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lundi 1 mai 2017

Courrier de lecteur sur Les SDF au printemps

On a reçu ça :
Le printemps des SDF

Ce jeudi 27 avril, vers 19h15, je me hâtai vers la gare de Perpignan pour emprunter le dernier train vers le Soler, où je réside. Il n'y avait pas d'autobus et le temps avait été nettement froid depuis le matin.
J'avais appris ce matin là, par un SDF avec qui je parle de temps en temps sur la place Arago, que l'hébergement de nuit que leur proposent les services sociaux pendant l'hiver était fermé à une date fixe, censée représenter l'arrivée de la saison chaude. 
Malgré cette décision prise par quelques technocrates prétendant sans doute agir objectivement et abstraction faite de toute émotion, la radio avait mentionné le matin même des températures inférieures à zéro degré dans certaines régions.
Recroquevillé sur le trottoir contre le bas d'un immeuble, un être humain habillé d'une sorte de bleu de chauffe semblait dormir profondément. Mon informateur m'ayant dit qu'il dormait lui même sous un pont de Perpignan, je m'inquiétai de savoir où cet homme qui gisait devant moi passerait la prochaine nuit, qui s'annonçait bien froide bien que classée comme estivale par l'administration.
Je l'interpellai alors pour lui demander s'il voulait que je téléphone quelque part. Je pensais au 115, à la police, aux pompiers, à ces "maraudes" qu'on nous montre complaisamment à la Télévision à l'entrée de l'hiver. Il se réveilla à moitié et me répondit avec hésitation d'une voie pâteuse quelques mots que j'ai oubliés.
Toute cette aide devenait fictive dès que le printemps était décrété. Je pensai alors à tous ces propos suffisants qu'on nous tient et que nous tenons nous mêmes sur les SDF.
Parfois quelqu'un rappelle que l'espérance de vie de ceux qui dorment dans la rue est inférieure de plusieurs années à celle de la population générale. Nous sommes des barbares, des occidentaux riches pourtant, mais seulement de leur barbarie, fiers de leur économie, qui sauve les banques à coup de centaines de milliards, mais qui laisse glisser dans le caniveau ceux que le système néolibéral a éliminés de son sinistre jeu.
Plongé dans une sorte de fureur calme, je pensai alors à cette phrase prémonitoire de John Michael Greer dans "La fin de l'abondance" :
"Si notre civilisation industrielle périt, ce sera parce que les changements requis pour assurer sa survie ne sont pas assez rentables".
Vous avez dit "civilisation" ?
Jean Monestier, le Soler le 28 avril 2017. 
          

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