A Paris,
des tailleurs de pierre
solidaires des migrants
Des tailleurs de pierre organisent samedi
25 février à Paris une action symbolique à la porte de la Chapelle,
pour dénoncer la présence de blocs de pierre empêchant l'installation de
migrants à proximité du centre d'hébergement aujourd'hui saturé.
Une action symbolique contre une violence symbolique. Des tailleurs de pierre se sont donné rendez-vous samedi 25 février sous le pont porte de la Chapelle à Paris, pour « bouger » la quarantaine de blocs de pierre que la mairie de Paris a installés le 10 février 2017, alors qu’il ventait et pleuvait, empêchant les migrants de se mettre à l’abri. Au cours des dernières semaines, beaucoup d’exilés avaient investi cet espace public, l’un des seuls susceptibles de les protéger des intempéries à proximité du centre de premier accueil de 400 places, aujourd’hui saturé. Ouvert en novembre 2016, ce lieu d’hébergement censé les accueillir est plein, si bien que les nouveaux arrivants n’ont d’autre choix que de dormir à la rue.
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Le projet des tailleurs de pierre est né de la lecture d’un billet de blog publié sur Mediapart le 12 février, intitulé La cruauté qui vient et signé de Marie Cosnay. L’enseignante et écrivaine y décrivait l’horreur qu’avait suscitée en elle la découverte de ces pierres. « Ainsi les personnes sans refuge ne pourront plus s’allonger, s’allonger les uns contre les autres, pour se tenir un peu chaud, sous ce pauvre abri qu’est le pont. Même pas un pont. Même pas les corps contre les corps. Des pierres au lieu des corps », écrivait-elle. Dans les jours qui ont suivi, plusieurs personnes se sont rassemblées sur place de manière spontanée pour dénoncer cette installation dont la mairie conteste qu’elle ait pour but d’empêcher l’apparition d’un campement.
Sculpteur sur pierre depuis vingt ans, Frédéric a lui aussi écrit et diffusé sur les réseaux sociaux plusieurs textes pour exprimer son indignation. « Quand j’ai vu ces blocs, j’ai pensé à un cimetière de pierres. J’ai vu des gens essayer de les déplacer, mais ils n’y arrivaient pas tellement c’était lourd. L’idée a commencé à circuler que, nous, les pierreux, ne pouvions pas ne rien faire. Les cailloux, c’est notre métier. Nous savons comment leur donner du sens, comment transformer l’hostilité en accueil », explique-t-il. Ses écrits ont rencontré un certain écho auprès de ses confrères qui, comme lui, travaillent dans la restauration du patrimoine.
Un groupe Facebook, Cœurs de Pierre et Solidaires, a été créé. Après avoir rencontré des migrants, dont certains occupent les interstices laissés vacants entre les pierres, et les collectifs de soutien qui interviennent dans les alentours en distribuant des couvertures et des repas, certains d’entre eux ont décidé d’organiser une action symbolique. Munis de leurs outils, une dizaine de tailleurs de pierre ont prévu d’être présents. Leur projet est d’intervenir samedi toute la journée, à l’aide de barres de fer et de morceaux de bois, afin de « bouger » ces blocs de 500 kilos à une tonne chacun pour « faire de la place ». « Nous verrons avec les migrants comment les disposer pour qu’ils puissent se mettre à l’abri. De fait, les pierres ont une certaine utilité : elles coupent le vent », indique-t-il. Puis, avec leurs massettes et leurs ciseaux, ils ont l’intention de graver les pierres afin d’y sculpter des messages d’hospitalité. « Nous avons pensé aux paroles de la chanson des Bérurier noir, "Salut à toi le Somalien, salut à toi le Soudanais" », indique-t-il.
« Ces pierres en calcaire d’un coût de 100 euros la pièce proviennent des carrières de Saint-Maximin dans l’Oise, elles servent habituellement à rénover les façades des immeubles et des grands monuments de la capitale. Nous devons leur redonner leur fonction première, qui est celle d’abriter, de protéger », insiste-t-il. Lors de leur action, les tailleurs de pierre ont prévu d’installer une sorte de périmètre de sécurité. « Les personnes pourront regarder, mais nous allons agir seuls pour éviter les accidents », dit-il. « Nous n’avons pas informé la préfecture, car il ne s’agit pas d’un rassemblement. Cela dit, nous sommes conscients que nous nous situons dans un cadre juridique flou. Nous ne savons pas à qui appartiennent ces pierres et d’ailleurs si elles appartiennent à quelqu’un. Nous voulons juste permettre aux migrants de se reposer. »
À certains égards, cette action en rappelle d’autres, comme la mobilisation d’architectes, d’enseignants et d’agriculteurs venus apporter leur savoir-faire, pour les uns à Calais lorsque le bidonville existait encore, pour d’autres dans la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Frédéric explique que l’aide apportée aux réfugiés par des habitants de la vallée de la Roya, non loin de la frontière italienne, l’a « beaucoup touché ». La solidarité porte ses fruits : il vient d’être contacté par une famille vivant en Île-de-France et accueillant un réfugié afghan, lui aussi tailleur de pierre dans son pays d’origine. « J’ai pu voir en photo certaines de ses réalisations, nous allons lui trouver du travail », se réjouit-il.
Dans un communiqué publié le 15 février, la mairie (PS) assure que les blocs de pierre ne constituent en rien un dispositif « anti-migrants » et que leur déplacement à cet endroit s’explique par le fait que le pont devrait « prochainement faire l’objet de travaux ». « Il est particulièrement incongru de penser que la Ville de Paris compte “sécuriser” son espace public avec des pierres, qu’elle disposerait sur toutes ses places, ses rues ou ses trottoirs », se défend-elle. Force est pourtant de constater que la plupart des espaces un temps occupés par des campements dans la capitale, par exemple autour des stations de métro Jaurès et Stalingrad dans le XIXe arrondissement, sont désormais ceints de hauts grillages qui les rendent inaccessibles.
« C’est une polémique regrettable », insiste-t-on dans l’entourage d’Anne Hidalgo. « Le cœur du problème est que des personnes sont obligées de dormir à la rue », souligne-t-on en rappelant que cela n’arriverait pas si le centre de premier accueil fonctionnait normalement. Or, des « dysfonctionnements majeurs » sont constatés, comme l’indique Médecins du monde, en raison du manque de moyens mis à disposition par l’État : les 200 places supplémentaires promises par le gouvernement ne sont toujours pas disponibles ; les entretiens administratifs réalisés à l’entrée du centre sont insuffisants pour accueillir les 70 à 80 nouveaux arrivants quotidiens (leur nombre est passé de 45 à 55 au cours des dernières semaines) ; à la sortie, les orientations vers des centres d’hébergement dédiés aux demandeurs d’asile ont, quant à elles, connu un net ralentissement (passant d’en moyenne 300 par semaine à 60 la semaine dernière), achevant d’enrayer le dispositif.
Si ce n’est pas le cas de Paris, certaines municipalités assument l’usage dissuasif des blocs de pierre. Beaucoup d’habitants de campements de fortune, notamment ceux originaires de Roumanie et de Bulgarie, en font les frais, comme à Ris-Orangis en Essonne où, dès 2012, des rochers avaient été disposés par la mairie PS à l’entrée d’un bidonville, empêchant les habitants d’entrer ou de sortir de chez eux (lire notre article). Dans la même logique, plus récemment, à Calais, la ville (LR) a bloqué à l’aide de bennes à ordures l’accès à l'un des bâtiments du Secours catholique, pour empêcher les migrants d’accéder aux douches (lire l'article d'Haydée Sabéran) – une pratique condamnée le 20 janvier par la justice.
Source : https://www.mediapart.fr/journal/france/240217/paris-des-tailleurs-de-pierre-solidaires-des-migrants?utm_source=facebook&utm_medium=social&utm_campaign=Sharing&xtor=CS3-66
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Paris : des tailleurs de pierres s'attaquent aux "blocs anti-migrants"
Par Amandine Seguin avec AFP, publié le , mis à jour à
Une dizaine de tailleurs de pierres ont déplacé des blocs mis en place par la mairie de Paris, ce samedi matin sous un pont situé à côté de la porte de la Chapelle, dans le nord de Paris.
Ils sont venus de toute la France. Ce samedi matin, une dizaine de tailleurs de pierres se sont donnés rendez-vous à la porte de la Chapelle, dans le nord de Paris. Depuis deux semaines, la mairie a placé des blocs de pierre, sous un pont. Un lieu où des réfugiés avaient l'habitude de passer la nuit aux abords du centre humanitaire pour les migrants.
Jane Sautière
"Donner du sens à ce tas de cailloux"
L'objectif ? "Nous souhaitions intervenir sur ces blocs afin de laisser de l'espace aux personnes sur place mais aussi de les sculpter pour le symbole", précise-t-il. "L'idée était de graver les pierres pour donner du sens à ce tas de cailloux en inscrivant par exemple des noms de personnes décédées en mer ou des citations", poursuit Fred Thibault.
Jane Sautière
Jane Sautière
Une nouvelle opération ?
Reste que ces blocs empêchent les personnes de s'installer pour passer la nuit. Une situation qui a révolté les tailleurs de pierres. "Notre objectif était d'alerter et de pointer du doigt la situation", assure Fred Thibault. L'arrivée des forces de l'ordre a stoppé leur action. "Nous avons préféré partir avant que la police n'intervienne pour éviter de nuire aux migrants", témoigne le tailleur de pierres. Cependant il n'est pas impossible qu'ils renouvellent l'expérience. "Nous allons contacter la mairie de paris pour leur demander une autorisation de sculpter ces blocs. Si la réponse est négative, on y retournera peut-être en mode pirate", assure-t-il.
Plus de 5000 personnes ont été prises en charge dans le centre humanitaire pour les migrants en trois mois de fonctionnement, dont 3740 hommes, essentiellement afghans et soudanais. Le climat s'est toutefois tendu depuis plusieurs semaines en raison d'un afflux de migrants: selon plusieurs sources, 400 d'entre eux dorment autour du centre, le long des grilles ou sur le terre-plein du boulevard Ney.
Source : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/paris-des-tailleurs-de-pierres-s-attaquent-aux-blocs-anti-migrants_1882949.html
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