(AMG : Auditeur/trice Modeste et Géniale)
La Ferme de Bellevue
Bellevue
44130 Notre Dame des Landes
Avec le soutien de la Coordination des opposants
Objet : Rester Ferme. Lettre ouverte
Monsieur François HOLLANDE
Palais de l’Elysée
55 rue du Faubourg Saint Honoré
75008 PARIS 8e
Notre Dame des Landes le 29 janvier 2013
Bellevue
44130 Notre Dame des Landes
Avec le soutien de la Coordination des opposants
Objet : Rester Ferme. Lettre ouverte
Notre Dame des Landes le 29 janvier 2013
Monsieur le Président,
Je suis Belle vue du ciel : je crois que vos hommes m’ont remarquée, ils me passent au-dessus depuis des mois, dans leur hélicoptère, chaque semaine, parfois chaque jour, parfois plusieurs fois par jour.
Depuis bientôt deux siècles que des paysans et paysannes sont arrivés ici pour vivre de la terre, depuis bientôt deux siècles qu’ils m’ont construite à la sueur de leur front, apportant au fil des décennies des améliorations et extensions pour loger leur famille et leurs animaux, les fourrages et le matériel agricole, le sentiment d’être utile ne m’a jamais quittée.
Certains disent que je ne suis qu’un tas de pierres ; je surprends des conversations inquiétantes depuis quelques années à ce sujet.
Mes habitants paysans et paysannes ont aimé trouver dans mon corps de ferme l’abri, la chaleur, la sécurité, trouver ici un sens à leur vie, la tranquillité et le refuge, le repos après des journées de travail éprouvantes. Ils ont souffert aussi, beaucoup, j’en suis témoin, mais grâce à moi ils ont tenu bon dans les périodes de doute, repère et repaire qui ne les jugeait pas.
Croyez-vous qu’ils aient choisi au hasard de me nommer ainsi : Bellevue ?
Certes je ne suis pas un château, je ne suis pas « moderne », je suis une vieille, mais pour moi voilà ce qui compte dans la vie d’une maison, d’un lieu de vie, d’un lieu de travail: rendre service aux gens simples, aux revenus modestes, être à leur portée, voilà ce qui me semble noble et dont je suis si fière.
Fière de ce que j’ai permis, car je sais que vous le savez, mais je vois que les humains l’ont un peu oublié : ce que j’ai permis en abritant ces humains et leurs animaux, c’est la production de nourriture. Sans ferme comme Bellevue, la famine s’abattrait sur l’Humanité.
La ville est au centre de toutes les attentions, le développement économique, la vitesse, courir, voler, communiquer, voyager, et HOP !, plus besoin de manger, de se nourrir, de déguster ?
J’ai l’impression qu’il est urgent de se réveiller. Voilà pourquoi je m’adresse à vous en ces jours sombres.
Certaines conversations entre mes murs m’ont fait douter : serais-je promise à la destruction, à disparaitre à jamais ? Il parait qu’il faudrait que le rouleau compresseur avance pour anéantir le mouvement d’opposition au projet d’aéroport. J’ai entendu que la maison de Saint-Jean-du-Tertre a été démolie en toute discrétion la semaine dernière. Par toutes ces destructions de l’automne 2012, des dizaines de mes sœurs ont été rasées, anéanties. Dans la violence et la précipitation, en choquant des millions de citoyens qui aujourd’hui organisent la résistance à cette guerre insensée.
Ces destructions sont inutiles, vous le savez, puisque ce projet d’aéroport sera abandonné.
Cet aéroport ne verra jamais le jour, « C’est la dernière des idées à avoir » disait récemment Jean-Marc Jancovici. L’autre jour un visiteur chargé de me vider a laissé trainer un journal sur la table, j’ai donc aperçu ceci dans un article du Figaro : « Pour l'Union des démocrates et indépendants (UDI) de Jean-Louis Borloo, le projet d'aéroport devrait être abandonné. Le parti a appelé dimanche le gouvernement à «suspendre» le projet «après qu'il a enfin compris qu'il fallait engager une concertation.» «À l'évidence, le projet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes est intenable sur le plan économique et injustifiable sur le plan écologique», affirme la formation centriste. »
C’est pour cette raison précisément que j’ai repris espoir : « La ferme de Bellevue restera debout, nous la défendrons et nous cultiverons ses terres. Ces bâtiments serviront encore et encore, au fil des saisons, et seront un des emblèmes de la lutte des paysans et des citoyens vigilants ». A la veillée de dimanche soir ces murmures entre mes murs m’ont touchée au cœur. Ces paysans et ces citoyens ont compris plus que d’autres qu’une ferme a une âme, qu’elle n’est pas qu’un tas de pierres.
ACIPA de chez moi La Vache Rit. Y ADECA plus grave que moi, des maisons menacées, avec des gens dedans, qui ont décidé de rester. Chez moi ce sont de nouveaux habitants qui s’installent. Avec les pressions incessantes pendant des années, mes derniers serviteurs et protégés ont jeté l’éponge, ils ont accepté les conditions pour refaire leur vie. Je les comprends et les respecte. Ils ont le droit à la tranquillité. A toutes fins utiles, j’avais quand même prévu le coup : j’ai quelques amies dans les landes de Notre-Dame, sans droit ni titre diriez-vous, enfin pas vraiment, mes amies les chauves-souris sont arrivées à la rescousse, les voilà installées depuis quelques temps, me servant de protection, et si heureuses de dormir dans mes recoins.
César ne peut rien contre des chauves-souris, c’est bien connu.
Et puis dimanche soir j’ai entendu le bruit des moteurs, non ce n’était pas l’hélicoptère, mais les tracteurs vigilants du COPAIN 44 qui s’approchaient. Ils m’ont entourée, je dois vous avouer que je n’avais jamais rien ressenti d’aussi intense, l’envie de vivre encore longtemps … avec eux.
Vous aurez compris, Monsieur le Président, que je ne sollicite pas une rencontre à l’Elysée. Contrairement aux signataires des précédents courriers je ne suis pas mobile. Je suis de garde ici depuis deux siècles et pour encore des décennies. Ma place est ici, et c’est donc pour vous inviter que je vous écris. Si vous trouvez inconvenant de vous présenter simplement chez moi, vous pouvez passer inaperçu à bord de l’hélicoptère. Je suis convaincue que vous serez touché.
Mais soyez-en sûrs : les gens qui vivent ici ont mis beaucoup d’espoir dans votre élection, ils croient au changement que vous avez promis, ils ont aimé vos paroles d’apaisement en avril 2012. Vous pouvez venir à leur rencontre chez moi, vous serez le bienvenu.
Rester ferme : oui je veux rester « ferme de Bellevue », je veux servir mon pays, à ma manière. Des fermes nombreuses, viables, vivables, durables. Pour une alimentation de qualité, pour une vie rurale apaisée, dense en emplois utiles.
Comptant sur votre bienveillante attention pour les chauves-souris, les paysans et les citoyens engagés pour ma protection, je vous prie de recevoir, Monsieur le Président, l’assurance de mon plus profond respect.
La ferme de Bellevue.
Je suis Belle vue du ciel : je crois que vos hommes m’ont remarquée, ils me passent au-dessus depuis des mois, dans leur hélicoptère, chaque semaine, parfois chaque jour, parfois plusieurs fois par jour.
Depuis bientôt deux siècles que des paysans et paysannes sont arrivés ici pour vivre de la terre, depuis bientôt deux siècles qu’ils m’ont construite à la sueur de leur front, apportant au fil des décennies des améliorations et extensions pour loger leur famille et leurs animaux, les fourrages et le matériel agricole, le sentiment d’être utile ne m’a jamais quittée.
Certains disent que je ne suis qu’un tas de pierres ; je surprends des conversations inquiétantes depuis quelques années à ce sujet.
Mes habitants paysans et paysannes ont aimé trouver dans mon corps de ferme l’abri, la chaleur, la sécurité, trouver ici un sens à leur vie, la tranquillité et le refuge, le repos après des journées de travail éprouvantes. Ils ont souffert aussi, beaucoup, j’en suis témoin, mais grâce à moi ils ont tenu bon dans les périodes de doute, repère et repaire qui ne les jugeait pas.
Croyez-vous qu’ils aient choisi au hasard de me nommer ainsi : Bellevue ?
Certes je ne suis pas un château, je ne suis pas « moderne », je suis une vieille, mais pour moi voilà ce qui compte dans la vie d’une maison, d’un lieu de vie, d’un lieu de travail: rendre service aux gens simples, aux revenus modestes, être à leur portée, voilà ce qui me semble noble et dont je suis si fière.
Fière de ce que j’ai permis, car je sais que vous le savez, mais je vois que les humains l’ont un peu oublié : ce que j’ai permis en abritant ces humains et leurs animaux, c’est la production de nourriture. Sans ferme comme Bellevue, la famine s’abattrait sur l’Humanité.
La ville est au centre de toutes les attentions, le développement économique, la vitesse, courir, voler, communiquer, voyager, et HOP !, plus besoin de manger, de se nourrir, de déguster ?
J’ai l’impression qu’il est urgent de se réveiller. Voilà pourquoi je m’adresse à vous en ces jours sombres.
Certaines conversations entre mes murs m’ont fait douter : serais-je promise à la destruction, à disparaitre à jamais ? Il parait qu’il faudrait que le rouleau compresseur avance pour anéantir le mouvement d’opposition au projet d’aéroport. J’ai entendu que la maison de Saint-Jean-du-Tertre a été démolie en toute discrétion la semaine dernière. Par toutes ces destructions de l’automne 2012, des dizaines de mes sœurs ont été rasées, anéanties. Dans la violence et la précipitation, en choquant des millions de citoyens qui aujourd’hui organisent la résistance à cette guerre insensée.
Ces destructions sont inutiles, vous le savez, puisque ce projet d’aéroport sera abandonné.
Cet aéroport ne verra jamais le jour, « C’est la dernière des idées à avoir » disait récemment Jean-Marc Jancovici. L’autre jour un visiteur chargé de me vider a laissé trainer un journal sur la table, j’ai donc aperçu ceci dans un article du Figaro : « Pour l'Union des démocrates et indépendants (UDI) de Jean-Louis Borloo, le projet d'aéroport devrait être abandonné. Le parti a appelé dimanche le gouvernement à «suspendre» le projet «après qu'il a enfin compris qu'il fallait engager une concertation.» «À l'évidence, le projet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes est intenable sur le plan économique et injustifiable sur le plan écologique», affirme la formation centriste. »
C’est pour cette raison précisément que j’ai repris espoir : « La ferme de Bellevue restera debout, nous la défendrons et nous cultiverons ses terres. Ces bâtiments serviront encore et encore, au fil des saisons, et seront un des emblèmes de la lutte des paysans et des citoyens vigilants ». A la veillée de dimanche soir ces murmures entre mes murs m’ont touchée au cœur. Ces paysans et ces citoyens ont compris plus que d’autres qu’une ferme a une âme, qu’elle n’est pas qu’un tas de pierres.
ACIPA de chez moi La Vache Rit. Y ADECA plus grave que moi, des maisons menacées, avec des gens dedans, qui ont décidé de rester. Chez moi ce sont de nouveaux habitants qui s’installent. Avec les pressions incessantes pendant des années, mes derniers serviteurs et protégés ont jeté l’éponge, ils ont accepté les conditions pour refaire leur vie. Je les comprends et les respecte. Ils ont le droit à la tranquillité. A toutes fins utiles, j’avais quand même prévu le coup : j’ai quelques amies dans les landes de Notre-Dame, sans droit ni titre diriez-vous, enfin pas vraiment, mes amies les chauves-souris sont arrivées à la rescousse, les voilà installées depuis quelques temps, me servant de protection, et si heureuses de dormir dans mes recoins.
César ne peut rien contre des chauves-souris, c’est bien connu.
Et puis dimanche soir j’ai entendu le bruit des moteurs, non ce n’était pas l’hélicoptère, mais les tracteurs vigilants du COPAIN 44 qui s’approchaient. Ils m’ont entourée, je dois vous avouer que je n’avais jamais rien ressenti d’aussi intense, l’envie de vivre encore longtemps … avec eux.
Vous aurez compris, Monsieur le Président, que je ne sollicite pas une rencontre à l’Elysée. Contrairement aux signataires des précédents courriers je ne suis pas mobile. Je suis de garde ici depuis deux siècles et pour encore des décennies. Ma place est ici, et c’est donc pour vous inviter que je vous écris. Si vous trouvez inconvenant de vous présenter simplement chez moi, vous pouvez passer inaperçu à bord de l’hélicoptère. Je suis convaincue que vous serez touché.
Mais soyez-en sûrs : les gens qui vivent ici ont mis beaucoup d’espoir dans votre élection, ils croient au changement que vous avez promis, ils ont aimé vos paroles d’apaisement en avril 2012. Vous pouvez venir à leur rencontre chez moi, vous serez le bienvenu.
Rester ferme : oui je veux rester « ferme de Bellevue », je veux servir mon pays, à ma manière. Des fermes nombreuses, viables, vivables, durables. Pour une alimentation de qualité, pour une vie rurale apaisée, dense en emplois utiles.
Comptant sur votre bienveillante attention pour les chauves-souris, les paysans et les citoyens engagés pour ma protection, je vous prie de recevoir, Monsieur le Président, l’assurance de mon plus profond respect.
La ferme de Bellevue.
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