Défenseur
des victimes des pétroliers,
il est condamné
à six mois de prison
Steven Donziger. - © Amazon Watch |
4 octobre 2021
L’avocat Steven Donziger, défenseur historique des communautés autochtones d’Équateur face à la pollution du pétrolier Chevron, vient d’être condamné à six mois de prison pour outrage à magistrat. Pour ses défenseurs, il s’agit de la dernière étape d’un acharnement ciblé de la part d’une justice des États-Unis aux ordres des multinationales.
Deux ans d’assignation à résidence et maintenant six mois de prison : l’avocat Steven Donziger a été condamné vendredi 1er octobre pour un délit mineur d’outrage à magistrat. Par sa décision, la juge étasunienne Loretta Preska donne satisfaction au pétrolier Chevron et au juge Lewis Kaplan.
Steven Donziger est l’un des trois avocats qui ont osé, en 1993, attaquer le géant pétrolier étasunien Chevron au nom des communautés autochtones équatoriennes pour la pollution et l’empoisonnement leur région pendant 28 ans. Ils ont gagné en 2011 après presque 20 ans de procédure. Chevron a été condamnée par un juge équatorien à payer 9,5 milliards de dollars de dommages et intérêts aux habitants des zones dévastées pour les aider à remédier au désastre abandonné par Chevron.
27 milliards de bénéfices
Cette année-là, Chevron affichait un chiffre d’affaires de 253 milliards de dollars et un bénéfice de 27 milliards de dollars. La compagnie a refusé de payer, pour ne pas reconnaître sa responsabilité ni de créer de précédent : cela aurait ouvert la porte à d’autres procès, car les cas de graves pollutions dues à l’exploitation pétrolière sont nombreux.
Chevron, alors Texaco, a pourtant admis avoir délibérément déversé en trente ans plus de 70 milliards de litres de déchets pétroliers dans la forêt amazonienne. Les dirigeants de Chevron n’ont jamais présenté d’excuses ni fait aucun effort pour nettoyer ces déchets toxiques ou aider les dizaines de milliers de personnes rendues malades par la consommation d’une eau empoisonnée. Au contraire, ils font tout pour empêcher que le jugement équatorien soit exécuté et que les communautés soient indemnisées.
Donziger a déjà été condamné en 2014 par le juge Kaplan pour extorsion et racket sur la foi d’un témoignage acheté. Le fait que le témoin l’ait lui-même avoué devant un autre tribunal n’a pas empêché Kaplan de le condamner. En juin 2019, prétendant vérifier que Donziger ne cachait pas des rentrées d’argent dues à Chevron, le juge Kaplan a exigé ses passeports, téléphones et ordinateur. Le refus de Donziger, au nom du secret professionnel, a déclenché le procès en outrage et la condamnation actuelle.
Juge et partie
Martin Garbus, avocat légendaire aux États-Unis qui défend gratuitement Steven Donziger, a qualifié la sentence de « scandaleuse ». De nombreux aspects de cette affaire sont sans précédent. Des tribunaux étasuniens ont à plusieurs reprises affirmé que le droit (de faire des bénéfices) d’une compagnie pétrolière a priorité sur les droits humains des autochtones de l’Amazonie équatorienne, et sur ceux de leurs avocats et défenseurs.
Le juge Kaplan est un ancien avocat de l’industrie du tabac connu pour ses déclarations et intérêts pro-Chevron. Les juges Kaplan et Preska ont des liens avec la Federalist Society, organisation ultraconservatrice et libertarienne, dont le sénateur Sheldon Whitehouse explique qu’elle « est le relais d’intérêts puissants, qui ne cherchent pas simplement à “réorganiser” le système judiciaire, mais à en acquérir le contrôle au profit de leurs intérêts. »
Loretta Preska a été choisie par le juge Kaplan, qui a choisi aussi l’avocate Rita Glavin pour porter l’accusation, les procureurs officiels ayant refusé de se saisir de l’affaire. Elle appartient à un cabinet d’avocats d’affaires qui a des liens connus avec Chevron.
« Un procès pour faire emprisonner et détruire Steven Donziger. »
« Toute cette affaire semble être un coup monté impliquant une connivence entre Kaplan, Preska, Glavin et les avocats de Chevron, qui apportent en douce leur soutien et leurs conseils sur la façon d’utiliser ce procès pour faire emprisonner et finalement détruire Steven Donziger », a déclaré Marcus Garbus, qui a aussi représenté Nelson Mandela, Daniel Ellsberg, ou encore César Chávez.
Le 24 septembre dernier, le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a demandé au gouvernement étasunien de libérer immédiatement Steven Donziger, de lui verser une indemnité compensatoire et d’ouvrir une enquête. Lors du prononcé de la sentence, Mme Preska a rejeté la demande du groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire. Citant un dicton avec une violence verbale inouïe, elle a dit que « seul le proverbial deux par quatre entre les yeux lui ferait respecter de la loi », comparant ainsi Donziger à une mule refusant de bouger jusqu’à ce que son maître prenne un bâton d’une taille de 2 pouces sur 4 et la frappe entre les yeux, le fermier expliquant que c’est pour attirer son attention.
Pour Amnesty International : « Les autorités américaines doivent mettre en œuvre sans délai la décision du groupe de travail des Nations unies et libérer Steven Donziger. » Amnesty constate une tendance alarmante aux États-Unis notamment, qui consiste à cibler et à harceler les défenseurs des droits humains et lanceurs d’alerte par des attaques au pénal et des procès bâillon (SLAPP).
« L’histoire montrera qui sont les vrais criminels : Chevron et son armée de laquais », avait résumé juste après sa condamnation en mai 2021, Ronald Kuby, lui aussi défenseur de Donziger. Les avocats de Donziger se sont déclarés prêts à faire appel, tandis que les militants en Équateur et à New York continuent à lutter pour que justice soit rendue à Donziger et à l’Amazonie équatorienne.
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