Il a reçu plusieurs balles pendant la tuerie de janvier 2015 et en souffre encore.
Encore sur mon livre
Lecteurs et amis, je vous néglige : mon dernier article ici date de près d’un mois. Il était consacré à la sortie de mon dernier livre, Ce qui compte vraiment (Les liens qui libèrent, LLL). Il s’ajoute à cela un mauvais état physique, lié en partie à cette funeste matinée du 7 janvier 2015. Cela passera sûrement.
En tout cas, je reviens à mon livre, sorti le 22 février. Si vous avez envie, c’est maintenant, car le sort d’un livre se joue désormais dans les 15 premiers jours de sa parution. Vous trouverez ci-dessous son prologue. Et je vous salue bien, un peu rapidement, car au moment où je vous écris, je déguste un lot de douleurs bien peu agréables.
Voici l’introduction :
C’est bien étrange. D’un côté, le monde entier déborde de nouvelles angoissantes. De l’autre, chacun poursuit sa petite route, comme si de rien n’était. L’accélération de l’effet de serre fait basculer l’un des systèmes essentiels de la vie sur terre.
Relativement stable depuis 12 000 ans, le climat est devenu chaotique, de plus en plus imprévisible à terme, et menace de dislocation de nombreuses sociétés humaines. Je rappelle que ces 12 000 années passées, ô combien favorables à l’activité humaine, ont vu naître l’agriculture et des structures historiques glorieuses, entres autres l’Empire jaune en Chine, la civilisation de la plaine du Gange en Inde, l’Égypte des Pharaons, la Grèce antique et Rome, les Incas, les Aztèques. Que serions-nous sans la bienveillance du climat ?
Le reste est également connu. Les espèces et les espaces disparaissent à un rythme sans équivalent depuis bien avant les débuts de l’aventure humaine. Il existe même un consensus mondial, chez les biologistes de la conservation, pour affirmer que nous vivons la « sixième crise d’extinction » des espèces, la dernière ayant entraîné la disparition des dinosaures il y a 66 millions d’années. La chimie de synthèse a libéré dans tous les milieux des dizaines de millions de molécules différentes qui se marient constamment et dessinent le paysage plutôt sinistre d’un empoisonnement universel. Les sols agricoles et fertiles sont largement épuisés, érodés, stérilisés, au moment même où la population humaine s’approche des dix milliards d’habitants. Les forêts meurent, comme les océans, et les cours d’eau sont gorgés de miasmes et flanqués de barrages qui les transforment bien souvent en égouts à ciel ouvert. Je n’ai pas le cœur d’en dire plus, car le constat est indiscuté.
L’époque, inouïe à bien des égards, demanderait des géants d’une taille encore inédite, et ne nous offre qu’une collection pathétique de Lilliputiens se battant entre eux pour les flonflons d’une fête terminée depuis longtemps. Il y a concours national – et international – de la pensée magique, du coup de menton suivi d’un coup de gueule, de griffe, de matraque. Les institutions que l’on croyait solides menacent ruine. La sécurité sociale agonise, la retraite sent le fagot, l’école est une impasse sans fond, le travail disparaît dans le moindre trou du chemin, la nourriture même est surchargée de molécules toxiques. Et l’eau. Et l’air. Et toute la vie.
Ce serait donc le moment du suicide. L’idéal contemporain serait d’annoncer sa mort en direct sur les réseaux sociaux, ce territoire de western où quelques-uns font la loi à leur profit intégral. Mais je crois que je vais passer mon tour. Je ressens tout au contraire la nécessité de relever la tête, et de sortir enfin de la sempiternelle lamentation.
Oui, il est vrai, et chacun le sait, que tout disparaît à vive allure. Les espaces, les espèces, la forêt, l’océan, l’éléphant, l’abeille, le requin, le papillon. Dans ces conditions, et sauf phénoménal sursaut, l’homme va connaître les heures les plus terribles de son existence terrestre. Y a-t-il espoir ? Je le pense, contre certaines évidences. Mais cela suppose une énergie collective dont on peut douter qu’il soit encore possible de la trouver dans de vieux pays fatigués comme la France. Inévitablement, on se demande – je me demande – si le souffle des grands soulèvements n’est pas épuisé. Car l’avenir exige bien davantage que ce qui a conduit à 1789, moment qui reste notre véritable gloire nationale. Le temps à venir aura besoin de valeurs qui paraissent être en perdition. De courage. De volonté. De solidarité. De coopération d’un bord à l’autre de toutes les mers.
Mais parions. Pour commencer d’avancer, pour imaginer un début d’ébranlement, il faut du mouvement. Ce que je vais vous présenter sans détour, ce sont des pistes. De vastes routes possibles où l’esprit des hommes peut s’engager sans trembler. Ainsi qu’on le verra, elles rompent tout contact avec les formes politiques existantes. Puisse cette présentation servir, aujourd’hui ou demain, ici ou bien encore là-bas.
Je vais vous parler de la France, car cela reste mon pays. Mais aussi du monde, car c’est aussi mon pays. Il faut oser penser autre chose, et ce pour tous les habitants de la Terre, hommes et femmes, végétaux et animaux, fleuves et rivières. J’ai la prétention d’affirmer que vous ne perdrez pas votre temps en lisant ces pages.
Source : http://fabrice-nicolino.com/?p=2559
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