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mercredi 23 mars 2022

Les dinosaures, l’« hiver nucléaire » et la ville de Prypiat

 

Les dinosaures, 

l’« hiver nucléaire » 

et la ville de Prypiat

 

PHOTO GLEB GARANICH, ARCHIVES REUTERS

Un cheval sauvage de Przewalski dans la forêt près de la centrale nucléaire Tchernobyl, à Prypiat, en 2021


 


 

Boucar Diouf Humoriste, conteur, docteur en biologie et animateur

 

 

 

 

Entendre les spécialistes et commentateurs évoquer la possibilité d’une guerre nucléaire m’a donné le goût de faire cette chronique au titre un peu bizarre, je dois l’avouer. Mais je vais essayer de mettre en évidence les liens entre les trois composantes.

Publié le 19 mars
 

Les dinosaures

Bien avant que l’humain se pointe le nez dans la biosphère, la Terre a connu cinq extinctions de masse, dont la dernière a emporté les dinosaures. Une météorite d’une dizaine de kilomètres de large tombée à Chicxulub, au Mexique, il y a 66 millions d’années, aurait causé en grande partie la cinquième extinction. La grosse roche venue du ciel est tombée sur un relief de gypse bien friable de la péninsule du Yucatán. Alors, comme une pomme lancée à haute vitesse dans une préparation de farine, les projections engendrées par l’impact de la météorite se répandront dans l’atmosphère. Des composés soufrés qui redescendront ensuite sous forme de pluies acides. Ce qui provoquera un anéantissement de la végétation sur le continent et une acidification des océans suffisamment importante pour anéantir massivement la vie planctonique, qui est à la base des chaînes alimentaires en milieu aquatique. En plus de cette hécatombe d’origine chimique, le nuage de poussière provenant de cet impact empêchera significativement les rayons solaires d’atteindre la Terre et nuira à la croissance des plantes pendant des années. L’anéantissement de la production végétale sera le début de grande famine, à son tour fatale pour la faune.

Les scientifiques pensent aussi que lorsque la météorite a heurté la Terre, elle a engendré de gigantesques incendies dans l’hémisphère occidental. Ajoutez le dioxyde de carbone et la fumée provenant de ces brasiers aux pluies acides, nuages de poussière et hécatombes végétales, et vous avez un cocktail mortel pour 70 % des espèces de la biosphère. Cet accident céleste du jurassique aurait exterminé tous les animaux qui avaient une taille supérieure à celle d’un loup, dont évidemment tous les grands dinosaures. Certains plus petits survécurent et devinrent les ancêtres des oiseaux. Il suffit de regarder les pattes écailleuses d’une poule pour se convaincre que les dinosaures n’ont pas été complètement effacés de la surface de la Terre pendant la cinquième extinction de masse.

Les dinosaures avaient régné dans les airs, dans les eaux et sur la terre pendant 175 millions d’années avant de laisser la place aux mammifères qui vivaient dans leur ombre. N’en déplaise donc à la sagesse populaire, c’est une montagne tombée du ciel qui a accouché de la souris qui, il faut le rappeler, est un mammifère. Pour cause, lorsque les dinosaures sont partis, les petits protomammifères, surtout nocturnes, qui peinaient à trouver une place à l’ombre de ces géants, avaient maintenant le champ libre pour évoluer et se diversifier rapidement. Si bien qu’après le jurassique fatal aux grands sauriens, l’ère tertiaire a été baptisée celle des mammifères.

Ainsi va l’histoire de la biosphère. Les grandes catastrophes font toujours des victimes et des gagnants, un peu comme un nouvel empire émerge à côté d’une jadis très grande civilisation qui agonise.

La disparition des dinosaures a permis aux forces évolutives de couronner les mammifères, dont fait partie ce bipède qui brille par son absence de sagesse au sommet de l’arbre généalogique du vivant. Ce mammifère si intelligent et créatif qu’il a décortiqué profondément les lois de la nature et qu’il s’est fabriqué des armes capables de faire bien pire que la grosse roche qui a fait disparaître les dinosaures.

« Hiver nucléaire »

Oui, un affrontement nucléaire massif entre l’OTAN et la Russie peut provoquer une catastrophe semblable à celle qui a précipité la disparition des dinosaures. En plus, ici aussi, ce sont les conséquences sur le climat qui seraient, selon beaucoup de scientifiques, bien plus meurtrières que les effets directs des bombes sur la vie animale et végétale.

En septembre 2019, des chercheurs du laboratoire Science and Global Security (SGS) de l’Université de Princeton ont imaginé un scénario d’une guerre totale entre l’OTAN et la Russie. Bizarrement, en plus des dizaines de millions de morts et de blessés immédiats de cette confrontation nucléaire totale et massive, la suite de ce suicide planétaire ressemblerait un peu à celle qui a emporté les dinosaures. Parmi les autres conséquences anticipées par les auteurs, il y a les incendies incontrôlables qui enverraient des quantités astronomiques de suie et de fumée dans l’atmosphère ; une baisse de la température planétaire ; une réduction des précipitations ; une destruction massive de l’activité photosynthétique, et donc de l’agriculture, etc. Cet effet domino aurait des conséquences désastreuses sur les écosystèmes terrestres et aquatiques.

Advenant un tel affrontement, la Terre serait aussi enveloppée d’un écran de poussières radioactives avec des conséquences désastreuses sur la production alimentaire. Certains chercheurs parlent d’« hiver nucléaire » pour décrire les effets à long terme de ce nuage radioactif.

Ce concept popularisé par l’astrophysicien Carl Sagan est au cœur des effets destructeurs d’une guerre atomique massive. Un hiver nucléaire planétaire serait une catastrophe sur la production végétale et le début des grandes famines qui pourraient faire disparaître notre espèce. En 2013, l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW) a évalué ainsi qu’une guerre atomique massive entre l’Inde et le Pakistan pourrait, de cette façon, faire un milliard de morts et exposer 1,3 milliard de personnes aux radiations. Imaginez maintenant si l’embrasement devait être planétaire ou opposer les forces de l’OTAN et la Russie.

Avec les arsenaux dits de dissuasion, nous avons la possibilité de précipiter la fin de notre aventure planétaire. Tout ce que ça prend, c’est un détraqué fâché que personne n’ose raisonner de ne pas mettre son doigt dans l’engrenage. Il suffit d’une petite irresponsabilité d’ego pour accélérer la sixième extinction en cours et y inclure le genre humain, qui en est le principal responsable. Après notre départ, la Terre s’attellera immédiatement à reconstruire sa biosphère, comme en témoigne l’histoire de Prypiat.

Tchernobyl et Prypiat

Prypiat, c’est l’agglomération qui se trouve non loin de la centrale nucléaire de Tchernobyl, qui défraie la chronique pendant cette horrible invasion de l’Ukraine. Après l’accident mémorable de 1986, la bourgade a été abandonnée et est restée sans vie depuis. Disons sans vie humaine, car la nature a commencé à reprendre ses droits dès que les habitants ont quitté la ville pour ne plus revenir. Aujourd’hui, 36 ans plus tard, le lieu est devenu un modèle cité pour tous ceux qui s’intéressent à la grande résilience de la planète. Comme un petit laboratoire miniature, Prypiat nous montre pourquoi la Terre s’est relevée de cinq extinctions massives pendant son histoire et qu’elle pourrait survivre et digérer tous les produits de la civilisation humaine que l’on croit indestructible comme l’était le Titanic. Dans son livre intitulé Une vie sur notre planète, David Attenborough revient sur la métamorphose de la ville abandonnée depuis l’accident nucléaire. Aujourd’hui, quand on retourne sur le site de cette défunte et radioactive cité, les arbres ont repris le contrôle de la place. Les plantes ont ouvert les pavés, fait éclater l’asphalte et sont sorties de partout. Une forêt respectable a poussé dans la ville et a attiré une faune riche et diversifiée. Des biologistes y ont observé des renards, des élans, des cerfs, des loups, des sangliers, des bisons, des ours et bien d’autres. Bref, la prise de contrôle de mère Nature est déjà bien avancée.

L’histoire de la ville de Prypiat nous enseigne en ces temps sombres qu’il ne faut pas jouer avec le nucléaire.

Elle nous enseigne aussi que notre essentialité dans la biosphère n’est qu’une vision utopique d’une espèce dont la grande intelligence, l’ego démesuré, la génétique d’insatisfaction et la dépendance au pouvoir finiront par emporter à la même place que les dinosaures. Et nous, contrairement à ces immenses lézards du passé, on n’aura même pas besoin de l’aide du ciel pour provoquer le chaos. On fera ça tout seuls comme des grands.

L’humain a réussi le tour de force d’être son propre prédateur. Il a une telle imagination pour l’autodestruction et une incroyable propension à prendre les mauvaises décisions qu’il sera bientôt temps de le mettre encore une fois en tête de liste, devant toutes les autres espèces animales. Bien en haut de la liste des espèces menacées. 

 

Source :  https://www.lapresse.ca/debats/chroniques/2022-03-19/les-dinosaures-l-hiver-nucleaire-et-la-ville-de-prypiat.php?fbclid=IwAR13g7pV4fVbnOFrD6UeYS9fME5--PahUj6fZb8bIM0XFGNNrF5T3m4f5IE


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