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jeudi 31 octobre 2024

La situation s'aggrave au Chiapas (Mexique)

 

La situation 

s’aggrave au Chiapas


Une convocation, une dénonciation, deux communiqués

paru dans lundimatin#448, le 21 octobre 2024 
 

 

La répression et le harcèlement contre le mouvement insurgé zapatiste semble s’intensifier. Nous publions cette semaine deux communiqués. Le premier est une convocation à des rencontres internationales de rébellions et résistances tout au long de 2024 et 2025 autour du thème de « La Tempête et le Jour D’Après ». Le second émane du comité clandestin révolutionnaire indigène, il évoque des menaces récentes et la possible annulation des rencontres.

CONVOCATION

Octobre 2024.

Les Assemblées de Collectifs de Gouvernements Autonomes Zapatistes (ACEGAZ), les communautés zapatistes et l’EZLN convoquent toutes les personnes, groupes, collectifs, organisations, mouvements et peuples originaires qui ont souscrit à la dénommée « Déclaration pour la Vie », aux..

Rencontres Internationales de Rébellions et Résistances 2024-2025.

Thème : La Tempête et le Jour D’Après

Les sièges des évènements, tout comme leur réalisation, ne sont pas encore connus au vu de l’évidente situation d’insécurité et de violence que les 3 niveaux de gouvernement (fédéral, étatique et municipaux émanant des partis PRI, PAN, MC, PVEM, PT et MORENA), au Chiapas, ont provoquée, alimentée et dissimulée depuis plusieurs années. Bon, cette situation existe et persiste dans les parties et dans le tout de cette géographie appelée « Mexique ». Mais l’intention, c’est que ça se passe dans l’État du Chiapas, au Sud-est du Mexique.

Première date : deuxième quinzaine de décembre 2024 jusqu’au 3 janvier 2025. Lieu, en cours. Activité : dialogues zapatistes sur leur diagnostic de la tempête et sur la généalogie du commun pour affronter le jour d’après. Première présentation d’Art de jeunes zapatistes. Lieu : en cours.

Deuxième date : février-mars 2025. Musique, Théâtre, Peinture, Danse, Sculpture et Littérature du jour d’après. Lieu : en cours.

Troisième date : du 12 au 19 avril. Musique, Théâtre, Danse, Peinture, Littérature et Sculpture du Jour d’Après. Sciences : Physique, Chimie, Astronomie, Mathématiques, etc. Pratique et enseignement. Activités d’Arts et de Sciences, sans Électricité, seulement avec des instruments non électriques et avec des matériaux non commerciaux, sur le terrain, sans internet, sans combustibles fossiles. Lieu : en cours.

Quatrième date : juillet 2025.- Rencontres Semencières : chemins, rythme, compagnies et destinations pour le chemin du Jour d’Après. Signataires de la Déclaration pour la vie. Lieu : en cours.

Cinquième date : octobre-novembre 2025.- Marche-Tour-Cavalcade-Vol libre en l’honneur de nos ancêtres : pied nu, en sandale, chaussure, talon aiguille, tennis, botte, bottine, à tricycle, vélos, patins, rollers, trottinette, diable, brouette, moto, quad, cheval, mule (sans infraction), âne (qui ne soit pas un fonctionnaire public), en barque, bateau, ski, planche de surf, traîneau, chariot, treuil, auto, camionnette, camion, bus, semi-remorque, tracteur, pelleteuse, camion de chantier, fauteuil roulant, taxi, service à domicile par application, drone, avion, ULM, petits avions en papier, modèles réduits, moulinets, etc. Jours des morts : Autels et décorations mobiles, portables ou personnels en l’honneur de celles et ceux qui manquent. Lieu : dans les parties et le tout de la planète Terre.

Sixième date : deuxième quinzaine de décembre 2025. Semencier sur la Tempête et le Jour d’Après avec des exposés d’invité.e.s. Lieu : à définir.

Plus d’information dans les prochains textes qui seront publiés sur la page électronique : enlacezapatista.ezln.org.mx

Depuis les montagnes du Sud-est mexicain,
Sous-commandant insurgé Moisés.
Mexique, octobre 2024.

L’EZLN dénonce des agressions et des menaces contre ses bases d’appui

COMMUNIQUÉ DU COMITÉ CLANDESTIN RÉVOLUTIONNAIRE INDIGÈNE-COMMANDEMENT GÉNÉRAL DE L’ARMÉE ZAPATISTE DE LIBÉRATION NATIONALE.

MEXIQUE.


16 OCTOBRE 2024.

A LA SEXTA NATIONALE ET INTERNATIONALE,
AUX SIGNATAIRES DE LA DÉCLARATION POUR LA VIE,
COMPAS,

DEPUIS QUELQUES SEMAINES, DES HABITANTS DE PALESTINA MENACENT DES FEMMES, DES PERSONNES ÂGÉES, DES ENFANTS ET DES HOMMES DU VILLAGE ZAPATISTE « 6 DE OCTUBRE », APPARTENANT AU CARACOL DE JERUSALÉN, DE LES DÉLOGER DES TERRES QU’ILS OCCUPENT ET TRAVAILLENT DE MANIÈRE PACIFIQUE DEPUIS PLUS DE 30 ANS.


JUSQU’À CE « CHANGEMENT » DE GOUVERNEMENT, LE VILLAGE « 6 DE OCTUBRE » AVAIT VÉCU EN PAIX ET EN HARMONIE AVEC LES POPULATIONS DES ALENTOURS SANS QU’IL N’Y AIT NI FRICTIONS NI PROBLÈMES.
DEPUIS LE DÉBUT DE CE PROBLÈME, LE GOUVERNEMENT AUTONOME LOCAL (GAL) DE « 6 DE OCTUBRE » ET L’ASSEMBLÉE DE COLLECTIFS DE GOUVERNEMENTS AUTONOMES ZAPATISTES (ACEGAZ) DU CARACOL JERUSALÉN ONT PRIVILÉGIÉ LE DIALOGUE ET LES ACCORDS AVEC LES AUTORITÉS COMMUNALES DE PALESTINA, MAIS EN VAIN. CES AUTORITÉS DE PALESTINA SIGNALENT QU’ELLES COMPTENT AVEC LE SOUTIEN DES AUTORITÉS MUNICIPALES D’OCOSINGO ET DU GOUVERNEMENT DE L’ÉTAT DU CHIAPAS (PVEM ET MORENA RESPECTIVEMENT), ET QU’ELLES ONT DES INDICATIONS DE CES MAUVAIS GOUVERNEMENTS POUR REMETTRE AUX AGRESSEURS LES PAPIERS ACCRÉDITANT LEUR PROPRIÉTÉ SUR LES TERRES SPOLIÉES.


LES MÊMES HABITANTS DE PALESTINA SIGNALENT QU’IL EXISTE DES PRESSIONS DU DÉNOMMÉ CRIME ORGANISÉ POUR QUE SOIENT DÉLOGÉS NOS COMPAÑERAS ET COMPAÑEROS, ET QU’UN ACCORD A ÉTÉ PASSÉ ENTRE LE CRIME ORGANISÉ ET LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE GOUVERNEMENT AFIN DE DONNER UN CARACTÈRE « LÉGAL » À CETTE SPOLIATION.


LES MENACES ONT PEU À PEU MONTÉ DE TON JUSQU’À INCLURE LA PRÉSENCE DE PERSONNES DE PALESTINA AVEC DES ARMES LONGUES DE HAUT CALIBRE, DES MENACES DE VIOL ENVERS LES FEMMES, L’INCENDIE DE MAISONS ET LE VOL DE BIENS, DE RÉCOLTES ET D’ANIMAUX.


LES PROVOCATIONS NE CESSENT PAS. LE CARACOL DE JERUSALÉN ÉTAIT UN DES LIEUX ENVISAGÉS POUR LA CÉLÉBRATION DES RENCONTRES DE RÉSISTANCE ET RÉBELLION 2024-2025.


COMME NOUS DEVONS ÊTRE VIGILANTS CONCERNANT LA DÉTÉRIORATION DE CETTE GRAVE SITUATION, NOUS SUSPENDRONS TOUTE COMMUNICATION ET INFORMATION SUR CES DITES RENCONTRES ET NOUS ENVISAGERONS L’ANNULATION DE CELLES-CI PUISQUE LES CONDITIONS DE SÉCURITÉ POUR LES PARTICIPANT.ES NE SERONT RÉUNIES NULLE PART AU CHIAPAS.


TELLE EST LA RÉALITÉ DE LA « CONTINUITÉ DANS LE CHANGEMENT » CHEZ LES MAUVAIS GOUVERNEMENTS.

C’EST TOUT.

Pour le Comité Clandestin Révolutionnaire Indigène-Commandement Général de l’Armée zapatiste de Libération Nationale. Sous-commandant insurgé Moisés. Mexique, octobre 2024.
 
 

mercredi 30 octobre 2024

Silence pour Gaza, Mahmoud Darwich

Mahmoud Darwich,  

Silence pour Gaza

 

Mahmoud Darwish parle dans ce poème de la résistance de la population de Gaza, dans les premières années de l’occupation (1967-1974).

Silence pour Gaza

Elle s’est ceinte d’explosifs et elle éclate ! Va-t-elle mourir ? S’est-elle suicidée ? Non, non. C’est la manière de Gaza d’annoncer son imprescriptible droit à la Vie.

Voilà quatre ans que la chair de Gaza vole en éclats. Sorcellerie, magie ? Non, non. C’est l’arme avec laquelle Gaza s’acharne à défendre à l’usure son existence !

Voilà quatre ans que l’ennemi, épaté dans ses rêves, béat dans sa passion d’amoureux, fait sa cour au temps… Seulement, à Gaza, impossible ! Elle lui est si peu apparentée, et elle colle à ses adversaires ! Elle est une île, cette Gaza ! A chaque explosion – et elles n’arrêtent pas - le visage de l’ennemi est lacéré, ses rêves se fissurent, et le voici inquiet du temps qui passe, car à Gaza le temps est un autre temps. Le temps de Gaza n’est pas neutre, il n’envoûte pas le monde de froide impassibilité, mais contre le réel il se heurte et il explose ! Le temps là-bas ne transporte pas les enfants de l’enfance à la vieillesse, mais d’un bond, dès leur premier choc avec l’ennemi, il en fait des hommes.

A Gaza, voyez-vous, le Temps n’est pas à la détente, mais à l’affrontement. En plein midi on y brûle. Car à Gaza les valeurs sont tout autres, tout autres, tout à fait autres que les nôtres. Au fait, la seule valeur de l’homme réduit par une conquête, n’est-elle pas sa force de résistance à l’occupation ? Or c’est à cela seul que l’on s’exerce, là-bas à Gaza ! Elle s’est accoutumée à cette seule et grande et dure valeur, point apprise dans des livres ou dans des cours accélérés ni aux trompettes et aux grosses caisses des propagandes ni au son des hymnes patriotiques ! Toute seule, par sa propre expérience et par son labeur, pas pour la « montre », pas pour la parade ! Non, Gaza n’a pas de quoi se vanter de ses Armées, ou de sa Révolution, ou de son Budget. Elle n’a pas à exposer ses chaires puantes et volontairement elle répand son sang. Gaza, savez-vous, n’est pas douée pour les discours, son pharynx ne vaut rien, c’est par les pores de la peau qu’elle crie sang, et eau et feu !

Aussi, l’ennemi la hait-il, tant et tant d’elle il a peur qu’il ira bien jusqu’au meurtre, jusqu’au crime par noyades sous la mer, et sous les sables et dans les baquets de sang !

Aussi ses proches et ses amis l’aiment-ils, avec jalousie, avec effroi ! Car Gaza c’est la leçon sauvage, c’est l’étendard levé devant tous, indistinctement, ennemis ou amis !

Elle n’est point, Gaza, la plus belle des cités…

Elles ne sont point, ses plages, les plus riantes des plages arabes.

Elles ne sont point meilleures, ses oranges, que toutes celles du Bassin méditerranéen.

Elle n’est pas la plus cossue d’entre les villes, Gaza ! (Du poisson, des oranges, du sable, des tentes frémissantes sous le vent, des denrées de contrebande, et des bras, des bras à vendre à qui veut en acheter !).

Elle n’est pas non plus la plus délicate ni la plus imposante, mais elle vaut le poids d’or de l’histoire d’une nation entière – parce que c’est elle la plus laide aux yeux de l’ennemi, et la plus miséreuse, la plus loqueteuse, et la plus méchante ! Et parce qu’elle est parmi nous, celle qui a su troubler toute euphorie et toute quiétude ! et parce qu’elle est un cauchemar et que ses oranges sont piégées, ses enfants sans enfance, ses vieillards sans vieillissement, ses femmes sans plaisirs ! Telle est Gaza, la plus belle, la plus sereine, la plus cossue, la plus digne, parmi nous, d’être aimée à la folie !

Comme nous serions méchants si nous cherchions chez elle des poèmes ! Gaza de grande beauté, ne la déparons pas, elle qui n’a point eu de poètes à l’heure où nous, nous croyions, fichtre, et avec quelle joie quand l’ennemi nous permettait de chanter contre lui comme des vainqueurs !… puis les poèmes ont séché sur nos babines tandis que sous nos yeux l’ennemi achevait de construire ses villes, ses fortifications, ses routes !…
Comme nous serions méchants pour Gaza si nous en faisions une ville mythique ! Nous la haïrions trop quand nous la verrions, si petite ville et si pauvre ! (Et si résistante, non ?)

Furieux contre toute la fabrique des mythes, nous briserions nos derniers miroirs dans un long gémissement monté de notre ultime réserve de fierté ! C’est alors elle que nous maudirions, refusant de nous révulser contre notre propre image !

Comme nous serions méchants pour Gaza si nous la portions aux nues. Nous nous prendrions pour elle d’une passion et passionnément nous serions à l’attendre. Or Gaza ne viendra pas à nous… Gaza ne nous sauvera pas, elle n’a ni cavalerie, ni avions, ni baguette magique, ni bureaux dans les capitales. Elle se libère elle-même tout à la fois de nos beaux langages… et de ses conquérants. Et si, au coin d’un rêve, un instant nous la rencontrons, peut-être ne nous reconnait-elle pas, puisqu’elle est née du Feu, et nous d’Attente et de Pleurs.

Pas d’énigme dans le secret de la résistance. Elle est populaire, voilà tout. (Ce qu’elle veut, c’est expulser l’ennemi hors de ses propres habits.) Et la résistance adhère à la population comme la peau aux os. Nul n’y est l’élève et l’autre le maître.

La résistance ne s’est pas, à Gaza, institutionnalisée !

La résistance, à Gaza, n’a pas pris pignon sur rue.

Elle n’est parrainée par personne, ni ne lie son destin à des listes de signatures ou des empreintes digitales.
Que lui importent son nom, ses traits, sa voix ? Elle ne se prend pas pour l’inévitable sujet des bulletins d’information. Elle n’est pas photogénique, elle ne se farde pas pour les photographes, elle n’a pas en travers de sa figure le sourire « Colgate ».

Elle n’en veut pas. Nous non plus.

Les plaies de Gaza ne serviront pas de chaires de prédication ! Sa beauté veut que nous ne parlions pas trop d’elle, que nous ne jetions pas dans la fumée de ses rêves l’encens de nos chansons de femmes !

Donc, quelle mauvaise affaire pour nos courtiers et nos croupiers, mais quel trésor de l’esprit, quelle inestimable farce morale pour tous les Arabes !

Et nos exclamations sur la splendeur de Gaza ne l’effleurent même pas, rien ne la distrait, rien ne détourne son poing de boxer l’ennemi en plein visage !

Comment sera le gouvernement de l’Etat palestinien que, tout prochainement, nous établirons sur la côte orientale de … la planète Mars (aussitôt terminée son exploration !), comment on répartira les sièges du Conseil national palestinien, rien de tout ça ne la préoccupe, mais de toutes ses forces elle s’arc-boute dans son refus. Affamée, elle refuse, dispersée, elle refuse, embarbelée, elle refuse, mise à mort, elle refuse.

Peut-être – une mer tumultueuse peut bien engloutir une île minuscule – l’ennemi vaincra-t-il Gaza. Peut-être la décapiteront-ils de tous ses arbres…

Peut-être sèmeront-ils de leurs roquettes les ventres des enfants et des femmes, à Gaza. Et peut-être l’asphyxieront-ils sous la mer et sous les sables et dans les baquets de sang !

Pourtant :

Jamais elle ne se gargarisera de mensonges.
Ni ne dira aux conquérants : Oui !
Ni ne cessera d’exploser.

Va-t-elle mourir ?
S’est-elle suicidée ? Non, non. C’est la manière de Gaza d’annoncer son imprescriptible droit à la vie…

https://www.youtube.com/watch?v=JovA-hVe5VI&t=60s

Extrait de la « Chronique de la tristesse ordinaire », publié à Beyrouth en 1974. Les éditions du Cerf, 2009.

Traduit par Olivier Carré. Texte publié dans Agence Media Palestine en 2018

 

Source : https://souffleinedit.com/poesie-art-litteraire/silence-pour-gaza/ 

https://agencemediapalestine.fr/blog/2018/07/21/journee-noire-pour-la-palestine-silence-pour-gaza-poeme-de-mahmoud-darwich/

lundi 28 octobre 2024

Rémi Fraisse, 10 ans après : l’État meurtrier n’a pas étouffé le feu de la révolte

Rémi Fraisse, 

10 ans après : 

l’État meurtrier 

n’a pas étouffé 

le feu de la révolte

 

26 octobre 2024


 

De l’homicide de Rémi Fraisse en 2014 aux graves blessés de Sainte-Soline, le mouvement écologiste subit une répression policière croissante. Sans que cela éteigne la révolte, écrit Hervé Kempf dans cet éditorial.

C’était en 2014. Une autre époque. La « gauche » était au pouvoir, avec François Hollande, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve. Le mouvement climat n’existait pas. L’extrême droite ne saturait pas l’espace public. À Notre-Dame-des-Landes, les écologistes — assumant une radicalité de résistance — avaient remporté une bataille improbable : ils avaient fin 2012 repoussé l’assaut violent des gendarmes qui voulaient les expulser, distillant l’utopie de la zad dans l’imaginaire public.

Années molles, incertaines, où la « gauche de gouvernement » trahissait l’une après l’autre ses promesses, tandis que l’écologie politique ne parvenait pas à capitaliser sur ses succès récents. Mais sous la cendre des espoirs déçus et des lendemains sans perspective couvait le feu de la révolte contre la destruction du monde. Un feu follet virevoltant, que la petite équipe de Reporterre, professionnalisée en 2013, pouvait voir échauffer, ici contre un projet routier, là une extension d’aéroport, ailleurs des projets immobiliers délirants.

Dans le Tarn, la destruction d’une zone humide pour créer une retenue d’eau destinée à l’agriculture industrielle suscitait une lutte sourde et brutale, dans laquelle l’État, traumatisé par son échec à Notre-Dame-des-Landes, engageait des moyens violents et souvent illégaux contre une résistance non violente mais déterminée. De mois en mois, on voyait se renforcer la brutale pression policière, qui ne faisait qu’alimenter la détermination des militants, de plus en plus nombreux.

Récit mensonger de l’État

Le samedi 25 octobre, des milliers de gens se retrouvaient à Sivens : à un bout de la zone dévastée, où toute végétation avait été éradiquée pour un terrassement lisse et sans vie, une fête joyeuse ; à l’autre extrémité, où des escadrons de gendarmerie gardaient un enclos d’engins de chantier, cailloux et quelques cocktails Molotov avaient commencé à voler dans la nuit noire face à une pluie de grenades. C’est là que, soudainement, une ombre chuta, atrocement blessée par une grenade. Quelques gendarmes sortaient de l’enclos et emportaient précipitamment le corps sans vie. Puis, dans l’aube hébétée, les escadrons disparaissaient, laissant planer un doute amer sur la scène dévastée.

Reporterre suivait la lutte depuis des mois, et nos reporters étaient présents ce week-end. Dans la journée de dimanche, alors que l’on apprenait la mort de Rémi Fraisse, les autorités commençaient à installer un récit visant à rendre responsable de sa mort le jeune botaniste ou les militants. Mais sur place, nous recueillions des témoignages reconstituant le déroulement des événements, que nous croisions avec une source hospitalière. Dès le lundi matin, Reporterre pouvait ainsi révéler que Rémi Fraisse avait été tué par une arme des gendarmes. D’autres médias embrayaient, le récit officiel s’enrayait, l’État était contraint de reconnaître la vérité.

 

Sainte-Soline, le 25 mars 2023. 3 000 gendarmes, certains sur des quads et armés de LBD, défendaient le chantier de construction d’une mégabassine dans les Deux-Sèvres. © Thibaud Moritz / AFP

Le drame frappait l’opinion. C’était la première fois depuis la mort de Vital Michalon, en 1977, lors d’une manifestation antinucléaire, qu’un écologiste était tué par les forces de police. En filigrane, cet homicide montrait que l’État français accordait autant d’importance à la poursuite d’un modèle d’aménagement destructeur qu’à celle de son fuligineux programme nucléaire Superphénix (qui avait ensuite été abandonné).

La mort de Rémi Fraisse n’a pas freiné la violence policière

État violent, État menteur : le fait qu’un gouvernement soit prêt à mentir pour couvrir ses actes illégaux n’est certes pas une nouveauté. Mais, autant le redire, ce qui rappelle l’importance essentielle des contre-pouvoirs, à commencer par une presse libre, mais aussi par des forces politiques capables de questionner ou déstabiliser des gouvernants indignes.

Un troisième constat, plus étonnant, est que l’homicide de Rémi Fraisse n’a pas modifié le comportement de l’État ni freiné la violence policière. L’objet du conflit, une grande réserve d’eau, a pourtant été abandonné par la suite. Comme après Notre-Dame-des-Landes (lui aussi abandonné), la leçon de Sivens aurait dû être qu’une réelle discussion et qu’une analyse contradictoire des projets d’aménagement sont indispensables. Mais l’État s’obstine à imposer des infrastructures détruisant l’environnement et ne répondant pas aux besoins sociaux. Il reproduit la violence : à Sainte-Soline, sur l’A69, le même schéma absurde est à l’œuvre. Refus de dialogue, non prise en compte des expertises contraires (même quand elles émanent d’organismes officiels), piétinement des avis défavorables dans les enquêtes publiques.

Notons qu’une fraction du Parti socialiste ne semble rien avoir retenu de Sivens, puisque l’on voit Carole Delga soutenir le projet climaticide de l’A69 et la violence policière insensée qui l’entoure. Le déni de ces instances de réflexion contraint les citoyens opposés à renforcer leur résistance, à quoi l’État répond par la violence. Tout ceci se traduit par un climat délétère et une excitation générale des esprits. L’État n’apparaît plus comme porteur de l’intérêt général, mais comme le défenseur d’intérêts particuliers défendus à n’importe quel prix.

« L’État apparaît comme le défenseur d’intérêts particuliers »

Et ce prix semble toujours plus élevé. Si le type de grenade explosive avec laquelle un gendarme a tué Rémi Fraisse a été interdite, d’autres presque aussi dangereuses restent employées, de manière toujours plus intense, tout comme les LBD (lanceurs de balles de défense), qui se sont généralisés depuis 2014.

 

Ceux qui veulent empêcher la destruction du monde ne lâcheront pas

 

Durant la rébellion des Gilets jaunes en 2019, durant les manifestations contre les mégabassines à Sainte-Soline en 2023, on a ainsi vu se multiplier des blessés graves et plongés dans le coma, des yeux arrachés, des mains mutilées... L’État français ne pratique plus le maintien de l’ordre, il pratique une répression violente visant à dissuader quiconque de manifester, quel qu’en soit l’objet ou la forme. Le résultat paradoxal en est de faire monter le degré de violence nécessaire pour se faire entendre, et d’aller à l’encontre de la paix civile, qui devrait être le premier objectif de gouvernants responsables.

Tout ceci ne réussit pas à éteindre le sentiment de révolte. Alors que la mort de Vital Michalon avait durablement affaibli le mouvement antinucléaire, stupéfié par la violence répressive, celle de Rémi Fraisse n’a pas figé le mouvement écologiste. Malgré mille difficultés et un contexte général chaotique (attentats de 2015, crise du Covid en 2019, guerre d’Ukraine en 2022), l’énergie de celles et de ceux qui veulent empêcher la destruction du monde n’est pas dissipée sous les grenades, mais paraît s’amplifier d’année en année. Le botaniste Rémi Fraisse n’est pas mort en vain, et son visage serein reste une image pour la lutte : les défenseurs de la vie ne lâcheront pas face à l’obscur esprit des destructeurs du monde.

 

Source : https://reporterre.net/Remi-Fraisse-10-ans-apres-l-Etat-meurtrier-n-a-pas-etouffe-le-feu-de-la-revolte#forums

dimanche 27 octobre 2024

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