Une idiocratie est une nation dirigée par une poignée d’abrutis
richissimes, suprémacistes et autoritaristes, n’ayant à cœur que la
conservation de leurs privilèges au détriment de la préservation du
vivant ET de la santé, de l’éducation, du bien-être, de la liberté des
citoyens, en majorité, eux, non-idiots.
Oui, nos dirigeants qu'ils soient des politiques ou des milliardaires
sont abrutis par le pouvoir, le cumul des richesses, la certitude d'être
supérieurs racialement et intellectuellement, convaincus d'une sorte de
pouvoir divin qui leur donne le droit de vie et mort sur des
populations, ces dernières conditionnées à penser qu'il n'y a pas
d'alternative à ce système de domination. Ces idiocrates n'ont pas de
réflexion à long terme et se sentent protégés de tout péril climatique
ou épidémique.
En idiocratie,
le flot de désinformation, de mensonges, d’injustices est tel que ses
citoyens, sont en état de sidération permanent, ne sachant plus quelles
luttes rejoindre pour améliorer leur quotidien. Les idiocrates profitent
de cette paralysie de la population pour adopter des lois d’exception
ultrasécuritaires, racistes et ségrégationnistes afin de détourner
l’attention de l’opinion vers une catégorie d’individus qu’ils
désigneront comme les ennemis de la nation. En France, ce seront les
personnes de confession musulmane et les migrants ; aux États-Unis, ce
seront les personnes noires, les personnes LGBTQ+, les migrants (aussi)
et les femmes. Et bis repetita en Italie, en Pologne, en Argentine, en
Russie…
Les idiocrates ont
une appétence particulière pour la réécriture de l’Histoire. De la
promotion des anciens régimes nazis au régime de Mussolini, en Hongrie
comme en Italie, on invente et on réécrit le fascisme. La chef du
gouvernement italien refuse que l’on utilise les mots « fascisme » ou «
extrême-droite ». Et un jour de janvier 2025, tous les idiocrates du
monde se sont donnés la main pour faire passer deux saluts nazis
parfaitement exécutés pour des cœurs envoyés à la foule. Le président
des États-Unis, lui, s’attaque a son ennemi juré : le wokisme. Derrière
ce mot qu’il utilise à tort et à travers se cachent en réalité :
l'antiracisme, l’écologie, les sciences, la santé, l'éducation, les
droits des femmes et des personnes LGBTQ+, les faits historiques. En
atteste ses actes. Il a posé un ultimatum scandaleux aux scientifiques :
bannir tout un lexique environnemental et social de leurs travaux sous
peine de voir leurs financements supprimés. Cette censure touche aussi
les ressources LGBTQ+ et la santé publique. Dans les 8 000 pages
internet effacées par l'administration Trump il y a les données de santé
publique : des informations sur les vaccins, les soins aux anciens
combattants, les crimes de haine, la recherche scientifique, un millier
d'articles classés dans la catégorie « prévention des maladies
chroniques ». 1 000 pages du département de la Justice ont aussi été
nettoyées, « comprenant notamment un article sur la violence dans les
relations amoureuses entre adolescents » (Le Point, 4 février). Aux USA,
d'après un rapport d'Amnesty International, « les tentatives
d’enlèvement et de meurtre, les actes d’intimidation et les agressions,
mais aussi les discriminations quotidiennes font partie des innombrables
violations des droits humains que les peuples autochtones subissent sur
le continent américain simplement parce qu’ils cherchent à défendre
leurs droits fondamentaux. »
Dans les idiocraties, les populations vivant sous le seuil de
pauvreté dépassent les 10 % pour certains pays occidentaux, comme la
France et l'Italie par exemple et peut monter à 50% lorsqu’un
libertarien et sa tronçonneuse prennent le pouvoir. Alors dans ces pays,
on continue d’adopter des budgets d’austérité où l’État pratique des
coupes budgétaires à hauteur de 24 milliards d’euros, toujours au
détriment de la santé, de l’éducation, du bien-être des citoyens et de
la conservation du vivant. En Italie, la suppression du revenu de
citoyenneté (équivalent du RSA) par Giorgia Meloni en pleine explosion
de l'inflation – + 8,1 % en 2022, + 5,7 % en 2023 – a porté le nombre de
personnes vivant sous le seuil de pauvreté absolue à 5,6 millions de
personnes. En Finlande, depuis juin 2023, la coalition centre
droit/extrême droite a présenté un vaste plan de coupes budgétaires
réduction des droits des travailleurs et des prestations sociales en
contournant les négociations. De nombreuses mesures transgressent les
conventions de l'Organisation Internationale du Travail.
Certains de ses idiocrates possèdent ou contrôlent des médias. C’est
ainsi qu’ils pourront faire passer un projet colonial et de nettoyage
ethnique pour une idée « révolutionnaire » nommée « Gaza, la côte d’azur
du Proche Orient ». Usant et abusant de cette novlangue, ils pourront
criminaliser les victimes d’un génocide en les faisant passer pour des
terroristes ou les déshumaniser en leur refusant d’exister en tant que
Palestiniens. En idiocratie, il est amplement admis de glorifier un
criminel de guerre antisémite ayant pratiqué la torture en Algérie. Il
est également de bon ton de criminaliser les militants antifascistes
lorsque ces derniers se font attaqués à l’arme blanche par des
groupuscules néonazis. Ces médias idiocrates n’hésitent pas une seule
seconde avant de diffuser des fakes news pouvant servir les intérêts
économiques, l’idéologie raciste, ou les appétences bellicistes de leurs
maitres : submersion migratoire, accusations calomnieuses
d’antisémitisme des musulmans et de la gauche, bébés israéliens
décapités. Tout y passe pour achever leurs ennemis politiques.
Si nous voulons lutter contre l’idiocratie, il faut lui opposer ce
qu’elle déteste le plus : le réel. Les faits historiques, les
définitions des mots, les études scientifiques, sociologiques,
économiques. Mais ce n’est qu’une partie de la lutte. Nous pouvons
continuer de manifester, de militer au sein d’associations, de faire des
actions de blocage. Mais malheureusement ce que j’appelle depuis le
début « idiocratie » c’est le Capitalisme, un ennemi qui possède les
moyens financiers et matériels pour anéantir toute possibilité de
contestation. Nous pourrions sortir de cet enfer en imposant la
décroissance mais cette dernière est un renoncement. Un renoncement à ce
que l’on connait. Pour une partie de la population, c’est le
renoncement à un « confort » nommé « consommation ». Pour une autre
partie, c’est renoncer à l’individualisme pour aller chercher le
collectif afin de « faire société ». Mais comment « faire société »
quand un pan de la population a embrassé, par facilité, ce discours de
la post-vérité et qu’un autre pan est en état de sidération face à la
marche destructrice de tous les idiocrates du monde ?

SOPHIE TREGAN
Autrice
Source : https://blogs.mediapart.fr/sophie-tregan/blog/200225/idiocratie
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