même cadre, même si selon son analyse, "on peut
considérer qu’il n’y avait pas lieu de déployer la forces
publique".
Grande
perdante de ce jugement, la Compagnie d’aménagement des coteaux de
Gascogne. Elle avait produit les études justifiant le barrage
et avait été chargée ensuite de le construire. Me Terrasse estime
que "cela remet en cause la légitimité et le sérieux de
cette entreprise". La CACG a été condamnée deux fois
depuis le début de l’année, pour mauvaise gestion du barrage de
la Gimone, dans le Tarn-et-Garonne, et pour des débits insuffisants
sur le Midour, un cours d’eau dans le Gers.
Les
décisions concernant le barrage de Sivens résonnent en écho avec
celles d’une autre retenue du Tarn, le barrage de Fourgogues,
construit par la CACG et déclaré
illégal un an après son achèvement.
Autre
perdant : le Conseil général du Tarn qui n’a désormais plus
aucune base légale pour planifier un projet à Sivens. Il faudra
pour un nouveau barrage redimensionné et déplacé une nouvelle
déclaration d’utilité publique et une nouvelle enquête publique.
"Sans la DUP tout s’effondre" , résume Ben
Lefetey porte parole du collectif Testet. Le collectif mène
désormais la bataille pour restaurer la zone humide là où elle a
été détruite. Un comité de suivi a été mis en place le 17 juin
dernier, une visite du site est prévue la semaine prochaine.
"Si le dialogue environnemental avait été respecté, cette tragédie ne serait pas arrivée"
Mais
pour M. Lefetey, la victoire reste amère : "Il est
dommage que la justice ne nous ait pas entendu plus tôt, en 2013 et
2014 quand nous demandions à stopper le projet, le drame aurait pu
être évité" souligne-t-il, référence à la fois à la
destruction de la zone humide mais aussi au deuil de Rémi Fraisse
que portent toujours les opposants au barrage.
Dans
la nuit du 25 au 26 octobre 2014, Rémi Fraisse, a été tué
par une grenade offensive lancée par les gendarmes mobiles. Le jeune
homme de 21 ans était tout simplement venu participer à un
rassemblement festif et militant organisé ce week-end là sur la ZAD
de Sivens. La famille de Rémi Fraisse s’est exprimée vendredi
1 juillet en saluant ces décisions d’annulation. Elle
"constate avec douleur que si les recours administratifs
et le dialogue environnemental avaient été respectés, les travaux
n’auraient pas démarré et cette tragédie ne serait jamais
arrivée." Et de rappeler le Président de la République "à
sa promesse de vérité formulée lors de son allocution du
6 novembre 2014, alors que l’enquête judiciaire peine
toujours à avancer et ne s’intéresse pas aux décisionnaires
publics aujourd’hui mis en cause par cette décision
administrative ».
Le
dossier sur l’homicide de Rémi Fraisse conserve
de nombreuses zones d’ombres.
Lundi
4 juillet, Reporterre
apportera des informations décisives révélant ce qui s’est
réellement passé la nuit où est mort Rémi Fraisse.
►Barrage
de Sivens :
la justice annule la déclaration d’utilité publique, voir
l’article
du Monde
Lundi
4 juillet
Rémi Fraisse : il y avait une équipe fantôme
Que s’est-il réellement passé dans la
nuit du 25 au 26 octobre 2014, à Sivens (Tarn), lors de la mort
de Rémi Fraisse ? À la lumière du dossier d’instruction et
de nombreux témoignages, Reporterre
révèle les faits. Ils contredisent la version officielle. Une
équipe fantôme de gendarmes a agi cette nuit-là. Et n’avait pas
pour seul but de défendre la zone.
Sur la mort de Rémi Fraisse, on
croyait avoir tout lu. Voici le récit qui s’est imposé : le
weekend des 25 et 26 octobre 2014, à Sivens, le rassemblement
festif contre le projet de barrage dégénère. Les forces de l’ordre
ont pour mission de défendre une « base de vie »,
sur le site même où le barrage est prévu. Sur cette base sont
habituellement rangés les engins de chantier, mais cette nuit-là,
il n’y en a aucun. Les heurts avec les manifestants s’étirent
dans la nuit. À 1h45 du matin, une grenade offensive est lancée par
les forces de l’ordre et tue, sur le coup, le jeune homme.
Plus d’un an et demi après le drame,
l’enquête judiciaire, confiée aux juges toulousaines Anissa
Oumohand et Élodie Billot, est toujours en instruction. Cette
enquête a nourri un dossier de plusieurs milliers de pages. Or,
Reporterre y a eu accès, et depuis des mois, en épluche les
pièces en détail. On y trouve notamment une centaine d’auditions
de gendarmes et de comptes-rendus techniques, que nous avons
décortiqués, confrontés et mis en perspective avec les témoignages
de manifestants et d’autres sources que nous avons interrogées.
Une fois le jargon militaire traduit et
le dispositif déchiffré, on constate qu’apparaissent des
contradictions manifestes, mais aussi des révélations :
l’existence d’un cinquième peloton de gendarmes mobiles,
jusqu’ici caché par la version officielle de l’action du
dispositif de maintien de l’ordre dans la nuit du 25 au 26 octobre.
Reprenons
tout dans le détail : non pas la version officielle jusqu’ici
diffusée, mais celle que révèlent les auditions des gendarmes.
Plus la soirée avance, plus les contradictions s’enchaînent dans les auditions
L’escadron de gendarmes mobiles 28/2
de La Réole est déployé à minuit, à l’endroit où se sont
déroulés de violents affrontements durant l’après-midi du
samedi. Dans la soirée, jusqu’à minuit, tout a été calme. A
minuit, les 72 militaires de l’escadron se positionnent sur le
flanc nord, à l’arrière et à l’intérieur de la « base
vie ». C’est un espace grillagé, où sont normalement
garées les machines de chantier. Les gendarmes font d’abord face à
des manifestants calmes. Des brasiers sont allumés, les opposants se
rapprochent. Puis, la tension monte, selon le gendarme chargé de
filmer ce soir-là, qui commente à haute voix les événements :
« Les sommations viennent d’être faites (...) Les
cailloux commencent à pleuvoir sur les véhicules »,
indique la retranscription des vidéos réalisée par les enquêteurs.
Les affrontements vont durer plus de quatre heures.
À
minuit cinquante, toujours selon ces mêmes vidéos, le capitaine J.,
chef de l’escadron, s’écrie : « Pour lndia :
tu te replies (...). On joue l’apaisement pour l’instant et on
maintiendra le personnel tant que le 5e peloton n’est pas arrivé
au niveau des véhicules. »
« Cinquième
peloton » :
d’où sort-il ? À cette époque, un escadron de gendarmerie
mobile déployé pour le maintien de l’ordre est normalement divisé
en quatre pelotons de marche (dénommés India, Alpha, Bravo et
Charlie) [1].
Ces pelotons sont chacun divisés en deux groupes, 1 et 2. L’escadron
comporte de surcroît un peloton de commandement qui, lui, n’est
jamais considéré comme un cinquième peloton. Quel est donc le
cinquième peloton dont parle le capitaine J. ?
La
réponse ne se trouve nulle part dans le dossier d’instruction de
l’« affaire Rémi Fraisse ». Plus étrange encore,
cette mention du cinquième peloton n’est pas reprise dans la
retranscription de la vidéo réalisée ultérieurement par l’IGGN
(Inspection générale de la gendarmerie nationale). Ainsi, après
recoupement de l’ensemble des auditions, ce cinquième peloton
reste impossible à identifier au moment le plus intense des heurts.
Or,
par ailleurs, un groupe de gendarmes apparaissant dans le dispositif
déployé ce soir-là, le groupe Charlie 2, est particulièrement
difficile à localiser. Il est composé de cinq militaires,
quatre jeunes recrues alors âgées de 22 à 27 ans, et de
l ’adjudant-chef C., plus expérimenté. Ce chef affirme dans son
audition avoir placé son groupe « à l’arrière droit »
de la zone de chantier. Problème : les gendarmes S. et B.,
membres de Charlie 2, indiquent, quant à eux, avoir « pris
position sur la gauche du dispositif, face aux manifestants ».
C’est-à-dire de l’autre côté. Les militaires des autres
groupes ne sont pas plus clairs et ne parviennent pas à dire
précisément où sont leurs collègues de Charlie 2. Et pour cause,
plus la soirée avance, plus les contradictions s’enchaînent dans
les auditions : déroulé imprécis, peu de détails, flou sur
les actions menées, jusqu’à l’impossibilité totale de
localiser le groupe Charlie 2 à partir d’une heure du matin.
Qui
est cette équipe fantôme ? Charlie 2 ou le cinquième
peloton ? Nous ne le savons pas. Mais il y avait bien ce soir-là
un groupe de gendarmes hors de la « base vie » qui
agissait de manière dissimulée. C’est ce que confirment le
témoignage de manifestants.
Un groupe hors-zone
Vers
une heure du matin, Marc s’approche au plus près des gendarmes.
Cet opposant de longue date au projet de barrage se trouve en face de
la « base vie » défendue par les gendarmes :
il est sur le terrain que le chantier des dernières semaines a
transformé en une dalle d’argile. Depuis ce glacis, Marc voit deux
véhicules, roulant « feux éteints » vers la
rivière, le Tescou, traverser la zone humide. Là, « des
gendarmes à pied traversent le Tescou et s’installent juste en
face de nous. Je dirais qu’ils étaient huit, ils sont arrivés en
petits groupes », déclare Marc aux juges d’instruction
lors de son audition en février 2016. Sur le dessin ci-dessus, ils
sont représentés comme « équipe fantôme ».
Cette
position hors de la zone de vie est niée fermement par les
militaires : « C’est
impossible »,
affirme le maréchal des logis J, lors de son audition, quand les
juges d’instruction lui demandent si un groupe se trouvait
en-dehors de la zone de vie. Pourtant, cette équipe est attestée
par d’autres manifestants. Ainsi Christian, que Reporterre
a
déjà rencontré, affirmait déjà, quelques heures après les
faits, que des gendarmes étaient présents sur la gauche de la zone
de vie. « Ils
étaient sept ou huit, positionnés avec les boucliers devant et des
lanceurs de LBD
[lanceurs de balle de défense] derrière.
Ils étaient protégés derrière une souche d’arbre. Ils
essayaient d’avancer »,
précise Christian.
Ces
gendarmes sortent de l’ombre avant d’être de nouveau avalés par
l’obscurité. Et ce, à plusieurs reprises. Élisa (prénom
modifié), une manifestante, a observé leurs mouvements : « Ils
se cachaient, et quand on s’approchait, ils ressortaient. Ils nous
attaquaient en passant le fossé. Ils étaient bien en dehors de la
zone de vie », déclare-t-elle à Reporterre. Près
de cette équipe fantôme, et au coin de grillage où sont retranchés
d’autres gendarmes, Élisa remarque « une personne qui
levait les mains, juste au bord du fossé. Elle est restée un petit
moment dans cette position », assure-t-elle aux juges
d’instruction en février 2016. Les militaires alors « ont
commencé à tirer plus près de nous », poursuit-elle.
Selon des témoignages concordants, le noir est complet lorsque des
explosions retentissent. Rémi Fraisse, touché dans le dos par une
grenade, tombe à terre, à proximité du fossé, et meurt sur le
coup. Élisa, elle, ne voit plus la personne aux mains levées. Il
est 1h45 du matin.
Quelques
instants auparavant, une grenade offensive de type OF-F1 a été
lancée dans cette direction depuis la zone de vie grillagée par le
maréchal des logis J. Il est le chef de Charlie 1, et est le seul de
son groupe habilité à utiliser cette arme. Très vite, les
militaires qui l’accompagnent voient une « forme sombre »
au sol, et ils le signalent à leur hiérarchie. C’est le moment
où, dans le récit des gendarmes, Charlie 2 réapparaît. Il aurait
reçu l’ordre de renforcer Charlie 1. Et alors que personne n’a
encore formellement identifié un corps, l’adjudant C. de Charlie 2
affirme dans son audition : « Je suis intervenu à la
radio pour confirmer qu’il s’agissait bien d’une personne. Je
voyais son visage tourné vers nous, il avait les pieds en direction
du ruisseau et la tête dirigée vers le portail. »
Comment, alors que Charlie 2 arrive en appui de Charlie 1 et découvre
la situation, peut-il être plus précis que les témoins de Charlie
1 eux-mêmes ? Cette précision est surprenante. Sauf si Charlie
2 était sur le terrain même, « aux premières loges ».
Mais
à l’instant de la mort de Rémi Fraisse, le maréchal des logis
J., dernier à lancer une grenade selon les gendarmes, ne fait pas de
lien de cause à effet entre son geste et la personne à terre. Il
estime même avoir lancé « plus à droite ». Ses
coéquipiers de Charlie 1, eux, entendent l’explosion, mais
déclarent « ne pas voir l’endroit où la grenade tombe ».
Ce qui est en revanche certain, c’est que Rémi s’écroule après
plusieurs explosions de grenades. Les témoins, proches ou lointains,
sont unanimes sur ce point : « Ils nous ont canardé,
on a entendu trois grenades explosives à ce moment », dit
Christian. Il est alors à quelques mètres du jeune homme tombé à
terre et le voit ensuite « être traîné comme un chien par
les gendarmes ». Nicolas (prénom changé), posté sur une
butte qui domine la scène d’affrontement, déclare de son côté
entendre « trois explosions certaines » aux
enquêteurs. Des déflagrations en rafale également attestées par
Élisa : « À ce moment-là, il y avait 3 ou 4
grenades », affirme-t-elle.
Une autre grenade qui aurait pu tuer
Parmi
les nombreuses munitions utilisées par les forces de l’ordre, 23
grenades offensives auraient été lancées, cette nuit-là, à
Sivens. On peut se demander si l’équipe fantôme en a utilisé. En
tout cas, l’une de ces 23 grenades a causé la mort de Rémi
Fraisse. Une autre aurait pu tuer Mélody (prénom modifié), une
quinzaine de minutes seulement avant le décès de Rémi. Voici son
histoire. Contactée par Reporterre, la jeune manifestante
relate que, choquée par la violence des gendarmes, elle se plante
face à eux. « Je lève les mains pour montrer que je n’ai
pas de caillou. Je disais : "Arrêtez de tirer à
hauteur humaine." Et là, je n’ai rien compris, j’ai volé
et je me suis retrouvée au sol. J’étais complètement tétanisée.
J’ai vraiment cru que j’étais en train de mourir. »
Elle décrit « quelque chose qui explose à côté de moi,
avec un bruit hyper puissant », un détail caractéristique
des grenades offensives. La jeune femme raconte qu’elle est alors
tirée brutalement par des gendarmes qui l’entraînent à
l’intérieur de leur position et découvrent que c’est une jeune
femme, avant de la frapper au visage.
Son
récit est sensiblement différent de celui des gendarmes qui, eux,
font état d’une « mission de secours » d’une
manifestante « tombée suite à tir de LBD » puis
« soignée ». Présentée à 1h28 du matin comme
une « personne interpellée... expulsée à l’arrière du
dispositif » dans la retranscription des vidéos, Mélody
est finalement relâchée, durant la nuit, sans explication. Le
commandant des opérations explique dans son audition l’avoir
laissée partir car « nous n’avions pas d’OPJ avec
nous ». Pourtant, dès 1h20, un OPJ (officier de police
judiciaire), seul habilité à procéder à des arrestations, est sur
place. Il réalise vite qu’il vient « pour prendre des
mesures de garde à vue concernant des opposants qui auraient été
interpellés », dit-il aux enquêteurs.
Les
gendarmes spécialisés dans l’interpellation jouent un rôle
confus ce soir-là. Il s’agit du PSIG local (Peloton de
surveillance et d’intervention de la gendarmerie). Cette unité,
équivalent militaire de la BAC (Brigade anticriminalité), était
habituée à la ZAD de Sivens, et a d’ailleurs été responsable de
plusieurs cas de violence les semaines précédentes. Des pelotons du
PSIG sont présents ce weekend. L’un d’eux est censé être
engagé à Sivens jusqu’à minuit, mais rien dans le dossier
d’instruction n’indique qu’il quitte alors la zone. Un autre
disparaît complètement des radars jusqu’à l’arrivée des
enquêteurs sur place, une heure après la mort de Rémi Fraisse. Là
encore, le PSIG aurait-il pu jouer le rôle d’équipe fantôme,
comme Charlie 2 ou un cinquième peloton ? La question reste
ouverte mais il est clair que les autorités ont tenté de masquer
l’existence ce soir-là d’un petit groupe de gendarmes agissant
en dehors de la « base vie ».
Interpeller - et pas seulement défendre
La
question des interpellations est essentielle. Car, à Sivens, ce
weekend-là, le premier motif de la présence policière paraissait
clair : éviter à tout prix que l’afflux de manifestants
empêche la reprise des travaux du barrage le lundi matin. Il n’est
pas question pour le gouvernement de laisser s’installer un
deuxième Notre-Dame-des-Landes. Les gendarmes doivent tenir une
« zone de vie » vide qui devient un symbole et un
élément stratégique. Pour cela, il faut empêcher les incursions
de toutes parts. Mais alors, pourquoi dissimuler, sur place, une
équipe fantôme, et pourquoi, par la suite, tenter d’en effacer
les traces dans le dossier d’instruction ? Y-a-t-il un
objectif inavouable qu’ont tenté de cacher les forces de l’ordre ?
La
réponse, les gendarmes peuvent la donner. Plus tôt dans la journée,
le commandant de la gendarmerie du Tarn recevait un texto : « On
est attendu sur les interpellations. » Il est envoyé par
le directeur général de la Gendarmerie nationale. Celui-ci est sous
les ordres directs du ministère de l’Intérieur. Telle semble la
raison d’être de l’équipe fantôme : pour pouvoir
interpeller des individus, il est plus aisé de contourner le
dispositif grillagé et de se poster dans l’obscurité, hors de la
base de vie, pour arrêter des manifestants isolés et/ou ciblés.
Cette tactique de « discrétion dans l’exécution de
certaines missions », avec « actions ciblées sur
les meneurs » et « arrestations », est
préconisée dans un manuel de formation de gendarmerie que
Reporterre s’est procuré.
Télécharger
la page 87 du Manuel de gendarmerie « Formation théorique
au maintien de l’ordre public » concernant ce type
d’actions :
- Page 87 du Manuel de gendarmerie « Formation théorique au maintien de l’ordre public ».
Ce
mode opératoire est confirmé par une source proche de la
gendarmerie que nous avons interrogée : « Si une
équipe n’est pas localisable et qu’un officier de police
judiciaire est sur place, c’est qu’il y a une volonté
d’interpeller », estime-t-elle, avant de préciser que
plusieurs personnes recherchées, dont certaines de nationalités
étrangères, avaient été « repérées » à
Sivens. On serait bien loin de la simple mission de protection de la
« base vie » du chantier avancée par l’ensemble
des militaires.
Mais
ce qui n’était pas prévu cette nuit-là, c’est la présence de
Rémi Fraisse à quelques mètres seulement de l’équipe fantôme.
Il reçoit une ou plusieurs grenades offensives lancées depuis
l’intérieur et/ou de l’extérieur de la zone de vie et meurt sur
le coup.
Deux
heures après son décès, les gendarmes reçoivent enfin l’ordre
de « décrocher ». Soudain, un rideau opaque de
gaz lacrymogène s’abat sur le lieu des affrontements. Les fourgons
s’évanouissent dans la nuit. Les manifestants prennent possession
de la « base vie » sans se douter du drame qui
vient de se nouer.
Au
petit matin, la préfecture du Tarn annonce, dans un communiqué
laconique : « Cette nuit, vers 2 heures du matin,
le corps d’un homme a été découvert par les gendarmes sur le
site de Sivens », en omettant de mentionner le contexte
d’affrontements pourtant déjà connu des autorités. Une tentative
maladroite de minimiser la gravité des faits. Elle n’est que la
première d’une longue série de manœuvres pour étouffer
l’affaire.
- À SUIVRE, DEMAIN MARDI 5 JUILLET.
Rémi Fraisse : les
gendarmes ont tenté de saboter
l’enquête. Voici comment
La
mort du jeune naturaliste à Sivens, en octobre 2014, est le résultat
d’actions toutes différentes de la version officielle jusque-là
diffusée, comme nous l’avons montré hier. Et dans les premières
semaines de l’enquête, la gendarmerie a multiplié coups tordus et
pressions sur les témoins pour tenter de cacher la vérité. Voici
les faits.
Que
s’est-il réellement passé dans la nuit du 25 au 26 octobre
2014, à Sivens (Tarn), lors de la mort de Rémi Fraisse ? À la
lumière du dossier d’instruction et de nombreux témoignages,
Reporterre
l’a
raconté dans le
premier volet de notre enquête, révélant qu’une équipe
fantôme de gendarmes a agi cette nuit-là. Et n’avait pas pour
seul but de défendre la zone. Ensuite ? Nous le racontons
maintenant.
Dès
le lendemain de la mort de Rémi Fraisse, dans la nuit du samedi
25 octobre 2014 au dimanche 26, les coups tordus commencent :
pendant près d’une semaine, les autorités vont tenter de
minimiser l’affaire et d’instiller le doute. Leur but :
réduire la responsabilité des gendarmes mobiles déployés à
Sivens la nuit du drame.
D’abord
avec la publication, à 10h30 le dimanche matin, de ce communiqué
laconique de la préfecture du Tarn : « Vers
2h du matin, le corps d’un homme a été découvert par les
gendarmes sur le site de Sivens. »
Pourtant, la première autopsie réalisée au petit matin, le
26 octobre, révèle déjà la possibilité d’un décès causé
par l’explosion d’une grenade offensive. Les médias ont les yeux
rivés sur le Tarn. Il n’est plus possible d’étouffer
l’affaire : dès le lundi 27, Reporterre
dévoile que Rémi Fraisse est mort du
fait d’un gendarme. Les manœuvres des autorités vont alors
s’insinuer dans l’enquête pour tenter de l’orienter.
Une grenade perdue et un sac à dos introuvable
Justement,
une grenade offensive « égarée » par les
gendarmes mobiles à Sivens fait son entrée dans le dossier. Une
perte signalée en haut lieu, selon l’enquête de flagrance à
laquelle Reporterre a eu accès. Si les munitions utilisées
par les forces de l’ordre sont comptabilisées soigneusement au
cours de leurs « opérations », celles qui sont
perdues ne sont que très rarement signalées, en raison du risque de
sanction. Ce qui pose question, c’est la chronologie de la perte de
cette grenade.
Pour
bien comprendre, il faut savoir qu’avant l’entrée en action de
l’escadron La Réole, à minuit, d’autres unités de gendarmerie
mobile ont été déployées sur le site de Sivens le samedi entre
16h55 et minuit et sont ensuite relevées par La Réole. Le chef L.,
qui appartient à l’escadron de Châteauroux, quitte donc la zone à
minuit. Il se rend compte dimanche 26 octobre, dans
l’après-midi, qu’il lui manque une grenade OF-F1. L’alerte est
aussitôt donnée à son supérieur qui en réfère aux autorités.
Interrogé pour l’enquête de flagrance deux jours après les
faits, le chef L. assure aux enquêteurs qu’il pense être en
possession de la totalité de son matériel au moment de la relève
du samedi soir. Pour lui, il n’y a alors aucun doute : sa
grenade a disparu « au moment du départ du site de Sivens.
Dans la zone vie et à l’extérieur jusqu’au chemin en direction
de la maison forestière ». Des endroits où les zadistes
auraient pu accéder.
L’alerte
sur la perte de cette grenade n’est donc donnée que le dimanche
après-midi et elle tombe à point nommé. Car, à ce moment-là, il
ne fait aucun doute que Rémi Fraisse a été tué par une grenade
offensive de type OF-F1. « Faire disparaître du matériel
pour se protéger, c’est une pratique courante »,
remarque une source policière qui a pris connaissance du dossier.
« Au vu de la quantité de munitions balancées par les
gendarmes ce week-end, ils n’étaient pas obligés de la signaler,
surtout 24 heures après. » On peut émettre l’hypothèse
que les gendarmes ont tenté de se ménager une porte de sortie en
mettant de côté une preuve matérielle. Ceci afin de suggérer que
le jeune homme aurait été tué par une grenade qu’il aurait
récupérée lui-même ou qui aurait été trouvée par des zadistes.
Car
le lendemain de la mort de Rémi, le lundi 27 octobre, son sac à
dos entre en scène. En fin d’après-midi, à Albi, la préfecture
du Tarn, les journalistes se pressent dans le petit bureau de Claude
Dérens, procureur de la République. « La plaie importante
située en haut du dos de Rémi Fraisse a été causée, selon toute
vraisemblance, par une explosion », déclare-t-il, en
précisant que « rien ne permet d’affirmer qu’une
grenade lancée depuis la zone où les gendarmes étaient retranchés
a pu être à l’origine de cette explosion ».
|
Mardi
28, le procureur se rend sur le site de Sivens, où il assure, devant
la presse, que les zadistes « ont
toujours le sac à dos, mais nous espérons qu’ils vont le donner
aux enquêteurs ».
Quelques lambeaux ont été retrouvés sur les lieux du drame, mais
il manque l’objet en entier, selon
les médias. Et pour cause : l’explosion a en partie
déchiqueté le sac à dos de Rémi. La partie du sac encore intacte
a été récupérée par les gendarmes en même temps que le corps de
Rémi. Elle figure parmi les premières pièces à conviction.
Le
doute a été cependant insinué et journalistes et gendarmes posent
la question : le sac à dos contenait-il
des produits explosifs ?
Mais
le 31 octobre, les analyses présentes dans le dossier
confirment « une explosion due au TNT », un
composant des grenades offensives militaires. Aucun autre élément
chimique n’est découvert.
On
assiste donc à l’échec du double mensonge : non, les
zadistes n’avaient pas récupéré le sac, et non, le sac ne
contenait pas d’explosif, tel que, par exemple, un cocktail
Molotov.
Au
demeurant, les cocktails Molotov, abondamment cités par les
gendarmes à ce moment, restent presque introuvables le soir du
drame. Si, dans l’après-midi, comme cela avait
été filmé, deux de ces engins sont envoyés sur les forces de
l’ordre, en revanche, durant la nuit, racontent les gendarmes aux
enquêteurs, « nous
n’avons pas été touchés par ces cocktails, ils sont tombés
devant nous (...) ils étaient lancés de trop loin pour nous
toucher ».
À
Rodez : une histoire de fous
Pendant
ce temps, une rumeur se propage dans les casernes du Sud-Ouest :
la famille de Rémi aurait tenté d’attaquer une gendarmerie pour
se venger. Un mensonge, bien sûr, mais un élément de plus dans la
bataille de communication menée par le corps militaire. À
l’origine : une histoire étrange, survenue le lundi soir
27 octobre, à Rodez, dans l’Aveyron, un département voisin
du Tarn. Ce soir-là, deux hommes se présentent vers 20h devant la
gendarmerie départementale pour « apporter, selon eux, des
précisions concernant “le crime de Sivens” », indique
un procès-verbal des enquêteurs.
Garés
devant la caserne, ils « trépignent et s’impatientent ».
Ils donnent leurs noms à l’interphone, en attendant qu’on leur
ouvre le portail. Mais, le temps que le portier arrive pour leur
ouvrir, ils sont repartis sans plus d’explication. Rapidement, par
la plaque d’immatriculation filmée par la caméra de
vidéosurveillance, les gendarmes de Rodez identifient la voiture :
elle appartient à une certaine Clotilde Fraisse.
Or,
les gendarmes chargés d’enquêter sur la mort de Rémi ont scruté
les données du téléphone portable du jeune homme et n’y ont rien
trouvé de particulier. Seulement des appels et des textos de ses
amis et de ses proches. Parmi ces textos, plusieurs proviennent d’une
dénommée « Clo ». Un nom source de confusion :
il s’agit de sa sœur Chloé. Or, la voiture volée appartient à
une quasi-homonyme, Clotilde Fraisse, qui demeure à Rodez.
Pour
cette jeune femme, rencontrée par Reporterre, « il
s’agit d’une coïncidence ». Elle n’a aucun lien de
parenté avec Rémi Fraisse et s’étonne encore aujourd’hui qu’on
se soit intéressé à sa voiture, « une vieille Honda de
1997, personne n’en voudrait ! » s’exclame-t-elle.
Deux gendarmes de Rodez viennent chez elle le 28 octobre au
matin pour lui apprendre que son véhicule a été dérobé … et
retrouvé. Une fois au commissariat de police, on l’interroge sur
ses liens avec la famille de Rémi. « Aucun »,
répond-elle. Surprise totale pour l’officier de police judiciaire,
qui trouve la situation « insolite ». Après trois
heures d’audition et sur les conseils du policier, elle porte
plainte trois jours plus tard. Sauf que, sur le procès-verbal de la
plainte, daté du 31 octobre, il n’y a qu’un seul nom.
Pourtant, trois jours plus tôt, ce sont bien deux personnes qui sont
repérées devant la caserne de Rodez.
Le
premier de ces deux individus se fait appeler Nathanaël. Il est
interpellé « le 28 octobre, à bord du véhicule
volé ». Le second, qui a dit, à l’interphone de la
gendarmerie, se prénommer Jérémy, est arrêté un jour plus tard à
Rodez. Sur lui, on ne sait rien, ou presque. Dans un courrier aux
enquêteurs, l’adjudant-chef de la gendarmerie de Rodez souligne :
« Après vérifications, ces deux personnes présentent des
troubles du comportement et les éléments qu’ils disaient détenir
ne correspondent à rien de concret. Ils n’ont aucun lien avec tous
les événements liés à Sivens. »
Nous
avons fini par rencontrer ce « Nathanaël ». Âgé
de 42 ans, il présente bien des troubles psychiques, mais il nous
assure « avoir rencontré Jérémy à Sivens et être revenu
de là-bas avec lui » quelques jours avant les faits. Sur
le vol de voiture, son récit est embrouillé et confus : une
crise de folie, des clefs trouvées comme « par providence »
au centre médico-psychologique de Rodez où Clotilde Fraisse est
également prise en charge, et puis... plus rien. Il nie avoir été
devant la gendarmerie. Savait-il à qui appartient la voiture ?
Là non plus, pas de réponse. Pas de détail sur les gardes à vue
dans le dossier d’instruction, pas de poursuite. Le complice Jérémy
s’est évanoui dans la nature. Voilà pour la version officielle de
cet étrange épisode : une histoire de fous, et c’est tout.
Cependant,
l’histoire reste trouble : rien dans la voiture de Clotilde
Fraisse ne permet d’identifier sa propriétaire. Seul moyen de le
savoir : avoir accès aux fichiers des forces de l’ordre, dans
lesquels le véhicule est enregistré suite à une mésaventure
passée de la jeune femme. Est-il possible que l’on ait tenté de
discréditer la famille en utilisant deux personnes déséquilibrées ?
Si
c’est le cas, nouvel échec. Car les médias dressent le portrait
réel de Rémi et cassent l’image
violente et belliqueuse véhiculée jusque-là. Suite à quoi, un
enquêteur de la section de recherche de Toulouse reçoit un
courriel, qui apparaît dans le dossier : « Il
faudrait que tu fermes la porte sur les deux gars qui se sont
présentés à Rodez le 27 octobre. Je sais qu’ils ont été
interpellés et que ça n’a rien à voir avec notre histoire, juste
un petit PV pour clore cette histoire. »
Ce message est signé d’un responsable du bureau des enquêtes
judiciaires de l’IGGN (Inspection générale de la gendarmerie
nationale). À Paris, on s’intéresse donc de près au vol d’une
voiture dans l’Aveyron…
Quand
les enquêteurs tentent d’intimider les proches et les témoins
Le
29 octobre, une information judiciaire contre X pour « violences
volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner »
est ouverte. Anissa Oumohand et Élodie Billot, les deux juges
toulousaines en charge du dossier, délèguent leurs pouvoirs
d’instruction à cette même IGGN et aux gendarmes de la section de
recherches de Toulouse.
C’est
une hérésie, selon une source proche de la gendarmerie : « Ils
n’auraient jamais dû être désignés pour mener cette enquête.
Les gendarmes de Haute-Garonne et du Tarn sont cousins, c’est comme
si les faits s’étaient déroulés chez eux. » Par
« esprit de famille » ou par volonté manifeste
d’orienter l’enquête, les militaires de Toulouse s’échinent à
trouver des éléments à charge contre Rémi. Son ordinateur est
saisi. Au fil des semaines, ses proches sont auditionnés sous la
pression : « On sait tout. Attention à ce que vous
allez dire ! » déclare-t-on à un ami de Rémi
Fraisse en guise de préambule à une audition.
Un
camarade de la victime raconte que : « Les
gendarmes n’arrêtaient pas de demander si Rémi fumait du shit.
Tout l’entretien était mené comme si ils voulaient prouver que
c’était un vilain garçon. »
(Voir
ici) Peine perdue : malgré toutes les pressions exercées
sur l’entourage de Rémi Fraisse, les gendarmes ne trouvent rien de
probant contre le jeune homme.
Les
tentatives d’intimidation se déplacent alors sur les témoignages
des opposants qui viendraient contredire la version des forces de
l’ordre. Marc, l’opposant de longue date que nous avons déjà
cité hier, est entendu par les gendarmes un mois après les faits.
« Au début, l’entretien se déroule dans le calme »,
nous explique-t-il. C’est lorsqu’il en vient à la question
épineuse de la position réelle des militaires que l’audition
dérape : « Le capitaine en charge de l’enquête se
met en colère quand je lui explique que, la nuit de la mort de Rémi,
je vois arriver des gendarmes qui prennent position en dehors de la
zone de vie du chantier. Il me cite un autre témoin qui n’aurait
pas vu la même chose que moi. Le capitaine s’énerve en me
précisant que lui aussi était à Sivens, qu’il a été victime de
jets de pierre et qu’il y avait des cocktails Molotov. »
Devant l’attitude de l’enquêteur, Marc refuse de signer le
procès-verbal de l’audition, qui est versée au dossier.
Procès-verbal dans lequel il n’est fait aucune mention de la
question cruciale de l’équipe « hors-zone »,
évoquée par le témoin.
En
revanche, l’enquêteur y ajoute que « ses déclarations
présentent des invraisemblances par rapport aux faits qui se sont
déroulés et qu’il dit avoir vécu. Ne sachant plus comment
justifier ses dires, il s’emporte (…) L’intéressé semble
particulièrement perturbé psychologiquement ».
Victime
d’un tir de lanceur de balles de défense la nuit de la mort de
Rémi Fraisse, Marc dépose plainte contre les forces de l’ordre
quelques semaines plus tard, en Aveyron, où il vit. Au cours de
cette deuxième audition, il réitère ses affirmations. Mais le
procès-verbal où il est écrit noir sur blanc que des militaires
sont positionnés hors de la zone de vie ne sera jamais versé au
dossier d’instruction.
Les
enquêteurs de la section de recherches de Toulouse continuent, quant
à eux, d’intimider les témoins auditionnés. Faisant état à des
journalistes, dès le lendemain de la mort de Rémi Fraisse, de
« grenades lancées au milieu de groupes de manifestants »,
Marie (prénom changé) est invitée quelques semaines plus
tard à se présenter devant les gendarmes. La jeune femme, que
Reporterre a rencontrée, est encore aujourd’hui bouleversée
par le déroulement de cette audition où elle fait face à « deux
types menaçants ». Elle leur raconte la violence déployée
par les forces de l’ordre cette nuit du drame, et évoque des
« projectiles incandescents », peut-être lancés
par les militaires. « Ils ne me croyaient pas »,
nous explique-t-elle. Les enquêteurs grondent avant de l’effrayer :
« On va vous faire convoquer devant les juges puisque vous
dites n’importe quoi ». À l’instar de Marc, Marie
refuse de signer son procès-verbal d’audition et souhaite
désormais laisser cette affaire derrière elle.
D’autres
témoins livrant une version différente des faits sont victimes de
ces méthodes douteuses. En octobre 2015, soit un an après la mort
de Rémi Fraisse, un témoin direct de son décès nous
affirmait que des gendarmes se situaient bien en dehors de la
zone de vie. Dans cet article, Christian déclarait se tenir à la
disposition de la justice.
Deux
jours après la publication, la gendarmerie du Tarn dit aux
enquêteurs de Toulouse avoir été contactée via Facebook par
l’ex-compagne de Christian. Celle-ci affirme qu’il « tente
de provoquer un chaos en évoquant une version différente des gardes
mobiles ».
La machine se met immédiatement en branle : l’ex-compagne est
entendue par les enquêteurs de Toulouse. Elle évoque « une
version qui a changé au cours de l’année ».
Une réquisition officielle de la ligne téléphonique de Christian
est demandée. Une fois localisé, il est sollicité par les
enquêteurs mais refuse d’être entendu par « des
gendarmes qui enquêtent sur des gendarmes »
et demande à parler directement aux juges. Il est alors placé
officiellement sur écoute pendant quelques semaines. Ses contacts
sont minutieusement comptabilisés et ses conversations, archivées.
Début 2016, il est enfin entendu par les juges, qui ne manquent pas
de lui faire remarquer les assertions de son ex-compagne. Il leur
répond : « Je
ne sais pas pourquoi elle fait ça. J’assume ce que j’ai dit »,
en précisant que cette version a été livrée dès le lendemain des
faits à des journalistes qui
ont enregistré son témoignage.
Christian
n’est pas le seul à avoir été entendu par les juges en ce début
d’année. D’autres témoins ont pu enfin livrer leur version des
faits sans subir les pressions des gendarmes. Reste maintenant à
savoir si d’autres personnes se présenteront aux juges. Celles-ci
doivent faire la lumière complète sur la mort de Rémi. Mais aussi
établir quelles sont les responsabilités de la chaîne de
commandement, du gendarme lanceur de grenade jusqu’au plus hautes
autorités de l’État. Pour enfin savoir qui a tué Rémi Fraisse.
- À SUIVRE, DEMAIN MERCREDI 6 JUILLET.
Mort de Rémi Fraisse : les responsables sont à Matignon et place Beauvau
A
Sivens, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, la mort de Rémi
Fraisse est le résultat d’une opération de gendarmerie toute
différente de la version officielle, comme l’a révélé
Reporterre.
Mais les gendarmes n’ont pas agi spontanément : c’est toute
une chaîne de commandement qui est en cause, et qui remonte jusqu’à
Paris.
À
la lumière des éléments du dossier d’instruction, il n’est
plus possible de nier les défaillances dans la version officielle
présentée par les gendarmes sur la mort de Rémi Fraisse. D’abord
sur la question du dispositif de maintien de l’ordre, avec
l’existence d’une équipe fantôme au moment du décès du jeune
homme.
L’étude
minutieuse des 2.500 pages de l’enquête corrobore les témoignages
des manifestants. Ils se recoupent pour attester la présence d’une
équipe hors-zone, à gauche de la « zone de vie ».
Ces mêmes manifestants subissent menaces et tentatives
d’intimidation lorsqu’ils tentent de faire part de ces éléments
aux enquêteurs. Un témoin est même mis officiellement sur écoute
pendant quelques semaines. Quant à Rémi Fraisse, tout est mis en
œuvre pour le faire passer pour un activiste violent et travestir
l’image de sa famille qui serait « avide de vengeance ».
Mais pourquoi les enquêteurs cherchent-ils tant à renverser
l’accusation ?
La
mort de Rémi Fraisse n’est pas un simple accident et les
événements de Sivens ne sont pas le fruit du hasard. Ils répondent
à une logique militaire et policière qui trouve sa source dans la
définition même du « maintien de l’ordre ».
Car cette expression consacrée regroupe deux réalités
différentes : le MO (maintien de l’ordre) et le RO
(rétablissement de l’ordre). Un détail qui change tout :
comme le précise une circulaire du ministère de l’Intérieur du
22 juillet 2011, « le maintien de l’ordre (MO)
correspond à un engagement de faible intensité, visant à maintenir
un ordre déjà établi ».
Télécharger
la circulaire du 22 juillet 2011 :
- Circulaire du 22 juillet 2011
Sauf
que les 25 et 26 octobre 2014, à Sivens, les unités de
gendarmes mobiles sont déployées pour du « RO rural »,
du rétablissement de l’ordre en milieu rural. C’est en tout cas
ce qui est indiqué dans les comptes-rendus d’intervention.
MO
ou RO : qu’est-ce que ça change ? Tout. « Le
rétablissement de l’ordre (RO), correspond à un engagement de
moyenne ou haute intensité, (..) pouvant aller jusqu’à des
situations particulièrement dégradées et nécessitant alors le
recours à des moyens particuliers », stipule cette même
circulaire. D’abord, cela permet l’usage d’armes de guerre,
comme les grenades offensives. Mais aussi de nouveaux moyens, comme
le précise un manuel de formation professionnelle de la gendarmerie,
que Reporterre s’est procuré. Dans le cadre d’un RO en
milieu rural, il est ainsi préconisé d’avoir recours à des
« initiatives décentralisées au niveau du commandant de
chaque peloton, voire au niveau du chef de groupe, en liaison
permanente avec l’échelon hiérarchique supérieur ».
Une « initiative décentralisée » qui pourrait,
par exemple, correspondre au déploiement d’une équipe dédiée en
vue d’interpeller des meneurs...
Télécharger
la page 87 du Manuel de formation :
- Manuel de gendarmerie « Formation théorique au maintien de l’ordre public », p. 87
Sivens, un terrain d’expérimentation
Ces
méthodes ne sortent pas de nulle part. Le chercheur Mathieu Rigouste
a étudié les mutations des doctrines de maintien de l’ordre dans
la France contemporaine. Pour lui, ce qui se déploie à Sivens,
comme aujourd’hui dans le mouvement social contre la loi Travail,
c’est « un
mode de pensée, une matrice idéologique structurée par et pour la
“guerre dans la population”, qui
s’inspire des dispositifs des répertoires militaires et
coloniaux ».
En somme, le manifestant qui proteste contre un projet économique ou
une loi n’est plus considéré comme un citoyen, mais comme
un « ennemi
intérieur » à
neutraliser par une démonstration de force. Encore faut-il
expérimenter ces méthodes.
Qui
dit expérimentation dit retour d’expérience. Comme nous l’apprend
le dossier d’instruction, à la différence des autres escadrons de
gendarmerie envoyés à Sivens, les militaires de La Réole, mis en
cause dans la mort de Rémi Fraisse, envoient systématiquement leurs
comptes-rendus au CNEFG,
le Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie. C’est
là, à Saint-Astier, en Dordogne, qu’est formée l’élite des
gendarmes mobiles français.
Ces
rapports sont particulièrement précis et détaillés. Avant même
le weekend meurtrier des 25 et 26 octobre, cet escadron est déjà
intervenu à plusieurs reprises sur la ZAD. Au cours des deux mois
qui ont précédé la mort de Rémi Fraisse, les interventions des
gendarmes étaient fréquentes et particulièrement violentes. Dans
les « enseignements tirés de l’intervention »,
il est précisé notamment « qu’une unité de forces
mobiles supplémentaire permettrait de manœuvrer plus aisément et
en toute sécurité » tandis que « les PSIG
[Pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie] font
un travail remarquable mais ne disposent pas d’un équipement
adapté pour le RO » (rétablissement de l’ordre). Des
préconisations bien particulières dans un contexte d’affrontements.
Quelle donc est la véritable mission de cet escadron à Sivens ?
Le
terrain paraît en tout cas approprié à l’expérimentation de
nouvelles techniques de rétablissement de l’ordre. Niché au creux
d’une petite vallée du Tarn, la ZAD du Testet est à l’abri des
radars médiatiques. De plus, le nombre d’occupants est beaucoup
moins important qu’à Notre-Dame-des-Landes. Enfin, la zone a été
contrôlée en continu par les forces de l’ordre pendant deux mois.
De quoi laisser le temps de tester grandeur nature de nouveaux
dispositifs. Mais si expérimentation il y a eu, cela n’a pas pu se
faire sans l’aval de la hiérarchie.
Le
militaire, quel qu’il soit, qui a lancé la grenade fatale n’est
pas un mouton noir. On ne peut pas isoler la responsabilité d’un
gendarme, car celui-ci agit sur ordre de la hiérarchie, qui
intervient toujours pour lui dire ce qu’il doit faire ou, a
minima,
lui signifier une certaine liberté d’action. Le maréchal des
logis (MDL) J., principal mis en cause jusqu’ici dans la mort de
Rémi Fraisse, rappelle, dans son audition, qu’il a agi sur ordre :
« Nous
avons l’autorisation d’utiliser les grenades offensives depuis
une heure du matin (...) autorisation qui m’est rappelée par le
major A. et ce, cinq minutes auparavant. »
Le major A. est à la tête des quinze gendarmes formant le peloton
Charlie. Au-dessus de lui, le capitaine J. commande l’escadron de
gendarmerie mobile de La Réole et ses 72 gendarmes déployés ce
soir-là à Sivens (voir schéma ci-dessous, tiré du rapport de la
Commission
d’enquête parlementaire sur le maintien de l’ordre de mai 2015).
À
Sivens, les gendarmes mobiles doivent se coordonner à la fois avec
les gendarmes locaux et avec les forces de police, notamment dans
l’après-midi du 25 octobre. Toutes ces unités répondent à
un commandement unique : il s’agit d’un groupement tactique
de gendarmerie (GTG), supervisé par le commandant L. Celui-ci décide
d’autoriser ou non l’emploi d’armes d’une intensité
supérieure, comme les grenades offensives. Pourquoi un seul gendarme
est-il accusé alors que la hiérarchie qui l’a autorisé à
utiliser une grenade mortelle n’est pas inquiétée par la
justice ? Les juges d’instruction chargées du dossier n’ont
pas tranché la question, elles ont pour l’instant placé en mars
dernier le maréchal des logis J. sous le statut de témoin assisté
pour « homicide
involontaire ».
Cette décision pourrait aussi bien ouvrir la voie à un non-lieu
qu’à
la mise en cause de la chaîne de commandement. Mais les vrais
responsables ne sont pas inquiétés.
Celui
qui sait presque tout... exilé en Nouvelle-Calédonie
A
Sivens, l’opération de maintien de l’ordre obéit, d’une part,
à une autorité civile et, d’autre part, à la division locale de
gendarmerie. Le Groupement tactique de gendarmerie déployé répond
lui-même au commandant du Groupement de gendarmerie du Tarn, le
lieutenant-colonel Sylvain Rénier. Celui-ci est présent durant la
journée du 25 octobre, mais quitte les lieux à la tombée de
la nuit et n’y revient qu’à partir de 3 heures du matin, après
la mort de Rémi Fraisse.
Ce
gradé,
formé à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr, est arrivé
dans le Tarn en août 2014, avant le début des travaux du barrage.
Selon une source proche de la gendarmerie, il aurait « mis
la pression »
sur les troupes locales pour « faire
évacuer le plus vite possible les occupants de la ZAD ».
Son arrivée correspond au pic de violences exercées par les forces
de l’ordre sur les zadistes et leurs soutiens en septembre et en
octobre. Particulièrement peu apprécié des gendarmes locaux, selon
cette même source, « Sylvain
Rénier a été pointé du doigt après la mort de Rémi Fraisse,
mais n’a jamais été limogé. Cela aurait été perçu comme un
constat d’échec ».
Le
principal responsable reste le représentant de l’État dans le
département du Tarn : le préfet Thierry Gentilhomme.
Auparavant haut fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, il
débarque dans le Tarn à la fin août 2014. Le nouveau venu connait
donc mal la situation.
Son
directeur de cabinet, Yves Mathis, gère le dossier depuis le début.
Il n’est donc pas étonnant de le retrouver en signature, par
délégation du préfet, pour plusieurs demandes officielles d’envoi
de forces mobiles du 10 octobre au 26 octobre, puis du 27
au 31 octobre. Quelques jours avant le décès de Rémi Fraisse,
une rencontre est organisée entre la préfecture du Tarn, les
députés Cécile Duflot et Noël Mamère, et plusieurs opposants
locaux au projet. Un des participants, Ben Lefetey, porte parole du
Collectif Testet, se souvient d’une scène surprenante :
« Yves Mathis prend la parole pour annoncer que la
préfecture soupçonne des convergences de mouvements sur la ZAD de
Sivens. Lorsque je lui demande des précisions, il répond, en
souriant : “On pense qu’il y a des convergences avec la
mouvance islamiste.” » Une analyse fondée sur l’existence
d’un lieu baptisé « Gazad », l’inscription de
slogans de soutien à la cause palestinienne et l’emploi ponctuel
d’expressions en arabe devant les charges policières. Mais, pour
le témoin de cette scène, « Yves Mathis disait ça très
sérieusement ». Devant les protestations des opposants et
députés sur cet amalgame douteux, le préfet a précisé qu’« il
ne s’agissait là que d’hypothèses ». L’anecdote
pourrait prêter à sourire, mais elle traduit une conception biaisée
de la part des autorités sur le mouvement d’occupation de Sivens.
La
nuit du drame, il n’y a aucun représentant de l’État à Sivens.
Yves Mathis, directeur de cabinet du préfet, gère les événements
à distance, par téléphone. Dans son rapport, le lieutenant-colonel
Rénier indique qu’à 21h31, le samedi, le commandant L., qui
dirige les opérations ce soir-là, a informé Yves Mathis. Celui-ci
« évoque la possibilité d’un désengagement si la
sécurité des gendarmes est en cause. Le commandant de groupement
demande un ordre écrit par SMS, qu’il ne recevra jamais ».
Sur le rôle du préfet ou de son directeur de cabinet, rien d’autre
ne figure dans le dossier. Ils ont tous deux toujours refusé de
s’exprimer. Pis encore, Yves Mathis a depuis été muté comme
directeur de cabinet du délégué de gouvernement, en
Nouvelle-Calédonie. Loin, très loin des juges et de l’enquête
sur la mort de Rémi Fraisse, dans laquelle, comme son supérieur
hiérarchique, il n’a jamais été entendu.
A
Paris, en tout cas, on suit avec la plus grande attention les
événements durant le weekend tragique. Le général Denis Favier,
directeur de la Direction générale de la gendarmerie nationale
(DGGN) envoie plusieurs messages aux responsables présents à
Sivens. Notamment, ce texto déjà évoqué dans le premier volet de
notre enquête : « On
est attendu sur les interpellations. »
Divers médias ont brossé un
portrait flatteur de ce militaire « proche
de ses hommes »,
qui n’ont jamais dit autre chose que le plus grand bien de ce
« héros
de la gendarmerie ».
Il a aussi été conseiller en gendarmerie de juin 2012 à avril 2013
auprès de Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur. Le général
Favier a été recasé récemment « responsable
de la sûreté »
au
sein du groupe Total.
Mais
revenons à l’automne 2014. Denis Favier est encore à la tête de
la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et rend
des comptes à Bernard Cazeneuve, qui a remplacé Manuel Valls au
ministère de l’Intérieur. Devenu Premier ministre, Manuel Valls
déclare la guerre aux ZAD. Dans sa ligne de mire : l’occupation
de Notre-Dame-des-Landes, qualifiée de « kyste ».
Pas question pour lui de voir une seconde ZAD se développer dans le
sud-ouest de la France. De plus, Valls a toujours soutenu le projet
de barrage de Sivens, notamment lors d’un discours emblématique le
6 septembre 2014 devant le congrès des Jeunes agriculteurs en
Gironde, où il affirme avoir « tenu bon au barrage de
Sivens. […] Ma politique est de débloquer ce pays ».
La justice entendra-t-elle les responsables ?
Dès
lors, une question se pose : le maintien de l’ordre à Sivens
a-t-il été directement piloté par le Premier ministre et ses
proches, dont le directeur général de la gendarmerie nationale, en
liaison avec le ministère de l’Intérieur ?
L’enquête
sur la mort de Rémi Fraisse est loin d’être terminée. Malgré
des mois d’instruction, toutes les réponses n’ont pas été
livrées sur les faits qui ont conduit au décès d’un jeune homme
venu participer à un rassemblement militant le 25 octobre 2014,
dans le Tarn.
Vendredi
1er juillet, le tribunal administratif de Toulouse a
rendu ses décisions sur le projet du barrage de Sivens. La
justice a annulé trois arrêtés fondateurs dont la déclaration
d’utilité publique. Les travaux engagés étaient donc totalement
illégaux. Rémi Fraisse a été tué sur le lieu d’un projet de
barrage illégal. Que fera la justice pénale ?
Jeudi
7
juillet
jeudi 7 juillet : Expulsion en cours à Bure : appel à soutien
suivi des actualités et rdv : http://vmc.camp/fil-info/
iles suréquipés en direction de Mandres, un véhicule bulldozer aurait été vu. Pas d’infos précises sur le nombre exact de fourgons pour l’instant mais apparemment dispositif énorme
6h30 : Entrée côté bois de Mandres bouclée, pas d’infos sur la situation à l’entrée Ribeaucourt pour l’instant. Sur place tout le monde est réveillé et s’organise.
6h30 : Les deux routes d’accès depuis le village de Mandres sont bloquées au niveau des carrefours et des exploitations agricoles par plusieurs véhicules de gendarmerie. En contre-bas du village de bure il y a aussi quelques fourgons qui, visiblement empêchent le passage (à reconfirmer).
6h45 : Une demie-heure que les casqués sont là, l’assaut a commencé ! La charge a été ultra rapide, aucune volonté de temporisation. Après première sommation et une deuxième sommation ultra-rapide ils ont commencé à avancer, le dispositif est visiblement énorme. Le tracteur à l’entrée a pu sortir, les occupant-e-s reculent progressivement derrière les barricades enflammées. I-elles sont au niveau de la tranchée sur le chemin d’accès principal, après « La Rue Rale ». Les casqués passent également dans les bois. Il y a de nombreux tirs de gazs lacrymogènes, apparemment aussi le flashball est sorti. D’autres occupants, dont des enfants, ont pu se replier dès le début de l’arrivée.
7h00 : les occupant-e-s sont repliés au niveau de la plateforme « Salle à Mandres », les bleus continuent d’avancer en masse, à la fois sur le chemin principal mais aussi par la forêt. L’air est saturé de gaz. Des occupant-e-s à la barricade de l’entrée nord (Ribeaucourt) ont pu revenir sur place, apparemment les flics sont également arrivés par cette entrée.
7h05 : En réponse à l’expulsion un convoi d’opposant-e-s serait en route pour aller EXPULSER LA PREFECTURE et l’ANDRA, qui occupent le territoire à coup de pognons et de flics depuis plus de 20 ans ! Mardi 5 juillet à 13h une délégation de 3 opposant-e-s avait rencontré la directrice de cabinet du préfet de la Meuse qui les avait reçu en faisant mine de n’être au courant de rien. « Ah bon, vous venez parler de la forêt occupée ? Je croyais que vous veniez pour l’affaire des tags à Bar-le-Duc ? ». Les occupant-e-s ont mis la pression sur la Pref et l’ANDRA en expliquant que c’était cette dernière qui occupait illégalement le bois Lejuc, que de multiples procédures juridiques étaient en cours (recours contre la délibération de l’échange du bois depuis décembre 2015, plainte pour infraction au code forestier depuis le 22 juin 2016, assignation en référé pour contester l’ordonnance d’expulsion depuis début juillet 2016) que des personnes très différentes y passaient et y dormaient souvent, dont des enfants, et que par conséquent la Préfecture porterait toute la responsabilité en cas d’intervention. « Je prends des notes et je fais remonter » a conclu l’infâme Dircab’.
7h15 : les casqués sont remontés jusqu’au niveau de la « Salle à Mandres » et l’occupent maintenant avec leur sale gueule de Robocop sur-armés, piétinent les arbres replantés lors des dernières semaines, etc… Les occupant-e-s sont repliés à proximité dans une parcelle de forêt.
8h00 : les occupant-e-s se sont repliés à proximité de la forêt dans une parcelle sécurisée et soufflent un peu. A priori la plupart des gens sont là, pas de blessé-e-s (à reconfirmer). L’hélico tourne toujours. Les forces de l’ordre ont donc pris possession du bois…
= Conférence de presse appelée à 10h30 à la Maison de résistance à la poubelle nucléaire à Bure ; rdv dès demain 6h pour bloquer les travaux et reprendre la forêt ;
on maintient le week-end « Forêts en résistance le 9 & 10 juillet », besoin d’un max de monde, et surtout
appel à ENORME MANIF’ DE REOCCUPATION SAMEDI 16 JUILLET !
8h30
:
tentatives d’arrestation et d’intimidation par la police qui
aurait débarqué chez un habitant de Mandres-en-Barrois ! L’avocat
est sur le coup, confusion totale, plus d’infos.
9h10
: une personne blessée évacuée par des habitant.es de Mandres qui
ont reçu la visite des flics. La plate-forme occupée réinvestie
ainsi que tous les lieux de vie, saisie de tout le matériel non
détruit par les occupant.es. Tout le monde serait à l’abri, pas
d’arrestations à déplorer aux dernières nouvelles. Contrôles
sur les routes autour de Bure.
9h17
: conférence de presse à la Maison de la résistance de Bure à
11h00
10h00
:
les derniers opposant.es ont réussi à s’échapper du bois. En
survolant une pâture l’hélico a fait s’échapper une troupeau
de vaches de son enclos.
Zadist
A Bure, l’Etat expulse les occupants de la forêt de Mandres-en-Barrois
Les gendarmes sont intervenus jeudi
7 juillet au matin pour expulser les opposants au projet de
déchets nucléaires qui occupaient la forêt de Mandres-en-Barrois.
L’Andra veut y engager des travaux.
Bure (Meuse), reportage
Jeudi 7 juilllet à 6 heures du matin,
un important dispositif policier est intervenu dans la forêt occupée
de Mandres-en-Barrois où,depuis plus de deux semaines, les opposants
au projet Cigeo d’enfouissement des déchets nucléaires campaient.
Dans le village, les accès au bois ont été bloqués par les
gendarmes. Des habitants, soutiens de la lutte, ont été menacés de
garde à vue ou obligés de rester à leur domicile. Le convoi
comprenait un bulldozer à l’avant, des centaines de gardes mobiles
et dans les airs, un hélicoptère qui tournait en rase motte autour
de la forêt.
Il n’y a eu aucune volonté de
temporisation ou de négociation de la part des autorités. Les
sommations ont été faites en même temps que la charge des
gendarmes. A l’entrée du bois, les occupants ont tenté de
résister comme ils pouvaient. Les barricades ont pris feu, la police
a lancé énormément de gaz lacrymogène. Au milieu des tirs, on
entendait des chants, des cris, « Andra dégage ! »,
« La forêt elle est à qui ? Elle est à nous ! »
Les occupants se sont repliés
rapidement, au bout d’une heure. Certains ont coupé à travers
champs pour quitter la zone. Pour l’instant, il n’y a pas de
blessé même si une ambulance est arrivée.
Plusieurs
enfants dormaient sur place, comme c’était devenu l’habitude ces
derniers jours. Ils ont réussi à s’échapper. En deux semaines de
lutte, de nombreux habitants, paysans des alentours sont venus dans
les bois. La journée, des banquets étaient organisés, ainsi que
des projections de films en plein air et des chantiers collectifs. Il
y avait régulièrement des personnes âgées qui dormaient sur les
barricades. Comme Christian, de la Confédération paysanne, mardi
5 juillet. L’occupation s’inscrivait dans une lutte plus
large de territoire. Face au danger de l’expulsion, les différentes
composantes ont réaffirmé leur solidarité dans un
communiqué de presse.
« Une mascarade juridique »
« On savait qu’il y avait
des menaces d’expulsion mais on n’imaginait pas qu’ils allaient
arriver aussitôt », raconte une opposante à Cigeo. Les
occupants accompagnés par leur avocat, Me Ambroselli, avaient
rencontré la directrice du cabinet de la préfecture, mardi
5 juillet. Ils souhaitaient montrer que l’illégalité n’était
pas de leur côté. « De multiples procédures juridiques
sont toujours en cours : un recours contre la délibération de
l’échange du bois par l’Andra depuis décembre 2015, elle s’est
faite en catimini à 6 heure du matin à bulletin secret »,
observe Etienne Ambroselli, et une plainte pour infraction au code
forestier depuis le 22 juin 2016, car l’Andra avait défriché
illégalement 9 hectare de forêt ». Les réponses de la
préfecture sont restées évasives : « Ils ont fait
mine de ne pas connaitre le dossier. La directrice de cabinet a pris
quatre pages de note et nous a dit : je ferai remonter ces
informations », témoigne un membre de la délégation.
Pour Etienne
Ambroselli, « c’est à se demander à quoi sert mon
métier ? Alors qu’on s’attèle à être légaliste, l’Etat
passe en force sans respecter la loi. Nous avions également fait une
assignation en référé pour demander au tribunal de grande instance
de rétracter l’ordonnance d’expulsion du 23 juin rendue non
contradictoirement. Nous étions en pleine procédure juridique et
ils ont décidé de nous expulser. C’est une violence
institutionnelle ».
« Appel à converger massivement vers Bure cet été »
L’expulsion
n’est qu’une bataille dans la lutte contre le projet Cigeo. Les
opposants appellent dès maintenant à « bloquer
sur le terrain le début des travaux ».
Plusieurs rendez-vous sont fixés cet été. Dès vendredi 8 juillet
pour empêcher l’arrivée des vigiles et des engins de
déforestation. Et samedi 16 juillet, « pour
une énorme manifestation de réoccupation et des barricades
mondiales contre la poubelle atomique et le nucléaire ».
Pour les opposants, « c’est bien
l’Andra qu’il faudra expulser du territoire par une diversité de
moyens ».
Infos du 11 au 17 juillet
Mardi
12 juillet
A Bure, la loi sur le lancement de Cigeo ne désarme pas les opposants
Près de Bure, l’Etat veut implanter
le site d’enfouissement des déchets nucléaires grâce à la loi
votée le 11 juillet. Les travaux de défrichement de la forêt
ont déjà commencé. Les opposants se préparent à un week-end de
mobilisation.
Bure (Meuse), correspondance
Sur le terrain, dans la forêt de
Mandres-en-Barrois, après l’expulsion des opposants le jeudi
7 juillet, les pelleteuses et les bulldozers ont repris
précipitamment les travaux, accompagnés par des vigiles privés et
une dizaine de fourgons de gendarmes. A l’orée des bois, on entend
à nouveau les débardeuses arracher les arbres. Leur bruit
métallique couvre le chant des oiseaux. Les travailleurs mandatés
par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs) creusent des tranchées et vont poser des grilles aux
allures de poste frontière.
L’Agence ne tient pas compte de la
plainte déposée par les opposants pour défrichement illégal et
infraction au Code forestier. Les recours ne sont pas suspensifs. Les
travaux peuvent continuer. « La justice tranchera trop tard,
comme à Sivens », regrette Michelle, une opposante. «
Il n’y aura plus d’arbre à couper lorsque le tribunal se
prononcera ! ».
De l’ancien camp installé en juin
par
les opposants dans la forêt - le préau, la cuisine collective,
les tentes -, il ne reste que des cendres. Les barricades ont
brûlé lors de l’expulsion, les cabanes et les potagers ont été
écrasés par les machines de l’armée. Sur la plate-forme, les
arbres plantés chaque jour de l’occupation, symboles de la lutte,
ont été déracinés, amputés comme des moignons tendus vers le
ciel. « Même l’érable avec ses
grandes feuilles rouges », soupire Jean
Pierre, ancien maire du village de Bonnet, opposé au projet, qui a
pu accéder à la plateforme, deux jours après l’évacuation.
Une rage profonde habite les anciens
occupants, choqués et violentés par l’expulsion policière. A la
Maison
de la résistance où ils se sont regroupés, la tension monte.
Un hélicoptère tourne régulièrement au dessus des lieux. Des
voitures de gendarmes passent toutes les demi-heures. Ils notent les
plaques d’immatriculation et filment les habitants de la maison,
qui se couvrent de foulards.
Mais les opposants ne veulent pas
perdre espoir. « La forêt est en nous »,
disent-ils, déterminés à arracher ce morceau de territoire aux
aménageurs. « l’Andra et ses milices ne pourront pas
garder indéfiniment 220 hectares de bois, c’est incontrôlable »,
affirme Sylvestre. Les occupants imaginent différentes manières
pour stopper les travaux, « on peut empêcher les machines
d’accéder au lieu comme on peut les empêcher de fonctionner ».
Tous les jours, ils font de rapides excursions dans les bois. Tapis
dans les fougères, des ballades de repérage se déroulent avec
d’anciens forestiers de l’Office national des forêts. Dimanche
soir 10 juillet, pendant la finale de l’Euro, ils sont venus
défier au football les gendarmes : l’équipe des masqués
contre celle des casqués. Les forces de l’ordre ont moyennement
apprécié l’humour.
« On opte pour une stratégie
d’harcèlement, on les fatigue avant de reprendre la forêt pour de
bon », assure un opposant.
Le week-end
des 10 et 11 juillet, organisé par l’ACIPA à
Notre-Dame-des-Landes, a d’ailleurs été un bon moment pour
mesurer la popularité de cette lutte. « Ces
rencontres nous ont fait énormément de bien, on sentait les gens
émus, avec la volonté de nous aider »,
raconte un jeune militant. L’idée que Bure devienne un centre de
ralliement contre les grands projets inutiles est aussi stratégique.
« Alors que la Zad de Notre-Dame-des
-Landes est menacée, il s’agit d’ouvrir un autre front à
l’Est ».
Le week-end
du 16 et 17 juillet, où est prévue une « manifestation
de réoccupation de la forêt »
sera déterminant pour la suite. Les opposants au projet Cigeo
d’enfouissement des déchets nucléaires appellent à une forte
mobilisation pour tenter de reprendre la forêt : « Des
barricades mondiales et improvisées contre le nucléaire et son
monde ». Ils espèrent rassembler des
centaines de personnes et plusieurs tracteurs. Des bus sont affrétés
pour l’occasion à Nantes et à Paris. Un info-tour est lancé
cette semaine, à Metz, Nancy, Paris. La lutte peu à peu s’organise.
20 députés votent l’engagement du site Cigéo de déchets nucléaires
La position du gouvernement sur le
sujet est depuis longtemps connu. Il a tenté à maintes reprises,
depuis deux ans, de faire passer ce
projet dans différentes lois : « Le
gouvernement soutient pleinement ce texte »,
a confirmé André Vallini à la tribune. Mais l’absence de la
ministre de l’Ecologie n’en reste pas moins symbolique d’un
mépris à l’égard des débats de la représentation nationale.
« La ministre aurait eu toute sa place à
l’hémicycle plutôt que de faire des selfies avec les
footballeurs » a lancé au micro la
député écologiste Cécile Duflot.
Avec Laurence Abeille, Michèle
Bonneton et François-Michel Lambert, les quatre députés de
tendance écologiste – ils appartenaient auparavant au même groupe
parlementaire issu d’EELV avant que la moitié d’entre eux ne
claque la porte – n’ont eu de cesse de dénoncer la
« mascarade »
d’un débat parlementaire organisé un lundi après-midi, la
semaine du 14 juillet, au lendemain de la finale de l’Euro,
dans le cadre d’une session extraordinaire. « C’est
une mauvaise méthode, pas digne des enjeux »,
tançait Mme Duflot, citant Aimé Césaire et ses « bâtisseurs
de pestilence ». Ironie de l’histoire,
un ex-EELV, François de Rugy, s’est retrouvé président de
séance, ne pouvant pas ainsi participer au vote.
Le débat était de toute façon pipé,
toutes les propositions défendues par les écologistes étant
automatiquement rejetées. Ainsi de la motion de rejet préalable de
Cécile Duflot ou de la motion de renvoi en commission de Michèle
Bonneton, comme des 22 amendements déposés sur les deux articles du
texte dont une grande majorité par les députés écologistes. « Il
serait temps de voir la loi adoptée conforme »,
s’impatientait le député socialiste Jean-Louis Dumont. « Une
nouvelle navette parlementaire coûterait de l’argent public »,
osait même le député Les Républicains Julien Aubert, pour
justifier l’adoption la plus rapide possible de cette loi
qui entérine une phase-pilote évaluée... à près de 6 milliards
d’euros.
Les accusations de passage en force ne
faisaient pas le poids. « De qui vous moquez-vous ?,
haranguait Bertrand Pancher, député UDI de la Meuse. Ce n’est
pas une loi en catimini, ça fait 25 ans qu’on travaille sur le
sujet, on a fait des lois et des débats publics ! »
Farouche défenseur du projet, il a salué dans cette loi « la
réconciliation avec une certaine forme d’intelligence collective »
Une référence au large consensus politique qui entoure ce dossier :
des communistes aux Républicains, en passant par le centre et le PS,
Cigéo casse « les barrières politiques » comme
le remarquait Bernard Accoyer (Les Républicains), venu en éclair
dans l’hémicycle afin de « saluer le travail et la
convergence de vues sur le sujet ».
Les quatre heures du débat
parlementaire n’auront servi qu’à ressasser les mêmes
arguments, sans véritable interrogation sur les enjeux du projet :
« Un souci de responsabilité vis-à-vis des générations
futures en ne leur laissant pas les déchets nucléaires comme
héritage », selon Jacques Krabal, député PRG, qui voyait
dans cette proposition de loi « une nécessité d’intérêt
général ». Pour Patrice Carvalho, député communiste,
« c’est un état de fait : l’enfouissement est la
seule solution possible actuellement », tandis que
Anne-Yvonne Le Dain, députée PS, affirmait que Cigéo, « c’est
la modernité, c’est l’avenir ».
Difficile, dans ce contexte, de faire
entendre une contre-argumentation basée sur les incertitudes
techniques, l’impact économique et le manque d’informations sur
le sujet : « Ni les coûts ni les risques ne sont
portés à notre connaissance », a souligné Cécile
Duflot. François-Michel Lambert rappelait qu’il existe d’autres
solutions que l’enfouissement souterrain : « Le
stockage en sub-surface reste aujourd’hui le meilleur garant de la
mémoire des lieux ». Et si le gouvernement se défend de
vouloir accélérer le projet de construction de Cigéo – « ce
n’est en rien une autorisation », assurait André
Vallini, puisque la décision ultime d’exploitation du centre
reviendra aux pouvoirs publics, vers...20125 – les écologistes
dénoncent la politique du fait accompli et le maquillage du
lancement des travaux : « C’est la tactique de
l’engrenage, on enclenche un nouveau cran et le retour en arrière
devient ensuite impossible », explique Michèle Bonneton.
L’histoire
retiendra que c’est dans la plus grande discrétion, un soir de
juillet, que le projet Cigéo s’est vu conforter par une vingtaine
de députés. Qui n’ont pas assumé publiquement leur vote, qui ne
s’est pas fait sous scrutin public : le compte-rendu ne fera
pas motion du nombre de votants, ni de leur nom… La procédure
imposant la publication des noms des votants « n’est
obligatoire que pour quelques textes importants qui demandent des
quorums. Pour le reste, il faut la demander. En l’occurrence, aucun
groupe politique ne l’a fait… », indique François De
Rugy, président de la séance. Tout un symbole.
►Soutien
à la lutte de Bure, contre le nucléaire et son monde !
A Bure comme ici à
Notre-dame-des-Landes, des gens résistent aux projets qui
électrisent nos représentants mais nous enfouissent sous des
montagnes de mépris qui irradient ce monde. Ce matin (7 juillet),
les milices de l’état ont expulsé le bois de Mandres qui avait
été repris à l’ANDRA. Mais comme le courant passe bien entre la
ZAD et Bure, l’assemblée hebdomadaire
des occupant.e.s de la ZAD appelle à rejoindre la manifestation de
réoccupation du samedi 16 juillet à Bure.
La réunion des occupant.e.s de la ZAD
du jeudi 7 juillet 2016
départ du bus à Nantes prévu pour vendredi soir, et un départ de Bure le samedi soir :
pour s’inscrire ou avoir des infos : sortirdunucleairepaysnantais(at)laposte.net ( plus il y a de monde inscrit rapidement, plus c’est simple à organiser...)
►nouvelles
des No TAV :
Arrestations, assignations à résidence, infractions
collectives et publiques de ces assignations... le Val Susa connaît
un début d’été agité.Pour les non-italophones, le collectif Mauvaise Troupe vient de publier un résumé de la situation ainsi qu’un nouvel entretien/brochure, celui de Nicoletta 70 ans, l’une des assignées de ce début d’été :
« Ce matin ma maison a été perquisitionnée pour une manifestation que nous avions faite contre le chantier du TAV. Désormais j’ai l’obligation d’aller signer chaque jour chez les carabiniers de Susa. Alors, que ce soit clair, moi je n’accepte pas d’aller chaque jour demander pardon aux carabiniers, je n’accepterai pas que ma maison devienne ma prison, et par conséquent, c’est eux qui décideront... »
Samedi
16 juillet
À Bure, les paysans se mobilisent contre la poubelle nucléaire
Le
projet de centre industriel de stockage géologique profond (Cigéo)
des déchets radioactifs, à Bure, en Meuse, a des conséquences
considérables sur le monde agricole et les territoires ruraux.
Paysans et paysannes se retrouvent en première ligne, aux côtés
des antinucléaires. Reporterre leur donne la parole, alors
que ce samedi 16 juillet, se déroule une « manifestation
de réoccupation ».
Bure
(Meuse), reportage
Mobilisés
de longue date aux côtés des militants antinucléaires contre les
visées de l’Andra (l’Agence nationale pour la gestion des
déchets radioactifs), paysans et paysannes ont participé à
l’occupation
du bois Lejuc, il y a trois semaines, près de Bure (Meuse).
Certains fournissaient des légumes, du matériel de construction,
d’autres dormaient sur les barricades et repartaient à quatre
heures du matin pour la traite. Samedi 16 juillet et dimanche,
il se retrouvent pour la manifestation
de réoccupation de la forêt de Mandres-en-Barrois.
Romain :
« Le désert agro-industriel a conduit à la poubelle
nucléaire »
|
Ce qui me pousse à la révolte ici à Bure, c’est la résignation. Le besoin de me lever face à l’indifférence. Ce projet titanesque nous écrase et nous dépasse : 130 ans d’exploitation, un coût estimé à 35 milliards d’euros, des déchets radioactifs pour des dizaines de milliers d’années. On se sent impuissant devant tant de démesure.
Cela fait écho à l’histoire de la paysannerie, marquée par les humiliations et le renoncement. On est victime de grands projets industriels — aéroports, autoroutes — souvent inutiles et imposés, et par les directives productivistes de la politique agricole commune. Tout a été fait pour que les paysans disparaissent ou qu’ils soient transformés en « agrimanager ». Quand tu ne rentres pas dans le cadre, tu es considéré comme un petit, "tu manques d’ambition".
Avec l’Andra, c’est la même chose. Si tu ne suis pas le chemin qu’elle trace, on te met la pression. On te harcèle. L’Andra fait circuler des rumeurs. Elle attise les tensions. Un jour, elle appelle les agriculteurs pour dire que les opposants à Cigéo vont brûler leurs ballots de pailles. Un autre moment, elle menace un agriculteur impliqué dans la lutte en lui faisant comprendre que la Safer [l’organisme chargé de veiller au foncier agricole] ne renouvellera pas ses baux précaires.
Les paysans sont isolés dans leurs tractations avec l’Andra, qui colonise peu à peu le territoire. Son appétit est sans limite. Elle détient maintenant 1.000 ha de foncier agricole et 2.000 ha de forêt. Depuis septembre, 300 ha ont été retirés de l’usage agricole pour faire des fouilles archéologiques préventives, sans autorisation légale. Ce sont désormais des friches.
Cigéo n’aurait pas pu s’implanter ailleurs. C’est le désert agro-industriel qui a conduit à la poubelle nucléaire. Dans la région, les agriculteurs sont seuls, dépendants de filières longues, surendettés. Ils ont perdu leur autonomie et sont incapables de protester.
L’Andra joue les grands seigneurs et cherche à se rendre indispensable, avec des velléités centralisatrices. Tout doit désormais passer par elle. Les villages se meurent, mais elle veut créer une supérette au sein de son laboratoire.
On pourrait imaginer un autre avenir : pas de mornes monocultures céréalières mais des productions locales, pas de système de distribution standardisé mais des circuits courts. L’agriculture ne se résume pas à des boîtes de conserve ou à des produits industriels, elle peut être vivante et permettre la rencontre autour d’un étal, de la confiance, du lien social.
C’est le sens de notre action ici, retrouver du collectif. On a fait des semis sur les terres appropriées par l’Andra cette année. On souhaite aussi organiser des marchés. L’occupation de la forêt est le prolongement de ces mobilisations pour montrer que le territoire reste toujours en vie. »
Christian et Marie-Jeanne : « Ici, on défend la terre nourricière contre le béton »
Cela fait cinq ans que l’on vient en Meuse pour s’opposer au projet Cigéo. Nous sommes faucheurs volontaires et syndicalistes à la Confédération paysanne. On a participé en 2010 à la grève de la faim lors de l’occupation de la Maison du lait, à Paris, et en 2014 pour défendre les petites fermes. Nous habitons en Alsace, dans les Vosges, sur le plateau des Hautes-Huttes. Notre fille a repris l’exploitation. Dans notre vie, on s’est toujours battu. Avec notre petit élevage de montagne, nous étions hors norme.
C’est important pour nous de montrer que la lutte à Bure est liée aux questions paysannes. Ici, on défend la terre nourricière contre le béton. Une fois que c’est bétonné, c’est fini, on ne peut plus revenir en arrière. Tant que la terre reste de la terre, il y a un espoir. Dans la région, elle est aux mains des grands céréaliers, mais elle pourra revenir un jour aux paysans.
Si le projet Cigéo aboutissait, des centaines d’hectares de terres agricoles disparaitraient et les derniers céréaliers seraient eux-mêmes condamnés : qui voudrait acheter un grain susceptible d’être empoisonné ? Le territoire risque de se transformer en désert.
Voir la forêt de Mandres-en-Barrois grillagée et surveillée par des vigiles nous a beaucoup heurtés le mois dernier. On ne pouvait imaginer qu’elle devienne « la zone des puits » qui aérerait les galeries souterraines remplies de déchets radioactifs. La forêt est un lieu vivant, un bien commun utilisé depuis toujours par les paysans : elle sert de vaine pâture pour les cochons et les vaches. On y ramasse le bois. C’est autant un complément de revenu pour les agriculteurs qu’un espace de liberté.
Avec l’occupation de la forêt, on avait l’impression de participer à une nouvelle forme de résistance. On a apporté notre aide à notre manière. Les paysans assurent d’abord un soutien logistique et matériel. Il faut bien que les occupants mangent ! On a collecté de la nourriture auprès des réseaux agricoles, des caisses de courgettes, de choux rouges, de concombres. Un copain paysan-boulanger fournissait les invendus de son marché, un autre, maraîcher, ses excédents. Chacun donne en fonction de ses moyens.
C’est drôle comment ces moments de solidarité nous ramènent à notre rôle premier. Les paysans existent pour faire à manger, pas pour vendre. Beaucoup de personnes que les occupants n’imaginent même pas sont derrière eux. Ils ne peuvent pas se déplacer sur le terrain mais ils nourrissent la lutte.
Nous, les paysans, on n’abandonnera pas ce combat. Quand on commence un travail, on le finit. Tu ne fauches pas ton champ sans ensuite le faner et stocker le foin. Ça ne veut pas dire que tu auras forcément un gain au bout, mais tu le fais par respect pour la nature.
Pendant ces trois semaines d’occupation, grâce aux fêtes, aux banquets, on a planté des graines, on a ancré la résistance. Mais nous ne pouvons pas forcer les saisons. Il faudra être patient, on récoltera ce que l’on a semé dans les prochains mois. La lutte contre Cigéo va s’inscrire dans la durée. »
Jean-Pierre : « Les paysans sont les premières cibles de la répression »
Jean-Pierre
et Romain (à l’arrière-plan), à Notre-Dame-des-Landes, lors du
rassemblement des 9 et 10 juillet qui a accueilli les opposants
à la poubelle nucléaire.
-
Je suis né à Cirfontaine, à dix kilomètres de Bure. Mes parents étaient éleveurs, 730 traites et 365 jours par an. Je suis devenu céréalier à cause de la conjoncture, même si l’élevage me manque. Les trains qui transporteront les déchets nucléaires passeront à quelques centaines de mètres de la ferme familiale.
Ici, l’Andra agit comme un rouleau compresseur. Elle a accentué la désertification du territoire. Pour l’agence, c’est plus facile de négocier avec dix personnes qu’avec cent. Elle favorise les restructurations et les agrandissements. Son but est de nettoyer et pacifier le terrain avec des échanges à l’amiable pour éviter les procédures longues d’expropriation, comme à Notre-Dame-des-Landes. Elle favorise les grands exploitants.
En 2012, ils ont voulu amputer ma ferme. J’étais en location. Ils ont proposé d’acheter la terre au propriétaire, j’ai eu 60 jours pour purger mon droit de préemption : soit je perdais la moitié de ma surface, 70 hectares, soit je la rachetais, mais à la valeur fixé par l’Andra. Le double du prix du marché.
Dans la région, avant leur politique d’acquisition, le prix tournait autour de 2.500 euros l’hectare. Maintenant, il dépasse les 5.000 euros. Certains en ont profité, et sont partis.
J’ai décidé de garder ma ferme. Je voulais rester maître de la situation, ne pas casser mon outil de travail. Mais ça a été dur. Ces affaires minent le moral, affectent ton intimité. Je suis divorcé depuis 2014.
Je n’ai plus grand-chose à perdre. Je suis complètement solidaire de l’occupation du bois Lejuc. J’ai apporté ma bétaillère et garé mon tracteur à la lisière pour bloquer l’accès de la forêt. Après l’expulsion, jeudi 7 juillet, mon matériel a été saisi par le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc. Les paysans sont les premières cibles de la répression. En tant qu’habitant, je suis facilement identifiable et suis susceptible de poursuites. Mais j’assume cette situation. Je dis tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Je vais prendre mon bâton de pèlerin pour porter cette parole auprès des agriculteurs. »
- Une bétaillère contrôlée par les gendarmes, près du bois Lejuc.
►Aujourd’hui,
grosse journée de manif de réoccupation
à Bure, soyons nombreu.ses dans la forêt de Mandres ! Plus
d’infos sur http://vmc.camp/fil-info/,
et à venir dans le flash info
-
13h00 : tentative d’entrer dans la forêt de Mandres, les flics envoient du gaz et des grenades assourdissantes14h40 : l’occupation de la forêt se prépare, les quelques 150 flics présents se sont repliés, ainsi que les vigiles protégés par les flics, et la cantine se prépare à servir sa popote ! Peut-être quelques arrestations, à confirmer... Mais la forêt est réinvestie et libérée !16h00 : *Les occupants appellent à rejoindre massivement le bois libéré dès ce soir, demain et dans les jours à venir.*vers 18h00 : affrontements près de la barricade sud, les vigiles ont attaqué. Une personne arrêtée et un blessé léger.18h45 : les affrontements se poursuivent. Plusieurs blessés et plusieurs arrêtés.21h00 : 7 fourgons de gardes mobiles sont arrivés à la barricade sud.21h45 : neuf nouveaux fourgons arrivés, attaque en cours à priori...21h50 : la police est en train de charger violemment au niveau de la barricade sud et les occupant.e.s essaient de s’enfuir. Beaucoup de de lacrymos.22h00 : Il y a au moins 4 garde à vue. (GAV) A Ligny-en-Barrois, à Bar-le-Duc, à Void-Vacon. Des personnes se sont déjà rassemblées.APPEL A SOUTIEN ET A SE RASSEMBLER DEVANT LES GENDARMERIES.22h20 : 5 fourgons sont à priori partis. Paraîtrait que ça se calme, et que même ça va manger du couscous !
Infos du 18 au 24 juillet
La forêt a été reprise, au prix de nombreux affrontements avec la police mais surtout les miliciens engagés par l’ANDRA.
A Bure, les opposants aux déchets nucléaires ont gagné leur pari et réoccupé la forêt
Sous le soleil, près de 500 manifestants
ont réussi à Bure à occuper samedi 16 juillet la forêt où
l’Andra veut commencer des travaux. Lundi matin, la forêt restait
occupée.
Bure (Meuse), reportage
La Maison de la résistance, à Bure,
n’avait sans doute jamais vu autant de monde. Samedi matin
16 juillet, c’est près de 500 personnes qui s’y
retrouvaient. Objectif : aller occuper le bois Lejuc, situé sur
la commune voisine de Mandres-en-Barrois, où l’Agence nationale
pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) veut commencer des
travaux préparatoires au complexe Cigéo d’enfouissement des
déchets nucléaires.
Sous un soleil radieux, la colonne de
manifestants gravissait la colline à travers champs, parvenant au
bois Chaufour d’où l’on surplombe le bois Lejuc. En bas du
chemin, un barrage de policiers. La colonne descendait sereinement.
La confrontation avec les gendarmes -
un escadron de la gendarmerie mobile de Strasbourg - s’engage, jets
de projectiles par des manifestants cagoulés contre tirs de grenades
lacrymogènes. Disposés à la lisière du bois, les gendarmes
cherchaient à empêcher les manifestants de pénétrer le bois, où
se trouve une plate-forme de chantier installée par l’Andra.
Mais le bois fait plusieurs centaines
de mètres de long, et peu à peu, les manifestants s’égaillaient
tout au long de la lisière. La ligne des gendarmes s’étirait,
mais les 72 hommes ne pouvaient contenir l’entrée dans le bois.
La foule pénétrait dans le bois, les
gendarmes se retiraient sur leur position initiale, contrôlant la
petite route d’entrée conduisant à la plate-forme. A leur propre
surprise, les occupants avaient atteint leur objectif :
réoccuper la forêt ! Dans l’après-midi, leur centre
d’information, vmc.camp
envoyait un message : « A Bure,
bois de Mandres partiellement reconquis !! Besoin de monde à
nouveau, de matos, de bouffe, que les gens viennent construire et
dormir cette nuit et toute la semaine. »
Mais entre les arbres, la bataille
s’engageait, la vingtaine de vigiles engagés par l’Andra pour
protéger sa plate-forme attaquant les occupants à coups de battes
de base-ball ou de manches de pioche. Les gendarmes semblaient les
laisser agir pour intervenir ensuite. Des tirs de grenades et de
lanceurs de balle de défense s’échangeant avec des jets de
pierre. Selon vmc.camp,
six manifestants ont été blessés par les vigiles et trois autres
par les flash-balls. Quatre personnes ont de surcroît été
interpellées et gardées à vue.
La situation se stabilisait cependant,
gendarmes et vigiles ne parvenant pas à reprendre le contrôle du
bois. Les manifestants s’organisaient dans la forêt, aménageant
une clairière, installant des postes en hauteur sur quelques arbres,
édifiant des barricades de branchage et rassemblant des pierres.
La soirée se déroulait calmement, une
cantine mobile vegan (et délicieuse !) venant ravitailler la
centaine de personnes restées pour la nuit. Une nuit anxieuse,
cependant, puisque l’on pouvait penser que les gendarmes
interviendraient à l’aube du dimanche. Mais rien ne se passait
alors, et la matinée s’écoulait dans une attente indécise.
En début d’après-midi, alors que
l’assemblée générale se tenait, les gendarmes rentraient dans le
bois. Leur but : faire entrer un engin de chantier pour dégager
les barricades. Les affrontements reprenaient, dans le bois et en
lisière de forêt, sous un soleil éblouissant.
Mais face à des opposants déterminés,
comportant des « autonomes » ne reculant pas devant la
confrontation, la situation semblait indécise, avant que les
gendarmes ne finissent par reculer et revenir à l’entrée du bois,
jugeant sans doute que leur nombre - un escadron compte 72 hommes -
était insuffisant.
La forêt
restait occupée dans la nuit de dimanche à lundi. Lundi matin
18 juillet, le bois Lejuc restait occupé. Les opposants au
projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires ont gagné
une bataille. Et elle n’est pas que symbolique.
Les antinucléaire de Bure entrent en résistance dans le bois Lejuc
Bure (Meuse), de notre envoyée spéciale. - Après un dimanche sous tension dans la forêt, les militants antinucléaire de Bure, opposés au projet Cigéo d’enfouissement des déchets, sont sur le point de se faire expulser du bois Lejuc – ils ne semblent pas vouloir opposer une résistance farouche sur le long terme. « Ce qui compte, c'est d'avoir repris le bois lors d'une belle journée samedi. Cela ne sert à rien de s'acharner, de s'épuiser, de prendre des risques. Maintenant, on réfléchit au coup d'après. Mais ce qui est sûr, c'est qu'on est au début de quelque chose d'un peu plus grand et un peu plus fort », se félicitait Sylvestre (prénom d'emprunt) dimanche soir.
Les
manifestants devant le bois Lejuc, le 16 juillet 2016 © AD
|
Samedi
16 juillet, c'est en criant « Et la forêt elle est à
qui ? Elle est à nous ! » que plusieurs
centaines de manifestants – 400 selon les organisateurs –
se sont avancés vers le bois de la discorde, dans la forêt de
Mandres-en-Barrois, tout près de Bure. Ces quelque 220 hectares sont
l'objet d'une bataille juridique mais surtout symbolique entre
l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra)
et les militants contre le nucléaire.
C'est autour de la Maison de la résistance de Bure, qui existe depuis dix ans pour lutter contre l'enfouissement à grande profondeur des déchets nucléaires hautement radioactifs, que la lutte se réorganise. BureStop, la Confédération paysanne, Sortir du nucléaire… de nombreuses organisations soutiennent cet élan collectif contre le stockage, à 500 mètres sous la surface, des rebuts de haute activité et à vie longue de toute la production nucléaire française. Après plus de 20 ans, la lutte contre la « poubelle nucléaire » semble trouver un nouveau souffle. Le bois Lejuc a été occupé une première fois pendant plusieurs semaines au mois de juin. Les occupants ont été expulsés le 7 juillet, au petit matin, avant que le tribunal ait pu statuer sur leur expulsion. Ils ont finalement été déboutés de leur contestation… mais le 15 juillet, plus d'une semaine après les faits.
Entre-temps, les antinucléaire avaient promis de revenir, et appelé des renforts lors du festival de Notre-Dame-des-Landes les 9 et 10 juillet, afin d'ouvrir un « été d'urgence ». Rendez-vous fut pris ce samedi 16, pour « réoccuper le bois ». Des manifestants venus d'un peu partout en France, et des représentants d'associations locales se sont réunis derrière les habitants de la Maison. En colère d'avoir vu une vingtaine de députés adopter presque en catimini le lancement d'une phase pilote de Cigéo le 11 juillet, ils voulaient que la journée de manifestation « soit une fête ».
Des
voitures aux plaques dissimulées, par crainte du fichage, sont
garées dans le village « qui n'a jamais été aussi
animé », aux dires d'un local, et un bus a été affrété
spécialement depuis Nantes. Martial Chateau, administrateur du
réseau Sortir du nucléaire, fait partie de ceux qui ont voyagé
toute la nuit pour soutenir les opposants du cru. « Tout ce
qui s'est fait dans le nucléaire s'est fait sur la base du
mensonge », tranche-t-il, pointant le « mythe »
de la réversibilité votée par les députés, qui permettrait de
changer d'avis sur le sort des déchets de Bure pendant 100 ans.
Comme le laboratoire de recherche installé ici depuis 2011, il
s'agit pour Laura, porte-parole du réseau, « d'arguments
mis en avant pour favoriser l'acceptabilité sociale du projet ».
Autrement dit, pour faire passer la pilule progressivement.
La tête du cortège,
équipée de casques, cagoules et protections, s'est retrouvée face
à la ligne de gendarmes mobiles déployée le long du bois Lejuc en
début d'après-midi ce samedi. Jets de projectiles et tirs de
lacrymogènes se sont répondu une heure durant, alors que le gros
des manifestants est resté en arrière, dans une ambiance plus
festive. « On a regardé de loin, c'était vachement beau.
Les enfants ont cru que c'était des feux d'artifice »,
s'amuse une famille venue des Vosges. Une Parisienne
« anarchiste et antinucléaire de longue date »,
habituée des manifestations contre la loi sur le travail, se réjouit
de pouvoir manifester en plein champ, « au moins ils ne
pourront pas nous nasser », rigole-t-elle.
Les équipes médicale et
juridique du mouvement d'occupation font état de cinq personnes
blessées par les vigiles, au dos, aux membres et à la tête, dont
une aurait temporairement perdu connaissance. Les victimes auraient
été « molestées à coups de bâtons et de matraques,
de coups de pieds et de poings, elles ont reçu des jets de
pierre, ont été gazées directement dans le visage et, pour
certaines d’entre elles, se sont fait enfoncer la tête dans
le sol, taper sur le crâne et rouer de coups ». Le
communiqué fait aussi état de trois manifestants blessés par des
tirs de flash-ball et de grenades de désencerclement. Les
organisateurs accusent également les forces de l'ordre
d'avoir « entretenu un rapport ambivalent » avec
ces vigiles qui auraient été laissés libres de commettre des
violences.
Dimanche, la journée a
de nouveau été houleuse. Côté préfecture, on se borne à
expliquer que « tout comme hier [samedi –
ndlr] les forces de l'ordre adoptent une réponse maîtrisée
face à des agresseurs casqués et cagoulés qui envoient des
projectiles. Il n'y a pas d'action, que des réactions ». Quatre
personnes ont été placées en garde à vue samedi et entendues dans
la journée de dimanche puis laissées libres sans poursuites.
Malgré ces tensions,
dans la forêt, la cantine, les tentes et cabanes ont été
installées, et protégées par des barricades de bois mort.
Les ZIRAdiés, comme ils se baptisent en référence à la Zone
d'Intérêt pour la Reconnaissance Approfondie de l'Andra, savent que
leur retour dans la forêt n'est que temporaire. Mais s'ils doivent
abandonner le bois, ils entendent « prolonger la
mobilisation autrement ».
« C'est
le désert qui avance »
Dans ces grands espaces de culture céréalière, un des enjeux à venir est de mobiliser le monde paysan pour que la contestation reste ancrée localement. Certains agriculteurs, souvent proches de la Confédération paysanne, sont déjà acquis à la cause de longue date, notamment en raison des nombreuses acquisitions foncières de l'Andra qui provoqueraient une forte hausse des prix des terres. « On essaie d'être présents à chaque fois qu'il y a des projets qui accaparent les terres », explique Michèle Roux, membre du bureau national de la Conf', le syndicat d'agriculteurs qui s'engage contre « un projet inutile et dangereux ». « Je suis mère et grand-mère, je sais ce que cela veut dire “génération future” », regrette-t-elle en faisant allusion à la durée de vie des déchets radioactifs.
À
la sortie de Bure, un panneau chaussée "iradiée"© AD
|
Parmi
les paysans du coin, Jean-Pierre habite Cirfontaines, à une dizaine
de kilomètres de Bure. Face à la pression foncière « chacun
croit qu'il va s'en sortir en grossissant, mais c'est le désert qui
avance », regrette ce céréalier de 56 ans. Depuis son
hangar, on distingue nettement la ligne de chemin de fer par laquelle
deux trains hebdomadaires devraient, à terme, acheminer les déchets
nucléaires vers le site Cigéo.
Sur place en effet, la contestation ne dépasse guère le périmètre associatif. Michel Marie, porte-parole du Cedra52, se félicite que « le monde paysan commence à bouger, c'est un bon baromètre ». « L'adversaire, ce n'est pas l'Andra, ce n'est pas l’État, c'est le fatalisme et la résignation. Il s'agit de notre problème de citoyens », développe celui qui compte sur « une convergence des résistances contre les grands projets imposés dans toute la France ».
Les élus locaux sont
tous officiellement favorables à Cigéo depuis que Jean-Pierre
Remmele a perdu son siège en 2014. Celui qui fut maire de Bonnet
n'était pas un opposant « avant d'être confronté à
l'Andra et à ses méthodes », peste-t-il. « Ailleurs,
sur des projets comme ça, il n'y a pas d'argent versé. Ce n'est
qu'un labo pour l'instant ! »,
s'étonne-t-il. Lorsqu'il était maire, son conseil municipal a
été le seul à voter contre l'enfouissement des déchets dans le
sous-sol de la commune. Jusqu'à son départ, il a multiplié les
réunions d'information sur le nucléaire : débats, projection
de films, invités... « mais sur les 70 à 100
personnes que nous parvenions à réunir, 90 % étaient déjà
des militants antinucléaire ». Depuis le campement
« anti-autoritaire et anticapitaliste contre le nucléaire et
son monde » organisé à l'été 2015 à Bure, « il
y a un nouveau mouvement », assure-t-il. Et d'affirmer :
« Oui, je suis content qu'ils soient là, les jeunes. »
Aurélie
Delmas - Médiapart
Street Medic Paris: plus Bure sera leur chute...
Le 20 juil. 2016
Ce samedi 16 juillet
2016, des habitant.e.s, des paysan.ne.s, des militant.e.s, des
familles et des soutiens internationaux, ont participé à la
manifestation de réoccupation de la forêt de Mandres-en-Barrois. Ce
bois tricentenaire, ayant déjà subi les dégâts causés par les
premiers travaux illégaux de l’ANDRA, est voué à disparaître
pour laisser place au projet insensé d’enfouissement des déchets
nucléaires CIGEO.
Ce cortège d’au moins
400 personnes, unies par le désir de défendre ce bois et d’empêcher
la poursuite de ce projet et de ces travaux illégaux, a convergé
vers la forêt. Cette manifestation joyeuse et déterminée s’est
achevée par un grand repas et par une nuit au sein du bois Lejuc.
Au lendemain de cet
événement, les équipes médicale et juridique du mouvement, ayant
pris en charge les personnes blessées et
recueilli de nombreux témoignages, en tirent un constat
alarmant.
Tout au long de la
journée du 16 juillet, les participant.e.s ont rapporté les
innombrables agressions commises par le service de sécurité privé
de l’ANDRA. Equipés de boucliers transparents, de casques, de
matraques, de sprays lacrymogènes, de manches de pioches et de
frondes, ces soi-disant « vigiles » chargés de la
sécurisation du site se sont en réalité constitués en une
véritable milice mobile, allant au contact et pourchassant dans les
champs et dans les bois les manifestant.e.s pour les passer à tabac
et voler leurs affaires.
Les personnes agressées
ont été molestées à coups de bâtons et de matraques, de coups de
pieds et de poings, ont reçu des jets de pierre, ont été gazées
directement dans le visage et, pour certaines d’entre elles, se
sont fait enfoncer la tête dans le sol, taper sur le crâne et rouer
de coups.
Suite à ces faits,
l’équipe médicale fait état d’au moins 5 personnes
blessé.e.s, présentant des traumatismes et blessures ouvertes à la
tête, ainsi que de multiples blessures au dos et aux membres. Une de
ces personnes a perdu connaissance pendant quelques instants. De
nombreuses personnes sont en état de choc suite à ces violences.
En outre, 3 manifestants
ont été blessés par des tirs de Flash-Ball et de grenades de
désencerclement effectués par les gardes mobiles. Ils présentent
diverses lésions aux jambes et au bras. Plusieurs participant.e.s
témoignent également de jets de pierre non seulement par les
vigiles mais aussi par les gendarmes.
En effet, ces derniers
ont constamment entretenu un rapport ambivalent concernant les actes
de la milice de l’ANDRA. Comptant sur ces mercenaires pour faire le
« sale boulot », les forces de gendarmerie se sont à
plusieurs reprises retirées afin de laisser les groupes de vigiles
agir librement puis sont intervenues pour arrêter des
manifestant.e.s agressé.e.s. Quatre participant.e.s ont été
placé.e.s en garde-à-vue.
Par ce communiqué, nous
tenons à dénoncer le caractère insupportable des ces violences
graves infligées par la milice privée de l’ANDRA et de la
connivence à peine cachée de ces dernières avec les forces de
gendarmerie. Nous condamnons la présence de groupes armés et
violents distillant un tel climat de terreur pour le compte de
l’ANDRA.
Infos : vmc.camp/fil-info
/ vmc.camp / burestop.eu / burezonelibre.noblogs.org
Contact :
sauvonslaforet@riseup.net / Tel. (médias) : 07 58 65 48 89 / Tel.
(infos relais urgence) : 07 58 13 18 61
Dimanche 17
juillet, Bure.
►Des
nouvelles du Kurdistan
à travers l’excellent n°6 du journal Merhaba hevalno, disponible
en ligne.
Les
numéros précédents sont trouvables
ici.
►On
apprend la naissance d’une
nouvelle zad, dans le Tarn
contre un projet d’implantation d’éoliennes. Ca en parle dans la
Dépêche.
On
appréciera le commentaire du responsable de la société qui dit se
sentir proche de "ces gens là" et imaginer qu’ils sont
"probablement mal informés". Comme quoi le lobby de
l’éolienne industriel nous prend pour des con.nes, heureusement
que les riverain.es se mobilisent, courage à vous !
Mercredi
20 juillet
►Après
un week-end et un début de semaine particulièrement intense à
Bure, retrouvons-nous SAMEDI 23 juillet à 10h30 à Bure
pour une balade tranquille dans la forêt de Mandres et aux alentours
et un repas partagé !
Profitons
du lancement de l’initiative de naturalistes en lutte sillonant les
environs pour, nous aussi, faire des "Découvertes en forêt",
ainsi que le propose l’ANDRA dans son exposition de propagande sur
les écosystèmes forestiers.
Ramenez
des bonnes chaussures de marche, de quoi boire et de quoi manger !
Il n’y a aucune raison pour qu’ils nous empêchent de rentrer
dans ce bois !
Et
la forêt elle est à qui ? Elle est à nous !
Faites
tourner !
Le programme des temps collectifs à venir : http://vmc.camp/programme-a-venir/
vmc.camp / 07 58 65 48 89 / sauvonslaforet@riseup.net
Vendredi
22 juillet
M. Valls a inauguré le tunnelier qui va forer le Lyon Turin
Le premier ministre a inauguré le 21 juillet le tunnelier géant qui va commencer, côté français, le creusement d’un tunnel du Lyon Turin. Toutes les critiques de ce projet de 26 milliards, dont celle de la Cour des comptes, restent ignorées.
Saint-Martin-de-la-Porte (Savoie), reportage
Le tunnelier qui va creuser une partie de la ligne ferroviaire entre Lyon et Turin a été inauguré jeudi 21 juillet en présence de Manuel Valls. Dans quelques jours, cette gigantesque machine de 135 mètres de long, 11 mètres de diamètre et 2.400 tonnes, « d’une puissance équivalente à huit moteurs de Formule 1 », comme le précise le communiqué de presse de l’événement, commencera à creuser la montagne au niveau de Saint-Martin-de-La-Porte pour aboutir aux vallées du Piémont, en Italie.
L’excavation de cette galerie de 9 kilomètres de long n’est que la première étape d’un chantier pharaonique. En effet, le projet Lyon-Turin prévoit la construction d’un tunnel de 58 kilomètres, et de 270 kilomètres de lignes nouvelles.
Quelque 300 personnes ont été conviées à ce raout avec visite guidée, amuses-bouches, et discours du premier ministre. Des élus, des fonctionnaires de collectivités locales, et des professionnels du secteur des transports, pour la plupart convaincus de la pertinence de ces travaux.
Pourtant, les organisations ou partis politiques qui dénoncent ce grand chantier ne manquent pas. Il y a, entre autres, France Nature Environnement, Sud-Rail, Vivre en Maurienne, le Parti de gauche, ou Europe-Ecologie Les Verts.
Supposé désengorger les tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus – 1.200.000 camions de marchandises y circulent chaque année -, cette ligne s’est révélée très complexe à réaliser. En plus de provoquer la destruction d’espèces protégées et de tarir les sources et les massifs, elle coûterait extrêmement cher : 26,1 milliards d’euros selon un référé de la Cour des comptes publié le 5 novembre 2012.
« C’est un projet absurde, démesuré et inutile, puisque des liaisons ferroviaires existent déjà, y compris pour le fret, et qu’elles sont pour le moment largement sous exploitées », a indiqué Europe Ecologie-Les Verts dans un communiqué publié le 20 juillet.
Tout ceci sur fond de conflits d’intérêt et de grandes vagues de contestation en Italie.
Jeudi 21 juillet, une dizaine d’opposants à la ligne essaient de sensibiliser journalistes et invités sur le parvis de la gare de Chambéry, où des navettes étaient affrétées pour l’événement. « On voudrait qu’ils entendent un autre son de cloche », explique Jean-Paul Richard, un militant.
Raté. Les personnes accréditées rejoignent rapidement le bus. Ils ne verront plus d’opposants, puisque des barrages de gendarmes sont installés sur les routes aux alentours du site.
|
Une
fois sur place, l’opération séduction de la Tunnel Euralpin
Lyon-Turin (Telt) commence. Cette société a été créée le
23 février 2015, au moment de l’annonce du lancement des
travaux par François Hollande et Matteo Renzi, Premier ministre
italien. Composée de six groupes du BTP dont Spie batignolles et
Eiffage, elle est en charge de la construction et de la gestion de la
future ligne.
Un
« Storybook » de 46 pages dédié notamment à
l’histoire du Lyon-Turin est distribué, ainsi que des casques de
chantier en plastique.
Transparence : « Manuel Valls ne répondra à aucune question »
Puis
la cérémonie d’inauguration de « Federica »
(le doux nom du tunnelier) démarre dans la galerie souterraine où
est installé l’engin. Manuel Valls, entouré d’une poignée de
VIP, regarde un film de promotion projeté sur la voûte du tunnel :
« … un réseau qui rendra les citoyens européens encore
plus citoyens du monde », conclut une voix féminine. Puis
une violoniste joue l’Ode à la joie, l’hymne européen.
Et
pas question de plomber l’ambiance. « Manuel Valls ne
répondra à aucune question », nous prévient le
conseiller en communication de l’événement.
La
majorité de l’assemblée et les journalistes, restés en surface,
peut ensuite descendre par petits groupes dans la galerie. Dans un
minibus, notre groupe entame une descente de 9 kilomètres, dans les
tunnels de service construits entre 2002 et 2010.
Le
véhicule s’arrête à l’entrée du tunnelier, à 700 mètres
sous terre. Nous montons sur la passerelle qui encadre le long
cylindre pour remonter vers sa « tête ».
|
La
gigantesque machine a été fabriquée au Creusot, puis démontée
pour être transportée. 34 convois exceptionnels ont été
nécessaires pour acheminer l’engin jusqu’à
Saint-Martin-la-Porte.
Des
lumières, oscillant entre le bleu et le vert, donnent un look
futuriste à Federica. Des ouvriers – tous ont moins de 30 ans et
un sourire ultra brillant – veillent à ce que les visiteurs ne se
blessent pas.
Carole,
employée de la Telt et guide improvisée, nous explique comment
fonctionne la machine. « Sa tête broie la roche en tournant
sur elle-même. Les matériaux sont immédiatement évacués sur une
bande transporteuse. » Ces sortes de tapis roulants
remontent la galerie jusqu’à la surface, puis empruntent des tubes
métalliques qui courent à travers le paysage des Alpes pour cracher
les gravats deux kilomètres plus loin.
|
- La
machine devrait ainsi creuser le mont Cenis d’une dizaine de
mètres par jour environ, fonctionnant 24 heures sur 24, 7 jours sur
7.
Une perspective qui
enthousiasme Hubert du Mesnil, le président du Telt. « De
manière symbolique, nous aurons désormais deux tunneliers qui
creusent des deux côtés de notre montagne, déclare-t-il
pendant son discours. Federica, nous venons de le voir, est prête
à se mettre au travail alors que sa cousine, Maddalena, le fait déjà
depuis quatre ans. » Le tunnelier italien a déjà creusé
5,5 kilomètres sur les 7,5 prévus pour cette partie de l’ouvrage.
Puis,
Manuel Valls le remplace au micro. « Il y a urgence à agir
pour le ’report modal’ de la route vers le rail,
affirme le Premier ministre. Il permettra de réduire les
émissions de gaz à effet de serre, en particulier dans les vallées
de l’Arve et de la Maurienne. Ce projet participe ainsi de notre
effort pour respecter les engagements pris en matière de
réchauffement climatique lors de la COP21. »
« Sur
le rapport du conseil d’administration de 2015, la date de mise en
service est estimée à 2031, commente Daniel Ibanez, membre de
la Coordination des opposants au projet Lyon-Turin, joint après
l’événement. Pendant 15 ans, les habitants des vallées
alpines vont donc continuer de subir la pollution, alors qu’il
serait possible de rénover la ligne ferroviaire existante pour
attirer les transporteurs routiers. »
Un
détail pour Manuel Valls, qui parle d’un « ouvrage qui
vaudra pour les générations à venir qui dans 20, 30, 40 ans
profiteront de ce que nous entamons aujourd’hui », et
pour son auditoire qui l’applaudit à tout rompre.
Fiers
de gaspiller l’argent public. De gauche à droite Jean-Pierre
Bernard, maire de Saint-Martin-de-la-Porte, Hervé Gaymard, président
du Conseil départemental de Savoie, Emilie Bonnivard,
vice-présidente à l’agriculture du Conseil régional
d’Auvergne-Rhône-Alpes, Paolo Foietta, commissaire du gouvernement
italien chargé du Lyon-Turin, Michel Destot, député de l’Isère,
Jean-Pierre Vial, sénateur de Savoie, Bernadette Laclais, députée
de Savoie, Manuel Valls, et Béatrice Santais, députée de Savoie.
Infos du 25 au 31 juillet
La répression gouvernementale commence à se servir de vigiles privés armés
Lors
des manifestations de réoccupation du bois Lejuc, près de Bure, les
16 et 17 juillet derniers, les forces de l’ordre ont utilisé
une nouvelle méthode, consistant à s’appuyer délibérément sur
des milices privées armées et dénuées de fonction officielle,
témoignent les auteurs de ce texte.
Lors de la manifestation
pour la réoccupation du bois Lejuc à Mandres-en-Barrois, samedi
16 juillet, les vigiles de l’Andra (Agence nationale pour la
gestion des déchets radioactifs) ont multiplié les agissements
extrêmement agressifs et violents à l’encontre des
manifestant-e-s, et ce sous l’œil bienveillant, voire avec la
collaboration, de la gendarmerie nationale.
Il est nécessaire de souligner que ces
« vigiles » sont en fait de véritables
mercenaires, des nervis à la solde de l’Andra, dont le rôle n’est
bien sûr pas d’assurer la protection du bois Lejuc, mais bel et
bien de terroriser les manifestant-e-s et l’opposition populaire au
saccage de ce bois par l’emploi de méthodes paramilitaires
d’intimidation et d’agression.
En témoigne ainsi leur équipement,
complètement hétéroclite, mélange de matériel militaire, de
boucliers en plexiglas, de protections sportives, de lunettes de ski,
etc. On est bien loin de la tenue particulière que doivent revêtir
les agents de sécurité privée. On pourra notamment remarquer sur
les photos prises ce week-end par divers journalistes l’absence
totale d’identification ou d’insigne, pourtant obligatoire.
Mais, outre leur accoutrement, le plus
frappant est probablement leur armement, comprenant bombes
lacrymogènes d’importante capacité, gants plombés, voire manches
de pioches et bâtons de fortune en guise de matraques. Les gendarmes
sont à peine mieux équipés !
Et si, lorsque les caméras de France
3 filment
les débordements violents de ces vigiles contre des
manifestant-e-s pacifiques, les gendarmes ont tôt fait d’endosser
le beau rôle et de s’interposer, il ne faut pas se leurrer :
les hommes de main de l’Andra constituent pour les gendarmes
mobiles un appui incontestable, prêts qu’ils sont à faire toute
la sale besogne que les forces de l’ordre « officielles »,
bridées par leur « code de
déontologie », ne peuvent se
permettre.
Pour preuve, on pourra par exemple
constater la présence de ces nervis de l’Andra au beau milieu des
gendarmes mobiles sur les photos ci-dessus, prises samedi midi sur la
Voie Romaine (une voie publique, donc, située hors du bois Lejuc),
équipés et armés de bâtons, sans le moindre insigne ou brassard,
avec la bénédiction du commandant de gendarmerie, positionné
seulement à quelques mètres d’eux. Peu de temps après que ces
images ont été prises, ces vigiles ont même été jusqu’à
frapper des personnes assises à terre, comme l’attestent les
images explicites diffusées par France 3.
Le samedi après-midi, ce sont des
charges très violentes, indéniablement concertées et coordonnées
entre gendarmes mobiles et vigiles, qui ont été menées contre les
manifestant-e-s qui souhaitaient s’approcher de l’imposant mur
d’enceinte en béton que l’Andra est en train d’ériger tout
autour du bois Lejuc. À plusieurs reprises, les manifestant-e-s,
pris-es sous une pluie de grenades lacrymogènes, furent attaqué-e-s
sur le flanc par des groupes de vigiles frappant aveuglément
tou-te-s celles et ceux qui passaient à leur portée.
Les personnes qui furent attrapées par
les vigiles lors de ces charges ont alors été exfiltrées derrière
leur position puis, maintenues au sol, elles ont été rouées de
coups (pieds, poings, bâtons, etc.) et aspergées de gel lacrymogène
à bout portant en plein visage. Plusieurs interminables minutes plus
tard, leur supplice enfin achevé, ces personnes furent remises aux
gendarmes, bien contents d’avoir pour une fois le beau rôle dans
cette tactique éculée de manipulation psychologique du « good
cop / bad cop ».
Les témoignages recueillis par
l’équipe juridique, et les nombreuses blessures qui ont dû être
soignées sur le terrain par les équipes médicales, attestent
tou-te-s de l’extrême violence déployée par les mercenaires de
l’Andra, et de l’impunité que les gendarmes leur accordaient.
Dimanche 17 juillet lors de
l’après-midi, l’assaut de la barricade sud fut à nouveau une
opération concertée et coordonnée entre forces de gendarmerie et
miliciens de l’ANDRA, comme en témoigne la photo publiée le
lendemain par l’Est Républicain (voir ci-dessus). Encore
une fois, les vigiles (situés sur la droite de la photo) ne portent
aucun insigne ni brassard, mais sont bel et bien armés : un
imposant gourdin en bois est très nettement visible, par exemple.
Dans un
contexte électrique où la seule réponse du pouvoir aux mouvements
sociaux massifs qui traversent le pays est une répression policière
et judiciaire violente et systématique, sans cesse renforcée par un
état d’urgence prolongé jusqu’à la nausée ; dans un
contexte où l’opinion publique face à l’atome tend à
s’inverser, et où le nucléaire civil ne pourra bientôt plus
servir de cache-sexe aux intérêts militaires, économiques,
industriels, et néo-coloniaux de la France ; nous ne pouvons
que nous inquiéter de voir l’État et l’Andra recourir à des
milices privées, formées de mercenaires armés et violents,
agissant en toute impunité et hors de tout cadre légal. Nous
dénonçons la présence de tels groupes paramilitaires au sein du
bois Lejuc, ainsi que la connivence des forces de l’ordre qui
profitent bien de cette situation.
vmc.camp
- Reporterre
Mercredi
27 juillet
Bure :
Demain, ça se bouge dans le bois Lejuc ! "Les travaux
pour CIGEO continuent dans le bois Lejuc. N’attendons pas le
week-end pour agir !
Nous
vous proposons donc une action contre les travaux de la poubelle
nucléaire ce Jeudi 28 à 5h. Nous avons les grandes lignes en tête,
et nous vous invitons à un rendez-vous à la maison de la résistance
Mercredi à 20h pour régler les derniers détails.
N’hésitez
pas à venir passer la nuit à la maison, avant une matinée joyeuse
et rageuse.
Vendredi
29 juillet
Golf
de Villenave d'Ornon (33) :
Reporterre :
A
Bordeaux, la justice poursuit l’opposant au golf, mais pas son
agresseur conducteur d’engin
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