On a reçu ça :
Le printemps des SDF
Ce jeudi 27 avril, vers 19h15, je me hâtai vers la gare de
Perpignan pour emprunter le dernier train vers le Soler, où je réside.
Il n'y avait pas d'autobus et le temps avait été nettement froid depuis
le matin.
J'avais appris ce matin là, par un SDF avec qui je parle de
temps en temps sur la place Arago, que l'hébergement de nuit que leur
proposent les services sociaux pendant l'hiver était fermé à une date
fixe, censée représenter l'arrivée de la saison chaude.
Malgré cette
décision prise par quelques technocrates prétendant sans doute agir
objectivement et abstraction faite de toute émotion, la radio avait
mentionné le matin même des températures inférieures à zéro degré dans
certaines régions.
Recroquevillé sur le trottoir contre le bas d'un
immeuble, un être humain habillé d'une sorte de bleu de chauffe semblait
dormir profondément. Mon informateur m'ayant dit qu'il dormait lui même
sous un pont de Perpignan, je m'inquiétai de savoir où cet homme qui
gisait devant moi passerait la prochaine nuit, qui s'annonçait bien
froide bien que classée comme estivale par l'administration.
Je
l'interpellai alors pour lui demander s'il voulait que je téléphone
quelque part. Je pensais au 115, à la police, aux pompiers, à ces
"maraudes" qu'on nous montre complaisamment à la Télévision à l'entrée
de l'hiver. Il se réveilla à moitié et me répondit avec hésitation d'une
voie pâteuse quelques mots que j'ai oubliés.
Toute cette aide devenait
fictive dès que le printemps était décrété. Je pensai alors à tous ces
propos suffisants qu'on nous tient et que nous tenons nous mêmes sur les
SDF.
Parfois quelqu'un rappelle que l'espérance de vie de ceux qui
dorment dans la rue est inférieure de plusieurs années à celle de la
population générale. Nous sommes des barbares, des occidentaux riches
pourtant, mais seulement de leur barbarie, fiers de leur économie, qui
sauve les banques à coup de centaines de milliards, mais qui laisse
glisser dans le caniveau ceux que le système néolibéral a éliminés de
son sinistre jeu.
Plongé dans une sorte de fureur calme, je pensai alors
à cette phrase prémonitoire de John Michael Greer dans "La fin de
l'abondance" :
"Si notre civilisation industrielle périt, ce sera parce
que les changements requis pour assurer sa survie ne sont pas assez
rentables".
Vous avez dit "civilisation" ?
Jean Monestier, le Soler le 28 avril 2017.
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