Gaza, après la trêve,
rien ne semble changer
pour les Palestiniens horrifiés
et un rôle plus important
pour les femmes.
30/01/2025
Gaza, 10 jours après l’entrée en vigueur du cessez-le feu, quelles
différences dans la vie de tous les jours pour les habitants, quelles
modifications sociétales peut-on aujourd’hui observer chez les
Palestiniennes et Palestiniens de Gaza ??
Le Cessez-le feu est entré en vigueur le 19 janvier 2025 et rien n’a
changé pour les Palestiniens de Gaza. Les drones sillonnent le ciel de
Gaza nuit et jour, on ne sort pas dans la rue après 19h, il fait froid
la nuit dans les maisons éventrées.
La situation humanitaire et sanitaire reste dramatique. Il n’y a rien.
Ni hôpitaux, ni centres médicaux, ni médecins, ni médicaments. Si les
citoyens ne meurent plus sous les bombardements, ils continuent de
mourir de manque de soin et d’eau potable. L’aide humanitaire
internationale ne peut faire face à la demande.
Le retour massif des 500 000 Palestiniens déplacés jusqu’à présent pose
de graves problèmes logistiques. Les camions d’aide n’entrent toujours
qu’au compte-gouttes dans le nord de la bande de Gaza. C’est toujours la
pénurie pour beaucoup de produits alimentaires comme la viande, les
légumes et les fruits.
Les personnes déplacées qui reviennent et cherchent leurs maisons n’ont
souvent plus rien et sont sous le choc de ce qu’elles voient, choc qui
sera très long à guérir.
Les services municipaux essaient de réparer les routes mais c’est très
difficile parce que les réseaux d’eau, d’électricité, les canalisations,
tout est détruit, sans oublier le manque de moyens. Les voitures ne
peuvent pas rouler sur les routes défoncées, il y a des tonnes de
gravats à déblayer.
Si la vie quotidienne des Palestiniens de l’enclave détruite n’a pas
beaucoup changé depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, on note
cependant un important bouleversement sociétal.
Le rôle des femmes n’est plus le même.
J’ai interrogé quelques femmes palestiniennes de Gaza à propos de leur ressenti après 15 mois d’horreur absolue.
Randa, avocate. Elle travaille avec moi dans la société civile et n’a jamais vécu une agression pareille.
Elle a insisté sur la place des femmes palestiniennes qui,
malheureusement, n’est pas encore vraiment reconnue ni rendue visible,
notamment dans les médias internationaux.
Aujourd’hui, souligne Randa, les femmes jouent un rôle beaucoup plus important dans la société.
Chaque femme ici est la mère de quelqu’un qui a été assassiné, arrêté,
blessé ou qui a disparu. Elle supporte l’insupportable et force
l’admiration par son courage et sa volonté.
En l’absence de mari ou d’homme à la maison, mort, arrêté, blessé ou
déplacé, les femmes ont dû prendre de nouvelles responsabilités.
Aujourd’hui, elles jouent un rôle social, psychologique et également économique dans la société palestinienne.
Si, avant la guerre, les femmes restaient généralement à la maison à
s’occuper des enfants et du ménage, elles sont maintenant nombreuses
dans les rues. Elles vont au marché, remplaçant leur mari décédé, elles
travaillent pour certaines comme vendeuses, d’autres vont chercher de
l’eau potable, du bois, du pain, elles vont charger les portables dans
des magasins qui sont pourvus de panneaux solaires, etc.
Si elles prennent des responsabilités nouvelles dans le sein de la
famille, les femmes sont également très actives à l’extérieur, dans les
centres éducatifs ré ouverts au mois d’octobre 2024 ? (90% des enseignants
sont des femmes). De même, elles s’organisent et font par exemple le
tour des maisons pour apporter leur soutien aux familles au travers de
réunions, de conférences, etc.
Lina, 23 ans, ingénieure diplômée.
Lina relève que de nombreuses femmes travaillent comme elle, en tant que
bénévoles dans les hôpitaux, les centres médicaux, les cliniques, les
organisations internationales et les associations locales. Leur rôle est
très important.
Aujourd’hui, les femmes ont le respect et l’admiration des hommes,
notamment des jeunes. Pendant les déplacements, les hommes prennent soin
d’elles et de la famille, portent les bagages et les meubles. On
assiste à un partage des responsabilités différent et ça, c’est nouveau.
Le courage et la détermination dont font preuve les femmes est extraordinaire.
Shadia, 67 ans, maman et grand-maman.
Shadia m’a parlé de ses petits-enfants qui viennent chez elle chercher
tendresse et réconfort après chaque attaque sanglante, chaque
bombardement.
Elle aussi observe une nouvelle reconnaissance du rôle de la femme par les jeunes.
Auparavant, les jeunes filles sortaient de chez elles pour aller au
lycée ou à l’université puis rentraient à la maison s’occuper du ménage
et aider leur mère.
Ce n’est plus possible maintenant, les bâtiments scolaires ayant été en
grande partie détruits. Ainsi, pour ne pas rester coincées à la maison
toute la journée, elles sortent et prennent des rôles qui n’étaient pas
les leurs auparavant.
Aujourd’hui, les pères font confiance à leurs filles. Elles peuvent
aller au marché, à la boulangerie, dans les associations pour obtenir
des colis alimentaires, au puits pour chercher de l’eau ou encore pour
charger les portables dans les magasins où on trouve des panneaux
solaires. On leur témoigne du respect en les laissant passer devant,
dans une queue séparée, devant la boulangerie par exemple.
Shadia elle-même encourage ses petites-filles à sortir.
Ainsi, on voit beaucoup de jeunes filles dans les rues. On reconnait
leur implication et c’est un élément nouveau et très important.
Shadia relève un autre changement important dans la vie quotidienne
palestinienne ? : aujourd’hui, l’homme aide beaucoup plus sa femme dans le
ménage. Malgré la trêve, il est très dangereux de sortir des maisons
après une certaine heure. L’homme passe donc plus de temps dans la
maison avec sa famille. Il s’acquitte, même spontanément, de tâches
ménagères autrefois dévolues aux femmes uniquement?: allumer le feu pour
la cuisine, faire le ménage, préparer le café, le thé ou les repas pour
toute la maison (la famille, les déplacés, etc.).
Les femmes ont montré, une fois de plus, leur courage et leur détermination.
Au cours de cette agression horrible, on peut dire que les hommes ont
appris des femmes la patience et la détermination. Ils ont également
réalisé que les femmes peuvent vivre sous pression sans se plaindre.
J’espère que cette reconnaissance nouvelle du rôle de la femme dans la société palestinienne persistera dans le futur.
Ziad Medoukh Gaza-Palestine
30/01/2025
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